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15/06/2023 | FRANCE | N°22/11448

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-7, 15 juin 2023, 22/11448


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-7



ARRÊT AU FOND

DU 15 JUIN 2023



N° 2023/ 204













Rôle N° RG 22/11448 - N° Portalis DBVB-V-B7G-BJ4IH







[E] [H]





C/



Association ASSOCIATION CRECHE ET ORPHELINAT





















Copie exécutoire délivrée

le :

à :



Me Claire LANGUERY





Me Eric ADAD




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Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de proximité de MENTON en date du 28 Juin 2022 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 1121000266.





APPELANTE





Madame [E] [H]



(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2022-007285 du 09/09/2022 accordée par le bureau d'aide ...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-7

ARRÊT AU FOND

DU 15 JUIN 2023

N° 2023/ 204

Rôle N° RG 22/11448 - N° Portalis DBVB-V-B7G-BJ4IH

[E] [H]

C/

Association ASSOCIATION CRECHE ET ORPHELINAT

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Claire LANGUERY

Me Eric ADAD

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de proximité de MENTON en date du 28 Juin 2022 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 1121000266.

APPELANTE

Madame [E] [H]

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2022-007285 du 09/09/2022 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de AIX-EN-PROVENCE),

demeurant [Adresse 3]

représentée par Me Claire LANGUERY, avocat au barreau de NICE

INTIMEE

ASSOCIATION CRECHE ET ORPHELINAT, demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Eric ADAD de la SCP DELPLANCKE-POZZO DI BORGO-ROMETTI & ASSOCIES, avocat au barreau de NICE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 05 Avril 2023 en audience publique devant la cour composée de :

Madame Carole DAUX-HARAND, Présidente de chambre

Madame Carole MENDOZA, Conseillère

Madame Mireille CAURIER-LEHOT, Conseillère,

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Natacha BARBE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 15 Juin 2023.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 15 Juin 2023,

Signé par Madame Carole DAUX-HARAND, Présidente de chambre et Mme Natacha BARBE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSÉ DU LITIGE :

Par acte sous seing privé du 31 octobre 2012, l'Association Crèche et Orphelinat a donné à bail à Mme [E] [H] un appartement à usage d'habitation situé [Adresse 1], moyennant un loyer mensuel révisable de 400 euros outre 23 euros de provisions sur charges.

Par acte du 27 mai 2021, Mme [E] [H] a fait citer l'Association Crèche et Orphelinat aux fins de la voir condamner à lui payer la somme de 1929,70 euros sur le fondement de l'indû, la somme de 3500 euros de dommages-intérêts pour le préjudice causé par la sous évaluation de la provision sur charges, les régularisations brutales de charges et le manque de transparence du bailleur sur les justificatifs de régularisation de charges opérées et la somme de 1200 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par acte du 4 juin 2021, l'association Crèche et Orphelinat a fait citer Mme [E] [H] aux fins principalement de constater l'acquisition de la clause résulutoire et la résiliation du bail, d'ordonner son expulsion avec si nécessaire l'assistance de la force publique, la condamner au paiement de la somme de 2836,63 euros au titre des loyers et charges dues depuis 2015, la somme de 283,66 euros au titre de la clause pénale avec intérêts au taux légal à compter de la décision, une indemnité d'occupation égale au montant du loyer et des charges, outre la somme de 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement contradictoire du 28 juin 2022, le juge des contentieux de la protection du Tribunal de proximité de Menton a statué en ces termes :

- ORDONNE la jonction de 1'instance enrôlée sous le numéro 11 21-269 avec l'instance enrôlée sous le numéro 11 21-266 et ce sous ce dernier numéro;

- CONSTATE que les conditions d'acquisition de la clause résolutoire figurant au bail conclu le 31 octobre 2012 entre 1'Association Crèche et Orphelinat et Mme [E] [H] concernant l'appartement à usage d'habitation situé [Adresse 1] à [Localité 4] sont réunies à la date du 11 février 2021,

