COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 1-8
ARRÊT AU FOND
DU 21 JUIN 2023
N° 2023/ 290
N° RG 22/08327
N° Portalis DBVB-V-B7G-BJRHS
[Y] [X]
C/
S.A. BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me Jean Louis MALBEC
Me Laurence DE SANTI
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Juridiction de proximité de MARSEILLE en date du 25 Février 2022 enregistrée au répertoire général sous le n° 20/05981.
APPELANT
Monsieur [Y] [X]
né le [Date naissance 3] 1943 à [Localité 4], demeurant [Adresse 2]
représenté par Me Jean Louis MALBEC, avocat au barreau de MARSEILLE
INTIMEE
S.A. BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE
agissant poursuite et diligence de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité au siège sis [Adresse 1]
représentée par Me Laurence DE SANTI, membre de la SCP DRUJON D'ASTROS & ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 03 Avril 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Jean-Paul PATRIARCHE, Conseiller, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Philippe COULANGE, Président
Madame Céline ROBIN-KARRER, Conseillère
Monsieur Jean-Paul PATRIARCHE, Conseiller
Greffier lors des débats : Mme Maria FREDON.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 21 Juin 2023.
ARRÊT
Contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe le 21 Juin 2023, signé par Monsieur Philippe COULANGE, Président et Madame Maria FREDON, greffière auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE
Suivant offre de prêt acceptée sous signature privée le 23 juin 2017, la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE, exerçant sous l'enseigne CETELEM, a consenti à Monsieur [Y] [X] un crédit personnel d'un montant de 35.000 euros remboursable en 60 mensualités de 654,10 euros suivant un taux d'intérêt annuel de 4,60 %.
La déchéance du terme du prêt a été prononcée le 18 novembre 2020 en raison de la défaillance de l'emprunteur, et la société de crédit a introduit le 18 décembre suivant une action en paiement devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Marseille.
Par jugement rendu le 25 février 2022, cette juridiction a condamné Monsieur [X] à payer la somme de 18.158,77 euros au titre du capital restant dû, en prononçant d'office la déchéance du prêteur du droit aux intérêts conventionnels pour avoir omis de consulter le fichier national des incidents de paiement préalablement à l'octroi du crédit et de remettre à l'emprunteur une notice d'assurance conforme, en écartant expressément de surcroît l'application du taux légal et de la majoration prévue par l'article L 313-3 du code monétaire et financier.
Le tribunal a également accordé au débiteur un échéancier de paiement à raison de 23 mensualités de 755 euros et une 24ème mensualité correspondant au solde de la créance, la totalité de celle-ci redevenant immédiatement exigible en cas de défaillance.
Monsieur [Y] [X] a interjeté appel principal de cette décision le 9 juin 2022, limitant son recours aux modalités d'octroi des délais de grâce. Aux termes de ses conclusions récapitulatives notifiées le 8 février 2023, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé complet de son argumentation, il fait valoir que le montant des mensualités fixé par le premier juge excède celui des échéances du crédit qu'il ne pouvait honorer, et demande à la cour de juger qu'il pourra s'acquitter de sa dette en 23 versements de 100 euros, le solde étant exigible le 24ème mois afin de lui permettre d'obtenir une aide familiale et de régler une succession en cours.
Par conclusions récapitulatives en réplique notifiées le 7 mars 2023, auxquelles il est également renvoyé pour l'exposé complet des moyens, la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE s'oppose à l'octroi de tels délais qui ne lui apparaissent pas justifiés, et forme appel incident sur le prononcé de la déchéance de son droit aux intérêts contractuels, considérant qu'elle a rempli toutes les obligations mises à sa charge par le code de la consommation.
Sur la foi d'un décompte actualisé intégrant les derniers versements effectués par le débiteur, elle demande à la cour de condamner celui-ci à lui payer la somme de 21.774,53 euros en principal, outre les intérêts au taux de 4,60 % l'an à compter du 18 novembre 2020.
À titre subsidiaire, elle réclame paiement de la même somme assortie des intérêts au taux légal majoré conformément à la loi, faisant valoir que le tribunal aurait statué ultra petita et que seul le juge de l'exécution aurait compétence pour exonérer le débiteur de cette majoration.
Elle réclame enfin accessoirement paiement d'une somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 20 mars 2023.
DISCUSSION
Sur la déchéance du droit aux intérêts contractuels :
Le tribunal a prononcé cette sanction en application des articles L 341-1 et 341-2 du code de la consommation en raison d'une part de l'absence de consultation du fichier national des incidents de paiement préalablement à l'octroi du crédit, et d'autre part du défaut de remise à l'emprunteur d'une notice d'information relative à l'assurance.
