COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 1-1
ARRÊT AU FOND
DU 06 JUIN 2023
N° 2023/ 192
Rôle N° RG 19/15841 - N° Portalis DBVB-V-B7D-BFALF
Commune COMMUNE DE [Localité 24]
C/
Me [F] [P] - Mandataire de Société ELX
[O] [I]
[W] [K]
[N] [M] [G]
Société ELX
Société civile GENAVE
SCI ELISA
Copie exécutoire délivrée le :
à :
Me Romain CHERFILS
Me Arnault CHAPUIS
Me Justine BALIQUE
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance de DIGNE en date du 24 Juillet 2019 enregistré au répertoire général sous le n° 15/00092.
APPELANTE
COMMUNE DE [Localité 24] représentée par son Maire en exercice,
domicilié [Adresse 21]
représentée par Me Romain CHERFILS, de la SELARL BOULAN-CHERFILS-IMPERATORE assisté de Me Michel BOULAN,
substitués par Me Capucine CHAMOUX, avocats au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
INTIMÉS
Monsieur [W] [K]
né le 05 Octobre 1969 à [Localité 22]
demeurant [Adresse 23]
Monsieur [N] [M] [G]
né le 14 Juin 1961 à [Localité 25]
demeurant [Adresse 23]
Tous deux représenté par Me Arnault CHAPUIS de la SELARL SELARL D'AVOCATS ARNAULT CHAPUIS, avocat au barreau d'ALPES DE HAUTE-PROVENCE
SCI ELISA prise en la personne de son représentant légal en exercice,
domiciliée Chez Monsieur [V] [A] - [Adresse 15]
représentée par Me Justine BALIQUE de la SELARL B & S AVOCATS ASSOCIÉS, avocate au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, substitué par un confrère
Me [F] [P] de la SCP JP. LOUIS & A. [P] - Mandataire judiciaire de la société ELX anciennement dénomée SCI 1789
domicilié [Adresse 18]
défaillante
Société civile GENAVE représentée par son mandataire ad'hoc Maître Vincent GILLIBERT
(dissoute et radiée du registre du commerce et des société de BORDEAUX où elle était immatriculée au sous le n°444 884 183 )
domiciliée [Adresse 2]
défaillante
Maître [O] [I] en sa qualité de Mandataire ad'hoc de la SCI GENAVE
domicilié [Adresse 7]
défaillant
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 27 Mars 2023 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Mme DE BECHILLON, conseillère, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Monsieur Olivier BRUE, Président
Madame Danielle DEMONT, conseillère
Madame Louise DE BECHILLON, conseillère
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Céline LITTERI.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 16 Mai 2023. A cette date le délibéré a été prorogé au 06 Juin 2023.
ARRÊT
Réputé contradictoire
Prononcé par mise à disposition au greffe le 06 juin 2023,
Signé par Monsieur Olivier BRUE, Président et Madame Céline LITTERI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSÉ DU LITIGE
Par acte sous seing privé du 21 avril 2005, la commune de [Localité 24] a cédé à la SCI 1789 des parcelles ayant fait l'objet d'un déclassement, sises lieudit [Localité 26], E [Cadastre 11], E [Cadastre 14], E [Cadastre 8], E [Cadastre 9], E [Cadastre 10], E [Cadastre 13] et E [Cadastre 12] pour le prix de 4 821 euros et la SCI 1789 a cédé à la commune de [Localité 24] de deux parcelles B [Cadastre 5] et B [Cadastre 6], pour le prix d'un euro.
Les actes authentiques ont été reçus par Maître [X] [Y], notaire à [Localité 19], le 28 juin 2005, la cession des parcelles cadastrées E [Cadastre 11], E [Cadastre 14], E [Cadastre 8], E [Cadastre 9], E [Cadastre 10], E [Cadastre 13], E [Cadastre 12] étant contenue dans l'acte n°431704, tandis que la cession des parcelles B [Cadastre 5] et B [Cadastre 6] est contenue dans l'acte n°431704.