- CONDAMNE Mme [E] [H] à verser à 1'Association Crèche et Orphelinat la somme de 3694,07 euros au titre des loyers et charges impayés, arrêtée au mois de mai 2022 outre la somme de 50 euros au titre de la clause pénale, avec les intérêts au taux légal à compter de la présente décision;

- CONDAMNE l'Association Crèche et Orphelinat à payer à Mme [E] [H], la somme de 700 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi lié au retard de transmission de son extrait de compte locataire;

- DEBOUTE Mme [E] [H] de sa demande de dommages et intérêts fondée sur la sous évaluation des provisions sur charges et l'augmentation brutale des régularisations de charges;

- ORDONNE la compensation entre les créances respectives des parties;

- AUTORISE Mme [E] [H] à s'acquitter de la somme mise à sa charge, outre le loyer et les charges courants, en 36 mensualités de 80 euros chacune, la dernière soldant la dette en principal et intérêts,

- PRECISE que chaque mensualité devra intervenir avant le 5 de chaque mois et pour la première

fois le 10 du mois suivant la signification du présent jugement,

- SUSPEND les effets de la clause résolutoire pendant l'exécution des délais accordés,

- DIT que si les délais accordés sont entièrement respectés, la clause résolutoire sera réputée n'avoir jamais été acquise,

- DIT qu'en cas d'un seul impayé, du loyer et des charges courants ou de l'arriéré, plus sept jours

après l'envoi d'une mise en demeure par lettre recommandée avec avis de réception :

* que la clause résolutoire retrouve son plein effet ;

* que le solde de la dette devienne immédiatement exigible ;

* qu'à défaut pour Mme [E] [H] d'avoir volontairement libéré les lieux dans les deux mois de la délivrance d'un commandement de quitter les lieux, l'association Crèche et Orphelinat pourra faire procéder à son expulsion ainsi qu`à celle de tous les occupants de son chef, avec le concours d'un serrurier et de la force publique si besoin est ;

* que Mme [E] [H] sera condamnée à verser à l'association Crèche et Orphelinat une indemnité mensuelle d'occupation égale au montant du loyer et des charges qui auraient été dus en l'absence de résiliation du bail, jusqu'à la date de la libération effective et définitive des lieux caractérisée par la remise des clés au bailleur ou à son mandataire, soit la somme de 454,55 euros par mois ;

- DIT que l'association Crèche et Orphelinat devra remettre à Mme [H] les quittances de loyers et charges payés ou des reçus de paiement en cas de paiement partiel, en application de 1'article 21 de la loi du 6 juillet 1989;

- REJETTE les demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile;

- CONDAMNE Mme [E] [H] aux dépens, qui comprendront notamment le coût du commandement de payer, de l'assignation et de sa notification à la préfecture, qui seront recouvrés comme en matière d'aide juridictionnelle;

- RAPPELLE que la présente décision est de plein droit exécutoire à titre provisoire.

Le premier juge retient que s'agissant des charges réclamées au titre de l'année 2015 dans le décompte du commandement, elles sont prescrites ; qu'ainsi la somme de 550,70 euros doit être déduite de celle de 2665,83 euros ; que concernant les charges afférentes aux années 2016 à 2020, le bailleur verse le détail des dépenses, l'ensemble des factures, la clé de répartition entre les locataires et les avis de taxes foncières ; que le montant de l'aide au logement perçue par le bailleur le 3 décembre 2020 doit être déduit des sommes réclamées ; que la locataire n'a pas réglé la somme de 1782,13 euros due au mois de décembre 2020 dans les deux mois de la signification du commandement de payer ; qu'il convient de réduire la clause pénale en ce qu'elle apparaît manifestement excessive eu égard à la situation financière de la locataire et au revenu locatif dont le bailleur a été privé ; que le caractère excessif et brutal de la régularisation des charges n'est pas établi ; que la responsabilité du bailleur n'est pas démontrée ; que les sommes réclamées au titre de la régularisation des charges étaient dues et que la locataire ne prouve pas le préjudice allégué ; que cependant le bailleur a mis plus de six mois avant d'adresser à la locataire l'extrait de compte réclamé qui lui était nécessaire pour justifier de sa siutation auprès de la CAF, ce qui a engendré une suspension de ses prestations familiales ; que Mme [H] justifie régler son loyer, avoir effectué plusieurs versements afin d'apurer partiellement sa dette locative et que compte tenu de sa situation personnelle et familiale, il sera fait droit à sa demande de délais de paiement.

