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20/06/2023 | FRANCE | N°19/16795

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-1, 20 juin 2023, 19/16795


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-1



ARRÊT AU FOND

DU 20 JUIN 2023



N°2023/206













Rôle N° RG 19/16795 - N° Portalis DBVB-V-B7D-BFC73







[L] [G] épouse [O]





C/



Société REPUBLIQUE IMMOBILIER SOCIETE NOUVELLE



























Copie exécutoire délivrée le :

à :

Me Jean-françois JOURDAN



Me Céline O

RENGO





Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Grande Instance de NICE en date du 04 Septembre 2019 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 17/00958.





APPELANTE



Madame [L] [G] épouse [O]

née le 19 Février 1946 à [Localité 4] (ALGERIE), demeurant [Adresse 2]



repr...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-1

ARRÊT AU FOND

DU 20 JUIN 2023

N°2023/206

Rôle N° RG 19/16795 - N° Portalis DBVB-V-B7D-BFC73

[L] [G] épouse [O]

C/

Société REPUBLIQUE IMMOBILIER SOCIETE NOUVELLE

Copie exécutoire délivrée le :

à :

Me Jean-françois JOURDAN

Me Céline ORENGO

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de NICE en date du 04 Septembre 2019 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 17/00958.

APPELANTE

Madame [L] [G] épouse [O]

née le 19 Février 1946 à [Localité 4] (ALGERIE), demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Jean-françois JOURDAN de la SCP JF JOURDAN - PG WATTECAMPS ET ASSOCIÉS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, et ayant pour avocat plaidant Me Nicolas BRAHIN, avocat au barreau de NICE

INTIMEE

SARL REPUBLIQUE IMMOBILIER SOCIETE NOUVELLE représentée par son gérant en exercice domicilié en cette qualité audit siège

demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Céline ORENGO de la SELARL ORENGO-MICAULT, avocat au barreau de NICE

PARTIE(S) INTERVENANTE(S)

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 16 Mai 2023 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Olivier BRUE, Président, et Madame Danielle DEMONT, Conseillère,

Madame Danielle DEMONT, Conseillère, a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Olivier BRUE, Président

Madame Danielle DEMONT, Conseillère

Madame Louise DE BECHILLON, Conseillère

Greffier lors des débats : Madame Céline LITTERI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 20 Juin 2023.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 20 Juin 2023.

Signé par Monsieur Olivier BRUE, Président et Madame Céline LITTERI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSÉ DU LITIGE

Par acte sous seing privé daté du 30 juin 2016 les époux [O] ont signé un contrat de mandat de gérance avec la société République Immobilier société nouvelle, ayant pour objet la mise en location d'un immeuble sis [Adresse 3].

Le 16 juillet 2016, [V] [O] est décédé.

Le 3 janvier 2017, le gestionnaire de biens a régularisé un bail d'habitation avec Mme [B] [Y] et Mme [J], moyennant un loyer annuel de 15'240 € hors charges, soit 1250 € par mois, avec prise d'effet au 1er février 2017.

Par lettre recommandée du 19 janvier 2017, réitérée le 24 janvier 2017, Mme [L] [G] épouse [O] a mis vainement en demeure l'agent immobilier de restituer les clés de l'appartement litigieux.

Par exploit du 15 février 2017, elle a fait assigner la société République Immobilier en nullité du mandat et pour la voir condamner aux frais de remise en état du bien qui s'avéreraient nécessaires, outre le versement de la somme de 15'000 €, à titre de dommages-intérêts pour non-respect du mandat de gérance.