Considérant que le maire en fonction avait outrepassé les pouvoirs qui lui avaient été donnés par le conseil municipal par délibérations des 6 décembre 2003 et 31 mars 2004 dans la mesure où la commune n'avait pas reçu gratuitement, comme cela avait été voté, les parcelles E[Cadastre 16], E [Cadastre 17], E[Cadastre 3], E[Cadastre 4] et une partie de la parcelle E [Cadastre 1] de la part de la SCI 1789, la commune de [Localité 24] a initié le 14 décembre 2005 une procédure en annulation de l'acte de cession n°431704 du 28 juin 2005.
Par ordonnance du 20 juin 2007, le juge de la mise en état a déclaré la juridiction judiciaire incompétente et a invité le demandeur à saisir le tribunal administratif de Marseille.
Dans le cadre des opérations de liquidation de la SCI ELX, nouvelle dénomination de la SCI 1789 adoptée le 12 novembre 2005, un acte authentique du 19 et 21 décembre 2007 a attribué à la SCI Genave les parcelles section E [Cadastre 11], [Cadastre 14], [Cadastre 8], [Cadastre 9], [Cadastre 10], [Cadastre 13] et à la SCI Elisa, la parcelle section E [Cadastre 12].
Par arrêt en date du 11 mars 2008, la cour d'appel a réformé l'ordonnance de mise en état du 20 juin 2007, a rejeté l'exception d'incompétence soulevée par la SCI 1789 et a sursis à statuer sur la demande d'annulation de la vente jusqu'à la décision de la juridiction administrative sur la portée des délibérations du conseil municipal de la commune de [Localité 24] du 6 décembre 2003 et du 31mars 2004.
Par arrêt du 22 juin 2011 (complété par une ordonnance du 7 juillet 2011), le Conseil d'État, infirmant la décision du tribunal administratif de Marseille, a décidé que les délibérations du 6 décembre 2003 et du 31 mars 2004 n'avaient pas donné compétence au maire de la commune pour signer l'acte de vente à la SCI 1789.
La SCI ELX ayant fait l'objet d 'une radiation, une ordonnance rendue le 18 septembre 2012 par le magistrat délégué par le premier président a désigné M. [U] [A] en qualité de mandataire ad hoc. Puis, Me [F] [P] a été désignée par ordonnance du 13 mai 2013, en raison du décès de [U] [A].
Dans le même temps, les parcelles attribuées à la SCI Genave, objet de la vente contestée par la commune de [Localité 24], ont été cédées par acte du 27 juin 2013 à Monsieur [N] [G] et à Monsieur [W] [K].
Puis, par arrêt du 4 mars 2014, la cour d'appel de ce siège a déclaré irrecevable la demande d'annulation de la vente présentée par la commune de [Localité 24] dans le cadre d'un recours contre une ordonnance du juge de la mise en état.
Par exploits d'huissier de justice du 09 décembre 2014 et 30 décembre 2014, la commune de [Localité 24] a assigné Me [F] [P] en sa qualité de mandataire ad hoc de la société 1789 devenue la SCI ELX, la société Genave et la SCI Elisa, M. [W] [K] et M. [N] [G] en reprise de l'instance afin de voir, à titre principal, prononcer la nullité de la vente en date du 28 juin 2005 et juger qu'elle est propriétaire des parcelles cadastrées section E, lieudit [Localité 26], [Cadastre 11], [Cadastre 14], [Cadastre 8], [Cadastre 9], [Cadastre 10], [Cadastre 13], [Cadastre 12] et obtenir la condamnation in solidum des requis à lui verser la somme de 15 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens distraits au profit de Me Claude Treffs, avocat.
