La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

08/06/2023 | FRANCE | N°22/12348

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-7, 08 juin 2023, 22/12348


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-7



ARRÊT AU FOND

DU 08 JUIN 2023



N° 2023/ 189













Rôle N° RG 22/12348 - N° Portalis DBVB-V-B7G-BKAJ7







[F] [X]

[R] [T]





C/



[D] [C] épouse [E]





















Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Laure ATIAS





Me Elric HAWADIER








>Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de proximité de FREJUS en date du 21 Juillet 2022 enregistré (e) au répertoire général sous le n° 11-20-694.





APPELANTS





Monsieur [F] [X]

né le [Date naissance 2] 1974 à [Localité 7]

de nationalité Française, demeurant [Adresse 4]



représenté par Me Laure ATIAS...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-7

ARRÊT AU FOND

DU 08 JUIN 2023

N° 2023/ 189

Rôle N° RG 22/12348 - N° Portalis DBVB-V-B7G-BKAJ7

[F] [X]

[R] [T]

C/

[D] [C] épouse [E]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Laure ATIAS

Me Elric HAWADIER

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de proximité de FREJUS en date du 21 Juillet 2022 enregistré (e) au répertoire général sous le n° 11-20-694.

APPELANTS

Monsieur [F] [X]

né le [Date naissance 2] 1974 à [Localité 7]

de nationalité Française, demeurant [Adresse 4]

représenté par Me Laure ATIAS de la SELARL LAMBERT ATIAS & ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,

assisté de Me Jérôme BRUNET-DEBAINES, avocat au barreau de DRAGUIGNAN, plaidant

Madame [R] [T]

née le [Date naissance 1] 1964 à [Localité 9]

de nationalité Française, demeurant [Adresse 4]

représentée par Me Laure ATIAS de la SELARL LAMBERT ATIAS & ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,

assistée de Me Jérôme BRUNET-DEBAINES, avocat au barreau de DRAGUIGNAN, plaidant

INTIMEE

Madame [D] [C] épouse [E]

née le [Date naissance 3] 1940 à ITALIE, demeurant [Adresse 5]

représentée par Me Elric HAWADIER de la SELARL CABINET HAWADIER-RUGGIRELLO, avocat au barreau de DRAGUIGNAN,

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 22 Mars 2023 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Carole MENDOZA, Conseillère, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Madame Carole DAUX-HARAND, Présidente de chambre

Madame Carole MENDOZA, Conseillère

Madame Mireille CAURIER-LEHOT, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Natacha BARBE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 08 Juin 2023.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 08 Juin 2023,

Signé par Madame Carole DAUX-HARAND, Présidente de chambre et Mme Natacha BARBE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSÉ DU LITIGE

Par acte sous seing privé du 02 février 2017 à effet au 12 février 2017, Madame [D] [E] a donné à bail d'habitation à Monsieur [F] [X] et Madame [R] [T] une partie d'une villa avec une piscine située [Adresse 4] au [Localité 8], moyennant un loyer mensuel de 750 euros.

Par acte d'huissier du 31 octobre 2018, les locataires, qui se plaignaient de désordres au sein du logement, ont assigné leur bailleur devant le juge des référés qui, par une décision du 06 septembre 2019, a ordonné une expertise confiée à Monsieur [N] et s'est déclaré incompétent sur la demande de résiliation judiciaire du bail formée par le bailleur. L'expert judiciaire a établi un rapport le 16 juin 2020.

Par acte d'huissier du 09 août 2019, Madame [E] a fait délivrer à ses locataires un congé pour reprise à effet au 11 février 2020.

Par acte d'huissier du 12 août 2020, Madame [E] a fait assigner Monsieur [X] et Madame [T] aux fins de les voir les voir expulser et de les voir condamner à un impayé locatif, et à des dommages et intérêts.