Par jugement en date du 4 septembre 2019, le tribunal de grande instance de Nice a :

' débouté Mme [L] [G] épouse [O] de ses demandes ;

' l'a condamnée à payer à la Sarl République Immobilier société nouvelle la somme de 568,17 € au titre des procès-verbaux de constat d' huissier des 22, 26 janvier et 16 février 2017 ;

' condamné Mme [L] [G] épouse [O] à payer une amende civile de 5000 €, au titre de l'article 32-1 du code de procédure civile et l'a condamnée à payer à la société République immobilier la somme de 2 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

' ordonné l'exécution provisoire de la décision ;

' et condamné Mme [L] [G] épouse [O] aux dépens

Le 30 octobre 2019, Mme [L] [G] épouse [O] a relevé appel de cette décision.

Par dernières conclusions du 17 avril 2023, elle demande à la cour, au visa des articles 1991 et 1992 , 414-1, 1109, 1217, 1147 et 1989 du code civil :

' d'infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

À titre principal

' de prononcer la nullité du contrat de mandat en date du 30 juin 2016 pour vice de consentement de Mme [L] [G] épouse [O] au moment de la conclusion du contrat, très affectée sur le plan moral et psychologique par la longue et douloureuse maladie de son mari décédé peu après ;

' de dire que tous les frais à venir de sortie des lieux des locataires seront à la charge de la société République immobilier et plus généralement tous les frais de remise en état des lieux suite à leur départ ;

' de condamner en conséquence l'agence immobilière à lui payer la somme principale de 19'955 € compte tenu de la perte de valeur locative consécutive à la fixation d'un loyer non convenu, non fixé et jamais accordé par le propriétaire de l'appartement litigieux, à savoir Mme [O] ;

À titre subsidiaire, si la cour ne retenait pas la nullité du mandat pour vice du consentement,

' de juger que l'agence immobilière a engagé sa responsabilité civile professionnelle précontractuelle suite à ses diverses fautes lourdes et plusieurs manquements professionnels, à savoir son devoir d'information et de conseil pour la location de l'appartement en ne s'assurant que le montant du loyer avait bien été fixé par le propriétaire et non a posteriori le 9 janvier 2017 après la signature du bail le 3 janvier 2017 ;

' de condamner l'agence immobilière à lui payer la somme de 19'955 € à titre de dommages-intérêts pour avoir abusé de sa bonne foi et pour non-respect du mandat de gérance ;

' et de la condamner à lui payer la somme de 8500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens.

Par dernières conclusions du 6 avril 2020, la SARL République Immobilier société nouvelle demande à la cour de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, de débouter l'appelante de tous ses demandes, et de la condamner au paiement de la somme de 5 000 € sur le fondement de l'article 32-1 du code de procédure civile et celle de 5000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens d'appel.

La cour renvoie aux écritures précitées pour l'exposé exhaustif des prétentions et moyens des parties.

Motifs

Attendu que l'appelante soutient que le mandat daté du 30 juin 2016 est nul eu égard la circonstance que Mme [L] [G] épouse [O] venait de perdre son mari, 15 jours après une longue maladie, et qu'elle ne pouvait donc pas avoir toutes ses facultés de discernement lors de la conclusion du contrat de mandat avec la société République Immobilier ;

Mais attendu que l'article 414-1 du code civil dispose que pour faire un acte valable il faut être sain d'esprit. C'est à ceux qui agissent en nullité pour cette cause de prouver l'existence d'un trouble mental au moment de l'acte ;

Attendu qu'en l'état d'une présomption de capacité juridique, c'est à l'appelante qu'incombe la charge de la preuve de l'existence d'un vice de son consentement ;

Qu'il ne ressort d'aucun élément probant, certificat médical ou autre que Mme [L] [G] épouse [O] aurait été atteinte au moment de la signature du mandat le 30 juin 2016 d'une affection mentale ayant vicié son consentement au moment de la passation de l'acte au sens de l'article 414-1 du code civil, lequel ne se confond pas avec un simple 'trouble mental' ; que l'état de faiblesse psychique de Mme [O] résultant de la longue maladie dont était affecté son mari est insuffisant à cet égard ;

Attendu qu'il y a lieu, en conséquence, de rejeter la demande de nullité du contrat de mandat en date du 30 juin 2016 qui est présenté sur le fondement juridique de ce vice du consentement ;

