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01/06/2023 | FRANCE | N°22/12255

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-7, 01 juin 2023, 22/12255


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-7



ARRÊT AU FOND

DU 01 JUIN 2023



N°2023/182













Rôle N° RG 22/12255 - N° Portalis DBVB-V-B7G-BJ72P







[L] [T]





C/



[P] [M]

[E] [M]

































Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Roselyne SIMON-THIBAUD



Me Cédric PEREZ>




Décision déférée à la Cour :



Jugement du Juge des contentieux de la protection de GRASSE en date du 10 Août 2022 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 21/02144.





APPELANTE





Madame [L] [T], demeurant [Adresse 2]



représentée par Me Roselyne SIMON-THIBAUD de la SCP BADIE, SIMON-THIBAUD, JUSTON, avocat a...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-7

ARRÊT AU FOND

DU 01 JUIN 2023

N°2023/182

Rôle N° RG 22/12255 - N° Portalis DBVB-V-B7G-BJ72P

[L] [T]

C/

[P] [M]

[E] [M]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Roselyne SIMON-THIBAUD

Me Cédric PEREZ

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Juge des contentieux de la protection de GRASSE en date du 10 Août 2022 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 21/02144.

APPELANTE

Madame [L] [T], demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Roselyne SIMON-THIBAUD de la SCP BADIE, SIMON-THIBAUD, JUSTON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,

assistée de Me Joëlle HELOU-MICHEL, avocat au barreau de GRASSE

INTIMES

Monsieur [P] [M], demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Cédric PEREZ, avocat au barreau de NICE

Madame [E] [M], demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Cédric PEREZ, avocat au barreau de NICE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804, 806 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 15 Mars 2023 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant :

Madame Carole DAUX-HARAND, Président Rapporteur,

et Madame Carole MENDOZA, Conseiller-Rapporteur,

chargées du rapport qui en ont rendu compte dans le délibéré de la cour composée de :

Madame Carole DAUX-HARAND, Présidente de chambre

Madame Carole MENDOZA, Conseillère,

Madame Mireille CAURIER-LEHOT, Conseillère

Greffier lors des débats : Mme Natacha BARBE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 01 Juin 2023.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 01 Juin 2023.

Signé par Madame Carole DAUX-HARAND, Présidente de chambre et Mme Natacha BARBE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE

Par acte sous seing privé du 14 mai 2019 à effet à la même date, Monsieur [P] [M] et Madame [E] [M], par le biais de leur mandataire, le cabinet [J], ont donné à bail d'habitation à Madame [L] [T] un bien situé à [Localité 3] moyennant un loyer mensuel de 255 euros majoré d'une provision sur charges de 108 euros.

Par acte d'huissier du 08 mars 2021, les bailleurs ont fait délivrer à leur locataire un commandement de payer la somme de 1388, 81 euros visant la clause résolutoire.

Par acte d'huissier du 06 mai 2021, Madame [T] a fait assigner Monsieur et Madame [M] aux fins principalement de l'autoriser à suspendre le paiement des loyers jusqu'à l'accomplissement de travaux de réparation et subsidiairement, de l'autoriser à consigner le montant de la dette locative. Elle sollicitait qu'il soit jugé que la clause résolutoire n'avait pas été mise en oeuvre valablement et que ses bailleurs soient condamnés à effectuer des travaux sous astreinte, ainsi qu'à lui verser des dommages et intérêts.

Par acte d'huissier du 09 novembre 2021, les bailleurs ont fait délivrer à leur locataire un congé pour vendre à effet au 13 mai 2022 moyennant la somme de 55.000 euros.

Par jugement contradictoire du 10 août 2022, le juge des contentieux de Grasse a :

- débouté Madame [L] [T] de sa demande tendant à lui voir déclarer inopposable le commandement de payer du 8 mars 2021 et à valider rétroactivement une exception d'inexécution à son bénéfice.