Par acte d'huissier du 21 octobre 2021, Monsieur [X] et Madame [T] ont fait assigner Madame [E] aux fins de la voir condamner sous astreinte à effectuer les travaux préconisés par l'expert , de voir suspendre le loyer jusqu'à la réalisation des travaux de mise en conformité préconisés par l'expert, de dire qu'ils seront déchargés de tout paiement de loyers depuis leur entrée dans les lieux, de condamner Madame [E] à leur rembourser la somme de 5519, 40 euros, de la condamner au versement de dommages et intérêts en réparation de leur préjudice de jouissance, de leur préjudice médical, de leur préjudice moral, de la perte de vêtements de biens meubles et de la condamner à leur rembourser une facture de plombier et une facture de débouchage des canalisations, outre une indemnité fondées sur l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement contradictoire du 21 juillet 2022, le tribunal de proximité de Fréjus a :

- prononcé la jonction des procédures RG 11-20-738 et RG 11-20-694,

- ordonné l'expulsion de Monsieur [X] [F] et Madame [T] [R] et de tous occupants de son chef, avec le concours de la force publique et d'un serrurier, passé le délai de deux mois suivant la délivrance d'un commandement d'avoir à libérer les lieux, conformément aux dispositions des articles L 412-1 et suivants, R. 411-1 et suivants, R. 412-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution,

- débouté Monsieur [X] [F] et Madame [T] [R] de leurs demande de réalisation de travaux,

- débouté Madame [E] de sa demande de remise en état du jardin, piscine et cuisine d'été,

- fixé l'indemnité mensuelle d'occupation due par Monsieur [X] [F] et Madame [T] [R] à compter de la date d'effet du congé à la somme de 400€,

- condamné solidairement Monsieur [X] [F] et Madame [T] [R] au paiement au profit de Madame [E] d'une indemnité mensuelle d'occupation de 400€, à compter de la date d'effet du congé soit le 11 février 2020 et jusqu'à la libération effective des lieux,

- condamné solidairement Monsieur [X] [F] et Madame [T] [R] à payer à Madame [E] la somme de 5757€ au titre des loyers impayés arrêtés au 11 février 2020,

- dit que cette somme produira intérêts au taux légal à compter de l'assignation,

- condamné Madame [E] à payer à Monsieur [X] [F] et Madame [T] [R] la somme de 2000€ au titre de leur préjudice médical et l000€ au titre de leur préjudice moral,

- débouté les parties de leurs autres demandes de dommages et intérêts,

- débouté les parties de leurs demandes relatives au remboursement des factures de plomberie et debouchage de canalisations

- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

- dit que les dépens seront partagés par moitié entre les parties

- dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

- dit que la présente décision sera transmise, par les soins du greffe, au représentant de l'Etat dans le département, conformément aux dispositions de l'article R 412-1 du code des procédures civiles d'exécution,

- rappelé que la décision est assortie de l'exécution provisoire.

Le premier juge a jugé valable le congé pour reprise. Il a souligné que Madame [E] justifiait du caractère réel et sérieux de la reprise pour elle-même. Il a indiqué que Monsieur [X] et Madame [T] étaient occupants sans droit ni titre depuis le 11 février 2020.

Il s'est appuyé sur le rapport d'expertise qui a retenu l'existence d'humidité dans le logement, un renouvellement de l'air insatisfaisant, une absence d'isolation thermique des murs extérieurs et du plafond de la salle de bains, l'impossibilité d'utiliser la piscine, la cuisine d'été et le jardin qui s'apparente à une décharge.

Il a refusé de dispenser les locataires du paiement des loyers depuis l'origine du bail. Il a retenu un préjudice de jouissance réparé par la minoration du loyer à compter du mois de mars 2018, date à laquelle les désordres ont été signalés.

Il a condamné Monsieur [X] et Madame [T] au paiement d 'un arriéré locatif et d'une indemnité d'occupation mensuelle de 400 euros à compter du 11 février 2020.

Il a indiqué que ces derniers ne pouvaient solliciter ni la réalisation de travaux ni la réparation de préjudices allégués pour la période postérieure à l'échéance du bail.

Il les a indemnisés d'un préjudice médical et d'un préjudice moral. Il a rejeté les demandes au titre de la dégradation des meubles, en l'absence de démonstration d'un lien de causalité entre leur état et les désordres du logement.

Il a rejeté la demande de remboursement des factures de plomberie, en l'absence de démonstration de la cause des désordres ayant justifié l'intervention du plombier.

Par déclaration du 13 septembre 2022, Monsieur [X] et Madame [T] ont relevé appel de tous les chefs du jugement déféré, sauf en ce qu'il a débouté Madame [E] de sa demande de remise en état du jardin, de la piscine et de la cuisine d'été et en ce qu'il a débouté cette dernière de sa demande au titre des factures de plomberie, de débouchage et de sa demande de dommages et intérêts.