Par jugement rendu le 24 juillet 2019, le tribunal de grande instance de Digne les bains a :
- écarté le moyen tiré de la péremption maintenu par la Sci Genave dans ses dernières écritures prises en commun avec la Sci Elisa le 4 janvier 2016;
- constaté que le tribunal n'est pas saisi du moyen tiré de la prescription de l'action en revendication de la commune de [Localité 24] en nullité de l'acte notarié réitératif du 28 juin 2005 qui n'est pas repris dans les dernières conclusions de MM. [N] [G] et [W] [K] du 31 août 2018 ;
- déclaré MM. [N] [G] et [W] [K] et la Sci Elisa irrecevables en leur exception de nullité des assignations des 9 et 30 décembre 2014 ;
- écarté la demande de mise hors de cause de la Sci Genave ;
- constaté la nullité de l'acte de réitération du 28 juin 2005 n°431704 entre la commune de [Localité 24] et la Sci 1789 ;
- débouté la commune de [Localité 24] de sa demande en revendication des parcelles cadastrées E [Cadastre 11], E [Cadastre 14], E [Cadastre 8], E[Cadastre 9], E[Cadastre 10], E289, E288, lieudit [Localité 26] ;
- débouté MM. [N] [G] et [W] [K] et la Sci Elisa de leur demande tendant à reconnaître que l'acte sous seing privé du 21 avril 2005 a irrévocablement cédé à la Sci 1789 les parcelles cadastrées E [Cadastre 11], E [Cadastre 14], E [Cadastre 8], E[Cadastre 9], E[Cadastre 10], E289, E[Cadastre 12], lieudit [Localité 26] ;
- dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de l'une quelconque des parties ;
- laissé les dépens à la charge de la commune de [Localité 24].
Par déclaration en date du 14 octobre 2019, la commune de [Localité 24] a interjeté appel de ce jugement.
Dans ses conclusions récapitulatives du 10 février 2023, la commune de [Localité 24] demande à la cour de :
- recevoir la commune de [Localité 24] en son appel et le dire fondé,
- réformer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la Commune de [Localité 24] de sa demande en revendication des parcelles cadastrées E [Cadastre 11],[Cadastre 14], E [Cadastre 8],[Cadastre 9], [Cadastre 10], [Cadastre 13], [Cadastre 12], lieudit [Localité 26],
- prononcer la nullité de la vente par laquelle la Commune de [Localité 24] identifiée au SIREN sous le n° 210401 014 a vendu à la société civile au capital de 694 000 euros dénommée « 1789 », alors immatriculée au RCS de Manosque sous le n° 0 444 890 081, et dont le siège était [Adresse 20], les parcelles cadastrées commune de [Localité 24],
' Section E n°[Cadastre 11] pour 10a 65ca
' Section E n°[Cadastre 14] pour 82ca
' Section E n°[Cadastre 8] pour 13ca
' Section E n°[Cadastre 9] pour 30ca
' Section E n°[Cadastre 10] pour 46ca
' Section E n°[Cadastre 13] pour 39ca
' Section E n°[Cadastre 12] pour 35ca
Telle que cette vente a été constatée selon acte reçu par Me [Y] Notaire à [Localité 19] en date du 28 juin 2005, dont une expédition a été publiée à la conservation d'hypothèque de Digne le 1er septembre 2005, volume 2005 P, n°7650,
- Faisant usage de son pouvoir d'interprétation des actes règlementaires que constituent les délibérations du conseil municipal des 6 décembre 2003 et 31 mars 2004, constater que ces délibérations n'ont pas donné compétence au maire de [Localité 24] pour céder les parcelles cadastrées E [Cadastre 11], E [Cadastre 14], E [Cadastre 8], E [Cadastre 9], E [Cadastre 10], E [Cadastre 13], E [Cadastre 12] au moyen de l'acte sous seing privé du 21 avrIL 2005,
- Si toutefois la Cour ne s'estimait pas compétente pour interpréter les délibérations des 6 décembre 2003 et 31 mars 2004, surseoir à statuer et renvoyer à la juridiction administrative compétente la question préjudicielle de savoir si le maire de [Localité 24] était compétent pour vendre les parcelles E [Cadastre 11], E [Cadastre 14], E [Cadastre 8], E [Cadastre 9], E [Cadastre 10], E [Cadastre 13], E [Cadastre 12] au moyen de l'acte sous seing privé du 21 avri12005,
- Statuant sur l'action en revendication, dire et juger que la commune de [Localité 24] est propriétaire desdites parcelles,
- débouter la Sci Elisa et MM. [G] et [K] de toutes leurs demandes,
- condamner in solidum la Sci Elisa et MM. [G] et [K] au paiement de la somme de 15 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre aux entiers dépens, ceux d'appel distraits au profit de la Selarl Lexavoue Aix en Provence, représentée par Me Romain Cherfils, avocat aux offres de droit.
La commune sollicite l'infirmation du jugement, considérant que l'on ne peut, à la lecture du dispositif, comprendre qui est propriétaire des parcelles [Cadastre 8] à [Cadastre 14], l'ensemble des parties ayant été déboutées de leurs demandes.
