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09/06/2023 | FRANCE | N°21/10246

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-3, 09 juin 2023, 21/10246


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-3



ARRÊT AU FOND



DU 09 JUIN 2023



N°2023/ 109



RG 21/10246

N° Portalis DBVB-V-B7F-BHYLU







[F] [E]





C/



S.A.S. ZOLPAN





















Copie exécutoire délivrée

le 09 Juin 2023 à :



- Me Romain CHERFILS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

V352



- Me Laurent LIGIER, avocat au barreau de LYON

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Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE en date du 04 Juin 2021 enregistré au répertoire général sous le n° F 19/01722.







APPELANT



Monsieur [F] [E], demeurant [Adresse 6]



représenté par Me Rom...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-3

ARRÊT AU FOND

DU 09 JUIN 2023

N°2023/ 109

RG 21/10246

N° Portalis DBVB-V-B7F-BHYLU

[F] [E]

C/

S.A.S. ZOLPAN

Copie exécutoire délivrée

le 09 Juin 2023 à :

- Me Romain CHERFILS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

V352

- Me Laurent LIGIER, avocat au barreau de LYON

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE en date du 04 Juin 2021 enregistré au répertoire général sous le n° F 19/01722.

APPELANT

Monsieur [F] [E], demeurant [Adresse 6]

représenté par Me Romain CHERFILS de la SELARL LEXAVOUE BOULAN CHERFILS IMPERATORE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

INTIMEE

S.A.S. ZOLPAN pris en son établissement [Adresse 2], demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Laurent LIGIER, avocat au barreau de LYON

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 07 Mars 2023 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre, et Madame Isabelle MARTI, Président de Chambre suppléant, chargées du rapport.

Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre, a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre

Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller faisant fonction de Président

Madame Isabelle MARTI, Président de Chambre suppléant

Greffier lors des débats : Madame Florence ALLEMANN-FAGNI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 26 Mai 2023, délibéré prorogé en raison de la survenance d'une difficulté dans la mise en oeuvre de la décision au 09 Juin 2023

ARRÊT

CONTRADICTOIRE

Prononcé par mise à disposition au greffe le 09 Juin 2023.

Signé par Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre et Madame Florence ALLEMANN-FAGNI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

* * * * * * * * * *

FAITS ET PROCÉDURE

M. [F] [E] a été engagé à compter du 13 janvier 2014 par la société Zolpan selon contrat à durée indéterminée en qualité de responsable prescription et relations publiques, statut cadre, niveau VIII échelon 3 de la convention collective du commerce de gros.

Au dernier état de la relation contractuelle, le salarié occupait le poste de « régional et relations publiques de la région Provence » et percevait un salaire de base de 5 666,67 € bruts pour un forfait de 215 jours.

Par lettre du 23 avril 2019, M. [E] était convoqué à un entretien préalable à une mesure de licenciement fixé au 6 mai 2019 et mis à pied à titre conservatoire. Il était licencié pour faute grave par courrier du 17 mai 2019.

Contestant la légitimité de la mesure prise à son encontre, M. [E] saisissait le 18 juillet 2019, le conseil de prud'hommes de Marseille en paiement d'indemnités.

Par jugement du 4 juin 2021 le conseil de prud'hommes a statué comme suit :

«Dit et juge que le licenciement est fondé sur une faute grave,

Déboute Monsieur [E] de l'ensemble de ses demandes,

Condamne Monsieur [E] à verser à la société Zolpan la somme de 700 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

Condamne le salarié aux dépens éventuels ».

Par acte du 7 juillet 2021, le conseil du salarié a interjeté appel de cette décision.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Aux termes de ses dernières conclusions communiquées au greffe par voie électronique le 1er octobre 2021, M. [E] demande à la cour de :

«Déclarer recevable l'appel de Monsieur [F] [E]

Réformer le jugement entrepris en ce qu'il a :

Dit et jugé que le licenciement est fondé sur une faute grave,

Débouté Monsieur [E] de l'ensemble de ses demandes,

Condamné Monsieur [E] à verser à la Société Zolpan la somme de 700 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

Condamné le salarié aux dépens éventuels.

