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22/06/2023 | FRANCE | N°20/11594

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-5, 22 juin 2023, 20/11594


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-5



ARRÊT AU FOND

DU 22 JUIN 2023



N° 2023/







GM/KV





Rôle N°20/11594

N° Portalis DBVB-V-B7E-BGR4O







[J] [E]





C/



S.A.R.L. CANE CALDO COMPANY

























Copie exécutoire délivrée

le : 22/06/2023

à :



- Me Romain GUERINOT, avocat au barreau de NICE


>- Me Sabria MOSBAH, avocat au barreau de NICE

























Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NICE en date du 26 Octobre 2020 enregistré au répertoire général sous le n° F 19/00287.





APPELANTE



Mademoiselle [J] [E], demeurant [Adres...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-5

ARRÊT AU FOND

DU 22 JUIN 2023

N° 2023/

GM/KV

Rôle N°20/11594

N° Portalis DBVB-V-B7E-BGR4O

[J] [E]

C/

S.A.R.L. CANE CALDO COMPANY

Copie exécutoire délivrée

le : 22/06/2023

à :

- Me Romain GUERINOT, avocat au barreau de NICE

- Me Sabria MOSBAH, avocat au barreau de NICE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NICE en date du 26 Octobre 2020 enregistré au répertoire général sous le n° F 19/00287.

APPELANTE

Mademoiselle [J] [E], demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Romain GUERINOT, avocat au barreau de NICE substitué par Me Marie-Ange PAGANELLI, avocat au barreau de NICE

INTIMEE

S.A.R.L. CANE CALDO COMPANY, sise [Adresse 1]

représentée par Me Sabria MOSBAH, avocat au barreau de NICE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 02 Mai 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Gaëlle MARTIN, Conseiller, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Michelle SALVAN, Président de Chambre

Madame Frédérique BEAUSSART, Conseiller

Madame Gaëlle MARTIN, Conseiller

Greffier lors des débats : Mme Pascale ROCK.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 22 Juin 2023.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 22 Juin 2023

Signé par Madame Michelle SALVAN, Président de Chambre et Mme Karen VANNUCCI, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS ET PROCEDURE

Le 7 avril 2018, Mme [J] [E] a été engagée par la société Cane Caldo Company suivant contrat de travail à durée déterminée aux fonctions de serveur polyvalent, classé niveau 1, échelon 1.

Le contrat de travail stipulait que :

-le terme était fixé au 7 avril 2019,

-la salariée devrait travailler à hauteur de 39 heures par semaines,

-sa rémunération serait de 9,88 euros bruts de l'heure.

Les relations de travail ont été rompues avant le terme du contrat de travail à durée déterminée.

Par requête enregistrée le 27 mars 2019, Mme [J] [E] a saisi le conseil de prud'hommes de Nice notamment pour demander le paiement de diverses sommes tant au titre de l'exécution que de la rupture du contrat de travail à durée déterminée.

Par jugement du 26 octobre 2020, le conseil de prud'hommes de Nice a partiellement fait droit aux demandes de Mme [J] [E] et a :

-constaté la rupture anticipée abusive du contrat à durée déterminée de Mme [E] [J],

-débouté en conséquence, la société Cane Caldo Company de ses demandes, fins et conclusions,

-condamné la société Cane Caldo Company à payer à Mme [E] [J] les sommes suivantes:

721,04 euros a titre de rappel de salaire au titre du respect du contrat de travail

72,10 euros a titre de congés payes y afférents

834,86 euros a titre de dommages et intérêts pour rupture abusive du contrat de travail à durée déterminée ,

478,65 euros a titre d'indemnités de fin de contrat

1 669,72 euros a titre de dommages et intérêts pour irrégularité de la Procédure disciplinaire

500 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

-ordonné a la société Cane Caldo Company de remettre a Mme [E] [J] ses documents sociaux modifiés (certificat de travail, reçu pour solde de tout compte, et attestation pôle emploi) sans astreinte,

-condamné la société Cane Caldo Company aux entiers dépens,

-débouté les parties des autres demandes,

-dit n'y avoir lieu a statuer sur l'exécution provisoire.

Le 25 novembre 2020, Mme [J] [E] a interjeté un appel partiel du jugement.

Son appel est ainsi rédigé :

-L'appel tend à la réformation de ladite décision.

Au regard des moyens suivants :

Les premiers juges ont constaté la rupture abusive du contrat de travail de Mme [J] [E]

mais ne l'ont pas indemnisé du préjudice en découlant.

Par ailleurs, les premiers juges ont débouté Mme [J] [E] de ses demandes tendant à voir

la société Cane Caldo condamnée pour non-paiement des heures supplémentaires, travail dissimulé, rupture abusive du contrat de travail à durée déterminée et indemnité de fin de contrat alors que ses demandes étaient parfaitement fondées.

Alors que :

Le conseil de prud'hommes de Nice aurait dû condamner la société Cane Caldo à payer à Mme [J] [E] les sommes suivantes :

' 285,63 euros au titre de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires ,

' 28,56 euros de congés payés y afférents ,

' 10.018,32 euros au titre du travail dissimulé ,

' 20.000 euros de dommages et intérêts pour rupture abusive du contrat de travail

à durée déterminée ,

' 2.003,66 euros à titre d'indemnité de fin de contrat ,

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 6 avril 2023.