Elle estime qu'il y a lieu d'appliquer la décision du Conseil d'Etat ayant jugé que les conditions de la cession des parcelles à la SCI 1789 d'alors, n'ont pas été soumises au conseil municipal, de sorte qu'il n'avait compétence ni pour signer l'acte authentique ni pour l'acte sous seing privé identique.
Elle en déduit qu'il appartient à la cour, faisant usage de son pouvoir d'interprétation des actes réglementaires, de juger que le maire n'avait pas compétence pour céder les sept parcelles litigieuses, y compris par acte sous seing privé, et donc de dire que la mairie en reste propriétaire.
Subsidiairement, elle sollicite la transmission de la question préjudicielle de l'interprétation de ces deux délibérations à la juridiction administrative compétente.
En réponse aux moyens adverses, tirés en premier lieu de la prescription de l'action, soulevée par MM. [G] et [K], elle indique que l'assignation initiale délivrée le 14 décembre 2005 a interrompu le délai, que l'action en nullité ne pouvait être dirigée qu'à l'encontre de la société partie à l'acte désormais représentée par une mandataire ad hoc, et que l'action en revendication se prescrit par 30 ans en application de l'article 2227 du code civil.
Sur la nullité de l'assignation soulevée, la commune indique justifier des délibérations du conseil municipal ayant donné compétence au maire pour engager l'action, et ajoute que MM. [G] et [K] sont irrecevables à soulever telle nullité.
Dans ses conclusions récapitulatives n°2 déposées et notifiées par voie électronique le24 février 2023, la Sci Elisa demande à la cour de :
- dire et juger que la cour n'est saisie que de l'appel du jugement du 21 juillet 2019 en ce qu'il a débouté la commune de [Localité 24] de son action en revendication des 7 parcelles litigieuses;
Sur le fond,
- débouter la commune de [Localité 24] de l'ensemble de ses demandes injustes et mal fondées ;
Au principal,
- réformer le jugement du tribunal de grande instance de Digne les bains du 24 juillet 2019 en ce qu'il a prononcé la nullité de l'acte réitératif n° 431704 du 28 juin 2005 ;
Subsidiairement,
- dire et juger que, par le contrat du 21 avril 2005 dont elle n'a jamais contesté la validité ni la portée, la commune de [Localité 24] a irrévocablement et définitivement cédé à la SCI 1789 devenue ELX la propriété des 7 parcelles cadastrées lieu-dit [Localité 26], Section E, n° [Cadastre 11],[Cadastre 14],[Cadastre 8],[Cadastre 9],[Cadastre 10],[Cadastre 13] et [Cadastre 12] ;
- confirmer le jugement du tribunal de grande instance de Digne les bains du 24 juillet 2019 en ce qu'il a débouté la commune de [Localité 24] de son action en revendication de ces parcelles;
- faire droit à l'appel incident de la concluante ;
- dire et juger que la Sci Elisa est propriétaire de la parcelle cadastrée section E n°[Cadastre 12] pour 35 ca pour l'avoir acquise de la SCI ELX (ex-SCI 1789) par l'acte de partage de cette société des 19 et 21 décembre 2007 ;
- condamner la commune de [Localité 24] à payer à la Sci Elisa la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner la commune de [Localité 24] aux dépens de l'appel distraits au profit de Me Justine Balique, avocat, dans les termes de l'article 699 du code de procédure civile.
La Sci Elisa fait d'abord valoir que la déclaration d'appel de la commune de [Localité 24] était limitée au rejet de sa demande en revendication de parcelles et aux demandes accessoires, de sorte que la cour n'est pas saisie des autres demandes formulées dans ses écritures par la commune.
Sur le fond, reprenant la teneur des délibérations du conseil municipal, puis de l'acte sous seing privé signé par la commune et la SCI 1789, la SCI Elisa estime que la cession réciproque de parcelles de valeurs équivalentes correspond à un contrat d'échange tel que défini par les articles 1702 et suivants du code civil, et que la vente était parfaite, en présence d'un accord sur la chose et sur le prix.
La Sci Elisa estime que l'acte du 28 juin 2005 est critiqué par la commune de [Localité 24] et relève que l'acte du 21 avril 2005 prévoit en son article 10 que faute par une partie de réitérer tout ou partie des présentes par acte notarié, il sera suppléé par un jugement du tribunal de grande instance de Digne saisi par l'autre partie.