Selon déclaration du 8 août 2022, Mme [E] [H] a relevé appel de cette décision sauf en ce qu'elle a ordonné la jonction des deux procédures, condamné l'association Crèche et Orphelinat à lui payer la somme de 700 euros à titre de dommages-intérêts, ordonné la compensation des créances respectives des parties et dit que le bailleur devra lui remettre les quittances de loyers et charges payés ou des reçus de paiement en cas de paiement partiel.

Par ordonnance du 5 septembre 2022, l'affaire a été fixée à bref délai.

Selon ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 4 octobre 2022, auxquelles il sera référé pour un plus ample exposé de ses prétentions et moyens, Mme [E] [H] demande de voir :

- DECLARER recevable l'appel interjeté dans le délai de la loi par Mme [E] [H] du jugement rendu par le Tribunal de Proximité de MENTON le 28 juin 2022,

- INFIRMER le jugement prononcé par le Tribunal de Proximité de MENTON le 28 juin 2022 en ce qu'il :

* CONSTATE que les conditions d'acquisition de la clause résolutoire figurant au bail conclu le 31 octobre 2012 entre [Adresse 1] à [Localité 4] sont réunies à la date du 11 février 2021 ;

* CONDAMNE Mme [E] [H] à verser à l'Association Crèche et Orphelinat la somme de 3 694,07 euros au titre des loyers et charges impayés, arrêtée au mois de mai 2022, outre la somme de 50 euros au titre de la clause pénale, avec les intérêts au taux légal à compter de la présente décision ;

Mme [E] [H] de sa demande de dommages et intérêts fondée sur la sous-évaluation des provisions sur charges et l'augmentation brutale des régularisations de charges ;

* AUTORISE Mme [E] [H] à s'acquitter de la somme mise à sa charge, outre le loyer et les charges courants, en 36 mensualités de 80 euros chacune, la dernière soldant la dette en principal et intérêts

* REJETE les demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

* CONDAMNE Mme [E] [H] aux dépens, qui comprendront notamment le coût du commandement de payer, de l'assignation et de sa notification à la préfecture quiseront recouvrés comme en matière d'aide juridictionnelle ;

- Statuant à nouveau :

- CONDAMNER l'ASSOCIATION CRECHE ET ORPHELINAT à verser à Mme [H] la somme de 3.500 euros à titre d'indemnisation du préjudice causé par la sous-évaluation de la provision pour charges par le bailleur, les régularisations brutales de charges et le manque de transparence du bailleur sur les justificatifs des régularisations opérées ;

- ACCUEILLIR Mme [E] [H] dans l'ensemble de ses demandes formées à l'encontre de l'ASSOCIATION CRECHE ET ORPHELINAT et l'en déclarer bien fondée ;

- DEBOUTER l'ASSOCIATION CRECHE ET ORPHELINAT et l'en déclarer bien-fondée de toutes ses fins, demandes et conclusions diligentées à l'encontre de Mme [E] [H] ;

- CONDAMNER l'ASSOCIATION CRECHE ET ORPHELINAT à payer à Maître Claire LANGUERY la somme de 3.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et la condamner aux entiers dépens.