- condamné Monsieur [P] [M] et Madame [E] [M] à payer à Madame [L] [T] la somme de 1.200 euros de dommages et intérêts au titre de son préjudice de jouissance.

- déclaré recevable l'action reconventionnelle de Monsieur [P] [M] et de Madame [E] [M] en constatation d'acquisition de la clause résolutoire.

- constaté que les conditions d'acquisition de la clause résolutoire figurant au bail conclu le 14 mai 2019 sont réunies à la date du 8 mai 2021.

- ordonné en conséquence à Madame [L] [T] de libérer les lieux et de restituer les clés dans le délai d'un mois à compter de la signification du présent jugement.

- dit qu'à défaut pour Madame [L] [T] d'avoir volontairement libéré les lieux et restitué les clés dans ce délai, Monsieur [P] [M] et Madame [E] [M] pourront, deux mois après la signification d'un commandement de quitter les lieux, faire procéder à son expulsion ainsi qu'à celle de tous occupants de son chef, y compris le cas échéant avec le concours d'un serrurier et de la force publique.

- condamné Madame [L] [T] à payer à Monsieur [P] [M] et à Madame [E] [M] la somme de 1.422,02 euros portant intérêts au taux légal à compter du commandement de payer en date du 8 mars 2021 au titre de l'arriéré locatif arrêté au 22 janvier 2022.

- condamné Madame [L] [T] à payer à Monsieur [P] [M] et à Madame [E] [M] une indemnité mensuelle d'occupation à compter du 8 mai 2021 jusqu'à la date de la libération définitive des lieux et la restitution des clés.

- fixé cette indemnité mensuelle d'occupation à la somme de 377,59 euros.

- débouté Madame [L] [T] de toutes ses demandes plus amples ou contraires.

-condamné Madame [L] [T] à verser Monsieur [P] [M] et à Madame [E] [M] la somme de 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

- condamné Madame [L] [T] aux dépens, qui comprendront notamment le coût du commandement de payer.

- rappelé que la présente décision est exécutoire de plein droit à titre provisoire en vertu de l'article 514 du code de procédure civile.

Le premier juge a rejeté l'exception d'inexécution soulevée par Madame [T] au motif que cette dernière ne démontrait pas le caractère inhabitable des lieux loués.

Il a relevé l'existence de désordres, dont certains ont été réparés après une expertise amiable. Il a alloué à Madame [T] la somme de 1200 euros en réparation de son préjudice de jouissance lié à un défaut d'isolation et à des radiateurs humides.

Il a estimé recevable la demande reconventionnelle en résiliation judiciaire du bail et constaté l'acquisition de la clause résolutoire à la suite de la délivrance d'un commandement de payer.

Il a condamné Madame [T] à un arriéré locatif.

Il a débouté cette dernière de sa demande de travaux sous astreinte.

Le 09 septembre 2022, Madame [T] a relevé appel de tous les chefs cette décision sauf en ce que les consorts [M] ont été condamnés à lui verser la somme de 1200 euros en réparation de son préjudice de jouissance.

Monsieur et Madame [M] ont constitué avocat.

Par conclusions notifiées le premier mars 2023 sur le RPVA auxquelles il convient de se reporter, Madame [T] demande à la cour :

- d'infirmer le jugement déféré sauf en ce qu'il a condamné Monsieur et Madame [M] à lui verser la somme de 1200 euros de dommages et intérêts au titre de son préjudice de jouissance,

* statuant à nouveau :

- de l'autoriser à suspendre le paiement des loyers en vertu d'une exception d'inexécution,

*subsidiairement :

- de l'autoriser à consigner le montant de la dette à hauteur de 1388, 81 euros jusqu'à la parfaite, exécution des travaux par son bailleur,

- de dire que la clause résolutoire n'a pu être valablement acquise

*-subsidiairement :

- de lui accorder de larges délais de paiement,

- de suspendre l'effet de la clause résolutoire,

- d'ordonner aux bailleurs, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, d'effectuer les travaux de réparation tels que préconisés dans le rapport d'expertise amiable contradictoire du 11 septembre 2019 ayant donné lieu à un protocole d'accord,