Elle estime ainsi que ni la validité, ni la portée de cet acte n'ont été contestées par la commune, de sorte que c'est à juste titre que le tribunal a jugé que cet acte sous seing privé a définitivement et irrévocablement transféré la propriété des 7 parcelles communales litigieuses à la SCI 1789.
En réponse à l'appel incident de la commune de [Localité 24] portant sur l'acte 431704, elle indique que celle-ci ne peut demander l'annulation de cet acte et ne pas contester la validité de l'acte 431703.
S'agissant de l'arrêt du conseil d'Etat, la Sci Elisa estime que sa portée doit être limitée, en ce qu'il ne concerne que l'acte n°431704 et non le 431703, et qu'il ne concerne pas davantage la délibération du 4 juillet 2003 ni l'acte sous seing privé du 21 avril 2005.
Elle en déduit que la commune, qui n'a jamais remis en cause le pouvoir donné à son maire par la délibération du 4 juillet 2003, pour signer le contrat du 21 avril 2005, ainsi que l'acte 431703 n'est pas fondée à soutenir le défaut de pouvoir du maire pour l'acte 431704.
En réponse à la demande en revendication de la commune, elle estime qu'elle n'est pas fondée à revendiquer des parcelles dont elle a transféré la propriété le 21 avril 2005 à la Sci 1789, laquelle lui a cédé en échange la propriété de deux parcelles de valeurs identiques.
Subsidiairement, la Sci Elisa demande la reconnaissance de son droit de propriété sur la parcelle E288, estimant que la commune n'en a jamais contesté la validité.
Dans leurs conclusions du 6 avril 2020, MM. [N] [G] et [W] [K] demandent à la cour de :
- confirmer le jugement déféré ;
À défaut, réformer ledit jugement, en conséquence, dire et juger irrecevable pour défaut d'habilitation de son maire l'assignation délivrée à MM. [G] et [K] à la requête de la commune de [Localité 24] le 9 décembre 2014 ;
- dire et juger prescrite l'action en revendication de la commune de [Localité 24] en nullité de l'acte notarié réitératif du 28 juin 2005 et en revendication de la propriété en contestation de l'acte de vente du 21 avril 2005 ;
- débouter la commune de [Localité 24] de son action en revendication ;
- dire et juger que, par le contrat de vente du 21 avril 2005 dont la validité et la portée ne sont pas contestées, la commune de [Localité 24] a irrévocablement cédé à la SCI 1789 devenue ELX les parcelles cadastrées section E Lieudit [Localité 26] n°[Cadastre 11], [Cadastre 14], [Cadastre 8], [Cadastre 9], [Cadastre 10], [Cadastre 13] et [Cadastre 12];
- débouter la commune de [Localité 24] de son action en revendication notamment en ce qu'elle porte sur les parcelles cadastrées Section E N°[Cadastre 8], E [Cadastre 9], E [Cadastre 10], E [Cadastre 11], E [Cadastre 13] et E [Cadastre 14] qui sont la propriété de MM. [G] et [K] pour les avoir acquises de la SCI Genave par acte du 27 juin 2013, cette SCI Genave les ayant elle-même acquises de la SCI 1789 par l'acte de vente de 2007 et la SCI 1789 les ayant acquises de la Commune selon acte 21 avril 2005;
- et même pour les parcelles E [Cadastre 11] et E [Cadastre 14] par prescription plus que trentenaire;
- dire et juger qu'aux termes de l'acte de vente du 21 avril 2005 et des actes des 19 et 21 décembre 2007 et du 27 juin 2013, MM. [G] et [K] sont propriétaires des parcelles sises E n°[Cadastre 11], [Cadastre 14], [Cadastre 8], [Cadastre 9], [Cadastre 10], [Cadastre 13] Lieudit [Adresse 20] à [Localité 24] ;
- condamner la commune de [Localité 24] à leur payer la somme de 10.000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner la commune de [Localité 24] aux entiers dépens de l'appel et de première instance dont distraction au profit de Maître Arnault Chapuis avocat aux offres de droit.
