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14/06/2023 | FRANCE | N°21/17255

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-8, 14 juin 2023, 21/17255


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-8



ARRÊT AU FOND

DU 14 JUIN 2023



N° 2023/ 271







N° RG 21/17255



N° Portalis DBVB-V-B7F-BIQH2







[D] [B]





C/



[J] [Y]



[E] [O]



[U] [F]









































Copie exécutoire délivrée

le :



à :



Me Isabelle FICI



Me Pierre-Yves IMPERATORE







Décision déférée à la Cour :



Jugement du Juge des contentieux de la protection d'ANTIBES en date du 04 Novembre 2021 enregistrée au répertoire général sous le n° 1121000059.





APPELANT



Monsieur [D] [B]

né le [Date naissance 1] 1956 à [Localité 11], demeurant [Adresse 8]



représenté par Me Is...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-8

ARRÊT AU FOND

DU 14 JUIN 2023

N° 2023/ 271

N° RG 21/17255

N° Portalis DBVB-V-B7F-BIQH2

[D] [B]

C/

[J] [Y]

[E] [O]

[U] [F]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Isabelle FICI

Me Pierre-Yves IMPERATORE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Juge des contentieux de la protection d'ANTIBES en date du 04 Novembre 2021 enregistrée au répertoire général sous le n° 1121000059.

APPELANT

Monsieur [D] [B]

né le [Date naissance 1] 1956 à [Localité 11], demeurant [Adresse 8]

représenté par Me Isabelle FICI, membre de la SELARL CABINET LIBERAS-FICI & ASSOCIÉS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, ayant pour avocat pLaidant Me Dominique ROMEO, avocat au barreau de GRASSE

INTIMES

Monsieur [J] [Y]

né le [Date naissance 6] 1962 à [Localité 9] (95), demeurant [Adresse 5]

Madame [E] [O]

née le [Date naissance 2] 1957 à [Localité 10] (75), demeurant [Adresse 5]

Monsieur [U] [F]

né le [Date naissance 3] 1980 à [Localité 12] (92), demeurant [Adresse 7]

représentés par Me Pierre-Yves IMPERATORE, membre de la SELARL BOULAN-CHERFILS-IMPERATORE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, ayant pour avocat plaidant Me Richard COHEN, avocat au barreau de PARIS

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 21 Mars 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Jean-Paul PATRIARCHE, Conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Philippe COULANGE, Président

Madame Céline ROBIN-KARRER, Conseillère

Monsieur Jean-Paul PATRIARCHE, Conseiller

Greffier lors des débats : Mme Maria FREDON.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 14 Juin 2023.

ARRÊT

Contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe le 14 Juin 2023, signé par Monsieur Philippe COULANGE, Président et Madame Maria FREDON, greffière auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE ANTÉRIEURE

Suivant un premier contrat conclu le 9 mai 2008, Monsieur [D] [B] a donné à bail d'habitation à Monsieur [U] [F] un logement meublé au 3ème étage d'un immeuble de rapport comportant huit appartements dénommé 'Villa Kerilis', situé [Adresse 4].

Monsieur [J] [Y] et Madame [E] [O] se sont portés cautions solidaires des obligations souscrites par le locataire.

Le 7 décembre 2010, les parties ont conclu un nouveau bail portant sur un autre appartement meublé situé en rez-de-jardin du même immeuble, moyennant un loyer de 710 euros.

Par exploit d'huissier du 5 mars 2018, le bailleur a fait signifier à son locataire un commandement de payer un arriéré de loyer, visant la clause résolutoire stipulée au contrat.

Puis il a fait assigner courant juillet 2018 le locataire et les cautions à comparaître devant le juge des référés du tribunal d'instance d'Antibes, afin de voir constater l'acquisition de ladite clause, ordonner l'expulsion de tous occupants et obtenir paiement de la dette locative, outre une indemnité d'occupation jusqu'à la libération effective des lieux.