- de condamner Monsieur et Madame [M] à lui verser la somme de 5100 euros au titre du préjudice de jouissance,

- d'ordonner la nullité du congé pour vendre délivré le 09 novembre 2021 en raison d'un prix manifestement excessif,

- de débouter Monsieur et Madame [M] de leurs demandes,

- de condamner Monsieur et Madame [M] à lui verser la somme de 1500 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et 2000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel,

- de condamner Monsieur et Madame [M] aux dépens comprenant le coût du commandement et du constat d'huissier du 22 janvier 2021.

Elle souligne que le bien loué est affecté de divers désordres constatés par une expertise amiable contradictoire du 11 septembre 2019 et par un procès-verbal d'huissier du 22 janvier 2021. Elle relève que les parties ont signé un protocole d'accord selon lequel les travaux nécessaires pour remédier aux désordres du bien devaient être effectués avant le 15 octobre 2019, ce qui n'a pas été fait.

Elle soulève une exception d'inexécution justifiant l'arrêt du paiement de ses loyers au motif de la violation par le bailleur de son obligation de délivrance d'un logement décent et en bon état de réparation. Elle déclare que le bien est inhabitable. Elle demande ainsi l'autorisation de ne plus verser de loyers jusqu'à la réalisation des travaux évoqués dans l'expertise amiable et subsidiairement, l'autorisation de consigner le montant de la dette locative.

Elle explique que le commandement de payer visant la clause résolutoire et le congé pour vendre ont été délivrés postérieurement au protocole d'accord qui n'a pas été respecté.

Elle fait état d'une situation financière et médicale difficile.

Elle relève avoir bénéficié d'un plan de surendettement.

Par conclusions notifiées le 18 novembre 2022 sur le RPVA, Monsieur et Madame [M] demandent à la cour :

- de confirmer le jugement déféré sauf en ce qu'ils les a condamnés à verser la somme de 1200 euros de dommages et intérêts,

* statuant à nouveau :

- de débouter Madame [T] de sa demande de dommages et intérêts

*subsidiairement :

- de déclarer régulier le congé pour vendre délivré le 09 novembre 2021 pour le 13 mai 2022,

- de dire que Madame [T] est occupante sans droit ni titre depuis le 14 mai 2022,

- de débouter Madame [T] de ses demandes,

- d'ordonner l'expulsion de Madame [T] et de celle de tous occupants de son chef,

- de condamner Madame [T] au versement de la somme de 1422, 02 euros au titre de l'arriéré locatif arrêté au 21 janvier 2022,

- de condamner Madame [T] au versement d'une indemnité d'occupation mensuelle de 377, 59 euros jusqu'à la libération effective des lieux,

- de condamner Madame [T] à leur verser la somme de 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens comprenant le coût du commandement de payer,

* en tout état de cause :

- de condamner Madame [T] au versement de la somme de 2000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel ainsi qu'aux dépens d'appel.

Ils soutiennent que l'exception d'inexécution aurait dû leur être opposée avant que la clause résolutoire ait produit ses effets. Ils contestent par ailleurs cette exception soulevée par Madame [T] au motif que le bien n'est pas inhabitable et que cette dernière ne rapporte pas la preuve qu'elle se soit trouvée dans l'impossibilité absolue d'utiliser les lieux conformément à leur destination.

Ils indiquent avoir effectué des réparations à la suite de l'expertise amiable. Ils notent que certains désordres (jour existant autour de la porte-fenêtre; trou en façade; ponçage du parquet; fuite sur les radiateurs ; vérification de la prise de courant dans la cuisine) n'on pu être réparés car Madame [T] a refusé l'accès des lieux aux intervenants. Ils relèvent que certaines difficultés existaient dès l'entrée dans les lieux loués (ouverture difficile de la porte-fenêtre).

Ils contestent tout préjudice de jouissance au détriment de Madame [T].