Mme [E] [H] fait essentiellement valoir qu'elle détient à l'encontre de son bailleur une créance de 776,08 euros à la date du 2 mai 2022 ; que les sommes facturées avant le 11 décembre 2017 sont prescrites ; que la répartition effectuée par le bailleur en fonction du nombre d'appartements de l'immeuble ne permet pas de répartir les charges en fonction de la quote-part afférente aux locaux loués ; qu'elles ne sont donc pas dues et qu'il convient donc de déduire des sommes dues les régularisations de charges et quote-part de taxe des ordures ménagères ainsi que les charges indûment facturées ; que les régularisations de charges ont été au moins deux fois supérieures à la provision sur charges ; que cette sous-évaluation constitue une faute de nature à engager la responsabilité du bailleur et n'a pas permis à la locataire d'estimer correctement le montant des charges qu'elle allait devoir payer au cours du bail ; qu'il n'a effectué aucune régularisation de charges pendant huit ans ; que le fait de lui réclamer ces régularisations de manière rapprochée, sans pièces justificatives, lui a dénié sa possibilité de régler en douze mensualités.

Selon ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 3 novembre 2022, auxquelles il sera référé pour un plus ample exposé de ses prétentions et moyens, l'association Crèche et Orphelinat demande de voir :

- CONFIRMER le jugement prononcé par le juge des contentieux de la protection de MENTON le 28 juin 2022 en ce qu'il :

* CONSTATE que les conditions d'acquisition de la clause résolutoire figurant au bail conclu le 31 octobre 2012 sont réunies à la date du 11 février 2021,

* CONDAMNE Mme [E] [H] à verser à l'ASSOCIATION CRECHE ET ORPHELINAT la somme de 3 694,07 euros au titre des loyers et charges impayés, arrêtée au mois de mai 2022, outre la somme de 50 euros au titre de la clause pénale, avec les intérêts au taux légal à compter de

la date du jugement de première instance ;

* DEBOUTE Madame [E] [H] de sa demande de dommages et intérêts fondée sur la sous-

évaluation des provisions sur charges et l'augmentation brutale des régularisations de charges,

* DEBOUTE Madame [E] [H] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- A TITRE INCIDENT,

- INFIRMER le jugement du 28 juin 2022 en ce qu'il a suspendu les effets de la clause résolutoire pendant l'exécution des délais accordés,

- En conséquence,

- JUGER que les causes du commandement de payer du 11 décembre 2020 n'ont pas été acquittées,

- JUGER que le commandement de payer signifié le 11 décembre 2020 est demeuré infructueux,

- JUGER acquise la clause résolutoire du bail consenti à Madame [E] [H] en l'absence de non-respect du règlement des loyers et charges tel que prononcé par le jugement rendu le 28 juin 2022,

- PRONONCER la résiliation du contrat de bail du 31 octobre 2012,

- ORDONNER l'expulsion de Madame [E] [H] ainsi que celle de tous occupants de son chef, au besoin avec le concours de la force publique et tel serrurier du choix de l'huissier instrumentaire, et ce relativement à l'appartement occupé au [Adresse 1] à [Localité 4].

- CONDAMNER Madame [E] [H] à verser à L'ASSOCIATION CRECHE ET ORPHELINAT la somme provisionnelle de 5 457,20 euros au titre des loyers et charges locatives dues au 2 novembre 2022,

- CONDAMNER Madame [E] [H] à verser à L'ASSOCIATION CRECHE ET ORPHELINAT la somme de 545,72 euros au titre de la clause pénale, et ce en application de l'article 2.12.1 du contrat de bail du 31 octobre 2012,

- JUGER qu'ultérieurement au prononcé de l'arrêt à intervenir, Madame [E] [H] sera tenue d'acquitter au profit de L'ASSOCIATION CRECHE ET ORPHELINAT une indemnité d'occupation conventionnelle mensuelle au moins égale au montant du dernier loyer, charges, taxes et accessoires réclamés,