PRÉTENTIONS ET MOYENS

Par conclusions notifiée par voie électronique le 5 avril 2023, Mme [J] [E] demande à la cour de :

-la déclarer recevable en ses conclusions et bien fondée en ses demandes ,

-écarter des débats les pièces de la société Cane Caldo Company,

-juger irrecevables les pièces de la société Cane Caldo Company,

- juger la rupture anticipée abusive du contrat à durée déterminée,

-débouter en conséquence la société Cane Caldo Company de ses demandes, fins et conclusions,

-infirmer le jugement rendu le 26 octobre 2020 par le conseil de Prud'hommes de Nice en ce qu'il a débouté la salariée de ses demandes au titre du paiement des heures supplémentaires, de la demande d'indemnité au titre du travail dissimulé ainsi que la demande d'indemnité de fin de contrat ainsi que la demande pour rupture abusive du contrat de travail à durée déterminée,

en conséquence,

-condamner la société Cane Caldo Company à lui payer :

' 721,04 euros de rappel de salaires au titre du respect du contrat de travail

' 72,10 euros de congés payés y afférents

' 285,63 euros au titre de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires

' 28,56 euros de congés payés y afférents

' 10 018,32 euros au titre du travail dissimulé

' 20 000 euros de dommages et intérêts pour rupture abusive du contrat de travail à durée déterminée

' 2 003,66 euros à titre d'indemnité de fin de contrat

' 1 669,72 euros de dommages et intérêts pour irrégularité de la procédure disciplinaire

' 2 500 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

avec intérêts au taux légal à compter de la décision à intervenir pour les demandes à caractère indemnitaire, et capitalisation des intérêts,

- ordonner à la société Cane Caldo Company de lui remettre à ses documents sociaux modifiés (certificat de travail, reçu pour solde de tout compte et attestation Pôle Emploi) sous astreinte de 50 euros par jour de retard, à compter de la décision à intervenir ,

-condamner la société Cane Caldo Company aux dépens.

Pour s'opposer à la demande de l'employeur qui demande de constater l'absence d'effet dévolutif de sa déclaration d'appel, la salariée rétorque que s'il est vrai que la déclaration d'appel n'est pas dévolutive lorsqu'elle sollicite uniquement la réformation du jugement, elle conserve son effet dévolutif lorsqu'elle comprend les chefs de jugement critiqués.

A cet égard, sa déclaration d'appel faisait parfaitement état des chefs de jugement critiqués . Elle a bien un effet dévolutif.

Concernant sa demande tendant à voir écarter des débats les pièces de l'intimée, l'appelante expose que cette dernière ne lui a notifié aucune pièces ni aucun bordereau.

Sur l'exécution déloyale du contrat de travail par l'employeur, Mme [J] [E] soutient tout d'abord que ce dernier a manqué à son obligation de lui fournir du travail. Il n'a jamais planifié les 39 heures hebdomadaires prévus par le contrat de travail. Elle était rémunérée 151,67 heures au lieu des 169 heures mensuelles convenues contractuellement.

Il s'agit en espèce non pas de réclamer de paiement d'heures supplémentaires non effectuées, mais bien de respecter le contrat de travail. En conséquence, le conseil a condamné l'employeur à lui payer la somme de 721,04 euros au titre de rappel de salaire outre 72,10 euros de congés payés y afférents.

Sur sa demande en paiement d'heures supplémentaires, la salariée avance que outre le fait que la société Cane Caldo Company ne respectait pas la durée de travail prévue au contrat, elle n'hésitait pas à retirer des heures de travail pourtant effectivement réalisées par elle.

Sur sa demande tendant à voir déclarer abusive la rupture du contrat de travail à durée déterminée, la salariée fait valoir que rien ne démontre qu'elle aurait commis une faute grave. En outre, l'employeur considère désormais qu'elle était démissionnaire, alors même qu'elle a été clairement licenciée par son employeur, qui ne souhaitait plus qu'elle revienne travailler. La démission d'un salarié ne peut être équivoque. De surcroît, il sera rappelé que selon le principe « non bis in idem », l'employeur ne peut sanctionner deux fois un même fait.

Par conclusions notifiées par voie électronique le  3 avril 2023, la société Cane Caldo Company demande à la cour de :

- juger que la déclaration d'appel de Mme [E] n'a pas d'effet dévolutif et que la cour n'est pas saisie,

si par extraordinaire, la cour considérait être valablement saisie, infirmer la décision du conseil du en ce qu'il a jugé que :

-le contrat de travail a été rompu de manière anticipée,

- la procédure disciplinaire n'était pas respectée,

- la société n'aurait pas respecté le temps de travail,

- une indemnité de fin de contrat était due à la salariée,

statuant à nouveau, juger que :

- le contrat de travail de Mme [E] est un contrat saisonnier,

- il n'y a pas lieu à verser d'indemnité de fin de contrat ,

- les salaires ont été réglés,

- la société a respecté le temps de travail

- la société Cane Caldo company n'a pas manqué à ses obligations contractuelles,

- Mme [J] [E] est à l'initiative de la rupture de son contrat de travail en date du 2 juillet 2018,

en conséquence,

- débouter Mme [J] [E] de l'ensemble de ses demandes,

y ajoutant,

- juger que Mme [J] [E] sera condamnée à titre reconventionnelle à la somme de 445,25 euros à titre d'indemnité de préavis non exécuté,

- juger qu'il serait inéquitable de laisser supporter à la société Cane Caldo Company les frais irrépétibles qu'elle a dû exposer à l'occasion de la présente instance et condamner Mme [E] au paiement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de Procédure civile, outre les entiers.

Au soutien de sa demande tendant à faire constater à la cour l'absence d'effet dévolutif de l'appel de la salariée, l'employeur fait valoir que la déclaration d'appel de cette dernière ne reprend pas expressément les chefs de jugement critiqués.

Pour s'opposer à la demande de rappel de salaires de la salariée fondée sur la prétendue absence de fourniture d'un travail, l'employeur répond que la salariée ne venait pas travailler et que c'est pour cette raison qu'il n'a pas pu lui fournir du travail et la rémunérer. Mme [E] était en effet régulièrement absente sans justification ou en retard.

Concernant le rejet de la demande de rappel de rémunération pour heures supplémentaires, l'employeur affirme que la salariée ne démontre pas avoir réalisé de telles heures qui ne lui auraient pas été rémunérées ensuite.

