COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 1-9
ARRÊT AU FOND
DU 01 JUIN 2023
N° 2023/398
Rôle N° RG 21/16608 N° Portalis DBVB-V-B7F-BIOIZ
[T] [X]
[Y] [C] EPOUSE [X]
C/
[E] [D]
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me Patrick DAVID
Me Sandra JUSTON
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Juge de l'exécution de GRASSE en date du 09 Novembre 2021 enregistré au répertoire général sous le n° 19/03786.
APPELANTS
Monsieur [T] [X]
né le [Date naissance 3] 1940 à [Localité 5]
de nationalité Française,
demeurant [Adresse 2]
Madame [Y] [C] épouse [X]
de nationalité Française,
demeurant [Adresse 2]
Tous deux représentés et plaidant par Me Patrick DAVID, avocat au barreau de GRASSE
INTIME
Monsieur [E] [D],
demeurant [Adresse 1]
représenté par Me Sandra JUSTON de la SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE
plaidant par Me Gérald FRAPECH de la SELAS CSF JURCO, avocat au barreau de NICE, substitué par Me Paloma LOCATELLI, avocat au barreau de NICE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 29 Mars 2023 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Madame Pascale POCHIC, Conseiller, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Madame Evelyne THOMASSIN, Président
Madame Pascale POCHIC, Conseiller
Monsieur Ambroise CATTEAU, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Josiane BOMEA.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 01 Juin 2023.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 01 Juin 2023,
Signé par Madame Evelyne THOMASSIN, Président et Madame Josiane BOMEA, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
En amont de la propriété de Mme [Y] [C] et de son époux, M.[T] [X], implantée à flanc de colline sur la commune de [Localité 4] (Alpes Maritimes), la SCI MW Diffusion a entrepris une opération de construction sur la parcelle lui appartenant, qu'elle a été cédée le 4 août 2006 à Mme [E] [D] et Mme [N] [S].
Ces parcelles sont séparées par un mur d'une longueur de 42 mètres édifié précédemment par les époux [X] sur leur fonds en retrait de la limite séparative, laissant une bande de terre de 30 centimètres leur appartenant, à l'arrière de ce mur.
Invoquant divers désordres générés par la construction érigée par la société SCI MW Diffusion acquise par les consorts [D]-[S], les époux [X] ont obtenu en référé la désignation d'un expert, M.[H] [W] puis ont assigné au fond M.[D] et la société MW Diffusion.
Par jugement rendu le 8 janvier 2013, le tribunal de grande instance de Grasse a, entre autres dispositions :
- condamné M. [D] et la SCI MW Diffusion à verser à M.et Mme [X] une somme de 1000 euros pour remettre en état la bande de terrain située derrière le mur en état ;
- condamné la société MW Diffusion à relever et garantir M.[D] de cette condamnation ;
- condamné ladite société à verser aux époux [X] la somme de 1 500 euros pour les désagréments occasionnés par les travaux de construction ;
- condamné M.[D] à prendre les dispositions nécessaires pour retenir ses terres ;
- dit qu 'il n'y a pas lieu d'assortir cette condamnation d'une astreinte.
Un protocole d'accord est intervenu le 24 février 2014 entre les parties qui ont convenu notamment que :
- M.et Mme [X] renoncent à la somme de 1000 euros afin de remettre la bande de terrain située derrière le mur en état, à charge pour M.[D] de procéder à cette remise en état en respectant les limites séparatives de propriété et après que ce dernier ait pris toutes dispositions pour retenir ses terres ;
- cette remise en état doit s'effectuer dans un délai de douze mois à compter de la signature du protocole sous peine d'une astreinte comminatoire de l00 euros par jour de retard passé ledit délai,
- M.[D] s'engage pour l'avenir à prendre les dispositions nécessaires pour retenir ses terres.
Sur requête des époux [X] le président du tribunal de grande instance de Grasse a par ordonnance du 14 décembre 2018 conféré force exécutoire audit protocole.
Cette ordonnance a été signifiée à M.[D] le 16 janvier 2019.
Par assignation du 31 juillet 2019 M.et Mme [X] ont saisi le juge de l'exécution d'une demande de liquidation de l'astreinte prévue au protocole, à hauteur de la somme de 192 100 euros pour la période du 25 février 2015 au 14 juillet 2019, demande à laquelle M.[D] a opposé la nullité de l'accord pour défaut de concessions réciproques et à titre subsidiaire, demandé que la requalification de l'astreinte en clause pénale et sa minoration.