- INFIRMER le jugement du 28 juin 2022 en ce qu'il a condamné l'ASSOCIATION CRECHE ET ORPHELINAT à verser à Madame [E] [H] la somme de 700 euros au titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi lié au retard de transmission de son extrait de compte locataire,

- EN TOUT ETAT DE CAUSE,

- CONDAMNER Madame [E] [H] à verser à L'ASSOCIATION CRECHE ET ORPHELINAT la somme de 2 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile ainsi qu'aux entiers dépens, en ce compris le coût du commandement de payer les loyers du 11 décembre 2020, outre les frais de signification de la présente assignation, les frais de signification de la décision à intervenir ainsi que des frais d'exécution futurs.

L'association Crèche et Orphelinat fait essentiellement valoir qu'elle verse aux débats les factures concernant les années 2016 à 2020 ; que les charges sont partagées en huit, compte tenu du nombre de logements figurant dans l'immeuble, à l'exception des factures d'eau qui sont individualisées ; que la provision sur charges contractuellement prévue est modique et que même si la régularisation entraine un doublement de cette provision, cette somme reste peu élevée ; que par courrier RAR du 5 mars 2021, l'agence MARTINI a communiqué les différents états de dépense qui avaient été adressés annuellement à la locataire ; que celle-ci ne s'est pas acquittée des sommes mises à sa charge par le jugement déféré et ne s'acquitte que très partiellement de ses obligations.

La procédure a été clôturée à l'audience.

MOTIVATION :

Sur la prescription de la demande en paiement de l'association Crèche et Orphelinat :

Il résulte de l'article 7-1, dans sa rédaction issue de la loi du 24 mars 2014, de la loi du 6 juillet 1989 que les actions dérivant d'un contrat de bail sont prescrites par trois ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer ce droit.

Il résulte de l'article 82 de la loi du 6 août 2015 que l'article 7-1 est applicable aux contrats de bail en cours à la date de publication de la présente loi (JO du 7 août 2015), dans les conditions fixées à l'article 2222 du code civil.

En l'espèce au vu de la date de conclusion du bail signé entre les parties, soit le 31 octobre 2012, il convient de faire application de la prescription triennnale aux demandes en paiement de l'association Crèche et Orphelinat.

Selon acte du 11 décembre 2020, le bailleur a fait délivrer à Mme [H] un commandement de payer la somme de 2665,83 euros correspondant à des loyers et charges impayées au 2 décembre 2020.

Dans le commandement de payer, il est détaillé les sommes demandées à la locataire, soit :

- les charges locatives du 01/01/2015 au 31/12/2015 : 510,22 euros,

- les charges locatives du 01/01/2016 au 31/12/2016 : 412,79 euros,

- les charges locatives du 01/01/2017 au 31/12/2017 : 526,21 euros,

- les charges locatives du 01/01/2018 au 31/12/2018 : 340,07 euros,

- le loyer de novembre 2020 : 91,76 euros,

- les provisions sur charges de novembre 2020 : 23 euros,

- les charges locatives du 01/01/2019 au 31/12/2019 : 290,02 euros,

- le loyer de décembre 2020 : 424,76 euros,

- les provisions sur charges de décembre 2020 : 47 euros.

Aussi, compte tenu que le commandement de payer n'a pas d'effet interruptif, les sommes échues antérieurement au 27 mai 2018 - et non celles facturées avant le 11 décembre 2017- ne peuvent plus être réclamées à la locataire car l'action en paiement du bailleur est prescrite.

Par conséquent, l'association Crèche et Orphelinat ne peut plus réclamer à Mme [H] les régularisations de charges des années 2015, 2016 et 2017 telles que demandées dans le commandement de payer du 11 décembre 2020.

Ainsi, la somme globale de 1449,22 euros doit être déduite de celle de 2665,83 euros arrêtée au 1er décembre 2020, soit un restant dû de 1216,61 euros à la date du commandement de payer.