Sur le rejet de la demande de la salariée tendant à voir déclarer abusive la rupture anticipée du contrat de travail à durée déterminée, l'employeur réfute tout abus. Il précise que la salariée a été absente à de nombreuses reprises comme cela ressort des plannings échanges de SMS entre elle et son employeur et qui est corroboré par les autres collaborateurs de l'entreprise.

Concernant la rupture du contrat de travail, la salariée doit au contraire être considérée comme démissionnaire sans équivoque.Enfin, il ne saurait par ailleurs être reproché à l'employeur d'avoir voulu donner une dernière chance à sa salariée, comme il a l'a déjà fait en mai 2018, lorsque cette dernière s'était comportée de la même manière, en s'absentant sans motif légitime pendant 3 jours.

MOTIFS

Sur la procédure

1-Sur la demande de revocation de l'ordonnance de clôture et sur la demande subsidiaire tendant à voir écarter des débats les conclusions de la salariée

La demande de l'employeur aux fins de révocation de l'ordonnance de clôture ou à titre subsidiaire aux fins de voir écarter des débats les conclusions de la salariée est intervenue d'abord oralement lors de l'audience du 2 mai 2023 puis par conclusions écrites en cours de délibéré.

Cette demande , qui n'a pas été valablement formée, ne saurait saisir la cour. En effet, pour ce qui est de la demande oralement formulée lors de l'audience, elle ne peut avoir eu aucun effet s'agissant d'une procédure écrite. Ensuite, concernant la demande formulée par voie de conclusions, celle-ci n'est pas recevable ayant été formée après la clôture des débats.

En conséquence, la cour rejette les demandes de procédure de la société Cane Caldo Compagny formulées d'abord oralement puis en cours de délibéré.

2-Sur l'effet dévolutif de la déclaration d'appel

L'article 562 du code de procédure civile dispose : L'appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent.La dévolution ne s'opère pour le tout que lorsque l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible.

Il résulte de cette disposition que seul l'acte d'appel opère la dévolution des chefs critiqués du jugement et, en conséquence, que lorsque la déclaration d'appel tend à la réformation du jugement sans mentionner les chefs de jugement qui sont critiqués, l'effet dévolutif n'opère pas.

Dans sa déclaration d'appel, l'appelant doit donc énumérer expressément les chefs critiqués du jugement.

En l'espèce, l'intimée prétendant que l'appelante n'a pas expressément critiqué les chefs du jugement dans sa déclaration d'appel, la cour doit examiner cette dernière afin de déterminer si l'appel est en effet dépourvu d' effet dévolutif.

-sur l'effet dévolutif concernant les demandes de rappels de salaires pour heures supplémentaires et pour indemnité pour travail dissimulé

Concernant les demandes de rappels de salaires pour heures supplémentaires et d'indemnité pour travail dissimulé, le le dispositif du jugement attaqué était rédigé ainsi:'Déboute les parties des autres demandes'.

Pour ce qui est de la déclaration d'appel concernant ce chef de ce jugement critiqué , elle est formulée ainsi : 'L'appel tend à la réformation de ladite décision.Au regard des moyens suivants :

Les premiers juges ont constaté la rupture abusive du contrat de travail de Mme [J] [E] mais ne l'ont pas indemnisé du préjudice en découlant.

Par ailleurs, les premiers juges ont débouté Mme [J] [E] de ses demandes tendant à voir la société Cane Caldo condamnée pour non-paiement des heures supplémentaires, travail dissimulé, rupture abusive du contrat de travail à durée déterminée et indemnité de fin de contrat alors que ses demandes étaient parfaitement fondées.'

La cour constate que le jugement déboute la salariée de ses demandes relatives aux heures supplémentaires et au travail dissimulé, ce que critique expressément cette dernière dans sa déclaration d'appel.

En conséquence, la déclaration d'appel a bien eu un effet dévolutif concernant ces deux demandes, dont la cour d'appel est régulièrement saisie.

-sur l'effet dévolutif concernant les chefs de jugement relatifs aux dommages-intérêts pour rupture abusive du contrat de travail et pour indemnité de fin de contrat.

Concernant ces chefs de jugement précis, le dispositif du jugement attaqué était rédigé ainsi :'condamne la société Cane Caldo Company à payer à Mme [E] [J] les sommes suivantes:(...)

834,86 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive du contrat de travail à durée déterminée ,

478,65 euros à titre d'indemnités de fin de contrat'.

La déclaration d'appel est formulée ainsi : 'L'appel tend à la réformation de ladite décision.Au regard des moyens suivants :

Les premiers juges ont constaté la rupture abusive du contrat de travail de Mme [J] [E] mais ne l'ont pas indemnisé du préjudice en découlant.

Par ailleurs, les premiers juges ont débouté Mme [J] [E] de ses demandes tendant à voir la société Cane Caldo condamnée pour non-paiement des heures supplémentaires, travail dissimulé, rupture abusive du contrat de travail à durée déterminée et indemnité de fin de contrat alors que ses demandes étaient parfaitement fondées.

En l'espèce , si l'appelante n'a pas recopié totalement fidèlement , dans sa déclaration d'appel, tous les termes des chefs de jugement expressément critiqués concernant les deux demandes litigieuses, aucune disposition du code de procédure civil ne lui imposait de reproduire intégralement lesdits chefs attaqués.

Mme [J] [E] a bien en revanche fait connaître à la cour les chefs de jugement dont elle demandait la réformation en des termes qui ne laissaient aucun doute sur lesdits chefs expressément critiqués. C'est ce qui importait pour faire produire un effet dévolutif à la déclaration d'apel.

En conséquence, la déclaration d'appel a bien eu un effet dévolutif concernant ces deux demandes, dont la cour d'appel est également saisie.

3-Sur les pièces

L'article 906 du code de procédure civile dispose :Les conclusions sont notifiées et les pièces communiquées simultanément par l'avocat de chacune des parties à celui de l'autre partie ; en cas de pluralité de demandeurs ou de défendeurs, elles doivent l'être à tous les avocats constitués.Copie des conclusions est remise au greffe avec la justification de leur notification.