Madame [E] a constitué avocat. Ses conclusions ont été déclarées irrecevables.

Par conclusions notifiées le 14 octobre 2022 sur le RPVA auxquelles il convient de se reporter, Monsieur [X] et Madame [T] demandent à la cour :

- de déclarer leur appel recevable,

- d'infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions,

*statuant à nouveau :

- de condamner Madame [E] sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la décision à effectuer les travaux de mise en conformité préconisés par l'expert afin de rendre le logement décent habitable et le jardin en état,

- de les décharger de tout paiement de loyer depuis leur entrée dans les lieux jusqu'à la réalisation des travaux,

en conséquence,

- de condamner Madame [E] au remboursement de la somme payée de 14 974.66 €.

- de condamner Madame [E] au remboursement du dépôt de garantie de 750€,

- de condamner Madame [E] à leur payer les sommes suivantes :

- Préjudice de jouissance sauf à parfaire : 24 325 €,

- Préjudice médical 19 460 € sauf à parfaire,

- Préjudice moral : 4 000 €,

- Préjudice matériel : 924,20 €,

- Perte de vêtements : 800 €,

- Perte mobilière : 8 000 €,

- Remboursement facture plomberie : 220 €,

- Remboursement factures débouchage : 525,80 €.

- de débouter Madame [E] de ses demandes.

- de débouter Madame [E] de sa demande en paiement de l'arriéré locatif infondée et d'une indemnisation d'occupation injustifiée.

- de prononcer la nullité du congé du 9 août 2019.

- de débouter Madame [E] de ses demandes de remise en état du jardin et de la piscine.

- de débouter Madame [E] l'ensemble de ses demandes, et notamment de la demande d'expulsion.

- de condamner Madame [E] au paiement d'une indemnité de 5 000 € de dommages et intérêts pour procédure abusive.

- de condamner Madame [E] au paiement d'une indemnité de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

- de condamner Madame [E] aux dépens qui comprendront les frais d'expertise judiciaire.

Ils soutiennent que le logement loué est indécent depuis l'origine en raison d'une importante humidité liée à un système d'aération défaillant et à un défaut de conformité de l'installation électrique. Ils font également état d'une absence d'isolation thermique des murs extérieurs et du plafond de la salle de bains.

Ils relèvent le caractère inhabitable du logement. Ils indiquent que les désordres leur ont créé des préjudices dont ils demandent réparation. Ils allèguent d'un préjudice de jouissance (à hauteur de 25 euros par jour), d'un préjudice médical (à hauteur de 10 euros par jour) et d'une indemnisation pour la perte de vêtements et de biens meubles. Ils sollicitent le remboursement de factures de plomberie et de divers matériaux. Ils notent que le logement ne peut être chauffé correctement. Ils font valoir que les abords du logement constituent une décharge.

Il demandent la condamnation de leur bailleur à effectuer les travaux de mise en conformité préconisés par l'expert judiciaire, sous astreinte.

Ils sollicitent une dispense de loyers et le remboursement de ceux qu'ils ont déjà versés.

Ils indiquent que leur bailleur connaissait les difficultés d'isolation dès l'origine.

Ils soulèvent la nullité du congé pour reprise dont ils contestent le caractère réel et légitime. Ils relèvent qu'il a été délivré dans le seul objectif d'échapper à la nécessité d'effectuer des travaux.

Ils contestent l'arriéré locatif.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 22 mars 2023.

MOTIVATION

Rien dans les éléments soumis à l'appréciation de la cour ne permet de critiquer la régularité, par ailleurs non contestée, de l'appel. Il sera déclaré recevable.

La partie qui ne conclut pas ou dont les conclusions ont été déclarées irrecevables est réputée s'approprier les motifs du jugement déféré.

En application des articles 1719 du code civil et 6 de la loi du 06 juillet 1989, le bailleur est obligé pendant la durée du bail de remettre au locataire un logement décent ne laissant pas apparaître de risques manifestes pouvant porter atteinte à la sécurité physique ou à la santé, répondant à un critère de performance énergétique minimale et doté des éléments le rendant conforme à l'usage d'habitation.