Par jugement du 9 novembre 2021 le juge de l'exécution a :
' rejeté la demande de M. [D] en nullité du protocole transactionnel du 24 février 2014, comme étant prescrite ;
' débouté M.et Mme [X] de leur demande en liquidation de l'astreinte stipulée au-protocole d'accord du 24 février 2014, ayant reçu force exécutoire selon ordonnance du président du tribunal de grande instance de Grasse du 14 décembre 2018 ;
' les a condamnés à payer à M.[D] la somme de 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens ;
' rejeté tous autres chefs de demandes.
Les époux [X] ont relevé appel de cette décision dans les quinze jours de sa notification, par déclaration du 26 novembre 2021.
Aux termes de leurs dernières écritures, auxquelles il est expressément fait référence pour plus ample exposé de leurs moyens et prétentions en application de l'article 455 du code de procédure civile, ils demandent à la cour de :
- recevoir leur l'appel et le déclarer bien fondé,
Sur l'appel incident de M. [D],
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté la demande de M.[D] en nullité du protocole transactionnel du 24 février 2014 comme étant prescrite,
Si par extraordinaire, la prescription de l'action en nullité du protocole n'était pas retenue,
- débouter M.[D] de sa demande de nullité du protocole signé le 24 février 2014,
Sur l'appel principal,
- réformer ledit jugement pour le surplus,
Statuant à nouveau,
- relever que le protocole transactionnel prévoit en son article 3 que la « remise en état devrait s'effectuer dans un délai de douze mois à compter de la signature du présent protocole, sous peine d'une astreinte comminatoire de 100 euros par jour de retard passé ledit délai »,
- relever qu'il ressort du procès-verbal de constat d'huissier en date du 16 novembre 2018, que la bande de terrain à respecter, pour éviter que les terres ne viennent « pousser » sur le mur, n'a pas été réalisée,
- relever que M.[D] a cru devoir procéder à la constitution de blocs de béton creux le long du mur, alors que celui-ci se devait de maintenir également la limite séparative des propriétés, objet de la bande de terre,
- relever que la remise en état et les travaux tels qu'ils avaient été convenus dans le protocole transactionnel en date du 24 février 2014 n'ont pas été réalisés par M.[D],
En conséquence,
- réformer en toutes ses dispositions la décision entreprise,
- liquider l'astreinte fixée par les parties dans le cadre du protocole transactionnel signé le 24 février 2014 à hauteur d'une somme de 286 600 euros pour la période du 25 février 2015 au 31 décembre 2022,
- condamner, en tant que de besoin, M.[D] au paiement de ladite somme, soit 286Â 600 euros,
En tout état de cause,
- le débouter de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
- le condamner au paiement de la somme de 10 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de l'instance, en ceux compris l'ensemble des actes et constats accomplis par l'huissier de justice missionné par les consorts [X].
A l'appui de leurs demandes les appelantes font valoir pour l'essentiel que :
- l'exception de nullité du protocole transactionnel qui a reçu un commencement d'exécution par le versement des sommes prévues à l'accord est soumise à la prescription quinquennale de droit commun qui n'a pas été interrompue ou suspendue par la demande d'homologation faite par eux qui ne constitue pas une demande en justice interruptive de prescription pas plus que la lettre du 25 décembre 2018 par laquelle M.[D] reconnaît être débiteur de l'obligation ;
- subsidiairement l'accord passé qu'il n'avait jusqu'alors pas contesté, est équilibré et l'astreinte n'a été prévue que pour permettre une exécution dans des délais raisonnables, laissant douze mois à M.[D] pour procéder aux travaux ;
- s'agissant de l'absence de signature dudit protocole par Mme [S], nul ne plaide par procureur, elle n'était pas partie à la procédure au fond, outre que seul M.[D] est propriétaire du tènement ;
- au fond, il ressort des procès-verbaux de constat qu'ils produisent que l'obligation de remise en état de la bande de terre par le nettoyage de cette bande est incomplète et qu'aucun travaux au titre de la retenue de terre n'a été réalisé par leur voisin ;
- contrairement à ce qu'a retenu le premier juge, la remise en état de la bande de terre, englobe
l'obligation de prendre toutes dispositions pour la retenue des terres et dans les règles de l'art, ce qui n'a pas été fait ;
- les attestations communiquées par M.[D] pour prétendre à l'exécution de travaux en 2015 ne sont pas probantes et plusieurs des factures qu'il verse au dossier sont incomplètes ou douteuses ;
- le point de départ de l'astreinte demeure celui prévu au protocole d'accord, soit à compter du 25 février 2015 et l'astreinte ne peut être requalifiée en clause pénale, le protocole ayant valeur de titre exécutoire ;
- compte tenu des délais écoulés de la mauvaise foi de la partie adverse et des préjudices liés à une exécution incomplète de l'obligation, la demande de liquidation de l'astreinte ne peut être qualifiée de disproportionnée.