Les intimés font valoir en premier lieu que l'action en nullité de l'acte authentique du 28 juin 2005 est prescrite en ce que la commune ne justifie à leur égard d'aucun acte interruptif de prescription, laquelle est de cinq années en vertu des dispositions de l'article 1304 ancien du code civil, relevant que la commune n'a jamais contesté la propriété de ces parcelles avant l'assignation délivrée le 9 décembre 2014.
Ils invoquent également la nullité de l'assignation délivrée à cette date, en ce que le maire de la commune n'avait alors pas été habilité par son conseil municipal à engager à leur encontre une action en revendicaiton de la propriété de ces parcelles, seule une autorisation à agir contre la Sci 1789 en nullité de l'un des deux actes réitératifs du 28 juin 2005 ayant été donnée.
En réponse à la demande de la commune en nullité de l'acte authentique du 28 juin 2005, ils indiquent que l'acte du 21 avril 2005 a été parfaitement exécuté au profit de la SCI 1789, qui a immédiatement pris possession des biens avant de rétrocéder les parcelles à la SCI Genave.
Ils estiment que la vente est parfaite, et que la possession est bien antérieure à la signature de l'acte du 21 avril 2005, en raison des accords anciens passés avec la commune, et considèrent qu'aucun texte n'exigeant qu'une vente immobilière soit passée en la forme authentique pour sa validité, la cession ne peut être remise en cause par l'éventuelle nullité des actes du 28 juin 2005.
Sur leur appel incident tendant à la réformation du jugement en ce qu'il a annulé l'acte n°431704 du 28 juin 2005, ils estiment que l'arrêt du Conseil d'État ne concerne que cet acte et non l'acte n° 431703, et qu'il ne concerne pas davantage la délibération du 4 juillet 2003 ni l'acte sous seing privé du 21 avril 2005.
Ils en déduisent que la commune, qui n'a jamais remis en cause le pouvoir donné à son maire par la délibération du 4 juillet 2003 pour signer le contrat du 21 avril 2005, ainsi que l'acte 431703 n'est pas fondée à soutenir le défaut de pouvoir du maire pour l'acte 431704.
La SCI Genave, Me [O] [I], mandataire judiciaire pris en sa qualité de mandataire ad hoc de la Sci Genave et Me [F] [P], mandataire judiciaire, prise en sa qualité de mandataire ad hoc de la Sci Elx, valablement assignés, n'ont pas constitué avocat.
MOTIFS
Sur l'effet dévolutif de l'appel
Aux termes de l'article 562 du code de procédure civile, l'appel ne défère à la cour que la connaissance des chefs du jugement qu'il critique expressément ou implicitement et de ceux qui en dépendent.
La dévolution ne s'opère pour le tout que lorsque l'appel n'est pas limité à certains chefs, lorsqu'il tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible.
La déclaration d'appel de la commune de [Localité 24] critique le jugement en ce qu'il l'a déboutée de sa demande en revendication de parcelles, a dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure et lui a laissé la charge des dépens.
Néanmoins, le dispositif du jugement querellé ne se prononce pas sur la nullité de l'acte du 21 aril 2005, de sorte qu'il ne peut être reproché à la commune de [Localité 24] de ne pas avoir interjeté appel d'un chef du jugement omis.
Il apparaît par ailleurs que cette question est indivisible de celle de la demande en revendication formée en ce qu'elle en constitue le préalable, outre que les intimés ont formé appel incident des autres chefs.
Il convient par conséquent de rejeter la demande formée par la Sci Elisa à ce titre.
Sur la nullité de l'assignation du 9 décembre 2014
Aux termes de l'article 117 du code de procédure civile, constitue une irrégularité de fond affectant la validité de l'acte, le défaut de capacité ou de pouvoir d'une personne assurant la représentation d'une partie en justice.
Il est contesté le défaut d'habilitation du maire pour engager une action à l'encontre des consorts [G]-[K], affectant la validité de l'assignation délivrée.
La commune de [Localité 24] produit néanmoins la délibération n°51/2014 du 14 novembre 2014, par laquelle le conseil municipal a décidé d'autoriser le maire à 'poursuivre la procédure décidée dans les délibérations n°26/2005 et 27/2014 en l'étendant aux revendications de la propriété des parcelles faisant l'objet de la vente dont l'annulation est demandée, et d'attraire en outre dans la procédure, Messieurs [W] [K] et [N] [G].'
