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05/06/2023 | FRANCE | N°23/00786

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Rétention administrative, 05 juin 2023, 23/00786


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Rétention Administrative

CHAMBRE 1-11 RA



ORDONNANCE

DU 05 JUIN 2023



N° 2023/0786























Rôle N° RG 23/00786 - N° Portalis DBVB-V-B7H-BLMEZ



























Copie conforme

délivrée le 05 Juin 2023 par courriel à :

-l'avocat

-le préfet

-le CRA

-le JLD/TJ

-le retenu

-le MP



Signature,

le greffier





























Décision déférée à la Cour :



Ordonnance rendue par le Juge des libertés et de la détention de MARSEILLE en date du 02 Juin 2023 à 10h55.







APPELANT



Monsieur [M] [K] [B] [R]

né le 04 Novembre 1994 à [Localité 3]

de nationalité Algérie...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Rétention Administrative

CHAMBRE 1-11 RA

ORDONNANCE

DU 05 JUIN 2023

N° 2023/0786

Rôle N° RG 23/00786 - N° Portalis DBVB-V-B7H-BLMEZ

Copie conforme

délivrée le 05 Juin 2023 par courriel à :

-l'avocat

-le préfet

-le CRA

-le JLD/TJ

-le retenu

-le MP

Signature,

le greffier

Décision déférée à la Cour :

Ordonnance rendue par le Juge des libertés et de la détention de MARSEILLE en date du 02 Juin 2023 à 10h55.

APPELANT

Monsieur [M] [K] [B] [R]

né le 04 Novembre 1994 à [Localité 3]

de nationalité Algérienne

comparant en personne, assisté de Me Prunelle CEYRAC-AUGIER, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, avocat commis d'office et de Mme [J] [F] (Interprète en langue arabe) en vertu d'un pouvoir général, inscrit sur la liste des experts de la cour d'appel d'Aix-en-Provence.

INTIME

Monsieur le préfet des BOUCHES DU RHONE

Représenté par Mme [H] [S]

MINISTÈRE PUBLIC :

Avisé et non représenté

DEBATS

L'affaire a été débattue en audience publique le 05 Juin 2023 devant Madame Laurence DEPARIS, Conseillère à la cour d'appel déléguée par le premier président par ordonnance, assistée de Madame Michèle LELONG, Greffière,

ORDONNANCE

contradictoire,

Prononcée par mise à disposition au greffe le 05 Juin 2023 à 16h15,

Signée par Madame Laurence DEPARIS, Conseillère et Madame Michèle LELONG, Greffière,

PROCÉDURE ET MOYENS

Vu les articles L 740-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) ;

Vu l'arrêté portant obligation de quitter le territoire national sans délai assortie d'une interdiction de retour pris le 23 février 2023 par le préfet des BOUCHES DU RHÔNE , notifié le même jour à 12h31 ;

Vu la décision de placement en rétention prise le 30 mai 2023 par le préfet des BOUCHES DU RHÔNE notifiée le même jour à 20h21 ;

Vu l'ordonnance du 02 Juin 2023 rendue par le Juge des libertés et de la détention de MARSEILLE décidant le maintien de Monsieur [M] [K] [B] [R] dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire ;

Vu l'appel interjeté le 02 juin 2023 par Monsieur [M] [K] [B] [R] ;

Monsieur [M] [K] [B] [R] a comparu et a été entendu en ses explications ; il déclare : 'Il déclare : ' j'étais assigné mais je me suis disputé et je n'ai pas pu aller signer car je suis parti à [Localité 2] chez mon cousin, j'ai donné une attestation d'hébergement en date du 3 juin 2023 chez M. [W] à [Localité 1]'.

Son avocat a été régulièrement entendu ; il conclut à la nullité de la procédure du fait de l'absence de preuve d'habilitation de l'agent ayant consulté le FAED et demande mainlevée de la mesure et, à titre subsidiaire, une assignation à résidence.

Le représentant de la préfecture demande confirmation de la décision déférée. Je vise l'article 15-5 du code de procédure pénale, cela n'entraîne pas la nullité de la procédure.