Ils soutiennent que le congé pour vendre pour un prix de 55.000 euros est valable et conteste toute fraude aux droits de la locataire.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 15 mars 2023.

MOTIVATION

Selon l'article 6 de la loi du 06 juillet 1989 dans sa version applicable, le bailleur est tenu de remettre au locataire un logement décent ne laissant pas apparaître de risques manifestes pouvant porter atteinte à la sécurité physique ou à la santé, exempt de toute infestation d'espèces nuisibles et parasites, répondant à un critère de performance énergétique minimale et doté des éléments le rendant conforme à l'usage d'habitation. Un décret en Conseil d'Etat définit le critère de performance énergétique minimale à respecter et un calendrier de mise en 'uvre échelonnée.

Les caractéristiques correspondantes sont définies par décret en Conseil d'Etat pour les locaux à usage de résidence principale ou à usage mixte mentionnés au deuxième alinéa de l'article 2 et les locaux visés aux 1° à 3° du même article, à l'exception des logements-foyers et des logements destinés aux travailleurs agricoles qui sont soumis à des règlements spécifiques.

Le bailleur est obligé :

a) De délivrer au locataire le logement en bon état d'usage et de réparation ainsi que les équipements mentionnés au contrat de location en bon état de fonctionnement (...)

b) D'assurer au locataire la jouissance paisible du logement et, sans préjudice des dispositions de l'article 1721 du code civil, de le garantir des vices ou défauts de nature à y faire obstacle hormis ceux qui, consignés dans l'état des lieux, auraient fait l'objet de la clause expresse mentionnée au a ci-dessus ;

c) D'entretenir les locaux en état de servir à l'usage prévu par le contrat et d'y faire toutes les réparations, autres que locatives, nécessaires au maintien en état et à l'entretien normal des locaux loués

Selon l'article 2 du décret du 30 janvier 2002 dans sa version applicable, le logement doit satisfaire aux conditions suivantes, au regard de la sécurité physique et de la santé des locataires :

2. Il est protégé contre les infiltrations d'air parasites. Les portes et fenêtres du logement ainsi que les murs et parois de ce logement donnant sur l'extérieur ou des locaux non chauffés présentent une étanchéité à l'air suffisante.

Madame [T] a loué un studio de 34,70m², composé d'une pièce à vivre avec un coin nuit, une cuisine aménagée, une salle d'eau avec wc, un balcon et une cave, au sein d'un immeuble en copropriété.

L'état des lieux d'entrée mentionnait notamment :

* dans l'entrée :l'existence d'une porte endommagée; quelques coups sur le sol du parquet en bois et de quelques traces et de clous sur les murs

* dans le séjour : une fenêtre en bon état mais à la peinture écaillée et qui accroche au sol; quelques coups sur le parquet et quelques rayures; des clous sur la tapisserie du mur

* dans la cuisine : un carrelage au sol en état d'usage; quelques traces et des reprises d'enduit sur la peinture des murs; quelques éclats sur l'évier

* dans la salle de bains : des murs qualifié en état moyen.

En juin 2019, le mandataire des bailleurs faisait intervenir une entreprise en relevant que Madame [T] évoquait des remontées dans son évier de cuisine quand la voisine du dessus faisait couler de l'eau dans son appartement.

Le 22 août 2019, le mandataire autorisait la même entreprise à mettre en place un détendeur.

Le 11 septembre 2019, l'expert d'assurance de Madame [T] a établi un rapport amiable, après une visite des lieux du 03 septembre 2019 faite en présence de la locataire et du mandataire des bailleurs.

Selon ce rapport, était noté qu'il existait un goutte à goutte sur le groupe sécurité du chauffe-eau situé dans la cuisine. L'expert relevait que la mise en place du détendeur n'avait pas été effectué. Il notait également qu'il existait un jour sous la porte fenêtre donnant sur la terrasse ainsi qu'un trou non colmaté en façade réalisé pour le passage de câblage. Il précisait qu'il faudrait poncer et vitrifier le parquet de la pièce à vivre pour pouvoir ouvrir complètement la porte fenêtre. Enfin, il faisait état d'une humidité résiduelle sur le robinet du radiateur de la salle de bain et de l'absence de fonctionnement des prises de courant sous le cumulus.

A la suite de cette intervention, le bailleur s'était engagé (pièce 5 de Madame [T]) :

- à confirmer la réparation du détendeur à l'origine de la surpression, sans lui réclamer le règlement de surconsommation d'eau en lien avec ce désordre,

- à procéder à la pose d'un joint mousse sur le pourtour de la porte-fenêtre pour en assurer l'étanchéité à l'air,

- à colmater le trou en façade effectué pour le passage d'un câble au moyen d'une mousse expensive,

- à poncer et vitrifier le parquet massif du salon afin de permettre l'ouverture complète de la porte fenêtre et assainir le revêtement du sol,

- à s'assurer de l'absence de fuite sur les radiateurs lors de la remise en service du chauffage collectif,

- à procéder à la vérification de la prise de courant dans la cuisine.

En signant cet accord, le bailleur reconnaissait la réalité des désordres évoqués dans l'expertise amiable.

Il est établi que le logement, dès l'origine, était indécent en raison d'infiltrations d'air parasite liées à un jour dans la porte fenêtre et à un trou non colmaté dans la façade pour permettre le passage d'un câble.

Le bailleur a également manqué à son obligation de délivrance d'un bien en bon état de réparation, puisque la porte fenêtre ne pouvait être totalement ouverte et qu'il existait un goutte à goutte sur le chauffe-eau.

Monsieur [R] indique être intervenu le 09 juillet 2019 au domicile de Madame [T] et n'avoir constaté aucune fuite sur le cumulus; or, il est avéré par l'expertise amiable, réalisée le 03 septembre 2019 en présence du mandataire des bailleurs, qu'il existait un goutte à goutte sur le groupe sécurité du chauffe eau. Lorsque Monsieur [R] a voulu à nouveau intervenir chez Madame [T] le 30 octobre 2019, cette dernière a refusé de le laisser entrer au motif qu'elle souhaitait l'intervention d'une entreprise agréée ; ce refus pouvait être légitime puisque les constatations faites par Monsieur [R] n'avaient pas été confortées lors de l'expertise amiable et qu'il était compréhensible que la locataire revendique l'intervention d'une autre entreprise. En revanche, il est démontré qu'elle a refusé l'intervention d'un électricien. De son côté, les bailleurs ne démontrent pas avoir mandaté une entreprise pour résoudre les problèmes d'infiltrations d'air parasite et le problème d'absence d'ouverture complète de la porte-fenêtres. Ainsi, les bailleurs ne peuvent raisonnablement soutenir n'avoir pu respecter leurs engagements en raison du comportement de leur locataire.

Toutefois, les désordres non réparés n'ont pas rendu le bien inhabitable et c'est à tort que Madame [T] soulève une exception d'inexécution. Elle ne pouvait se dispenser de verser ses loyers sans autorisation judiciaire et le commandement de payer, même si les travaux auxquels s'étaient engagés le bailleur n'avaient pas été effectués, a été délivré régulièrement.

Madame [T], qui ne démontre ni le caractère inhabitable du logement ni une non-conformité de celui-ci ne permettant pas d'user des locaux loués conformément à la destination du bail, ne justifie pas avoir payé les sommes dues dans les deux mois de la délivrance du commandement.

Madame [T] produit au débat un relevé de prestation pour une pension d'invalidité d'un montant annuel de 7019, 36 euros, outre des indemnités versées par son assurance complémentaire à hauteur de 10.150 euros par an. Elle fait état d'un plan de surendettement du 17 janvier 2019 (avant la signature du bail), sans démontrer l'existence d'un rétablissement personnel sans liquidation judiciaire ni justifier du contenu de ce plan et de ses dettes. Elle ne justifie pas qu'elle serait en mesure d'apurer les sommes dues au titre du commandement de payer tout en s'acquittant régulièrement de ses loyers et charges.

En conséquence, il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a déclaré recevable l'action en constatation de la résiliation judiciaire du bail, en ce qu'il a constaté que le bail était résilié au 08 mai 2021, en ce qu'il a ordonné l'expulsion de Madame [T] et l'a condamnée à verser la somme de 1422,02 euros, sauf à préciser que les intérêts légaux courront à compter du 08 mars 2021 sur la somme de 1388, 81 euros et en ce qu'il a condamné Madame [T] au paiement d'une indemnité d'occupation de 377, 59 euros jusqu'à la libération effective des lieux.

Le premier juge avait été saisi de la validité du congé pour vendre; dans son dispositif, après avoir constaté l'acquisition de la clause résolutoire et statué sur les conséquences de celle-ci ainsi que sur les demandes au titre du préjudice de jouissance, il a rejeté le surplus des demandes de Madame [T].

Si l'acquisition de la clause résolutoire rend sans objet l'étude du congé pour vendre, il convient toutefois de préciser les éléments suivants : les dispositions de l'article 15 de la loi du 6 juillet 1989 sur le congé pour vendre n'imposent aucun encadrement; le bailleur détermine librement le prix auquel il entend offrir son logement au locataire en place et rien ne s'oppose à ce qu'il situe la valeur au-dessus du marché, l'intention spéculative n'étant pas sanctionnée en elle-même et la surestimation du prix pouvant résulter d'une ambition excessive du bailleur désireux de vendre au meilleur prix. Néanmoins, le locataire reste recevable à invoquer la fraude sur le fondement des dispositions du code civil en faisant valoir que le caractère manifestement excessif du prix caractérise un défaut de sincérité de l'intention de vendre. La fraude ne se présumant pas, la charge de la preuve incombe au locataire qui doit établir que le bailleur a intentionnellement fixé le montant de son offre à un chiffre manifestement excessif en vue de le décourager de se porter acquéreur et de l'évincer. Or, Madame [T] ne démontre pas que le prix proposé serait excessif; elle est défaillante dans la preuve du caractère frauduleux du congé.

Madame [T] a subi un préjudice de jouissance lié aux infiltrations d'air parasite et à l'impossibilité d'ouvrir complètement la porte-fenêtre, qui sera intégralement réparé par la somme de 1200 euros. Le jugement sera confirmé sur ce point.

Occupante sans droit ni titre depuis le 08 mai 2021, Madame [T] ne peut solliciter l'exécution de travaux par Monsieur et Madame [M].

Sur les dépens et sur l'article 700 du code de procédure civile

Chaque partie est partiellement succombante. Les dépens de première instance et d'appel seront partagés par moitié entre elles.

Il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel.

Le jugement déféré qui a condamné Madame [T] aux dépens de première instance comprenant le coût du commandement de payer et à verser la somme de 800 euros au titre des frais irrépétibles exposés par Monsieur et Madame [M] sera infirmé.

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe

CONFIRME le jugement déféré sauf en ce qu'il a dit que les intérêts sur l'arriéré locatif arrêté au 22 janvier 2022 d'un montant 1422,02 euros courront à compter du 08 mars 2021 et sauf en ce qu'il a condamné Madame [L] [T] aux dépens et à verser à Monsieur [P] [M] et Madame [E] [M] la somme de 800 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

STATUANT A NOUVEAU ET Y AJOUTANT,

DIT que les intérêts légaux courront à partir du 08 mars 2021 sur la somme de 1388, 81 euros et à compter de la décision de première instance pour le surplus,

FAIT MASSE des dépens de première instance (comprenant le coût du commandement de payer) et d'appel et CONDAMNE les parties à les prendre en charge par moitié,

DIT n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-7
Numéro d'arrêt : 22/12255
Date de la décision : 01/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-01;22.12255 ?
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