Il est également tenu d'assurer au locataire la jouissance paisible du logement, d'entretenir les locaux en état de servir à l'usage prévu par le contrat et d'y faire toutes les réparations, autres que locatives, nécessaires au maintien en état et à l'entretien normal des locaux loués.

Le décret du 30 janvier 2002 fixe les caractéristiques d'un logement décent qui peuvent être regroupées autour de trois catégories :

- le logement doit permettre d'assurer la santé et la sécurité physique des occupants

- certains éléments d'équipements et de confort doivent être présents

- des critères liés à la surface et au volume du logement sont nécessaires.

L'état des lieux d'entrée mentionne essentiellement un bien en très bon état. Les locaux loués sont constitués du rez-de-chaussée d'une villa composé d'une entrée, d'un séjour, de deux chambres, d'une cuisine, d'une salle de bains et d'un WC pour une surface contractuelle de 54 m².

Le contrat de bail mentionne, s'agissant de la piscine : 'tout aux frais locataire-pour moteur piscine, tout ce qui inclus la piscine, entretien obligatoire jardin+haie'.

Le 16 janvier 2018, Monsieur [X] déclarait à son assureur avoir été victime d'un dégât des eaux. Par lettre recommandée du 02 mars 2018, l'assureur du locataire indiquait à Madame [E] que les réparations de ce désordre lui incombaient.

A la suite d'une visite du 06 juin 2018, effectuée en présence des locataires et de l'expert d'assurance de la MMA (assureur de Madame [E]), l'expert d'assurance de la MACIF, assureur de Monsieur [X], déposait un rapport amiable aux termes duquel il faisait état:

- d'anciennes traces de moisissures et champignons dans les angles d'un placard d'une chambre, - de traces de résurgence d'eau sur les panneaux composant les murs, le même type de désordres se retrouvant à l'extérieur des murs,

- de vêtements et chaussures entreposés dans les placards recouverts de moisissures,

-d'un taux d'humidité considéré comme anormal, variant entre 30 à 70% sur le mur donnant à l'extérieur du bâtiment

- de la présence d'une VMC dans la salle de bains fonctionnant parfaitement mais de l'absence de grille de ventilation sur certaines menuiseries de l'appartement, empêchant une circulation d'air constante dans le logement,

' de la présence de traces de moisissures sur certains angles de plafonds du séjour,

- des traces significatives de remontées capillaires sur les murs périphériques extérieurs,

- d'un décollement de l'enduit de la façade expliquant les infiltrations d'eau au niveau des traces d'infiltrations d'eau sur le panneau de mur de la chambre située à l'angle de l'appartement.

L'expert d'assurance estimait que les traces de moisissures dans certains angles du plafond du séjour étaient liées à une absence de ventilation de la pièce. Il relatait noter que le rez-de-chaussée, loué à Monsieur [X] et Madame [T], était anciennement un garage aménagé en partie habitable, dépourvu de vide sanitaire, avec un radier posé à même le sol. Il estimait que c'était la raison pour laquelle les murs périphériques étaient confrontés à des remontées d'humidité. Il relevait avec son confrère que le propriétaire avait tenté de solutionner le problème avec la pose d'exutoire en partie inférieure des murs périphériques, afin de créer une ventilation. Il estimait que cette solution n'était pas satisfaisante. Il soulignait qu'une des chambres ne pouvait être utilisée en l'état.

L'expert concluait qu'en accord avec l'expert d'assurance de Madame [E], il adressait une lettre à cette dernière pour lui demander de procéder aux travaux d'isolation et d'étanchéité de l'appartement. La missive envoyée datait du 05 juillet 2018. Elle rappelait la présence de moisissures dans une chambre et dans le séjour; elle préconisait l'amélioration de la ventilation continue de l'appartement, la mise en place d'une bouche d'aspiration de VMC dans la cuisine, le détalonnage des portes de communication intérieure et la réparation de l'enduit de la façade extérieure. Le courrier indiquait que les locataires sollicitaient une réduction du loyer et un dédommagement pour les vêtements et les chaussures dégradées.

Par lettre recommandée du 16 août 2018, l'assureur de Monsieur [X] mettait en demeure Madame [E] de résoudre les désordres constatés dans le logement.