- Sur l'absence de consultation régulière du FICP :
En vertu de l'article L 312-16 du code de la consommation, avant de conclure le contrat de crédit, le prêteur doit vérifier la solvabilité de l'emprunteur à partir d'un nombre suffisant d'informations et consulter le fichier prévu à l'article L 751-1, dans les conditions prévues par l'arrêté mentionné à l'article L 751-6.
En l'espèce, la société de crédit produit un justificatif de consultation qui apparaît conforme aux modalités fixées par l'article 13 de l'arrêté du 26 octobre 2010. Contrairement à l'analyse du premier juge, ce document comporte bien la clé de la Banque de France identifiant l'emprunteur, et il résulte du texte susvisé que la preuve de la consultation peut résulter d'un document interne à l'entreprise, la Banque de France ne délivrant aucune attestation.
D'autre part, cette consultation effectuée le 28 juin 2017, soit cinq jours après l'acceptation de l'offre de prêt, n'est pas tardive dès lors qu'elle est intervenue dans le délai de sept jours dont dispose le prêteur pour agréer l'emprunteur en application de l'article L 312-24 et avant la remise des fonds le 3 juillet.
- Sur le défaut de remise d'une notice d'information relative à l'assurance :
Selon l'article L 312-29 du code de la consommation, lorsque l'offre de crédit est assortie d'une proposition d'assurance, une notice doit être fournie à l'emprunteur comportant les extraits des conditions générales de l'assurance le concernant, et notamment les nom et adresse de l'assureur, la durée, les risques couverts et ceux qui en sont exclus. Si l'assurance est exigée par le prêteur pour obtenir le financement, la fiche d'information mentionnée à l'article L 312-12 et l'offre de contrat de crédit rappellent que l'emprunteur peut souscrire une assurance équivalente auprès de l'assureur de son choix. Si l'assurance est facultative, l'offre rappelle les modalités suivant lesquelles l'emprunteur peut ne pas y adhérer.
En l'espèce, l'offre de prêt acceptée le 23 juin 2017 mentionne que Monsieur [X] n'a pas souscrit à l'assurance facultative proposée par le prêteur et a reconnu être en possession de la notice d'information qui lui a été remise, ce qui est confirmé par sa signature apposée sur le document intitulé 'fiche conseil assurance' récapitulant les conditions générales de l'assurance de groupe souscrite par la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE auprès de la société CARDIF.
Enfin la fiche d'informations précontractuelles remise à l'emprunteur rappelle que l'obtention du crédit n'est pas subordonnée à la souscription d'une assurance ou d'un autre service accessoire.
Il apparaît en définitive que le prêteur a satisfait aux obligations mises à sa charge par la loi, de sorte que c'est à tort que le tribunal a prononcé la déchéance de son droit aux intérêts contractuels.
Sur la foi du dernier décompte actualisé au 3 mars 2023, expurgé de la clause pénale, la créance de la société de crédit s'établit donc ainsi qu'il suit :
- mensualités échues : 6.306,32 €
- capital restant dû : 14.970,57 €
- règlements reçus au contentieux : - 700,00 €
- reste dû : 20.576,89 €
Les intérêts moratoires courront au taux de 4,60 % l'an à compter du 18 novembre 2020, date de la déchéance du terme.
Sur la demande de délais de paiement :
En vertu de l'article 1343-5 du code civil, le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues. Par décision spéciale et motivée, il peut aussi ordonner que les sommes correspondant aux échéances reportées porteront intérêts à un taux réduit au moins égal au taux légal, ou que les paiements s'imputeront d'abord sur le capital.
Ces mesures, qui visent à faciliter le rétablissement du débiteur, n'ont toutefois vocation à s'appliquer que lorsque ce dernier démontre qu'il sera en capacité de s'acquitter de l'intégralité de sa dette dans les délais impartis. Or en l'espèce, les délais sollicités par Monsieur [X] tendent principalement à reporter de deux années l'exigibilité de l'essentiel de sa dette, sans aucune justification de ce qu'il sera en capacité d'y faire face à l'échéance. En effet, il ne produit aucun élément propre à établir qu'il pourra compter sur une aide familiale ou sur le règlement d'une succession en cours.
Il convient en conséquence de rejeter sa demande.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire,
Infirme le jugement déféré, et statuant à nouveau :
Condamne Monsieur [Y] [X] à verser à la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE la somme de 20.576,89 euros, outre les intérêts au taux de 4,60 % l'an à compter du 18 novembre 2020,
Rejette sa demande d'octroi de délais de paiement,
Le condamne en outre aux entiers dépens de première instance et d'appel,
Rejette la demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.
LA GREFFIERE LE PRESIDENT