MOTIFS DE LA DÉCISION

La recevabilité de l'appel contre l'ordonnance du juge des libertés et de la détention n'est pas contestée et les éléments du dossier ne font pas apparaître d'irrégularité.

Sur le moyen tiré du défaut d'habilitation de l'agent ayant consulté le FAED

En application de l'article L. 142-2 du CESEDA, en vue de l'identification d'un étranger qui n'a pas justifié des pièces ou documents mentionnés à l'article L. 812-1 ou qui n'a pas présenté à l'autorité administrative compétente les documents de voyage permettant l'exécution d'une décision de refus d'entrée en France, d'une interdiction administrative du territoire français,

d'une décision d'expulsion, d'une mesure de reconduite à la frontière, d'une décision portant obligation de quitter le territoire français, d'une interdiction de retour sur le territoire français ou d'une peine d'interdiction du territoire français ou qui, à défaut de ceux-ci, n'a pas communiqué les renseignements permettant cette exécution, les données des traitements automatisés des empreintes digitales mis en 'uvre par le ministère de l'intérieur peuvent être consultées par les agents expressément habilités des services de ce ministère dans les conditions prévues par le règlement (UE) 2016/679 du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l'égard des traitements des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données et par la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés.

Le traitement automatisé des empreintes digitales, mentionné à l'article L. 142-2, est régi par le décret n° 87-249 du 8 avril 1987 modifié relatif au fichier automatisé des empreintes digitales géré par le ministère de l'intérieur selon l'article R. 142-41 du CESEDA.

L'article 8 du décret en date du 8 avril 1987 relatif au FAED dispose que :

Les fonctionnaires et militaires individuellement désignés et habilités des services d'identité judiciaire de la police nationale, du service central de renseignement criminel de la gendarmerie nationale ainsi que des unités de recherches de la gendarmerie nationale peuvent seuls avoir accès aux données à caractère personnel et aux informations contenues dans le traitement :

1° Pour procéder aux opérations d'identification à la demande de l'autorité judiciaire, des officiers de police judiciaire de la police nationale ou de la gendarmerie nationale, ou des agents des douanes habilités à effectuer des enquêtes judiciaires en vertu des dispositions de l'article 28-1 du code de procédure pénale ;

2° Pour procéder aux opérations d'identification à la demande de l'autorité judiciaire, des fonctionnaires de la police ou des militaires de la gendarmerie dans le cadre des recherches aux fins d'identification des personnes décédées prévues aux articles L. 2223-42 du code général des collectivités territoriales et 87 du code civil et du décret n° 2012-125 du 30 janvier 2012 relatif à la procédure extrajudiciaire d'identification des personnes décédées ;

3° Pour procéder aux opérations d'identification à la demande des officiers de police judiciaire de la police nationale ou de la gendarmerie nationale en vertu des dispositions des articles L. 611-1-1 , L. 611-3 et L. 611-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile

4° Pour procéder aux opérations d'identification à la demande des officiers de police judiciaire de la police nationale ou de la gendarmerie nationale en vertu des dispositions de l'article 78-3 du code de procédure pénale .

Le fichier Faed, fichier automatisé des empreintes digitales, a été créé par le décret no 87-249 du 8 avril 1987.Il est également utilisé pour vérifier l'identité des personnes retenues en application de l'article 78-3 du code de procédure pénale ou dans les conditions de l'article L. 142-2 du Ceseda. Plus précisément, il permet d'identifier les personnes par comparaison biométrique des traces et empreintes relevées sur les lieux de commission d'infractions et de s'assurer de la véritable identité des personnes mises en cause dans une procédure pénale ou condamnées à une peine privative de liberté. L'enregistrement de traces d'empreintes digitales ou palmaires donne lieu à l'établissement d'une fiche alphabétique qui comporte de très nombreux renseignements, dont en particulier l'identification de la personne, la nature de l'affaire et la référence de la procédure, l'origine de l'information et les clichés anthropométriques dans le cas d'empreintes. Toutes les informations peuvent être conservées pendant 25 ans. L'accès au FAED est prévu par le décret en date du 8 avril 1987.