Constater que le licenciement est infondé

Condamner la SAS Zolpan à payer les sommes de :

- 7878 € d'indemnité de licenciement

- 17839 € d'indemnité de préavis

- 178.83 € de conges payes sur préavis

- 35676 € de dommages intérêts au visa de l'article L.1235-3 du code du travail

- 4186 € de remboursement de mise à pied

- 3000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile

La condamner aux entiers dépens, ceux d'appel distraits au profit de Maître Romain Cherfils, membre de la selarl Lexavoue Aix en Provence, avocats associés, aux offres de droit ».

Dans ses dernières écritures communiquées au greffe par voie électronique le 23 décembre 2021, la société Zolpan demande à la cour de :

« Confirmer le jugement rendu par le Conseil de Prud'hommes de MARSEILLE le 4 juin 2021 en toutes ses dispositions.

Ce faisant,

À titre principal

Dire et Juger bien fondé, le licenciement pour faute grave de Monsieur [E].

En conséquence,

Débouter Monsieur [E] de l'intégralité de ses demandes.

À titre subsidiaire

Dire et Juger bien fondé le licenciement pour cause réelle et sérieuse de Monsieur [E].

En conséquence,

Débouter Monsieur [E] de sa demande de dommages et intérêts fondée sur L.1235-3 du code du travail.

À titre infiniment subsidiaire

Si par impossible la Cour devait dire et juger le licenciement sans cause réelle ni sérieuse,

Constater l'absence de preuve d'un préjudice lié à la perte de son emploi établi par Monsieur [E].

En conséquence,

Réduire les dommages et intérêts au strict minimum légal fixé par l'article L.1235-3 du code du travail

En tout état de cause,

Condamner Monsieur [E], qui succombe, au paiement de 2 000 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile au bénéfice de la société Zolpan, ainsi qu'aux entiers dépens ».

Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer à leurs écritures susvisées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

A titre liminaire, la cour rappelle qu'en application des dispositions de l'article 954 du code de procédure civile , elle ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et que les « dire et juger» et les «constater» ainsi que les «donner acte» ne sont pas des prétentions en ce que ces demandes ne confèrent pas de droit à la partie qui les requiert hormis les cas prévus par la loi; en conséquence, la cour ne statuera pas sur celles-ci, qui ne sont en réalité que le rappel des moyens invoqués.

Sur le licenciement

En vertu des dispositions de l'article L.1232-6 du Code du travail, la lettre de licenciement comporte l'énoncé du ou des motifs invoqués par l'employeur ; la motivation de cette lettre fixe les limites du litige.
 

En l'espèce, la lettre de licenciement était libellée dans les termes suivants :

« Suite à la convocation à l'entretien préalable daté du 23 avril 2019 envoyée en lettre recommandée, vous avez été reçu le lundi 6 mai 2019 par Monsieur [M] [T] pour l'entretien préalable au licenciement que nous envisagions de prononcer à votre encontre.

Au cours de cet entretien, durant lequel vous étiez assisté de Monsieur [G] [Z], nous vous avons fait part des griefs que nous vous reprochions et avons sollicité vos explications, griefs que nous vous rappelons ci-après :

Nous avons appris récemment que vous aviez adopté un comportement tout à fait inacceptable à l'égard de Mme [D] [B].

En effet, celle-ci nous a indiqué qu'à l'occasion d'un échange portant sur vos relations professionnelles au quotidien, cette dernière vous exprimant ses difficultés provenant d'un manque de communication de votre part et d'un défaut d'accompagnement auprès du réseau de professionnel, vous l'aviez très violemment agressée verbalement et menacée dans ces termes: 'Je vais te briser! Je t'empêcherai d'avancer comme je l'ai déjà fait pour [K] ! '.

Cette violence verbale et cette menace sont tout honnêtement inadmissibles en ce qu'elles ont profondément choqué et inquiété Mme [D] [B], étant souligné qu'elles contreviennent directement à vos obligations professionnelles les plus élémentaires en termes de correction et de respect qui doivent présider à toute relation de travail.

Votre comportement est d'autant plus grave qu'il s'agit de la réitération d'un comportement fautif déjà adopté par le passé.

En effet, suite à l'alerte de la plainte de Mme [D] [B], nous nous sommes rapprochés de Monsieur [K] [C] qui nous a indiqué, à notre plus grande stupeur, qu'il avait demandé sa mutation pour ne plus être en contact avec vous, car vous l'aviez à de multiples reprises volontairement mis à l'écart professionnellement et agressé verbalement, notamment par des agissements l'empêchant d'atteindre ses objectifs liés son métier de prescripteur et en tenant les propos excessifs, agressifs et totalement déplacés suivants : ' j'ai un haut pouvoir de nuisance et je peux t'empêcher de travailler sur [Localité 5] ! Je peux détruire ta carrière ! '.