Par dernières écritures notifiées le 24 février 2023 auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé complet de ses moyens et prétentions, M.[D] formant appel incident demande à la cour de :
- réformer le jugement entrepris en ce qu'il a :
- rejeté la demande de M.[D] en nullité du protocole transactionnel du 24 février 2014 comme étant prescrite,
- rejeté tous autres chefs de demandes et notamment la requalification de l'astreinte prévue au protocole du 24 février 2014 en clause pénale et la révision du montant de l'astreinte,
- le confirmer pour le surplus ;
- débouter M.et Mme [X] de leurs demandes ;
Statuant de nouveau,
- prononcer la nullité du protocole transactionnel signé le 24 février 2014 pour absence de concessions réciproques,
- déclarer que les travaux ont été exécutés par M.[D] conformément au protocole d'accord en 2015 ;
- déclarer que l'astreinte n'a pas commencé à courir ;
En conséquence,
- débouter les consorts [X] de leur demande en liquidation de l'astreinte,
- les débouter de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,
A titre subsidiaire si la cour devait considérer que l'astreinte a commencé à courir et que les travaux n 'avaient pas été exécutés par M.[D] :
- requalifier l'astreinte prévue au protocole du 24 février 2014 en clause pénale,
- reviser et ramener le montant de l'astreinte à de plus justes proportions,
- limiter la clause d'astreinte à une durée quinquennale,
En tout état de cause :
- debouter M.et Mme [X] de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,
- les condamner 'solidairement et conjointement' au paiement de la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens, dont distraction au profit de la SCP Badie-Simon-Thibaud & Juston.
A cet effet il fait valoir que :
- la prescription quinquennale de l'action en nullité du protocole d'accord transactionnel a commencé à courir en application de l'article 2224 du code civil, le 24 fevrier 2015, puisque c'est après avoir executé les travaux, qu'il a constaté l'absence de concessions réciproques de la part des consorts [X],
- ce délai a été interrompu, conformément à l'article 2240 du code civil, par la lettre qu'il leur a adressée le 25 décembre 2018 , puis suspendu par la demande d'homologation du protocole et l'assignation délivrée par les époux [X] devant le juge de l'exécution,
- au fond, la transaction prévoit une astreinte et met en outre à sa charge l'obligation de faire les travaux alors que le juge du fond ne l'avait pas prévu, de même le protocole précise qu'il restera tenu à l'avenir, de retenir ses terres et «fera son affaire de toutes nouvelles procédures relatives à d'éventuels dégâts ultérieurs et ne pourra se retourner contre la SCI Diffusion » alors que le jugement avait condamné cette société à le relever et garantir de toute condamnation, ce sans contrepartie pour lui.`Il relève en outre que sa compagne, Mme [N] [S] n'avait pas donné son accord à ce protocole alors que la maison lui appartient à hauteur de 25%;
- l'origine du préjudice invoqué par ses voisins vient du fait qu'ils ont sciemment décaissé leur terrain en limite de parcelle, ont construit un mur sans autorisation, en dehors de toutes règles de l'art, mur qui contribue à l'aggravation des écoulements des eaux,
- sur la demande de liquidation de l'astreinte il approuve le premier juge d'avoir retenu que l'astreinte ne pouvait courir qu'à compter de la signification de l'ordonnance d'homologation de l'accord, soit le 16 janvier 2019 et affirme que les travaux mis à sa charge ont été effectués avant cette date, dès l'année 2015 ainsi qu'il ressort des attestations qu'il communique et du procès-verbal de constat d'un huissier de justice dressé le 16 novembre 2018 à l'initiative de M.et Mme [X],
- il a rajouté des Betoflor afin de retenir ses terres en plus des travaux exécutés, rappelle que le protocole qui a été signé ne contient aucun process permettant de retenir les terres du terrain supérieur et ne met aucunement à sa charge la construction d'un mur de soutènement, l'obligation de « s'engager à l 'avenir à prendre les dispositions nécessaires pour retenir ses terres» n'étant assortie d'aucune astreinte,