Attendu que Mme [L] [G] épouse [O] fait valoir ensuite qu'aucune annexe ne figure au contrat de mandat, ce qui le prive de toute efficacité et ne reflète pas la réalité mais constitue l'aveu d'une tromperie et d'un dol ; que le prix constitue un des éléments essentiels du contrat de bail ; que le mandat ne comporte ainsi aucune indication concernant le montant du loyer exigible, le montant des charges et les conditions de location ; que selon les dispositions de la loi n° 70-09 du 2 janvier 1970 dite « loi Hoguet» et de son décret d'application n° 72-678 du 20 juillet 1972, le montant exact de la rémunération du mandataire doit être précisé, alors que l'article 6 du mandat de gérance signé stipule que « Le mandataire aura droit à une rémunération à la charge du mandant fixé à 6 % hors-taxes soit 7,20 % TTC», et que les champs de cet article fixant la rémunération sont laissés en blanc, le montant du loyer n'étant précisé nulle part ; que le mandataire ne pouvait pas fixer unilatéralement, sans accord de la propriétaire, le prix du loyer en estimant que le prix de location souhaitée par elle «s'est révélé être inapplicable, compte tenu du marché locatif actuel », comme la société intimée le soutient dans ses écritures ; et qu'en application de l'article 1989 du code civil, un mandataire ne peut rien faire au-delà de ce qui est porté dans son mandat ;

Attendu qu'en effet Mme [L] [G] épouse [O] a donné mandat de gérance à la société République Immobilier aux fins de « rechercher des locataires, louer ou relouer les biens après avoir avisé le montant de la vacance du ou des biens, renouveler les baux aux prix, charges et conditions prévues soit en annexe au présent mandat soit dans un mandat de location » ;

Attendu qu'il est constant qu'aucune annexe ni contrat de bail n'ont été dressés ;

Attendu que les pièces invoquées par l'agent immobilier comme constatant un supposé accord de la propriétaire sont des lettres en réalité de la main de l'agent immobilier lui-même, datées des 9 janvier et 16 janvier 2017, évoquant des entretiens téléphoniques dont il n'est demeuré aucune trace ; qu'en toute hypothèse, elles sont toutes postérieures à la signature du contrat de bail ; que l'agent immobilier ne rapporte pas la preuve de l'existence d'un mandat donné par la propriétaire pour conclure un contrat de bail au prix qui fut stipulé le 3 janvier 2017 ;

Attendu que l'agent immobilier a donc commis un manquement professionnel, en ne respectant pas les stipulations contractuelles du mandat ;

Attendu, s'agissant du dommage en lien de causalité avec la faute contractuelle, que l'appelante estime qu'en l'absence d'accord pour la location de son bien immobilier pour un montant de 1270 € mensuels hors charges, l'agence immobilière doit être condamnée à lui payer des dommages-intérêts d'un montant de 19'955 €, dans la mesure où elle fait valoir qu'elle aurait accepté un loyer de 1700 € par mois, et non de 1270 €, soit une perte de 430 € par mois ;

Mais attendu qu' entre la signature du mandat et celle d'un contrat de bail, il s'est écoulé sept mois ; qu'il n'est pas établi que l'agent immobilier aurait pu trouver un preneur solvable au meilleur prix souhaité par la propriétaire ; qu'il ne peut être exclu que le montant du loyer obtenu représente effectivement la valeur locative réelle du bien sur le marché de l'immobilier ; et que le préjudice allégué demeure hypothétique ;

Qu'en ce qui concerne la demande non chiffrée formée par Mme [L] [G] épouse [O] au titre 'de frais à venir de sortir des lieux et plus généralement tous les frais de remise en état des lieux suite au départ des preneurs', cette prétention non chiffrée est une demande indéterminée qui ne peut qu'être écartée ;

Attendu qu'il s'ensuit la confirmation du jugement déféré qui a rejeté toute les demandes d'indemnité de Mme [L] [G] épouse [O] ;