Etant souligné que nous ignorions totalement cette situation inacceptable jusqu'à ce que nous le contactions récemment pour connaître sa version des faits ensuite de vos propos d'une extrême violence envers Mme [D] [B].

D'ailleurs, et depuis votre mise à pied, les témoignages se multiplient s'agissant de vos débordements à l'encontre de différents collaborateurs, situation qui a clairement préjudicié l'entreprise en termes de conditions de travail et de climat social.

Sans oublier le fait que vous avez menacé directement et sans équivoque votre manager Monsieur [X] [I] [P]. En ces termes 'si je plonge, tu plonges avec moi ', lors d'un point coaching.

Il en ressort que vous avez adopté un comportement violent et tenu des propos extrêmement agressifs, irrespectueux et menaçants qui s'inscrivent en totale contradiction avec les principes de base régissant notre entreprise, et notamment le règlement intérieur qui précise que : 'Le personnel doit faire preuve de correction dans son comportement vis-à-vis de ses collègues, de la hiérarchie et de toute autre personne intervenant dans l'entreprise. Le personnel doit également: respecter les règles élémentaires de savoir-vivre en collectivité,faire preuve du plus grand respect d'autrui'

En outre, votre attitude engendre un risque pour les personnes victimes de vos agissements, et ce, alors que nous sommes responsables des conditions de travail de nos collaborateurs, et que nous devons tout mettre en oeuvre pour éviter les risques psychosociaux notamment.

Cette situation est d'autant plus intolérable que en tant que cadre et manager et membre du comité de direction régionale, vous devez faire preuve d'exemplarité et vous comporter en modèle tant auprès de vos collègues que de vos subordonnés.

Vous comprendrez dans ces conditions qu'il est tout bonnement impossible que nous acceptions de tels écarts, constitutifs d'un manquement très grave de vos obligations contractuelles.

Vos propos menaçants, violents et extrêmement déplacés ainsi que votre comportement agressif et nuisible aux salariés et à l' entreprise nous contraignent donc à mettre un terme à nos relations contractuelles et à vous licencier pour faute grave.

Nous vous confirmons la mise à pied à titre conservatoire prononcée le 23 avril 2019.

Votre licenciement est donc immédiat, sans préavis ni indemnité de rupture et vous cessez donc de faire partie des effectifs de notre société à compter du 17 mar 2019.

A toutes fins utiles, nous vous délions de toute éventuelle clause de non concurrence ayant pu nous lier. Bien entendu, dans ces conditions, l'indemnité compensatrice de non concurrence ne vous est pas due (...)».

Le salarié soutient que l'employeur n'apporte aucun élément de nature à démontrer la matérialité des faits qu'il prétend dénoncer en l'absence de pièces l'impliquant directement vis-à-vis de Mme [B]. Il indique qu'il a accompagné cette dernière dans son travail, l'a présentée aux clients les plus importants et l'a introduite dans les clubs d'affaires et que tous les interlocuteurs attestent du comportement parfait à l'égard de M. [K] [C] et à l'égard des autres salariés.

Il estime que la raison vraisemblable de la rupture trouve sa source dans sa demande de percevoir une prime promise, mais non versée, et qu'un audit préalable à la phase de licenciement a été organisé alors que ses évaluations et son classement démontraient qu'il était celui qui tournait le plus avec ses collaborateurs.

Il produit notamment les pièces suivantes :

- le témoignage de Mme [Y], organisatrice des rencontres de la prescription : « M. [F] [E] a inscrit Mme [D] [B] à notre rencontre de la prescription du 28 septembre 2018 auprès des promoteurs privés au club du [Localité 7] à [Localité 5] (...) Après s'être assuré de la bonne exposition des produits Zolpan sur son stand dédié et après avoir présenté Madame [B] à l'équipe organisatrice, il s'était effacé pour lui permettre de nouer des contacts privilégiés avec les promoteurs présents.(...) il m'avait présenté en son temps à son collaborateur [K] [C] lui permettant ainsi courant 2016 et 2017 de promouvoir les produits Zolpan auprès de tous les maîtres d''uvre et d'ouvrage membres de notre association ...) (pièce 20)