Cette demande étant donc infondée, elle sera rejetée.
Sur la fin de non recevoir tirée de la prescription de l'action en nullité de l'acte n° 174304 du 28 juin 2005
Les consorts [G] - [K] se fondent sur les dispositions anciennes de l'article 1304 du code civil, en application duquel dans tous les cas où l'action en nullité ou en rescision d'une convention n'est pas limitée à un moindre temps par une loi particulière, cette action dure cinq ans, pour considérer que l'action introduite par la mairie à leur encontre est prescrite.
Néanmoins, la commune de [Localité 24] relève à juste titre que ceux-ci n'étaient pas propriétaires des parcelles litigieuses lors de la délivrance de l'assignation à la société anciennement Sci 1789, pour les avoir acquises le 27 juin 2013.
En leur faisant délivrer une assignation en reprise d'instance avec demande d'intervention forcée devant le tribunal de grande instance de Digne par exploit du 9 décembre 2014, la commune de [Localité 24] a donc bien agi dans le délai rendant recevable son action.
Il convient de débouter les consorts [G] - [K] de cette fin de non recevoir.
Sur la demande tendant à la constatation de la nullité de la vente des parcelles cadastrées E [Cadastre 11], E [Cadastre 14], E [Cadastre 8], E [Cadastre 9], E [Cadastre 10], E [Cadastre 13], E [Cadastre 12] par acte n°431704 du 28 juin 2005
Le Conseil d'Etat, statuant par arrêt du 22 juin 2011 après qu'un sursis à statuer eut été ordonné dans la présente instance en l'attente d'une décision de juridiction administrative sur la portée des délibérations du conseil municipal, a déclaré que les délibérations du conseil municipal des 6 décembre 2003 et 31 mars 2004 n'avaient pas donné compétence au maire de cette commune pour signer l'acte de vente à la SCI 1789 des parcelles cadastrées E [Cadastre 11], E [Cadastre 14], E [Cadastre 8], E [Cadastre 9], E [Cadastre 10], E [Cadastre 13], E [Cadastre 12] du 28 juin 2005.
Cet arrêt précise, en ses motifs, que les délibérations ont été adoptées sans que les conditions de la cession à la Sci 1789 des parcelles sus mentionnées ne soient soumises au conseil municipal, n'ont pas donné compétence au maire de [Localité 24] pour signer l'acte de vente du 28 juin 2005.
Il s'en déduit que la vente réitérée en l'étude de Me [Y], notaire à [Localité 19], le 28 juin 2005, par acte n°431704 du 28 juin 2005, doit être annulée. Le jugement sera confirmé de ce chef, sauf à prononcer la nullité de l'acte et non la 'constater'.
Sur la demande tendant à la constatation de la nullité de l'acte sous seing privé du 21 avril 2005
Il est constant que les tribunaux judiciaires chargés d'appliquer les actes administratifs sont compétents pour en fixer le sens, s'il se présente une difficulté d'interprétation au cours d'un litige dont ils sont compétemment saisis.
Au cas d'espèce, étant discutée la validité de l'engagement de la commune de [Localité 24], celle-ci sollicitant l'application des dispositions de l'article L2121-29 du code général des collectivités territoriales en application duquel le conseil municipal règle par ses délibérations les affaires de la commune, il appartient à la cour, à l'aune de cette disposition, d'apprécier l'engagement litigieux.
La Sci Elisa relève justement que le Conseil d'Etat, dans l'arrêt évoqué plus avant, n'a pas pris en compte la délibération du 4 juillet 2003 dont il n'était pas saisi, ni le contrat litigieux du 21 avril 2005, ni encore l'acte authentique n°431703.
Il est exact que la juridiction n'est pas saisie de ce dernier acte, de sorte qu'elle ne peut se prononcer sur sa validité.
S'agissant de la délibération du 4 juillet 2003, sur laquelle le Conseil d'Etat ne s'est pas penché, la cour relève, usant de son pouvoir d'interprétation des actes réglementaires, par comparaison avec les délibérations soumises à la juridiction administrative, que le conseil municipal de la commune a 'accepté le principe d'échange et d'arrangement entre la SCI 1789 et la commune de [Localité 24]', le procès-verbal mentionnant au titre des débats que 'la SCI 1789 propose à la commune de faire l'échange de certaines parcelles de terrain, de certains bâtiments et un arrangement concernant l'eau de la Fontaine du Lavoir et et de la Grande Fontaine'.
