COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 1-8
ARRÊT AU FOND
DU 21 JUIN 2023
N° 2023/ 285
N° RG 22/02528
N° Portalis DBVB-V-B7G-BI4NK
CAISSE DE CREDIT MUTUEL [Localité 5]
C/
[P] [T]
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me Florence ADAGAS-CAOU
Me Bernard VIGNERON
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal Judiciaire Pôle de proximité de FREJUS en date du 07 Février 2022 enregistrée au répertoire général sous le n° 1120000839.
APPELANTE
CAISSE DE CREDIT MUTUEL [Localité 5]
agissant poursuites et diligences de son représentant légal en exercice, demeurant en cette qualité au siège sis [Adresse 3]
représentée par Me Florence ADAGAS-CAOU, membre de la SCP DUHAMEL ASSOCIES, avocat au barreau de DRAGUIGNAN
INTIME
Monsieur [P] [T]
né le [Date naissance 1] 1973 à [Localité 6] (13), demeurant [Adresse 4]
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2022/4247 du 13/05/2022 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de AIX-EN-PROVENCE)
représenté par Me Bernard VIGNERON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 03 Avril 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Jean-Paul PATRIARCHE, Conseiller, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Philippe COULANGE, Président
Madame Céline ROBIN-KARRER, Conseillère
Monsieur Jean-Paul PATRIARCHE, Conseiller
Greffier lors des débats : Mme Maria FREDON.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 21 Juin 2023.
ARRÊT
Contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe le 21 Juin 2023, signé par Monsieur Philippe COULANGE, Président et Mme Maria FREDON, greffière auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE ANTÉRIEURE
Au début de l'année 2020, la Caisse de Crédit Mutuel de [Localité 5] a consenti à Monsieur [P] [T] une ouverture de compte courant assortie d'une autorisation de découvert à hauteur de 800 euros, ainsi que deux crédits renouvelables pour des montants maximum autorisés respectifs de 1.000 euros et 7.000 euros.
Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 16 juillet 2020, la banque a mis son client en demeure de régulariser la situation de son compte courant, dont le solde débiteur atteignait 3.675 euros, et de régler les mensualités impayées des deux prêts.
Par lettre adressée dans les mêmes formes le 7 octobre 2020, elle a entendu se prévaloir de la résiliation de chacun des contrats et lui a réclamé paiement d'une somme totale de 12.652,13 euros.
Elle a ensuite porté sa demande devant le tribunal de proximité de Fréjus par assignation délivrée le 1er décembre 2020.
Aux termes d'un premier jugement mixte et réputé contradictoire rendu le 7 juin 2021, la juridiction saisie a condamné Monsieur [T] à payer la somme de 3.389,76 euros, non assortie d'intérêts, au titre du solde débiteur du compte courant, et ordonné la réouverture des débats aux fins de recueillir les observations des parties quant à la régularité de la déchéance du terme de chacun des deux prêts.
Puis, par jugement contradictoire prononcé le 7 février 2022, dont appel, le tribunal a privé d'une part le prêteur du droit aux intérêts des prêts en retenant qu'il avait manqué à son obligation d'information précontractuelle, et jugé d'autre part que la déchéance du terme était irrégulière car le débiteur n'avait pas été touché par la lettre de mise en demeure préalable.
En conséquence, Monsieur [T] a été uniquement condamné à régler les mensualités échues, à savoir la somme de 420,63 euros pour le premier prêt dénommé 'plan 4" et celle de 951,93 euros pour le second dénommé 'passeport crédit', outre les dépens, le premier juge ayant en outre rejeté sa demande de délais de paiement en considération de la modicité de la dette.
MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Par conclusions récapitulatives notifiées le 19 septembre 2022, la Caisse de Crédit Mutuel de [Localité 5] soutient en premier lieu que la déchéance du terme a été régulièrement prononcée dans la mesure où la lettre recommandée de mise en demeure préalable avait été expédiée à la dernière adresse connue du débiteur, et que la circonstance que celle-ci soit revenue non distribuée n'affecte pas sa validité, s'agissant d'une formalité non contentieuse.
Elle fait valoir d'autre part que le premier juge ne pouvait la priver du droit aux intérêts conventionnels alors qu'elle avait produit aux débats les fiches d'informations précontractuelles normalisées remises à l'emprunteur, conformément à l'article L 312-12 du code de la consommation.
Elle soutient enfin qu'en application de l'article 564 du code de procédure civile l'intimé serait irrecevable à conclure à la confirmation du jugement, dès lors qu'il n'avait demandé en première instance que des délais de paiement.
Elle demande à la cour d'infirmer la décision entreprise et, statuant à nouveau,
- de condamner Monsieur [T] à lui verser la somme de 1.128,81 euros, outre intérêts au taux conventionnel de 7,34 % l'an sur le principal de 997,78 euros à compter du 23 octobre 2020, au titre du contrat 'plan 4",
- de le condamner à payer la somme de 7.717,10 euros, outre intérêts au taux conventionnel de 4,74 % l'an sur le principal de 6.900,04 euros à compter du 23 octobre 2020, au titre du contrat 'passeport crédit',
- d'ordonner la capitalisation des intérêts échus en application de l'article 1343-2 du code civil,
- de condamner en outre le débiteur au paiement d'une somme de 800 euros à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive,
- de le débouter de sa demande de délais de paiement,
- et de le condamner enfin aux entiers dépens, ainsi qu'au versement d'une somme de 1.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Dans ses écritures notifiées le 19 juillet 2022, Monsieur [P] [T] conclut pour sa part à la confirmation du jugement par adoption de ses motifs, excepté en ce qu'il a rejeté sa demande de délais de paiement, qu'il réitère en cause d'appel. Au soutien du moyen tiré de l'irrégularité de la mise en demeure, et par suite de la déchéance du terme, il précise qu'il avait pris soin de faire suivre son courrier à sa nouvelle adresse à compter du 10 juillet 2020.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 20 mars 2023.