- le témoignage de Mme [L], commerciale auprès de la société Gerflor, « M. [F] [E] a été mon N+1 du 2 septembre 2011 au 1er janvier 2013. Je peux attester que M. [F] [E] a été un manager très proche de ses collaboratrices et collaborateurs. À l'écoute avec une oreille attentive et bienveillante à la situation personnelle et professionnelle de chacun, un soutien dans les épreuves (...) À l'arrivée Madame [D] [B] dans son équipe, il me l'a naturellement présenté afin de lui faire profiter de mes informations terrain et de mes contacts professionnels pour faciliter son intégration dans le tissu relationnel marseillais » (pièce 21)

- le témoignage de M.[V], chargé du patrimoine pour la société Unicil cliente de la société Zolpan, « Lors du congrès HLM qui s'est déroulé à [Localité 5] du 9 au 11 octobre 2018 M. [F] [E] m'a présenté Madame [D] [B] comme la nouvelle chargée de prescription de la société Zolpan et l'intérêt que j'avais à la recevoir et à la mettre en contact avec les services de la société qui m'emploie (...) » ( Pièce 24)

- le témoignage de Mme [W], ancienne employée, « Je peux affirmer que M. [E] est un manager très proche des collaborateurs, toujours à l'écoute. Un manager qui venait déjeuner avec l'équipe entre midi et deux qui était très attentif au bien-être de ses collaborateurs et à une bonne entente au sein de l'équipe (...) » (Pièce 22)

- Le témoignage de [R] [A], ancien employé, « Avec Mme [D] [B] et M. [J] [N] nous avions eu l'indélicatesse de critiquer en son absence Mme [O] [DT] (...) Cette discussion lui était revenue aux oreilles et avait fortement dégradé son moral et l'ambiance au sein de l'équipe. [F] [E], alors notre manager direct, avait pris l'option de nous réunir Mmes [B] et [DT] ainsi que moi même le 8 mars 2019 afin de régler ce différent et repartir dans un esprit d'équipe et de bonne entente (...)le temps que j'ai travaillé avec M. [E] jusqu'à son départ soudain en avril 2019, j'ai eu à faire à un manager bienveillant et toujours attentif à l'état d'esprit des collaborateurs » (pièce 23)

- le témoignage de Mme [H], ancienne salariée, « J'ai fait mon entretien de rupture conventionnelle le 14 décembre 2018, lors de cet entretien M. [P] ne s'est pas contenté de reprendre le cadre légal de cette procédure et me libérer. Il a sous-entendu la médiocrité de mon N+1, M. [E] [F], et a posé des questions. Ces questions répétées sur mes rapports avec mon +1 sur son management à mon égard voulaient provoquer des aveux de dénonciation pour manquement. J'ai conclu en affirmant n'avoir rien à reprocher à mon N+1 (...)». (Pièce 14)

-les évaluations du salarié : « 2015 bonne prise en main du poste ; 2016: une année difficile ; 2017 : note défavorable ; 2018: stopper le turn-over adopter un autre management, année compliquée et tendue » (pièces 3 à 7).

- l'échange d'e-mail du 19 septembre 2018 entre [X] [I] [P] et le salarié sur une prime de 4 K€ conditionnée à l'atteinte d'objectif de redresser le secteur Provence (pièce 19).

La société reproche au salarié des menaces proférées à l'encontre du directeur général de Zolpan, de la violence verbale et la menace à l'encontre de Mme [B] ainsi qu'à l'encontre de M. [C].

Elle fait valoir que le salarié, en sa qualité de membre du comité de direction régionale, se devait d'être une loyauté absolue à l'égard de son employeur et d'une correction exemplaire à l'égard de ses subordonnés. Elle souligne que jusqu'au mois d'avril 2019 les mauvais résultats du périmètre géographique du salarié étaient imputés à une carence en termes de stratégie commerciale, d'où un plan de coaching basé sur l'accompagnement de ses équipes, mais que suite à la plainte de Mme [B], remplaçante de M. [C] au poste de prescripteur, elle a compris que la faiblesse des résultats était liée à un mode de management inadapté, basé sur les menaces, les violences verbales et l'agressivité verbale.

La société précise qu'en raison des menaces qui ont choqué Mme [B], cette dernière refuse encore aujourd'hui de témoigner à son encontre et que la mise à l'écart récurrente de M. [C], la dissimulation d'information, le fait de donner des ordres et contre-ordres contradictoires, de mettre des bâtons dans les roues de l'activité de son collaborateur et de le menacer n'ont été portés à sa connaissance que courant 2019 lors des investigations sur la dénonciation de Mme [B].

Elle estime que le comportement du salarié a engendré un risque psycho social.

La société produit notamment les éléments suivants :

- le témoignage de [S] [P], Directeur Général, « (...) A l'issue d'un point de performance hebdomadaire en date du 15 avril 2019, suite au constat du manque de résultat de la région Provence en 2018 et au même chemin pris sur le premier trimestre 2019, je propose à M. [E] un plan de retour à la performance et une mise en coaching. Celui-ci refuse la proposition d'aide et d'accompagnement au motif qu'il ne supporte pas ce coaching. Après discussion, nous fixons un autre entretien en date du 18 avril 2019. À l'occasion de ce nouvel entretien M. [E] n'avait toujours pas accepté le coaching. Ce dernier m'a alors menacé en ces termes :' si je plonge, tu plonges avec moi' » (pièce 11-1)

- l'e-mail du 2 avril 2019 de [D] [B] à [S] [P] : « je n'ai malheureusement pas bénéficié de l'acccompagnement local tant espéré (...)Aujourd'hui le dialogue est bloqué. Menacée par le responsable régional [F] [E]. Hier, venu à l'agence d'[Localité 3] avec deux archis. Il n'a pas dit bonjour. Aujourd'hui la situation se répète. Il se trouve en face de moi, parle avec [A] et m'ignore totalement mais est-ce bien l'attitude d'un manager qui se doit exemplaire ' (...) Bien dommage d'être polluée par ce type d'attitude » (pièce 11 -1).

- le témoignage de Mme [IS], DRH, : « (...) C'est le 14 mai 2019 lors d'un entretien téléphonique avec M. [C] que j'ai pris conscience de la raison du souhait de changement de région de ce dernier, les agissements et mises à l'écart de M. [E], que M. [C] qualifie lui-même de harcèlement, les raisons du silence de M. [C] sont liées à des craintes sur son emploi dans une période personnelle difficile que traversait M. [C] (...) » (pièce 12)

- le témoignage de M. [C], service technique Zolpan : « (...) J'ai été chargé de la prescription sur cette région au moment des faits. Pour des raisons évidentes de réussite de nos missions respectives une bonne collaboration était indispensable malheureusement [F][E] n'a non seulement pas apporté son aide à la construction de mon réseau (chose qu'il se vantait de disposer) mais il a mis en place une stratégie complètement inverse. (...) alors que je suis en réunion prescription nationale à [Localité 4] j'apprends la veille de l'événement par le biais d'un ATC l'annulation d'une soirée programmée le 17 décembre à l'agence de [X] [R] à [Localité 5]. Je ne suis même pas informé alors que j'ai convié des architectes et surtout M. [U] de chez Eiffage Immobilier avec lequel il m'a fallu plusieurs visites pour débuter une forme de collaboration et qui représente un gros potentiel d'affaires. (...) Il me répond que cela fait deux jours qu'il a pris la décision.. 'Tu n'as qu'à lui dire que c'est annulé !'(...) Je commandais de la documentation afin de les utiliser dans mes tournées, je demande où sont passés mes cartons de documents, la personne en charge de la logistique me répond c'est [F][E] qui m'a demandé de partager toute la doc entre les agences (...) Lors de la commande de calendrier et d'agendas rien pour mes contacts au moment de la répartition, je n'ai même pas été consulté (...) Dans l'après-midi alors que je travaillais mon bureau, [F][E] rentre dans la pièce en prenant soin de refermer la porte derrière lui et me dit 'tu m'as mis un coup de poignard dans le dos mais tu vas le regretter car j'ai un gros pouvoir de nuisance et je peux t'empêcher de travailler sur [Localité 5] et détruire ta carrière'(...) Il m'explique qu'il aurait fallu que je joue le jeu en le protégeant et en ne révélant pas tu qu'il ne m'avait jamais présenté à son réseau pour qu'il envisage de m'aider 'et pour la perte de ton poste, considère que tu fais partie d'un dommage collatéral !» ( pièce 13)

- l'organigramme de la direction Zolpan Méditerranée et l'équipe commerciale de [F] [E], responsable de région Provence, constituée de 11 personnes :4 responsables point de vente, 5 attachés commerciaux (ATC), un grand compte et une prescriptrice Mme [B] (pièce 8)

- le coaching RR du 15 avril 2019 avec un constat d'un chiffre d'affaires en retrait de -34 % à la fin mai 2018 et à fin février 2019 un nouveau constat de dégradation de -23 % ainsi que les actions à mettre en place afin de permettre à Provence d'être à l'objectif 2019 cumulé à la fin juin.( pièce 10)

- le règlement intérieur de la société (pièce 7).

La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise même pendant la durée du préavis.

L'employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit en rapporter la preuve.

Sur le premier grief

En vertu du règlement intérieur l'entreprise Zolpan « Chaque salarié est tenu à l'égard de son supérieur hiérarchique, comme tout autre échelon de la hiérarchie, de suivre les instructions écrites ou verbales qui lui sont données par ces derniers tant au sujet de son travail qu'au sujet du fonctionnement et de l'organisation de l'établissement et chaque salarié tenu d'une obligation de loyauté dans le cadre de ses relations de travail. Il doit également faire preuve du plus grand respect d'atrui ».

Le salarié ne conteste ni le refus du coaching demandé par M. [S] [P], directeur général, afin de lui permettre de remonter ses résultats, ni les propos irrespectueux tenus à son égard à la suite de ce refus alors que les résultats obtenus confirmaient la nécessité de redresser la situation du secteur Provence et justifiaient le plan de retour à la performance et le coaching RR.

Le refus du salarié et les propos virulants à l'égard de son supérieur constituent un comportement fautif de sa part. Le grief doit être retenu.

Quant la prime non versée, outre le fait que celle ci concernait l'année 2018, le salaire de M. [E] du mois de février 2019 mentionne une prime annuelle N-1 d'un montant de 4080 € (pièce 3 intimée). Cet argument ne peut, en tout état de cause, être à l'origine du licenciement du salarié.

Sur le second grief

Si la teneur exacte des propos du salarié à l'égard de Mme [B] sont contestés par ce dernier et ne sont pas précisément rapportés, il n'en demeure pas moins que Mme [B] a adressé un mail au directeur Général pour se plaindre de l'absence d'accompagnement local, de menaces et du fait que M. [E] ne lui adressait plus la parole.

Lors de son entretien préalable, le salarié a reconnu un début ' tout rose' puis un froid avec cette dernière suite à deux incidents (pièce 12 appelant ). Dès lors, les témoignages de Mme [L], Mme [Y], M. [V] ne sont pas contradictoires puisqu'il est fait état de simple présentation de l'intéressée lors de sa venue en tant que nouvelle prescriptrice. De même, le témoignage de M. [R] ne remet pas en cause les éléments produits par l'employeur.

Par ailleurs, le témoignage circonstancié de M. [C], précédent collaborateur prescripteur, qui indique avoir été mis à l'écart et menacé, atteste du comportement inadapté et violent du salarié à son égard, le fait que M. [E] puisse bien s'entendre avec d'autres salariés étant indifférent au regard de ces griefs qui doivent être retenus.

Enfin, en tant que cadre responsable, M. [E] avait selon son contrat de travail la mission d'animer ses équipes commerciales et de les soutenir mais encore d'être le garant local du respect de la politique et des procédures Zolpan afin d'éviter tout risque social, ce qu'il n'a pas fait, de sorte qu'il a manqué gravement à ses obligations et a rendu impossible son maintien dans l'entreprise, étant précisé que la mise à pied conservatoire était justifiée et s'imposait à l'employeur, débiteur d'une obligation de sécurité à l'égard des autres salariés.

La cour par voie de confirmation déboute le salarié de l'ensemble de ses demandes.

Sur les frais et dépens

M. [E] qui succombe doit s'acquitter des dépens, être débouté de sa demande faite en application de l'article 700 du code de procédure civile, et à ce titre, condamné à payer à la société Zolpan somme de 1500 € .

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, en matière prud'homale,

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Condamne M. [F] [E] à payer à la société Zolpan la somme de 1 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute les parties du surplus de leurs demandes,

Condamne M. [F] [E] aux dépens d'appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-3
Numéro d'arrêt : 21/10246
Date de la décision : 09/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-09;21.10246 ?
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