A la suite d'une visite du 08 mars 2019, les techniciens de l'ARS, alertée par les locataires, établissaient un rapport qui faisait état d'une humidité excessive sur les murs des chambre avec l'apparition de moisissures et de la dégradation des enduits muraux et des objets entreposés dans les placards. Ils estimaient que cette humidité semblait être provoquée par un défaut d'isolation thermique des murs périphériques et un renouvellement insuffisant de l'air dans le logement. Ils ajoutaient que le disjoncteur général était situé dans une pièce inaccessible aux locataires.

L'expert judiciaire, mandaté le 06 septembre 2019, a effectué une réunion d'expertise sur les lieux le 09 décembre 2019.

Il constatait :

* dans la pièce principale (le séjour) : la présence d'un placard d'angle dont le bois des portes est moisi, des traces de moisissures au niveau de la partie basse du mur droit, une absence de réglette d'entrée d'air et un degré d'humidité moyen,

* dans la cuisine : une absence d'aération haute et basse, alors même qu'il existe une bouteille de gaz alimentant la plaque de cuisson et des traces de moisissures sur un mur avec un degré d'humidité moyen

*dans la chambre à gauche du dégagement : des traces de moisissures en allège de la fenêtre ainsi que dans l'angle d'un mur, une entrée d'air dans la fenêtre et un degré d'humidité bas dans cette pièce

*dans la chambre en fond du dégagement : une absence de réglette d'entrée d'air, des traces de moisissures en partie haute gauche du mur porteur de la fenêtre , en partie basse de l'allège de la fenêtre, des vêtements moisis et une humidité élevée en partie basse de l'allège de la fenêtre, sur l'un des murs et au sol de la pièce

*dans le dégagement : des moisissures dans l'angle du mur, avec un relevé d'humidité bas

*dans la salle de bains : une aération qui fonctionne bien

L'expert faisait état :

- d'un renouvellement insatisfaisant de l'air dans le logement puisque la pièce principale (le séjour) et la chambre en fond du dégagement ne comportent pas de réglette d'entrée d'air et que la partie cuisine ne comporte aucun aération haute et basse

- d'une absence d'isolation thermique des murs extérieurs et du plafond de la salle de bain

- de l'existence de remontées capillaires démontrée par des taux maximaux d'humidité relevés au testeur en partie basse de l'allège de la fenêtre de la chambre en fond du dégagement, au niveau du mur du rez-de-chaussée, alors qu'il n'existe pas de vide sanitaire mais un radier installé directement sur le sol

- d'un tableau divisionnaire électrique très difficile d'accès

- d'un compteur électrique inaccessible aux locataires.

L'expert préconisait la réalisation des travaux suivants : mise en place de réglettes d'entrée d'air; mise en place de grilles d'aération dans la cuisine; isolation thermique du plafond de la salle de bain; traitement de la partie basse des murs périphériques extérieurs; création d'un dispositif de ventilation à l'endroit où se trouve la bouteille de gaz; modification de l'emplacement du tableau divisionnaire électrique et accès pour les locataires au compteur électrique général. Il estimait la durée des travaux à deux semaines, pour un coût de 11.297 euros TTC.

Ainsi, dès le mois de mars 2018, Madame [E] était avisée de l'existence d'un dégât des eaux dans le logement. Dès le mois de juillet 2018, elle connaissait les désordres affectant le logement et les travaux préconisés.

Il est démontré que le logement ne répond pas au critère de la décence, puisqu'il ne satisfait, au regard de la santé des locataires, ni au clos et le couvert, ni au renouvellement de l'air adapté aux besoins d'une occupation normale du logement et au fonctionnement des équipements : en effet, le gros 'uvre du logement ne protège pas les locaux contre les eaux de ruissellement et les remontées; le logement ne permet pas une aération suffisante car les dispositifs d'ouverture et les éventuels dispositifs de ventilation des logements ne permettant pas un renouvellement de l'air et une évacuation de l'humidité adaptés aux besoins d'une occupation normale du logement.

Ces difficultés ont entraîné une humidité moyenne à importante à certains endroits du logement, la survenue de moisissures et la dégradation de certains vêtements et chaussures.

Ces désordres ne rendent pour autant pas le logement inhabitable. Monsieur [X] et Madame [T] ne pouvaient cesser de payer leurs loyers sans autorisation judiciaire.