Les pièces communiquées et déposées au soutien de conclusions irrecevables sont elles-mêmes irrecevable.

L'article 16 du code de procédure civile dispose : Le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction.Il ne peut retenir, dans sa décision, les moyens, les explications et les documents invoqués ou produits par les parties que si celles-ci ont été à même d'en débattre contradictoirement.Il ne peut fonder sa décision sur les moyens de droit qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations.

En l'espèce, l'appelante affirme que l'intimée ne lui pas notifié ses pièces produites dans le cadre de l'instance en appel.

Or, alors qu'il lui revient de démontrer l'effectivité de cette notification de pièces à la partie adverse, l'intimée est défaillant sur ce point. Elle ne produit aucune preuve de la communication de ses pièces.

Cependant, la cour relève que certaines des pièces qui ont été produites par l'employeur devant la cour d'appel sont également en possession de la partie adverse, quand bien même elles n'ont pas été notifiées à cette dernière. Ces pièces ne seront pas écartées des débats.

Il s'agit du contrat de travail du 7 avril 2018, des bulletins de salaires, des lettres du 18 juillet 2018, du 14 août 2018, du 29 août 2018, du 30 août 2018, du tableau des heures supplémentaires de mai 2018, du planning dit 'aéroport mai 2018", d'un planning correspondant à la pièce 15 de l'employeur.

La cour retiendra également la pièce n° 17 de l'employeur, dans la mesure où il s'agit d'un SMS qui a été intégralement repris par la salariée dans ses propres conclusions et enfin, les documents de fin de contrat produits par la salariée.

Le respect du principe du contradictoire conduit donc à écarter des débats les pièces produites par la société Cane Caldo Company sauf les pièces précédemment citées.

Sur le fond

Sur les demandes liées à l'exécution du contrat de travail

1-Sur la demande de rappels de salaires fondée sur l'absence de fourniture d'un travail

Aux termes de l'article 1353 du code civil ancien article 1315 du code civil:Celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver.Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation il appartient a l'employeur de prouver le paiement du salaire qu'il invoque .

Il appartient à l'employeur qui prétend avoir payé la totalité du salaire d'en rapporter la preuve , notamment par la production de pièces comptables.

Enfin, c'est à l'employeur de démontrer que la salariée a refusé d'exécuter son travail ou qu'elle ne s'est pas tenue à sa disposition.

Le contrat de travail stipule que Mme [J] [E] devait travailler à hauteur de 39 heures par semaine, ce qui correspond à une durée de travail de 169 heures par mois.

Cependant, les pièces produites aux débats établissent que l'employeur ne fournissait pas à la salarié la quantité d'heures de travail convenue au contrat et qu'il ne la rémunérait donc pas non plus à hauteur du contrat.

Ainsi, les bulletins de salaires de mai 2018 et de juin 2018 mentionnent que la salariée est rémunérée sur la base de 151, 67 heures seulement par mois, soit selon un nombre d' heures inférieur à ce qui avait été contractuellement prévu.L'employeur communique les bulletins de salaires d'avril 2018 et de juin 2018, qui ne comptabilisent également que 151, 67 heures de travail par mois.

Mme [J] [E] communique un planning des heures de travail à effectuer pour le mois de mai 2018, intitulé : 'Planning aéroport mai 2018", lequel mentionne que celle-ci devait travailler seulement 24 heures ce mois là.

La salariée a donc droit à un rappel de salaires sur la base de la durée de travail contractuellement convenue de 151,67 heures par mois, sous réserve de ne pas avoir été absente.

Concernant justement les absences de la salariée, l'employeur allègue que celle-ci cumulait les absences outre des arrivées tardives sur son poste de travail.

La charge de la preuve reposant sur lui, la cour doit examiner ses éléments de preuve.

S'agissant tant des trois jours d'absence de mai 2018 ainsi que des prises de poste tardive de la salariée, les pièces de la société Cane Caldo Company , sur ce point, ont été écartées des débats.

Pour ce qui est des retards et absences de la salariée pour juin 2018, les pièces produites par l'employeur ont ou bien été écartées des débats ou bien ne sont pas suffisamment claires et lisibles sur ce point.

Finalement, l'employeur ne parvient pas suffisamment à établir que la salariée a refusé d'exécuter son travail ou qu'elle ne s'est pas tenue à sa disposition aux dates indiquées par lui-même.

Pour calculer le rappel de salaires auquel elle a droit, sur la base de la durée de travail contractuellement convenue de 39 heures par semaine, la salariée fournit la méthode de calcul suivante, dont le détail n'est pas critiqué sérieusement par l'employeur :

'Or, Madame [E] ayant commencé son travail le 7 avril 2018, elle aurait dû être planifiée

117 heures en avril 2018, et 169 heures chaque mois jusqu'à la fin de son CDD, ce qui n'a pas

été le cas.

(Pièces n°2, 11 et 12)

117 ' 92 = 25 heures en avril 2018

169 ' 129 = 39,73 heures en mai 2018

169 ' 160,75 = 8,25 heures de travail en juin 2018

72,98 heures x 9,88 = 721,04 euros '

En conséquence, confirmant le jugement, la cour condamne la société Cane Caldo company à payer à Mme [J] [E] la somme de 721,04 euros au titre du rappel de salaire outre celle de 72,10 euros de congés payés y afférents.

2-Sur la demande en paiement des heures supplémentaires

Aux termes de l'article L. 3171-4 du code du travail :En cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le celer vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.

Il est de principe qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans

l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

S'il estime que la demande du salarié est fondée sur des éléments suffisamment précis, le juge doit alors apprécier les éléments qui lui sont fournis par l'une et l'autre des parties.