Au regard de l'ingérence dans le droit au respect de la vie privée que constituent, au sens de l'article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, la conservation dans un fichier automatisé des empreintes digitales d'un individu identifié ou identifiable et la consultation de ces données, l'habilitation des agents à les consulter est une

garantie institutionnelle édictée pour la protection des libertés individuelles.

S'il ne résulte pas des pièces du dossier que l'agent ayant consulté les fichiers d'empreintes était expressément habilité à cet effet, la procédure se trouve entachée d'une nullité d'ordre public, sans que l'étranger qui l'invoque ait à démontrer l'existence d'une atteinte portée à ses droits ( CIV 1ère, 14 octobre 2020)

La CEDH juge par ailleurs'que la conservation, dans un fichier des autorités nationales, des empreintes digitales d'un individu identifié ou identifiable constitue une ingérence dans le droit au respect de la vie privée' (M. K. c. France du 18 avril 2013, requête no 19522/09, point 29 ' S. et Marper c/ Royaume-Uni, § 86) et d'autre part, que la législation interne doit donc ménager des garanties appropriées pour empêcher toute utilisation de données à caractère personnel qui ne serait pas conforme aux garanties prévues dans l'article 8 CEDH (S. et Marper, précité, § 103, Gardel c/ France, requête no 16428/05, § 62 ; Bouchacourt c/ France, requête no 5335/06, § 61).

L'article 15-5 du code de procédure pénale rappelle que seuls les personnels spécialement et individuellement habilités peuvent procéder à la consultation de ces traitements informatiques, que la réalité de cette habilitation peut être contrôlée à tout moment par un magistrat à son initiative ou à la demande de l'intéressé et que l'absence de mention de cette habilitation sur les différentes pièces de la procédure résultant de la consultation de ces traitements n'emporte pas, par elle-même, la nullité de la procédure.

En l'espèce, M. [B] a été placé en retenue le 30 mai 2023 ; un rapport d'identification dactyloscopique en date du 30 mai 2023 mentionne 'consultation réalisée par [L] [E]', dont le nom est précédé d'un chiffre.

Cependant, la seule mention du nom et d'un numéro précédant ce nom, ne suffit pas à établir, en l'état des explications techniques portées à la connaissance de la juridiction, que cette consultation a été faite par un agent dûment habilité, ainsi qu'indiqué par le premier juge.

Si l'absence de mention de l'habilitation sur les pièces de procédure résultant de la consultation du fichier FAED n'emporte pas par elle-même la nullité de la procédure, cette habilitation est contestée devant le premier juge et devant la présente cour par le conseil de l'étranger.

Pourtant, à cette contestation de la réalité de l'habilitation qui s'apparente à une demande de contrôle de cette habilitation, l'administration ne produit aucun élément, y compris en cause d'appel, permettant de vérifier la réalité de cette habilitation.

Il s'en déduit que les dispositions légales, ci-dessus rappelée, selon lesquelles la réalité de l'habilitation spéciale doit pouvoir être contrôlée à tout moment par un magistrat, ont été méconnues. La procédure se trouve entachée d'une nullité d'ordre public, sans que l'étranger ait à démontrer l'existence d'un grief.

Il convient en conséquence d'infirmer l'ordonnance entreprise et de mettre fin à la mesure de rétention.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement par décision contradictoire en dernier ressort, après débats en audience publique,

Infirmons l'ordonnance du Juge des libertés et de la détention de MARSEILLE en date du 02 Juin 2023.

Statuant à nouveau,

Disons n'y avoir lieu à prolongation et mettons fin à la mesure de rétention de Monsieur [M] [K] [B] [R].

Les parties sont avisées qu'elles peuvent se pourvoir en cassation contre cette ordonnance dans un délai de 2 mois à compter de cette notification, le pourvoi devant être formé par déclaration au greffe de la Cour de cassation, signé par un avocat au conseil d'Etat ou de la Cour de cassation.

La greffière, La présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Rétention administrative
Numéro d'arrêt : 23/00786
Date de la décision : 05/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-05;23.00786 ?
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