M. [F] a sollicité l'octroi de délais de paiement et la suspension des effets de la clause résolutoire, tandis que M. [Y] et Mme [O] n'ont pas comparu.

Aux termes d'une ordonnance rendue le 27 novembre 2018, le juge des référés a :

- constaté l'acquisition de la clause résolutoire du bail,

- rejeté la demande de suspension de ses effets et ordonné l'expulsion du preneur,

- condamné M. [F] à payer une provision de 2.599 euros au titre de l'arriéré locatif échu au 31 juillet 2018, solidairement avec les cautions à hauteur de 1.939 euros,

- condamné M. [F] à payer une indemnité d'occupation mensuelle de 710 euros à compter du 1er août 2018 jusqu'à la libération effective des lieux, les cautions n'étant solidairement tenues qu'à concurrence de 650 euros.

Entre-temps, la caisse d'allocations familiales avait informé les parties de la suspension de l'allocation de logement en raison du caractère indécent du bien loué, mis en évidence par un rapport de l'association SOLIHA, jusqu'à l'exécution des travaux de mise en conformité.

Puis le maire de la commune de [Localité 13] avait pris le 8 octobre 2018 un arrêté de péril imminent prescrivant la réalisation de travaux urgents dans l'immeuble et l'évacuation des locataires des appartements des premier et deuxième étages gauches.

En raison des travaux d'étaiement des planchers, l'appartement occupé par Monsieur [F] avait dû être également évacué, ce dernier ayant été relogé par la commune entre le 9 novembre 2018 et le 1er mai 2019, puis par un membre de sa famille.

Par la suite Monsieur [B] a diligenté plusieurs saisies-attribution sur les comptes bancaires des cautions à l'effet de recouvrer le montant de sa créance.

Par acte du 20 janvier 2021, Monsieur [U] [F] a saisi le tribunal de proximité d'Antibes, statuant cette fois au fond, pour voir ramener le montant de sa dette locative à 1.912 euros, supprimer l'indemnité d'occupation à compter de l'arrêté de péril et obtenir la restitution du dépôt de garantie, ainsi que la réparation du préjudice de jouissance subi du fait de l'indécence du logement.

Monsieur [J] [Y] et Madame [E] [O] se sont joints à cette action pour entendre juger de leur côté que les actes de cautionnement étaient nuls, ou tout au moins inopposables dans le cadre du second contrat de bail, et réclamer la restitution des sommes saisies sur leurs comptes, outre la réparation de leur préjudice moral.

Monsieur [D] [B] a conclu au rejet de l'ensemble de ces prétentions, entendant pour sa part poursuivre l'exécution de l'ordonnance de référé.

Par jugement rendu le 4 novembre 2021, le tribunal a :

- condamné M. [F] à payer la somme de 1.912 euros au titre de sa dette locative,

- jugé qu'aucune somme ne pouvait être réclamée au locataire pour la période échue entre le 29 mars et le 27 décembre 2018 en raison de l'indécence du logement, et condamné le bailleur à restituer celles éventuellement perçues,

- condamné M. [B] à restituer le dépôt de garantie, soit la somme de 1.420 euros, majorée de 10 % par mois à compter du 1er janvier 2019,

- jugé que les actes de cautionnement ne pouvaient garantir les obligations souscrites au titre du second contrat de bail, et condamné en conséquence M. [B] à restituer les sommes saisies à l'encontre des cautions, soit 2.557,26 euros, outre les frais d'exécution,

- condamné M. [B] à payer à M. [F] la somme de 1.000 euros en réparation de son préjudice moral, et à M. [Y] et Mme [O] celle de 500 euros chacun,