Par ailleurs et en l'espèce, au soutien de sa demande en paiement des heures supplémentaires, la salariée invoque un avenant issu de la convention collective nationale des hôtels, cafés, restaurants du 30 avril 1997. L'employeur estime que c'est bien cette convention collective qui s'applique au présent litige.

Or, selon l'article 8 de l'avenant n° 2 du 5 février 2007 relatif à l'aménagement du temps de travail de la convention collective nationale des hôtels, cafés restaurants (HCR) du 30 avril 1997 :

L'article 6 (1) de la convention collective nationale du 30 avril 1997 relatif à l'affichage et au contrôle de la durée du travail est complété comme suit :Il est rappelé les règles relatives à l'affichage des horaires et au contrôle de la durée du travail applicables au personnel salarié, à l'exclusion des cadres dirigeants et sous réserve des dispositions spécifiques prévues pour les cadres autonomes prévues à l'article 13-2 du titre IV de l'avenant n° 1 du 13 juillet 2004 à la convention collective nationale des hôtels, cafés et restaurants :

- en cas d'horaires collectifs, l'affichage des horaires s'effectue conformément aux dispositions des articles D. 212-17 et suivants du code du travail ;

- en cas d'horaires non collectifs, les dispositions de l'article D. 212-21 et D. 212-22 du code du travail s'appliquent comme suit :

Lorsque les salariés d'un atelier, d'un service ou d'une équipe au sens de l'article D. 212-20 du code du travail ne sont pas occupés selon le même horaire collectif de travail affiché, la durée du travail de chaque salarié concerné doit être décomptée selon les modalités suivantes :

- quotidiennement, par enregistrement, selon tous moyens, des heures de début et de fin de chaque période de travail ou par le relevé du nombre d'heures de travail effectuées ;

- chaque semaine, par récapitulation, selon tous moyens, du nombre d'heures de travail effectuées par chaque salarié. Ce document, à défaut de tout autre document déjà existant dans l'entreprise, émargé par le salarié et par l'employeur, est tenu à la disposition de l'inspection du travail. L'annexe III du présent avenant est prévue à cet effet ;

- un document mensuel, dont le double est annexé au bulletin de paie, sera établi pour chaque salarié. Ce document comportera les mentions suivantes :

- le cumul des heures supplémentaires effectuées depuis le début de l'année ;

-le nombre d'heures de repos compensateur acquises au cours du mois en distinguant, le cas échéant, le repos compensateur légal et le repos compensateur de remplacement ;

- le nombre d'heures de repos compensateur effectivement prises au cours du mois.

En l'espèce, au soutien de sa demande en paiement d'heures supplémentaires, impayées, la salariée fournit les éléments suffisamment précis suivants :

-des plannings sur lesquels elle était prévue,

-un tableau de certaines heures de travail effectuées.

La salariée avance aussi que :

-outre le fait que la société Cane Caldo company ne respectait pas la durée de travail prévue au contrat , elle n'hésitait pas à retirer des heures de travail pourtant effectivement réalisées par elle,

-sur le mois de mai, alors même que le tableau des heures effectuées affiche un total de 14,66 heures de travail, l'employeur n'hésite pas sciemment à retirer un plus grand nombre d'heures, à savoir 22,40 heures,

- l'employeur n'hésite pas à lui déduire 30 minutes de retard le 7 mai 2018, alors même qu'il lui a fait rattraper ce retard dans la journée,

-son dernier jour de travail a été le 2 juillet 2018,

-elle ne percevra aucune rémunération pour le mois de juillet 2018 et aucun bulletin de paie de lui sera remis,

-l'employeur a sciemment supprimé du bulletin de paie 7,17 heures sur le mois de mai 2018, 7,74 heures sur le mois de juin 2018 et 14 heures sur le mois de juillet 2018, soit un total de 28,91 heures travaillées et non rémunérées,

-l'employeur prétend que la salariée ne se serait pas présentée le 2 juillet 2018, et ce sans en apporter la moindre preuve.

Les éléments fournis aux débats par la salariée au soutien de sa demande en paiement d'heures supplémentaires constituent des éléments précis concernant les heures supplémentaires alléguées.

Pour s'opposer à la demande de la salariée, l'employeur fournit les éléments en réponse suivants (seuls ces pièces seront considérées, les autres ayant été écartées des débats) :

-les lettres du 18 juillet 2018, du 14 août 2018, du 29 août 2018, du 30 août 2018 relatifs au 'comportement insolent' et au 'comportement inadapté' de la salariée,

-leplanning dit 'aéroport mai 2018" concernant uniquement le mois de mai 2018,

-un planning correspondant à sa pièce 15.

Il présente aussi les éléments suivants :

-la salariée n'a jamais fait état d'une réclamation écrite pour solliciter la moindre heure supplémentaire avant la saisine de la juridiction,

-Mme [J] [E] se borne à demander un différentiel entre ce qui a été déduit et ce qu'elle aurait dû percevoir,

- elle omet volontairement de dire qu'elle était régulièrement absente sans justification ou en retard sur les 3 mois travaillés, comme cela est mentionné sur les bulletins de salaire produits et qui ressort de l'ensemble des échanges,

-la société Cane Caldo Company pour sa part justifie du contrôle du temps de travail de ses salariés comme suit : elle remettait collectivement un planning et ce planning était ensuite réajusté le mois suivant en prenant en considération les heures effectuées par chacun des salariés pour permettre le paiement au plus juste du travail réalisé.

Cependant, la cour relève que l'employeur n'a pas fourni le document récapitulatif émargé par les parties chaque semaine sur les heures de travail (exigé par la convention collective) et qu'il fournit surtout des prévisions d'heures de travail sous forme de plannings.

Sur le principe, après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, la Cour retient l'existence d'heures supplémentaires.

La créance salariale s'y rapportant est évaluée à 103 euros.

La cour évalue la créance de rappel de salaires au titre des heures supplémentaires à 103 euros, outre 10, 30 euros au titre des congés payés afférents.