C'est à juste titre que le premier juge n'a pas fait droit à l'exception d'inexécution formée par Monsieur [X] et Madame [T] qui demandaient à être déchargés du paiement de tout loyer dès la prise de possession des lieux. Le jugement sera confirmé sur ce point.

Selon l'article 15 de la loi du 06 juillet 1989, lorsque le bailleur donne congé à son locataire, ce congé doit être justifié soit par sa décision de reprendre ou de vendre le logement (...). A peine de nullité, le congé donné par le bailleur doit indiquer le motif allégué et, en cas de reprise, les nom et adresse du bénéficiaire de la reprise (...). Lorsqu'il donne congé à son locataire pour reprendre le logement, le bailleur justifie du caractère réel et sérieux de sa décision de reprise(...).

En cas de contestation, le juge peut, même d'office, vérifier la réalité du motif du congé et le respect des obligations prévues au présent article. Il peut notamment déclarer non valide le congé si la non-reconduction du bail n'apparaît pas justifiée par des éléments sérieux et légitimes.

Le congé pour reprise a été délivré le 09 août 2019, alors qu'aucun travaux n'avait été effectué par Madame [E], pour un logement certes indécent mais qui n'est pas inhabitable, alors que les locataires avaient cessé depuis plusieurs mois de payer le loyer. Le motif de la reprise au bénéfice de Madame [E] était expliqué de la manière suivante : Madame [E], âgée de 79 ans, est hébergée au domicile de son fils à [Localité 6], alors que ce dernier est marié et a un enfant ; Madame [E] souhaite récupérer son logement pour vivre seule; le logement de son fils est situé au premier étage d'un immeuble, sans ascenseur et elle éprouve des difficultés pour monter les escaliers; son état de santé préconise qu'elle vive au rez-de-chaussée.

S'il est exact que le congé pour reprise intervient alors que des travaux et une indemnisation ont été réclamés par les locataires, il n'est pourtant pas démontré qu'il serait frauduleux et que la reprise serait dépourvue d'un caractère réel et sérieux. En effet, le logement n'est pas inhabitable et dans une lettre du 20 décembre 2019 adressée au juge de première instance, annexée au rapport d'expertise, Madame [E] expliquait y avoir vécu plus de 14 ans avec un enfant asthmatique, indiquait que ses locataires avaient arrêté de payer leur loyer depuis un an, ce qui lui causait un grave préjudice financier et relatait vouloir revenir habiter au [Adresse 4] au [Localité 8].

En conséquence, c'est par des motifs pertinents que le premier juge a validé le congé pour reprise.

A l'expiration du délai de préavis, le locataire est déchu de tout titre d'occupation des locaux loués. Monsieur [X] et Madame [T] sont occupants sans droit ni titre.

Le jugement déféré sera confirmé sur ces points et sur les conséquences de la validation du congé pour reprise.

Monsieur [X] et Madame [T] ne peuvent dès lors plus solliciter ni l'exécution de travaux par Madame [E] ni une indemnisation pour la période à compter du 12 février 2020.

Les désordres subis par Monsieur [X] et Madame [T], sont constitués par une humidité assez importante dans une chambre et une humidité modérée dans le séjour. Cette humidité a entraîné la survenance de moisissures. Elle est due à un renouvellement de l'air insatisfaisant lié à la structure même du bien et à un défaut d'isolation des murs extérieurs. Ils ont subi en conséquence un trouble de jouissance que le premier juge a exactement et intégralement réparé par une diminution du montant du loyer à hauteur de 350 euros par mois (pour voir fixer le loyer à hauteur de 400 euros par mois) à compter du mois de mars 2018, date de dénonciation d'une partie des désordres subis. Monsieur [X] et Madame [T] ne peuvent solliciter une somme supplémentaire au titre de leur trouble de jouissance. Compte tenu de l'état du logement, c'est par des motifs pertinents que le premier juge a fixé le montant de l'indemnité d'occupation due à compter du 12 février 2020 jusqu'à la parfaite libération des lieux, à la somme mensuelle de 400 euros.

Aucun trouble de jouissance ne peut être sollicité au titre de la piscine dont le bail mentionnait que l'intégralité de l'entretien incombait aux locataires. Aucun préjudice ne peut non plus être sollicité au titre du jardin et de la cuisine d'été qui ne sont pas visés au bail.