Sur la résiliation du bail par l'effet de la clause résolutoire et ses conséquences :

En premier lieu, il convient de relever que la recevabilité de l'action de l'association Crèche et Orphelinat décidée par le premier juge, sur le fondement de l'article 24 III de la loi du 6 juillet 1989, n'est pas contestée par l'appelante.

L'article 24 I de la loi du 6 juillet 1989 dispose que toute clause prévoyant la résiliation de plein droit du contrat de location pour défaut de paiement du loyer ou des charges aux termes convenus ou pour non-versement du dépôt de garantie ne produit effet que deux mois après un commandement de payer demeuré infructueux.

Il résulte de cette disposition que bien que délivré pour une somme supérieure à celle dont le locataire est débiteur, le commandement de payer demeure valable à hauteur du montant des loyers échus et impayés.

En l'espèce, le bailleur ne pouvant réclamer que la somme susvisée de 1216,61 euros en vertu du commandement de payer délivré à la locataire par acte du 11 décembre 2020, il résulte du décompte du 2 novembre 2022 que ce commandement de payer n'est pas resté sans effet au 12 février 2021 du fait de versements de la caisse d'allocations familiales et de règlements de la locataire pour un total de 1034 euros, auquel il faut ajouter la somme de 333 euros versée par la caisse d'allocations familiales le 3 décembre 2020 qui n'a pas été prise en compte dans le commandement de payer pour le loyer de décembre 2020.

Dans ces conditions, la résiliation de plein droit du bail ne peut être constatée et il convient donc de rejeter les demandes d'expulsion et de paiement d'une indemnité d'occupation formées par l'association Crèche et Orphelinat.

Par conséquent, le jugement déféré sera infirmé sur ces points.

Sur le calcul des charges par l'association Crèche et Orphelinat :

En vertu de l'article 23 de la loi du 6 juillet 1989, les charges récupérables, sommes accessoires au loyer principal, sont exigibles sur justification en contrepartie des services rendus liés à l'usage des différents élements de la chose louée, des dépenses d'entretien courant et des menues réparations sur les élements d'usage commun de la chose louée et des impositions qui correspondent à des services dont le locataire profite directement.

La liste des charges est fixée par décret en Conseil d'Etat.

Les charges locatives peuvent donner lieu au versement de provisions et doivent, en ce cas, faire l'objet d'une régularisation annuelle.

Il résulte de cette disposition qu'il incombe au bailleur de justifier de la créance de charges à l'encontre du preneur et les demandes de provisions pour charges doivent être justifiées par la communication des résultats antérieurs arrêtés lors de la précédente régularisation et pour le bailleur, personne morale, par le budget prévisionnel.

Un mois avant cette régularisation, le bailleur en communique au locataire le décompte par nature de charges ainsi que, dans les immeubles collectifs, le mode de répartition entre les locataires.

Les charges locatives ne sont pas dues si elles ne sont pas justifiées mais le bailleur peut en justifier à tout moment dans la limite du délai de prescription.

En l'espèce, concernant les demandes de paiement des charges locatives non prescrites, soit pour les années 2018, 2019 et 2020, l'association Crèche et Orphelinat produit le détail des dépenses pour 2018, 2019 et 2020 de l'ensemble de l'immeuble.

Si elle prétend que la clé de répartition des charges entre les locataires respecte le principe d'équité car les 8 logements loués au sein de son immeuble ont des caractéristiques identiques, elle n'en justifie pas.

Le seul relevé de propriété produit ne permet pas de connaître la superficie exacte de chaque appartement loué, ni leur consistance et leur situation aux fins de pouvoir vérifier que la division des charges par 8 respecte le principe d'équité.

Par conséquent, l'association Crèche et Orphelinat ne justifie pas du bien-fondé de sa clé de répartition et donc du montant des charges réclamées à Mme [H]. Il en est de même des taxes des ordures ménagères dont la clé de répartition n'est pas non plus justifiée.

Elle ne peut donc obtenir le paiement des charges réclamées au titre des régularisation ni celui des provisions sur charges.

Ainsi, au vu du décompte du 2 novembre 2022, l'association Crèche et Orphelinat demande que Mme [H] soit condamnée à lui payer la somme de 5457,20 euros au titre des loyers et charges locatives dues à cette date.

Or, toutes les sommes échues avant le 27 mai 2018, qui figurent sur ce décompte, ne peuvent pas être réclamées à Mme [H] du fait de la prescription extinctive.

De même, les régularisations de charges, les taxes des ordures ménagères et les provisions sur charges échues depuis le 27 mai 2018 ne peuvent être valablement réclamées par l'association Crèche et Orphelinat du fait de leur non-justification, soit un total de 2853,95 euros.

Or, il résulte du décompte du 2 novembre 2022 que depuis le 27 mai 2015, le total des sommes réclamées par le bailleur au titre des loyers et charges représente un montant de 25371,38 euros alors que la locataire a réglé un total de 21607,18 euros, soit un solde restant dû de 3764,20 euros duquel il faut déduire la somme précitée de 2853,95 euros, soit une créance locative de 910,25 euros en faveur du bailleur.

Par conséquent, Mme [H] sera condamnée à payer à l'association Crèche et Orphelinat la somme de 910,25 euros au titre des loyers et charges impayés au 2 novembre 2022, outre intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.

Le bailleur réclame également l'application de la clause pénale stipulée au bail selon laquelle 'à défaut de paiement à son échéance exacte d'un terme de loyer et de ses accessoires, les sommes dues seront majorées de plein droit de dix pour cent à titre de clause pénale, cette majoration ne constituant en aucun cas une amende, mais la réparation du préjudice subi par le bailleur, sans que cette stipulation puisse lui faire perdre le droit de demander l'application de la clause résolutoire'.

En vertu de l'ancien article 1152 du code civil, applicable au contrat de bail litigieux, le juge peut, même d'office, modérer ou augmenter la peine qui avait été convenue, si elle est manifestement excessive ou dérisoire.

Même si l'arriéré locatif que subi le bailleur lui cause nécessairement un préjudice, il ne justifie pas suffisamment de la réalité du préjudice subi et de son étendue.

Il convient donc de confirmer le jugement déféré qui a décidé de réduire à la somme de 50 euros le montant de la clause pénale sollicitée par l'association Crèche et Orphelinat, notamment eu égard à la situation financière de la locataire.

Sur les demandes de dommages-intérêts de Mme [H] :

Concernant la condamnation de l'association Crèche et Orphelinat à payer à Mme [H] la somme de 700 euros de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi lié au retard de transmission de son extrait de compte locataire, il résulte des débats que l'appelante n'a pas relevé appel de cette disposition mais que l'intimée en demande l'infirmation.

Cependant, celle-ci reconnaît que dès le 28 octobre 2021, réitéré le 30 mars 2022, Mme [H] lui a demandé de lui remettre les quittances de loyer ou un extrait de compte afin de régulariser sa situation auprès de la caisse d'allocations familiales alors que cet extrait ne lui a été remis qu'en mai 2022.

Or, même si la procédure était en cours, il convient de rappeler que l'article 21 de la loi du 6 juillet 1989 prévoit que le bailleur doit remettre au locataire les quittances de loyers et charges ou des reçus en cas de paiement partiel quand ce dernier en fait la demande.

Or, le premier juge retient que l'association Crèche et Orphelinat a mis plus de 6 mois avant d'envoyer à Mme [H] l'extrait de compte demandé, qui lui était nécessaire pour justifier sa situation auprès de la caisse d'allocations familiales, ce qui a engendré une suspension de ses prestations sociales.