- débouté les parties du surplus de leurs prétentions,

- et condamné le défendeur aux dépens, ainsi qu'au paiement d'une somme de 2.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Monsieur [D] [B] a interjeté appel de cette décision le 8 décembre 2021.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Aux termes de ses conclusions notifiées le 8 mars 2022, Monsieur [D] [B] fait valoir que son locataire n'avait formulé aucune doléance avant l'année 2018 ; que le rapport de l'association SOLIHA n'établit pas l'indécence du logement, alors que l'état des lieux d'entrée décrit au contraire un appartement en bon état ; que l'arrêté de péril ne concernait pas l'appartement occupé par Monsieur [F] et que sa légalité est contestée devant les juridictions administratives, une contre-expertise ayant en outre démontré qu'il n'était pas nécessaire d'installer des étais au rez-de-chaussée de l'immeuble.

S'agissant des actes de cautionnement, il soutient qu'ils demeurent opposables dans le cadre du second contrat de bail, lequel constituait en réalité un simple avenant au premier dans la mesure où le relogement du locataire s'avérait nécessaire du fait de l'exécution de travaux au 3ème étage.

Il demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, et statuant à nouveau de débouter les parties adverses de l'ensemble de leurs prétentions et de les condamner chacune au paiement de la somme de 1.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.

Par conclusions en réplique notifiées le 7 juin 2022, Monsieur [U] [F] soutient qu'aucun loyer n'est dû a minima depuis le mois de mars 2018, date du rapport mettant en évidence l'indécence du logement, et qu'aucune contrepartie quelconque ne peut être en outre réclamée par le bailleur à compter de l'arrêté de péril en vertu de l'article L 521-2 du code de la construction et de l'habitation.

Dans ces mêmes conclusions, Monsieur [J] [Y] et Madame [E] [O] soutiennent pour leur part que les actes de cautionnement sont nuls pour avoir été souscrits antérieurement à la conclusion du premier contrat de bail, et en tout état de cause inopposables dans le cadre du second contrat en vertu de l'article 2292 du code civil.

Les intimés concluent ensemble à la confirmation du jugement déféré en toutes ses dispositions, et demandent à la cour d'y ajouter en condamnant l'appelant à leur verser de plus amples dommages-intérêts, à savoir 4.000 euros pour M. [F] et 4.500 euros pour M. [Y] et Mme [O], outre la somme de 3.000 euros chacun en raison du caractère abusif de la procédure et celle de 2.000 euros chacun au titre de leurs frais irrépétibles.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 7 mars 2023.

DISCUSSION

Sur les rapports entre le bailleur et le locataire :

Il convient en premier lieu de prendre acte qu'aucune des deux parties ne remet en cause l'ordonnance de référé en ce qu'elle a constaté l'acquisition de la clause résolutoire du bail par l'effet du commandement de payer signifié le 5 mars 2018, soit à compter du 5 mai 2018.

Il y a lieu de relever d'autre part que le tribunal, faisant droit à la demande de Monsieur [F], a fixé à 1.912 euros le montant de sa dette locative sur la base d'un décompte intégrant les loyers, charges et indemnités d'occupation échus jusqu'au 9 octobre 2018, mais que cette disposition, non contestée par l'intimé, est en contradiction avec un autre chef du jugement le dispensant de toute contrepartie à l'occupation du logement à compter du 29 mars 2018 à titre de réparation de son préjudice de jouissance.

Dans la mesure où le rapport de l'association SOLIHA ne fait pas état d'un logement inhabitable, mais seulement de la nécessité d'assurer une meilleure ventilation pour lutter contre les phénomènes d'humidité, le locataire ne peut être dispensé de tout paiement pour la période échue entre le 29 mars 2018 et le 9 octobre 2018, et son préjudice de jouissance sera équitablement réparé par l'octroi d'une indemnité de 2.000 euros, qui viendra s'ajouter à celle allouée par le premier juge en réparation de son préjudice moral.