DISCUSSION
Sur la fin de non recevoir tirée de l'article 564 du code de procédure civile :
En vertu de ce texte les parties ne peuvent, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, soumettre à la cour de nouvelles prétentions, si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.
Cette règle n'interdit pas cependant à l'intimé, qui s'était borné à solliciter en première instance l'octroi de délais de paiement, de conclure à la confirmation du jugement par adoption des motifs relevés d'office par le tribunal.
Sur la régularité de la déchéance du terme :
Les conditions générales de chacun des contrats de crédit conclus entre les parties stipulent que le prêteur pourra exiger le remboursement immédiat des sommes restant dues, sans autre formalité qu'une mise en demeure, en cas de défaillance de l'emprunteur.
La Caisse de Crédit Mutuel de [Localité 5] justifie de l'envoi d'une mise en demeure préalable par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 16 juillet 2020, qui lui est revenue non distribuée avec la mention 'destinataire inconnu à cette adresse'.
Cette lettre avait été expédiée à l'adresse indiquée par l'emprunteur lors de la conclusion des prêts, à savoir [Adresse 2] à [Localité 7], et Monsieur [T] n'établit pas avoir informé le prêteur de son changement de domicile.
S'il démontre avoir pris soin de faire suivre son courrier à sa nouvelle adresse à compter du 10 juillet 2020, la circonstance que la lettre ne lui soit pas parvenue n'est cependant pas imputable à la banque et n'affecte pas la validité de la mise en demeure, laquelle ne constitue pas une formalité de nature contentieuse.
C'est donc à tort que le premier juge l'a déclarée irrégulière et a rejeté la demande en paiement du capital restant dû sur chacun des deux prêts.
Sur la déchéance du droit aux intérêts :
L'article L 312-12 du code de la consommation dispose que, préalablement à la conclusion du contrat de crédit, le prêteur ou son intermédiaire doit fournir à l'emprunteur, sous forme d'une fiche sur support papier ou tout autre support durable, les informations nécessaires à la comparaison de différentes offres et lui permettant d'appréhender clairement l'étendue de son engagement.
En l'espèce, la banque produit au dossier les fiches d'informations européennes normalisées en matière de crédit aux consommateurs qui ont été remises à l'emprunteur, de sorte qu'elle n'encourt pas la sanction de la déchéance du droit aux intérêts prévue par l'article L 341-1 du même code, le jugement déféré devant être également infirmé de ce chef.
Sur le montant des sommes restant dues :
Sur la foi des décomptes produits par la banque et non contestés par l'emprunteur, les sommes restant dues au titre de chacun des prêts à la date de déchéance du terme, soit le 7 octobre 2020, se décomposent ainsi qu'il suit :
- au titre du prêt 'plan 4" :
* échéances impayées : 420,63 €
* capital restant dû : 617,05 €
* clause pénale : 79,82 €
* intérêts et assurance : 8,10 €
total : 1.125,60 €
- au titre du prêt 'passeport crédit' :
* échéances impayées : 951,93 €
* capital restant dû : 6.185,86 €
* clause pénale : 552,00 €
* intérêts et assurance : 13,55 €
total : 7.703,34 €
Les intérêts courront sur le principal au taux conventionnel stipulé pour chacun des deux contrats à compter du jour de la déchéance du terme.
Il n'y a pas lieu en revanche de prononcer leur capitalisation, une telle mesure étant inapplicable en matière de crédit à la consommation.
Sur la demande en dommages-intérêts :
La banque, qui ne justifie pas de l'existence d'un préjudice distinct du simple retard de paiement, doit être déboutée de sa demande accessoire en dommages-intérêts.
Sur la demande de délais de paiement :
Suivant l'article 1343-5 du code civil, le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner le paiement des sommes dues dans la limite de deux années.
En l'espèce, Monsieur [T] a d'ores et déjà bénéficié d'un délai très important du simple fait des errements de la procédure, et il ne justifie pas avoir versé le moindre acompte en règlement de sa dette, de sorte que sa demande doit être rejetée.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire,
Infirme le jugement déféré, et statuant à nouveau :
Condamne Monsieur [P] [T] à payer à la Caisse de Crédit Mutuel de [Localité 5] :
- la somme de 1.125,60 euros, outre intérêts au taux de 7,34 % l'an sur le principal de 997,78 euros à compter du 7 octobre 2020,
- la somme de 7.703,34 euros, outre intérêts au taux de 4,74 % l'an sur le principal de 6.900,04 euros à compter du 7 octobre 2020,
Rejette la demande de capitalisation des intérêts,
Rejette la demande accessoire en paiement de dommages-intérêts,
Déboute le débiteur de sa demande de délais de paiement,
Rejette les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne Monsieur [T] aux entiers dépens de première instance et d'appel, ces derniers devant être recouvrés conformément aux règles régissant l'aide juridictionnelle dont il est bénéficiaire.
LA GREFFIERE LE PRESIDENT