Il a donc justement apprécié que ce retard a causé un préjudice à Mme [H] et il convient de confirmer la condamnation prononcée à l'encontre de l'association Crèche et Orphelinat à lui verser la somme de 700 euros à titre de dommages-intérêts.

Sera ainsi confirmée la décision déférée sur ce point.

Concernant la demande de dommages-intérêts du fait du préjudice subi par la sous-évaluation de la provision pour charges par le bailleur, les régularisations brutales de charges et le manque de transparence sur les justificatifs des régularisations opérées, il convient de relever que la régularisation de charges pour l'année 2015 n'a été opérée que le 27 janvier 2017, celle pour l'année 2016 que 13 décembre 2018, celle pour l'année 2017 que le 6 février 2020, celle pour l'année 2018 que le 19 février 2020, celle pour l'année 2019 que le 4 novembre 2020 et celle pour l'année 2020 que le 20 août 2021.

Ces régularisations tardives ont empêché inévitablement Mme [H] de pouvoir demander l'application de l'article 23 de la loi du 6 juillet 1989 qui, en son alinéa 6, prévoit que lorsque la régularisation n'a pas été effectuée avant le terme de l'année civile suivant leur exigibilité, le paiement par le locataire est effectué par douxième, s'il en fait la demande.

Cependant, même si ces régularisations ont été très tardives et que la provision sur charges a pu doubler en 2021 en passant de 23 euros, tel que prévu par le contrat de bail, à 47 euros, il n'en reste pas moins que ce montant n'est pas excessif.

En outre, du fait de leur non-justification quant la clé de répartition, elles ne sont finalement pas dues par la locataire qui ne subit donc pas de préjudice du fait de ces régularisations et de l'augmentation des provisions.

Par conséquent, il y a lieu de débouter Mme [H] de sa demande de dommages-intérêts de ce chef et par là-même de confirmer le jugement déféré sur ce point.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :

En vertu de l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie.

En l'espèce, compte tenu de l'issue du litige, il convient que chacune des parties conserve la charge de ses propres dépens d'appel.

Il en sera de même des dépens de première instance, le jugement déféré étant infirmé en ce qu'il a condamné Mme [H] aux dépens.

Aux termes de l'article 700 du code de procédure civile, dans toutes les instances le juge condamne la partie tenue aux dépens à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation.

Il convient que dire n'y avoir lieu à condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile, en cause d'appel, et de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a rejeté les demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La cour statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

CONFIRME le jugement déféré rendu le 28 juin 2022 par le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité de Menton, dans les limites de l'appel, en ce qu'il a :

- condamné l'association Crèche et Orphelinat à payer à Mme [E] [H] la somme de 50 euros au titre de la clause pénale, avec les intérêts au taux légal à compter de ladite décision,

- condamné l'association Crèche et Orphelinat à payer à Mme [E] [H] la somme de 700 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi lié au retard dans la transmission de son extrait de compte locataire,

- débouté Mme [E] [H] de sa demande de dommages-intérêts fondée sur la sous évaluation des provisions sur charges et l'augmentation brutale des régularisations de charges,

- rejeté les demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

INFIRME le jugement déféré pour le surplus ;

STATUANT A NOUVEAU ET Y AJOUTANT ;

REJETTE les demandes de l'association Crèche et Orphelinat en résiliation de plein droit du bail, en expulsion et en paiement d'une indemnité mensuelle d'occuaption ;

CONDAMNE Mme [E] [H] à payer à l'association Crèche et Orphelinat la somme de 910,25 euros au titre des loyers et charges impayés, arrêté au 2 novembre 2022, outre intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ;

DIT n'y avoir lieu à condamnation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, en cause d'appel ;

LAISSE à chacune des parties la charge de ses dépens de première isntance et d'appel.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-7
Numéro d'arrêt : 22/11448
Date de la décision : 15/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-15;22.11448 ?
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