Attendu que l'appelante reproche à l'agence de ne pas lui avoir envoyé une copie du contrat de bail signé le 3 janvier 2017 et d'avoir autorisé les locataires à entrer dans les lieux avant le 1er février 2017, date de prise d'effet du bail, ce qu'elle affirme n'avoir découvert que lors de la signification des conclusions en défense 29 janvier 2018, ce qui démontre de plus fort, selon elle, le désintérêt de l'agence immobilière quant à ses intérêts, de sorte que sa prétendue violation du domicile des locataires le 24 janvier 2017, alors qu'ils avaient été mis dans les lieux avant la date de prise d'effet du bail le 1er février 2017, pour faire des embellissements ne lui est pas imputable ;

Mais attendu que le tribunal a condamné Mme [L] [G] épouse [O] au montant des constats d'huissier rendus nécessaires pour faire constater qu'elle s'était introduite dans les lieux loués pour faire déplacer sur le palier les effets personnels des preneurs déjà entrés dans les lieux depuis le mois de janvier 2017, les contraignant à déposer plainte et à changer les serrures de l'appartement pour éviter de nouvelles intrusions ;

Attendu que même si Mme [L] [G] épouse [O] n'a pas été informée par son mandataire en temps utile de la signature du contrat de bail, celle-ci n'a pu que constater sur place que les lieux étaient occupés ; que dès lors elle ne pouvait pas ab irato vider des effets personnels sans se renseigner ; et qu'elle a donc été justement condamnée aux frais de constats rendus nécessaires par son comportement ;

Et attendu que le tribunal a retenu que l'action est manifestement abusive de la part de la demanderesse qui ne s'est pas conformée aux dispositions d'un bail qui l'obligeaient et dont elle soutient la nullité ou le caractère frauduleux sans en apporter la démonstration et en agissant par voie de fait et d'intimidations envers les preneurs et l'agence immobilière ; qu'il l'a condamnée en conséquence au paiement d'une amende civile de 5000 € pour ces faits ;

Mais attendu que l'article 32-1 n'est pas destiné à sanctionner les fautes décrites, mais «celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive» ;

Attendu que l'exercice d'une action en justice est un droit qui ne dégénère en abus que s'il est démontré l'existence d'une erreur grossière équipollente au dol ou l'intention de nuire ; que le fait de perdre un procès étant insuffisant à cet égard, aucun abus du droit d'ester en justice ne peut être retenu, d'où il suit l'infirmation du jugement déféré en ce qu'il a condamné Mme [L] [G] épouse [O] au paiement d'une amende civile, ainsi que le rejet de la nouvelle demande de ce chef présentée en cause d'appel ;

Attendu que l'appelante succombant encore en cause d'appel devra supporter la charge des dépens d'appel, et verser en équité la somme de 1 000 € à la société intimée au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ne pouvant elle-même prétendre au bénéfice de ce texte ;

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

Confirme le jugement déféré en ce qu'il a débouté Mme [L] [G] épouse [O] de ses demandes, l'a condamnée à payer à la SARL République Immobilier société nouvelle la somme de 568,17 €, au titre des procès-verbaux de constat d'huissier des 22, 26 janvier et 16 février 2017, ainsi qu'aux dépens et à payer à la société République Immobilier société nouvelle, la somme de 2500 €, au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

L'infirme en ce qu'il a condamné Mme [L] [G] épouse [O] à payer une amende civile de 5000 €, en application de l'article 32-1 du code de procédure civile

Statuant à nouveau du chef infirmé et y ajoutant,

Dit n'y avoir lieu à amende civile,

Condamne Mme [L] [G] épouse [O] à payer à SARL République Immobilier société nouvelle, la somme de 1 000 €, au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens, et dit que ceux-ci pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-1
Numéro d'arrêt : 19/16795
Date de la décision : 20/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-20;19.16795 ?
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