Comme indiqué plus avant, le Conseil d'Etat a considéré que les délibérations des 6 décembre 2003 et 3 mars 2004 n'avaient pas donné compétence au maire pour signer l'acte, en ce que ces délibérations avaient été adoptées sans que les conditions de la cession ne soient soumises au conseil municipal.
Tel est identiquement le cas s'agissant de cette délibération du 4 juillet 2003, celle-ci n'évoquant que le principe d'un échange, et non ses conditions.
Par conséquent, il convient de considérer que cette délibération n'est pas plus valable que les délibérations soumises au conseil d'État.
Si l'acte sous seing privé du 21 avril 2005 intitulé 'contrat de vente' constitue par essence un engagement contractuel, comme admis par l'ensemble des parties, celui-ci est donc soumis aux principes essentiels du droit des contrats et au premier chef, soumis à la validité du consentement émis par les parties.
Or, il apparaît en entête de ce contrat que la commune de [Localité 24] est dite 'représentée par son maire, M. [J] [Z], agissant en exécution des délibérations du conseil municipal en date du 31 mars 2004, 6 décembre 2003 et du 4 juillet 2003 déposées respectivement à la sous- préfecture de Forcalquier'.
Il est donc acquis que le consentement à l'acte de la mairie de [Localité 24] est fondé sur des délibérations n'ayant pas valablement donné compétence au maire pour céder les parcelles litigieuses, quelle que soit la forme de l'acte de cession, la circonstance que ledit acte ait prévu en son article 9 que faute de réitération, il sera suppléé à l'acte par un jugement du tribunal de grande instance de Digne n'en empêchant pas la contestation devant les juridictions.
Il s'en déduit que le contrat conclu le 21 avril 2005 doit être annulé faute de compétence du maire pour engager la commune.
Sur l'action en revendication
L'action en revendication appartient au titulaire du droit de propriété. Elle sert au véritable propriétaire à revendiquer son bien lorsque celui-ci se trouve entre les mains d'un possesseur, de bonne ou mauvaise foi. Elle vise ainsi à obtenir la restitution du bien en faisant tomber la présomption de propriété liée à la possession
Au cas d'espèce, en l'état de l'annulation des actes cédant les parcelles cadastrées E [Cadastre 11], E [Cadastre 14], E [Cadastre 8], E [Cadastre 9], E [Cadastre 10], E [Cadastre 13], E [Cadastre 12] la commune de [Localité 24] en demeure donc propriétaire, et il n'est pas contesté qu'elle n'en a pas la possession.
La cour observe qu'elle n'est pas saisie d'une prétention autre que la reconnaissance de son droit de propriété sur ces parcelles par la mairie, lequel droit n'est pas davantage contesté par les intimés.
Sa propriété des dites parcelles découle des annulations prononcées plus avant.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire, en matière civile et en dernier ressort,
Ecarte la fin de non recevoir fondée sur l'effet dévolutif de l'appel formé ;
Infirme le jugement déféré en toutes les dispositions soumises à la cour et statuant à nouveau et y ajoutant,
Rejette la fin de non recevoir tirée de la prescription de l'action ;
Rejette l'exception de nullité tirée de la nullité de l'assignation ;
Prononce la nullité de l'acte authentique du 28 juin 2005 n°431704 ;
Prononce la nullité du contrat de vente sous seing privé passé en date du 21 avril 2005 ;
Dit en conséquence que la commune de [Localité 24] est réputée être demeurée propriétaire des parcelles cadastrées E [Cadastre 11], E [Cadastre 14], E [Cadastre 8], E[Cadastre 9], E[Cadastre 10], E[Cadastre 13], E[Cadastre 12], lieudit [Localité 26] ;
Condamne in solidum la Sci Elisa et MM. [N] [G] et [W] [K] aux entiers dépens de l'instance ;
Condamne in solidum la Sci Elisa et MM. [N] [G] et [W] [K] à régler à la commune de [Localité 24] la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT