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05/06/2023 | FRANCE | N°23/00789

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Rétention administrative, 05 juin 2023, 23/00789


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Rétention Administrative

CHAMBRE 1-11 RA



ORDONNANCE

DU 05 JUIN 2023



N° 2023/0789























Rôle N° RG 23/00789 - N° Portalis DBVB-V-B7H-BLME4



























Copie conforme

délivrée le 05 Juin 2023 par courriel à :

-l'avocat

-le préfet

-le CRA

-le JLD/TJ

-le retenu

-le MP



Signature,

le greffier





























Décision déférée à la Cour :



Ordonnance rendue par le Juge des libertés et de la détention de MARSEILLE en date du 02 Juin 2023 à 12h30.







APPELANT



Monsieur [D] [R]

né le 22 Mai 1992 à [Localité 1]

de nationalité Algérienne

comparan...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Rétention Administrative

CHAMBRE 1-11 RA

ORDONNANCE

DU 05 JUIN 2023

N° 2023/0789

Rôle N° RG 23/00789 - N° Portalis DBVB-V-B7H-BLME4

Copie conforme

délivrée le 05 Juin 2023 par courriel à :

-l'avocat

-le préfet

-le CRA

-le JLD/TJ

-le retenu

-le MP

Signature,

le greffier

Décision déférée à la Cour :

Ordonnance rendue par le Juge des libertés et de la détention de MARSEILLE en date du 02 Juin 2023 à 12h30.

APPELANT

Monsieur [D] [R]

né le 22 Mai 1992 à [Localité 1]

de nationalité Algérienne

comparant

comparant en personne, assisté de Me Maeva LAURENS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, avocat choisi et de Mme [F] [C] (Interprète en langue arabe) en vertu d'un pouvoir général, inscrit sur la liste des experts de la cour d'appel d'Aix-en-Provence.

INTIME

Monsieur le préfet des BOUCHES DU RHONE

Représenté par Madame [P] [N]

MINISTÈRE PUBLIC :

Avisé et non représenté

DEBATS

L'affaire a été débattue en audience publique le 05 Juin 2023 devant Madame Laurence DEPARIS, Conseillère à la cour d'appel déléguée par le premier président par ordonnance, assistée de Madame Michèle LELONG, Greffière,

ORDONNANCE

Contradictoire,

Prononcée par mise à disposition au greffe le 05 juin 2023 à 17h20,

Signée par Madame Laurence DEPARIS, Conseillère et Madame Michèle LELONG, Greffière,

PROCÉDURE ET MOYENS

Vu les articles L 740-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) ;

Vu le jugement du tribunal correctionnel de Marseille en dante du 15 juillet 2022 ordonnant l'interdiction temporaire du territoire français par le préfet des BOUCHES DU RHÔNE,

Vu la décision de placement en rétention prise le 30 mai 2023 par le préfet des BOUCHES DU RHONE notifiée le même jour à 18h45;

Vu l'ordonnance du 02 Juin 2023 rendue par le Juge des libertés et de la détention de MARSEILLE décidant le maintien de Monsieur [D] [R] dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire ;

Vu l'appel interjeté le 02 juin 2023 par Monsieur [D] [R] ;

Monsieur [D] [R] a comparu et a été entendu en ses explications ; il déclare : ' quand j'ai été assigné à résidence, je n'avais pas bien compris que je devais signer. J'étais à l'hôtel à [Localité 2]. J'avais rendez-vous le 31 mai je n'ai pas pu y aller j'étais déjà en rétention, j'ai un rendez-vous le 15 juin et le 31 juin à l'hôpital. Donnez moi une chance je veux me soigner.'

Son avocat a été régulièrement entendu ; il conclut à l'illégalité externe d e l'arrêté de placement en rétention en raison de l'insuffisance de motivation et à l'illégalité interne en raison de l'erreur manifeste d'appréciation au regard de sa vulnérabilité et de ses garanties de représentation et de sa situation personnelle. Il fait valoir le défaut d'exercice effectif du droit au médecin et le défaut d'accès aux soins. Il ajoute que la saisine du préfet est irrecevable car le registre du centre de rétention n'est pas actualisé. Il demande mainlevée de la mesure de rétention. Il n'a pas compris l'assignation en résidence, il était en état de choc. Il avait justifié de son rendez-vous le 31 mai qui a été annulé, j'ai déjà demandé par deux mails des rendez-vous devant le médecin.

Le représentant de la préfecture sollicite confirmation de la décision déférée. Son état a été pris en compte par l'administration. Il a été assigné à résidence, cet arrêté lui a été notifié en langue arabe et il a signé et un double lui est forcément donné, un avis de départ lui a également été donné pour le 20 mai 2023. Sur le défaut d'accès aux soins, je n'ai pas les moyens d'avoir le registre des gens qui ont vu l'infirmière ou le médecin. Un départ est prévu demain par bateau. Le registre était renseigné et à jour. Il manque juste l'heure du référé administratif, une demande d'asile le 2 juin, une demande de mise en liberté rejetée le 2 juin.

MOTIFS DE LA DÉCISION

La recevabilité de l'appel contre l'ordonnance du juge des libertés et de la détention n'est pas contestée et les éléments du dossier ne font pas apparaître d'irrégularité.

Il convient, en premier lieu, de rappeler que toute rétention d'un ressortissant d'un pays tiers, que ce soit en vertu de la directive 2008/115 dans le cadre d'une procédure de retour par suite d'un séjour irrégulier, en vertu de la directive 2013/33 dans le cadre du traitement d'une demande de protection internationale ou en vertu du règlement no 604/2013 dans le cadre du transfert d'un demandeur d'une telle protection vers l'État membre responsable de l'examen de sa demande, constitue une ingérence grave dans le droit à la liberté, consacré à l'article 6 de la Charte.

Eu égard à la gravité de cette ingérence dans le droit à la liberté consacré à l'article 6 de la Charte et compte tenu de l'importance de ce droit, le pouvoir reconnu aux autorités nationales compétentes de placer en rétention des ressortissants de pays tiers est strictement encadré.

En particulier, le ressortissant d'un pays tiers concerné ne peut, comme l'article 15, paragraphe 1, premier alinéa, de la directive 2008/115, l'article 8, paragraphe 2, de la directive 2013/33 et l'article 28, paragraphe 2, du règlement no 604/2013 le précisent, être placé en rétention lorsqu'une mesure moins coercitive peut être efficacement appliquée (arrêt CJUE -Grande Chambre - 8 novembre 2022 C-704/20 et C-39/21 ).

Sur le moyen tiré de l'illégalité externe de l'arrêté de placement en rétention

Sur la motivation de l'arrêté de placement en rétention et l'examen de la situation personnelle de l'étranger

Les décisions de placement en rétention doivent être motivées en fait et en droit.

Aux termes de l'article L.741-1 du Code de l'Entrée et du Séjour des Etrangers et du Droit d'Asile, l'autorité administrative peut placer en rétention pour une durée de 48 heures, l'étranger qui se trouve dans l'un des cas prévus à l'article L. 731-1 lorsqu'il ne présente pas de garanties de représentation effectives propres à prévenir un risque de soustraction à l'exécution de la décision d'éloignement et qu'aucune autre mesure n'apparaît suffisante à garantir efficacement l'exécution effective de cette décision. Le risque mentionné au premier alinéa est apprécié selon les mêmes critères que ceux prévus à l'article L. 612-3.

Ce dernier article dispose que le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants :
1° L'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour ;
2° L'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée en France, sans avoir sollicité la délivrance d'un titre de séjour ;
3° L'étranger s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois après l'expiration de son titre de séjour, du document provisoire délivré à l'occasion d'une demande de titre de séjour ou de son autorisation provisoire de séjour, sans en avoir demandé le renouvellement ;
4° L'étranger a explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à son obligation de quitter le territoire français ;
5° L'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ;
6° L'étranger, entré irrégulièrement sur le territoire de l'un des États avec lesquels s'applique l'acquis de Schengen, fait l'objet d'une décision d'éloignement exécutoire prise par l'un des États ou s'est maintenu sur le territoire d'un de ces États sans justifier d'un droit de séjour ;
7° L'étranger a contrefait, falsifié ou établi sous un autre nom que le sien un titre de séjour ou un document d'identité ou de voyage ou a fait usage d'un tel titre ou document ;
8° L'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité, qu'il a refusé de communiquer les renseignements permettant d'établir son identité ou sa situation au regard du droit de circulation et de séjour ou a communiqué des renseignements inexacts, qu'il a refusé de se soumettre aux opérations de relevé d'empreintes digitales ou de prise de photographie prévues au 3° de l'article L. 142-1, qu'il ne justifie pas d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues aux articles L. 721-6 à L. 721-8, L. 731-1, L. 731-3, L. 733-1 à L. 733-4, L. 733-6, L. 743-13 à L. 743-15 et L. 751-5.

Aux termes de l'article L.741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la décision de placement en rétention prend en compte l'état de vulnérabilité et tout handicap de l'étranger. Le handicap moteur, cognitif ou psychique et les besoins d'accompagnement de l'étranger sont pris en compte pour déterminer les conditions de son placement en rétention.

Il ressort de l'examen du dossier que l'arrêté de placement en rétention mentionne que Monsieur [D] [R] ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, n'étant pas en possession d'un passeport en cours de validité et ne justifiant pas d'un lieu de résidence permanent, étant précisé qu'il s'est soustrait à une interdiction temporaire du territoire français en date du 3 avril 2022 ; qu'il déclare vouloir quitter la France pour l'Italie sans justifier d'un droit au séjour

Ces circonstances correspondent aux éléments dont le préfet disposait au jour de sa décision, étant précisé que le préfet n'est pas tenu de faire état dans sa décision de tous les éléments de la situation personnelle de l'étranger, dès lors que les motifs qu'il retient suffisent à justifier le placement en rétention au regard des critères légaux et que l'administration a procédé à un examen de la situation personnelle de l'intéressé, Monsieur [D] [R] n'ayant pas justifié de son domicile, n'étant pas titulaire d'un passeport valable ainsi que noté par le préfet.

S'agissant de son état de vulnérabilité, le préfet a noté dans sa décision que l'intéressé avait subi une ablation d'un testicule suite à une agression au centre de rétention et qu'il pourrait bénéficier d'un suivi médical à son arrivée au centre de rétention.

Il apparaît dès lors, que le risque de soustraction à la mesure d'éloignement se trouve caractérisé en application de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ces circonstances suffisant à justifier le placement en rétention de l'intéressé.

Sur la légalité interne de l'arrêté de placement en rétention

L'administration indique dans l'arrêté de placement en rétention que Monsieur [D] [R] n'a pu présenter un document d'identité ou de voyage ni justifié d'un lieu de résidence affecté à son habitation principale.

Ainsi, l'étranger a été légitimement considéré comme ne présentant pas de garanties de représentation effectives suffisantes à prévenir le risque qu'il se soustraie à l'obligation de quitter le territoire, étant précisé que M. [R] a bénéficié d'une assignation à résidence en date du 16 mai 2023, régulièrement notifiée avec un interprète, et qu'il n'a pas respecté.

C'est donc après avoir apprécié ses garanties de représentation que la décision de placement en rétention a été prise.

Il en est de même s'agissant de son état de vulnérabilité, qui a été rappelé par le préfet et pris en compte dans la décision.

Il en résulte que Monsieur [D] [R] pouvait légalement faire l'objet d'un placement en rétention et que le placement en rétention de l'intéressé n'était nullement disproportionné au regard du risque de soustraction à la mesure d'éloignement.

Il convient, dans ces conditions, de rejeter la contestation de l'arrêté de placement en rétention.

Sur le moyen tiré du défaut d'exercice effectif de son droit au médecin et de son défaut d'accès aux soins

Il est constant que l'office du juge judiciaire s'étend au contrôle de l'effectivité de l'exercice des droits qui sont reconnus à l'étranger.

En application de l'article L. 744-4 du Ceseda, l'étranger placé en rétention est informé dans les meilleurs délais qu'il bénéficie, dans le lieu de rétention, du droit de demander l'assistance d'un interprète, d'un conseil et d'un médecin, et qu'il peut communiquer avec son consulat et toute personne de son choix. Ces informations lui sont communiquées dans une langue qu'il comprend.

L'article R 744-14 du CESEDA dispose que dans les conditions prévues aux articles R. 744-6 et R. 744-11, des locaux et des moyens matériels adaptés permettent au personnel de santé de donner des consultations et de dispenser des soins dans les centres et locaux de rétention.

Les conditions dans lesquelles les établissements de santé interviennent au bénéfice des personnes retenues, en application de l'article L. 6111-1-2 du code de la santé publique, sont précisées par voie de convention passée entre le préfet territorialement compétent et un de ces établissements selon des modalités définies par arrêté conjoint du ministre chargé de l'immigration, du ministre chargé des affaires sociales et du ministre chargé de la santé. Pour les centres de rétention administrative, cet arrêté précise notamment les conditions de présence et de qualification des personnels de santé ainsi que les dispositions sanitaires applicables en dehors de leurs heures de présence au centre.

Un accès aux soins est présumé s'il est établi que le centre de rétention dispose d'un service médical comprenant une permanence infirmière et il appartient à l'intéressé de prouver qu'il n'a pas été à même d'accéder au service médical ou à des soins appropriés.

En l'espèce, M. [R] a été placé en rétention le 30 mars 2023. Il a subi une intervention chirurgicale en urgence le 11 mai 2023, exigeant des soins post-opératoires et un suivi médical sérieux. Celle-ci est consécutive à de graves blessures consécutives à une rixe au sein du centre. Il a réintégré le centre de rétention le 12 mai 2023.

Il a vu sa mesure de rétention lever par décision en date du 16 mai 2023 de la présente cour en raison de la privation de son droit d'accéder à un médecin dans des conditions conformes à l'application des dispositions et de son droit effectif aux soins.

Il a été réintégré au centre de rétention le 30 mai 2023 suite à la nouvelle décision de placement en rétention du préfet. Il a justifié d' un rendez-vous le 31 mai 2023 à l'hôpital de [Localité 2] ( CECOS) aux fins de préservation de ses spermatozoïdes, ce rendez-vous n'ayant pas été honoré du fait de sa présence en centre de rétention.

Il apparaît ainsi, alors même que la précédente mesure de rétention a été levée récemment pour défaut d'accès au médecin et d'effectivité des soins, que l'état de santé de M. [R] était parfaitement connu de l'administration puisqu'il a subi ses blessures au centre de rétention et qu'elles ont justifié la mainlevée de la mesure, que le rendez-vous important fixé à l'hôpital le lendemain du placement en rétention n'a pu être honoré et que, contrairement à ce que soutient le préfet dans son nouvel arrêté de placement en rétention, le suivi médical a été interrompu.

Dans ces conditions, il convient à nouveau de constater que M. [R] n'a pu accéder aux soins appropriés et prévus et de lever la mesure de rétention.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement par décision contradictoire en dernier ressort, après débats en audience publique,

Confirmons l'ordonnance du Juge des libertés et de la détention de MARSEILLE en date du 02 Juin 2023 en ce qu'elle a rejeté la requête en contestation de l'arrêté de placement en rétention.

Infirmons pour le surplus l'ordonnance du Juge des libertés et de la détention de MARSEILLE en date du 02 Juin 2023.

Statuant à nouveau,

Disons n'y avoir lieu à prolongation de la mesure de rétention et mettons fin à la mesure de rétention de [D] [R].

Les parties sont avisées qu'elles peuvent se pourvoir en cassation contre cette ordonnance dans un délai de 2 mois à compter de cette notification, le pourvoi devant être formé par déclaration au greffe de la Cour de cassation, signé par un avocat au conseil d'Etat ou de la Cour de cassation.

La greffière, La présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Rétention administrative
Numéro d'arrêt : 23/00789
Date de la décision : 05/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-05;23.00789 ?
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