L'employeur est condamné à payer ces sommes à la salariée, par voie d'infirmation du jugement.

Sur les demandes liées à la rupture du contrat de travail

1-Sur la demande d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé

Selon l'article L8221-5 du code du travail, dans sa version depuis le 10 août 2016 :Est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur :

1° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l'embauche ,

2° Soit de se soustraire intentionnellement à la délivrance d'un bulletin de paie ou d'un document équivalent défini par voie réglementaire, ou de mentionner sur le bulletin de paie ou le document équivalent un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ,

3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l'administration fiscale en vertu des dispositions légales.

L'article L8223-1 du même code ajoute :En cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours dans les conditions de l'article L. 8221-3 ou en commettant les faits prévus à l'article L. 8221-5 a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.

En l'espèce, l'employeur n'a pas mentionné sur les bulletins de salaire le nombre d'heures de travail conforme à la quantité de travail qui avait été contractuellement fixée et ce durant trois mois , ce qui ouvre doit à la salariée à un rappel de salaires d'un montant de 721,04 euros outre 72,10 euros de congés payés y afférents. De plus, la cour a estimé qu'il était redevable envers la salariée d'un solde modeste de rémunération pour les heures supplémentaires impayées à hauteur de supplémentaires de103 euros, outre 10, 30 euros au titre des congés payés afférents.

Cependant, l'intentionnalité de la dissimulation du travail de la salariée ne ressort pas suffisamment sans nul doute possible des pièces et débats, lesquelles établissement seulement que l'employeur entendait se prévaloir d'absences de la salariée (les pièces communiquées concernant ces absences ayant été écartées des débats).

Confirmant le jugement , la cour rejette la demande de Mme [J] [E] au titre de de l'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé.

2-Sur les demandes relatives à la qualification de la rupture anticipée du contrat de travail à durée déterminée

Les parties s'opposent sur la qualification de la rupture anticipée du contrat de travail à durée déterminée. Pour la salariée, c'est l'employeur qui a rompu de façon anticipée le contrat, tandis que ce dernier invoque la démission de la première.

Pour être valable, la démission doit résulter d'une volonté sérieuse, claire et non équivoque du salarié.La démission ne se présume pas et doit être prouvée par celui qui l'invoque.

Il appartient à la société Cane Caldo Company de démontrer l'existence de la démission invoquée.

Les pièces dont la société Cane Caldo Company entendait se prévaloir pour démontrer la volonté de démissionner de la salariée sont écartées des débats.

Au surplus, la salariée verse, pour sa part, des pièces établissant que c'est bien l'employeur qui a pris l'initiative de la renvoyer :

-la lettre recommandée du 18 juillet 2018 de l'employeur : '(...) Nous vous notifions par la présente votre renvoi définitif',

-la lettre recommandée du 14 août 2018 de l'employeur : 'objet: rappel de licenciement définitif (...) Nous vous rappelons que votre départ définitif a pris effet le jour de votre renvoi définitif le 2 juillet 2018. Nous vous l'avions notifié par écrit , vous aviez alors approuvé,'

-son SMS du 3 août adressé à l'employeur : 'Vous m'avez viré de mon travail le 2 juillet 2018 sans avoir commis de fautes et sans cause réelle et sérieuse (...). Dois-je donc penser que je suis toujours salarié de votre entreprise (...) ' Si oui, quand est ce que je dois revenir travailler ''

En conclusion, la société Cane Caldo Company ne démontre pas suffisamment l'existence d'une démission de la salariée.

La rupture intervenue est donc une rupture anticipée intervenue à l'initiative de l'employeur et elle ne résulte pas d'une démission de la salariée.

3-Sur le bien-fondé de la rupture anticipée

L'article L1243-1 du code du travail, dans sa version applicable depuis le 22 décembre 2014 dispose : Sauf accord des parties, le contrat de travail à durée déterminée ne peut être rompu avant l'échéance du terme qu'en cas de faute grave, de force majeure ou d'inaptitude constatée par le médecin du travail.Lorsqu'il est conclu en application du 6° de l'article L. 1242-2, le contrat de travail à durée déterminée peut, en outre, être rompu par l'une ou l'autre partie, pour un motif réel et sérieux, dix-huit mois après sa conclusion puis à la date anniversaire de sa conclusion.La faute grave autorisant la rupture anticipée du contrat à durée déterminée par l'employeur présente les mêmes caractéristiques que celle qui prive le salarié sous contrat à durée indéterminée de préavis et d'indemnité de licenciement. Il doit donc s'agir d'un manquement intolérable rendant impossible la poursuite des relations contractuelles même un jour de plus

En l'espèce, dés lors que c'est l'employeur qui a pris l'iniative de rompre le contrat de travail à durée déterminée de façon anticipée, il lui appartient de démontrer la faute grave commise par la salariée, à savoir un manquement rendant impossible la poursuite des relations contractuelles. En effet, il ne ressort pas des pièces du débat qu'il aurait prononcé la rupture du contrat de travail pour les deux autres cas prévus par les dispositions précédemment citées à savoir la force majeure ou L' inaptitude de la salariée.

Or, alors que l'employeur se prévaut des absences injustifiées et retards répétés de la salariée, celui-ci ne prouve pas suffisamment ces dires.

En effet, la cour rappelle que, concernant les absences et retards de la salariée en mai 2018, les pièces justificatives versées par l'employeur ont été rejetées. S'agissant des retards et absences de cette dernière pour juin 2018, elle a également précédemment relevé que les pièces produites par l'employeur ont ou bien été écartées des débats ou bien ne sont pas suffisamment claires et lisibles sur ce point.

L'employeur n'établit pas suffisamment que la salariée aurait commis une faute grave et que cette faute grave lui donnait le droit de rompre de façon anticipée le contrat de travail.

En tout état de cause, selon le principe ''non bis in idem'' une même faute ne peut faire l'objet de deux sanctions successives. Il s'en déduit qu'une rupture anticipée d'un contrat de travail à durée déterminée motivée par les seuls griefs déjà sanctionnés sur le plan disciplinaire est illégitime.

Or, dans son courrier du 18 juillet 2018, l'employeur notifie à la salariée son renvoi définitif tout en indiquant qu'il lui délivre aussi un 3ème avertissement pour les mêmes faits. L'employeur, en sanctionnant la salariée par la délivrance d' avertissement écrit, avait épuisé son pouvoir disciplinaire et ne pouvait , en outre, lui notifier également, à titre de sanction disciplinaire, la rupture anticipée de son contrat de travail.

En conséquence, la cour ,confirmant le jugement de ce chef, dit que la rupture anticipée du contrat de travail à durée déterminée était abusive.

4-Sur la demande de dommages-intérêts :

Selon l'article L1243-4 du code du travail :La rupture anticipée du contrat de travail à durée déterminée qui intervient à l'initiative de l'employeur, en dehors des cas de faute grave, de force majeure ou d'inaptitude constatée par le médecin du travail, ouvre droit pour le salarié à des dommages et intérêts d'un montant au moins égal aux rémunérations qu'il aurait perçues jusqu'au terme du contrat , sans préjudice de l'indemnité de fin de contrat prévue à l'article L. 1243-8.Toutefois, lorsque le contrat de travail est rompu avant l'échéance du terme en raison d'un sinistre relevant d'un cas de force majeure, le salarié a également droit à une indemnité compensatrice dont le montant est égal aux rémunérations qu'il aurait perçues jusqu'au terme du contrat . Cette indemnité est à la charge de l'employeur.

La rupture du contrat de travail à durée déterminée intervenue à l'initiative de l'employeur en dehors des motifs limitativement énumérés par l'article précédent, ouvre droit à la salariée à des dommages et intérêts d'un montant au moins égal aux rémunérations qu'elle aurait perçues jusqu'au terme du contrat.

S'agissant des rémunérations que la salariée aurait dû percevoir si le contrat n'avait pas été rompu avant son terme, ce montant s'élève à 20.036,64 euros (1.669,72 x 12) compte tenu de la durée de travail contractuellement convenue de169 heures par mois et compte tenu de la durée du contrat de travail qui aurait dû être de 12 mois.Or, la salariée n'a perçu que la seule somme de 3.881,64 euros de salaire, hors congés payés.

La salariée a donc droit à des dommages-intérêts à hauteur de 16 155 euros, somme que la société Cane Caldo Company est condamnée à lui payer.

Il est donc partiellement fait droit à la demande de Mme [J] [E] sur ce point et le jugement est infirmé.

5-Sur la demande en paiement de la prime de précarité :

L'article L1243-8 du code du travail dispose :Lorsque, à l'issue d'un contrat de travail à durée déterminée, les relations contractuelles de travail ne se poursuivent pas par un contrat à durée indéterminée, le salarié a droit, à titre de complément de salaire, à une indemnité de fin de contrat destinée à compenser la précarité de sa situation.Cette indemnité est égale à 10 % de la rémunération totale brute versée au salarié.Elle s'ajoute à la rémunération totale brute due au salarié. Elle est versée à l'issue du contrat en même temps que le dernier salaire et figure sur le bulletin de salaire correspondant.

L'article L1243-10 du même code ajoute :L'indemnité de fin de contrat n'est pas due :

1° Lorsque le contrat est conclu au titre du 3° de l'article L. 1242-2 ou de l'article L. 1242-3, sauf dispositions conventionnelles plus favorables ,

2° Lorsque le contrat est conclu avec un jeune pour une période comprise dans ses vacances scolaires ou universitaires ,

3° Lorsque le salarié refuse d'accepter la conclusion d'un contrat de travail à durée indéterminée pour occuper le même emploi ou un emploi similaire, assorti d'une rémunération au moins équivalente ,

4° En cas de rupture anticipée du contrat due à l'initiative du salarié, à sa faute grave ou à un cas de force majeure.

L'article L1242-2 3° du même code dispose enfin : Sous réserve des dispositions de l'article L. 1242-3, un contrat de travail à durée déterminée ne peut être conclu que pour l'exécution d'une tâche précise et temporaire, et seulement dans les cas suivants :

3° Emplois à caractère saisonnier, dont les tâches sont appelées à se répéter chaque année selon une périodicité à peu près fixe, en fonction du rythme des saisons ou des modes de vie collectifs ou emplois pour lesquels, dans certains secteurs d'activité définis par décret ou par convention ou accord collectif de travail étendu, il est d'usage constant de ne pas recourir au contrat de travail à durée indéterminée en raison de la nature de l'activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois. Lorsque la durée du contrat de travail est inférieure à un mois, un seul bulletin de paie est émis par l'employeur .

En l'espèce, la salariée sollicite le paiement de l'indemnité de précarité, ce à quoi s'oppose l'employeur, lequel fait valoir que le contrat de travail à durée déterminée a été conclu pour un motif saisonnier. En cas de contrat de travail saisonnier, l'indemnité n'est en effet pas dûe.

Toutefois, si l'employeur affirme que le contrat de travail à durée déterminée a été conclu pour un motif saisonnier, la cour relève d'abord que le contrat ne précise pourtant pas son motif de recours et ce en violation de l'article L 1242-12 du code du travail.

De plus, l'employeur ne prouve pas la réalité du caractère saisonnier du contrat de travail, alors que la charge de la preuve lui incombe.

Enfin, le contrat de travail ne peut valablement exclure le droit à l'indemnité de précarité pour la salariée alors même qu'il ne s'agit pas d'un contrat de travail saisonnier et ce en application de l'article L 2251-1 du code du travail.

La salariée peut donc valablement prétendre au paiement de l'indemnité de précarité, dont le calcul est le suivant :

- l'indemnité de fin de contrat est égale à 10 % de la rémunération totale brute versée au salarié. Celle-ci est calculée sur la base de la rémunération déjà perçue et de celle qui aurait été perçue jusqu'au terme du contrat,

-pour un contrat de travail de 169 heures mensuelle sur douze mois, Mme [J] [E] aurait dû percevoir la somme de 20.036,64 euros (1.669,72 x 12),

-l'indemnité de fin de contrat s'élève donc à la somme de 2 003,66 euros.

Infirmant le jugement en ce qu'il a limité le montant de l'indemnité à 478,65 euros, la cour condamne l'employeur à payer à la salariée la somme de 2 003, 66 euros au titre de l'indemnité de précarité.

6-Sur la demande de dommages-intérêts pour non-respect de la procédure disciplinaire

Lorsque la rupture anticipée du contrat de travail à durée déterminée est motivée par une une faute grave, l'employeur doit respecter la procédure disciplinaire prévue aux articles L.1332-1 et L. 1332-2 du code du travail.

En l'espèce, il a a été précédemment jugé que la rupture du contrat de travail était intervenue à l'initiative de l'employeur et ce pour le motif tiré de la faute grave de la salariée.

Or, la rupture anticipée d'un contrat à durée déterminée constitue une sanction qui ne peut être prononcée qu'après la convocation du salarié à un entretien préalable. De plus, la rupture anticipée de son contrat ne peut intervenir moins de deux jours ouvrables après le jour fixé pour l'entretien ni plus d'un mois après par lettre précisément motivée

En l'espèce, il n'est pas établi que l'employeur a respecté la procédure disciplinaire avant de sanctionner la faute grave commise par la salariée.

Il s'agit d'une faute de l'employeur, laquelle ouvre droit à des dommages-intérêts si la salariée a subi un préjudice. Cependant, en l'espèce, Mme [J] [E] ne démontre pas la réalité du préjudice subi en lien avec ce manquement de l'employeur.

La cour rejette la demande de dommages-intérêts en lien avec le défaut de procédure de disciplinaire par voie d'infirmation du jugement.

Sur la demande reconventionnelle de la société Cane Caldo Company

La salariée, qui n'a pas démissionné mais qui a abusivement été sanctionnée par la rupture anticipée de son contrat de travail, n'est pas redevable d'un préavis de démission non exécuté. L'employeur est débouté de sa demande d'indemnité forfaitaire au titre du préavis de démission non exécuté par Mme [J] [E].

Sur les intérêts

Les créances salariales sont productives d'intérêts au taux légal à compter du jour de la présentation à l'employeur de la lettre le convoquant devant le bureau de conciliation.

Les créances indemnitaires sont productives d'intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.

La capitalisation des intérêts sera ordonnée dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil.

Sur la remise de documents

La cour ordonne à la société Cane Caldo Company de remettre à Mme [J] [E] les documents de fin de contrat rectifiés: l'attestation destinée au Pôle emploi, le certificat de travail et un reçu pour solde de tout compte conformes à la présente décision.

Il n'est pas nécessaire d'assortir cette obligation d'une astreinte. La demande à ce titre est rejetée.

Sur les frais du procès

La demande d'indemnité de procédure de la société Cane Caldo Company est rejetée.

En application des dispositions des articles 696 et 700 du code de Procédure civile, la société Cane Caldo Company sera condamnée aux dépens ainsi qu'au paiement d'une indemnité de 2000 euros.

PAR CES MOTIFS :

La Cour, après en avoir délibéré, statuant par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe, en matière prud'homale,

-sur la procédure :

-rejette les demandes de procédure de la société Cane Caldo Compagny formulées en cours de délibéré,

-constate que la déclaration d'appel a bien eu un effet dévolutif ,

-écarte des débats toutes les pièces produites par la société Cane Caldo Company sauf les pièces suivantes : contrat de travail du 7 avril 2018, bulletins de salaires, lettres du 18 juillet 2018, du 14 août 2018, du 29 août 2018, du 30 août 2018, tableau des heures supplémentaires de mai 2018, planning dit 'aéroport mai 2018", pièce n°17 de l'employeur (SMS du 3 août), documents de fin de contrat,

-sur le fond ;

-confirme le jugement en ce qu'il :

-condamne société Cane Caldo Company à payer à Mme [J] [E] la somme de 721,04 euros au titre du rappel de salaire outre celle de 72,10 euros au titre des congés payés afférents,

-rejette la demande d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,

-dit que la rupture anticipée du contrat de travail à durée déterminée était abusive,

-infirme le jugement pour le surplus,

statuant à nouveau des seuls chefs de jugement infirmés,

-condamne la société Cane Caldo Company à payer à Mme [J] [E] :

103 euros au titre des heures supplémentaires

10, 30 euros au titre des congés payés afférents

16 155 euros au titre des des dommages-intérêts pour rupture anticipée abusive du contrat de travail à durée déterminée

2 003, 66 euros au titre de l'indemnité de précarité.

-rejette la demande de Mme [J] [E] dommages-intérêts en lien avec le défaut de procédure de disciplinaire,

-rejette la demande de la société Cane Caldo Company d'indemnité de préavis non exécuté,

-dit que les créances salariales sont productives d'intérêts au taux légal à compter du jour de la présentation à l'employeur de la lettre le convoquant devant le bureau de conciliation,

-dit que les créances indemnitaires sont productives d'intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,

-ordonne la capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil,

-ordonne à la société Cane Caldo Company de remettre à Mme [J] [E] les documents de fin de contrat rectifiés: l'attestation destinée au Pôle emploi, le certificat de travail et un reçu pour solde de tout compte conformes à la présente décision,

-rejette la demande d'astreinte,

-rejette le surplus des demandes,

-condamne la société Cane Caldo Company à payer à Mme [J] [E] la somme de 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, .

-condamne la société Cane Caldo Company aux dépens.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-5
Numéro d'arrêt : 20/11594
Date de la décision : 22/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-22;20.11594 ?
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