En revanche, à compter du 9 octobre 2018, aucune indemnité d'occupation ne peut plus être réclamée par le bailleur en vertu de l'article L 521-2 du code de la construction et de l'habitation, du fait de l'arrêté de péril pris par le maire de la commune. En effet, même si cette décision ne visait expressément que les appartements des premier et deuxième étages gauches, il ressort des pièces produites aux débats, et notamment des courriers émanant de la maire de [Localité 13], que le relogement de Monsieur [F] s'est également avéré nécessaire pour permettre l'étaiement des planchers du niveau supérieur, ce dernier n'ayant jamais réintégré les lieux par la suite.

Monsieur [B], qui indique avoir contesté la légalité de cet arrêté devant les juridictions administratives et obtenu une contre-expertise remettant en cause une partie des conclusions du technicien initialement commis, ne justifie pas toutefois de l'aboutissement de ce recours, de sorte que la cour de céans doit tirer toutes les conséquences juridiques attachées à cette décision.

Enfin, le premier juge ne pouvait ordonner la restitution du dépôt de garantie assortie de la majoration prévue par l'article 22 de la loi du 6 juillet 1989 dès lors que le locataire demeurait redevable d'un arriéré de loyer, les deux créances ayant vocation à se compenser à concurrence de la plus faible d'entre elles.

Sur les rapports entre le bailleur et les cautions :

En vertu de l'article 2292 ancien du code civil, dans sa rédaction en vigueur à l'époque de la souscription des actes litigieux, le cautionnement ne se présume pas, il doit être exprès et ne peut être étendu au-delà des limites dans lesquelles il a été contracté.

En l'espèce, suivant actes en date du 23 avril 2008, Monsieur [J] [Y] et Madame [E] [O] se sont valablement portés cautions solidaires des obligations contractées par Monsieur [F] dans le cadre du premier bail portant sur l'appartement du troisième étage.

En revanche, il est constant que ce cautionnement n'a pas été renouvelé dans les formes prescrites par la loi à l'occasion de la conclusion du second bail portant sur l'appartement en rez-de-jardin, lequel ne saurait être regardé comme un avenant au premier, mais constituait un nouvel engagement entièrement distinct du précédent.

En conséquence, c'est à bon droit que le premier juge a considéré que les cautions ne pouvaient être poursuivies et ordonné la restitution des sommes saisies par le bailleur, les dispositions du jugement devant être confirmées de ce chef, sans qu'il y ait lieu de majorer l'indemnité allouée en réparation de leur préjudice moral.

Sur les demandes fondées sur l'abus du droit d'agir en justice :

Il n'apparaît pas que l'exercice par Monsieur [B] de son droit d'agir en justice ait dégénéré en abus, de sorte que les intimés doivent être déboutés de leurs demandes en dommages-intérêts formulées de ce chef.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement déféré, sauf en ce qu'il a dispensé le locataire de tout paiement pour la période du 29 mars au 27 décembre 2018, condamné le bailleur à restituer les sommes éventuellement perçues au titre de cette période, et ordonné la restitution du dépôt de garantie assortie de la majoration prévue par la loi,

Statuant à nouveau de ces chefs :

Condamne Monsieur [B] à payer à Monsieur [F] la somme de 2.000 euros en réparation du préjudice de jouissance subi entre le 29 mars et le 8 octobre 2018,

Dit qu'aucune indemnité d'occupation ne peut être réclamée par Monsieur [B] pour la période postérieure au 8 octobre 2018,

Ordonne la compensation entre la dette locative et le montant du dépôt de garantie, à concurrence de la plus faible des deux sommes,

Y ajoutant,

Rejette les demandes additionnelles de Monsieur [Y] et Madame [O] en réparation de leur préjudice moral,

Rejette les demandes fondées sur un abus de procédure,

Condamne Monsieur [B] aux dépens de l'instance d'appel, ainsi qu'à verser aux intimés, pris solidairement, la somme de 2.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

LA GREFFIERE LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-8
Numéro d'arrêt : 21/17255
Date de la décision : 14/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-14;21.17255 ?
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