L'absence de réponse et d'intervention de Madame [E] à compter du mois de mars 2018 en dépit des relances effectuées par l'assureur des locataires a créé un préjudice moral au détriment de Monsieur [X] et Madame [T] qui ont dû continuer à vivre dans un logement en partie humide, sans qu'aucune solution ne soit proposée par le bailleur. Ce préjudice sera intégralement réparé par la somme de 2000 euros. Le jugement déféré sera infirmé sur le quantum de ce préjudice. Monsieur [X] et Madame [T] justifient que leur médecin estimait qu'ils ne pouvaient vivre dans un logement à fort taux d'humidité. Il a été indiqué que tout le logement ne souffrait pas d'une humidité importante. Ainsi, le préjudice médical subi par ces derniers a été justement et intégralement réparé par le premier juge à hauteur de 2000 euros. Le jugement sera confirmé sur ce point.

C'est par des motifs pertinents en fait et en droit que la cour adopte que le premier juge a rejeté la demande de Monsieur [X] et Madame [T] tendant à être remboursés des factures de plomberie et de débouchage, puisque la cause des désordres n'est pas connue. Le jugement sera confirmé sur ce point.

Les constatations de l'expertise amiable d'assurance ont été confortées par l'expertise judiciaire qui fait état de vêtements et chaussures dégradés par de la moisissure. L'expert d'assurance avait noté que le montant des réclamations était de 1143,30 euros qu'il avait ramené à la somme de 800 euros en raison de la vétusté. Il convient de réparer le préjudice matériel au titre des vêtements à la somme de 800 euros. Le jugement déféré sera infirmé sur ce point.

C'est par des motifs pertinents en fait et en droit que la cour adopte que le premier juge a rejeté les demandes au titre du préjudice matériel à hauteur de 924, 20 euros (dont le lien de causalité avec les manquements du bailleur n'est pas démontré), au titre de la perte mobilière qui n'est pas justifiée et au titre d'une procédure abusive alléguée par Monsieur [X] et Madame [T], alors que l'action intentée par Madame [E] n'a pas dégénéré en a abus de droit; c'est également par des motifs pertinents que le premier juge a rejeté les demandes indemnitaires de Madame [E]. Le jugement déféré sera confirmé sur ces points.

Puisque Monsieur [X] et Madame [T] ont été déboutés de leurs demandes d'exception d'inexécution du paiement de leurs loyers, c'est par des motifs pertinents en fait et en droit que le premier juge les a condamnés à l'arriéré locatif d'un montant de 5757 euros arrêté au 11 février 2020. Le jugement déféré sera confirmé sur ce point.

Sur les dépens et sur l'article 700 du code de procédure civile

Chaque partie est en partie succombante. Il convient de faire masse des dépens de première instance et d'appel et de les partager par moitié entre les parties.

Il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Le jugement déféré qui a partagé les dépens de première instance par moitié et dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile sera confirmé, sauf à prévoir la mise à la charge de Madame [E] des frais d'expertise judiciaire, mesure qui a permis d'établir l'étendue des désordres subis par Monsieur [X] et Madame [T].

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe,

DÉCLARE l'appel recevable,

CONFIRME le jugement déféré sauf en ce qu'il a fixé à la somme de 1000 euros le préjudice moral subi par Monsieur [F] [X] et Madame [R] [T], sauf en ce qu'il a rejeté leur demande indemnitaire au titre des vêtements et chaussures dégradés et sauf à préciser que les frais d'expertise judiciaire seront mis à la charge de Madame [D] [E],

STATUANT A NOUVEAU ET Y AJOUTANT,

CONDAMNE Madame [D] [E] à verser à Monsieur [F] [X] et Madame [R] [T] la somme de 2000 euros en réparation de leur préjudice moral ainsi que la somme de 800 euros en réparation de leur préjudice matériel,

REJETTE la demande de Monsieur [F] [X] et Madame [R] [T] au titre des frais irrépétibles exposés en appel,

CONDAMNE Madame [D] [E] au paiement des frais d'expertise judiciaire,

FAIT MASSE des dépens d'appel et les PARTAGE par moitié entre, d'une part, Monsieur [F] [X] et Madame [R] [T] et d'autre part, Madame [D] [E].

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-7
Numéro d'arrêt : 22/12348
Date de la décision : 08/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-08;22.12348 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award