- depuis le mois de février 2019 il a fait procéder, dans un souci d'apaisement pour clore le contentieux, à des travaux de soutènement qui n'étaient pas prévus dans le protocole, ainsi qu'en attestent les factures qu'il verse aux débats, pour un montant total de 21 828,15 euros qui dépasse amplement la somme de 1 000 euros prévue dans le jugement du 8 janvier 2013 pour « remettre la bande de terrain située derrière le mur en état »,
- M.et Mme [X] qui multiplient les procédures à l'encontre de leurs voisins, prétendent dans le cadre du présent litige subir des désordres du fait de l'inexecution de l'obligation, ont attendu plus de quatre années pour saisir le juge de l'exécution,
- subsidiairement l'astreinte conventionnelle, comme en l'espèce, obéit à un régime différent de celui de l'astreinte judiciaire, et doit être requalifiée en clause pénale et ramener à un montant plus juste ;
- dans tous les cas la liquidation de cette mesure de contrainte doit tenir compte du comportement du débiteur qui en l'espèce a tout mis en oeuvre pour s'exécuter dans les délais et elle parait manifestement disproportionnée.
L'instruction de l'affaire a été déclarée close par ordonnance du 1er mars 2023.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la nullité du protocole transactionnel :
Ainsi qu'exactement rappelé par le premier juge, l'homologation d'un accord transactionnel, qui a pour seul effet de lui conférer force exécutoire, ne fait pas obstacle à une contestation de la validité de cet accord devant le juge de l'exécution ;
Les appelants soutiennent la prescription de l'exception de nullité de la transaction soulevée par M.[D] au motif de l'absence de concessions réciproques ;
Aux termes du premier alinéa de l'article 2044 du code civil, dans sa version antérieure à la loi n°2016-1547 du 18 novembre 2016 applicable à l'espèce « la transaction est un contrat par lequel les parties terminent une contestation née, ou préviennent une contestation à naître ».
Il n'est pas discuté que le protocole transactionnel signé entre les parties le 24 février 2014 a reçu un commencement d'exécution par le versement des sommes prévues en sorte, ainsi que le relèvent exactement les appelants que l'exception de nullité soulevée par M.[D] est soumise à la prescription quinquennale prévue par l'article 2224 du code civil qui dispose que « les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ».
Contrairement à ce que soutient M.[D] le point de départ de l'action en nullité de la transaction pour défaut de concessions réciproques se situe non à la date des travaux qu'il affirme avoir exécutés, mais à la date de la signature de l'accord, le 24 février 2014, à laquelle il pouvait se convaincre du défaut de réciprocité invoqué ;
Ce délai qui expirait le 24 février 2019 n'a pas été interrompu par la lettre qu'il a adressée le 25 décembre 2018 aux époux [X] rédigée en ces termes « En tout état de cause je souhaite entretenir de bonnes relations avec M.[X] et je vous assure que nous trouverons une solution rapide pour solutionner le problème .J 'en profite pour préciser que dès l'ordonnance rendue en 201 3 j 'avais fait décaisser le terrain sur un mètre de large pour éviter tout désordre vis à vis de mon voisin, ce n 'est que cet automne que la partie la plus haute du terrain que les [P] ont bougé après les fortes pluies et l 'épisode orageux. »
Les termes de cette correspondance ne constituent pas une reconnaissance par le débiteur du droit de celui contre lequel il prescrivait, au sens de l'article 2240 du code civil, dès lors qu'il n'y est aucunement fait référence à la validité de la transaction conditionnée par l'existence de concessions réciproques actuellement discutée ;
Par ailleurs le dépôt par M.et Mme [X], le 14 décembre 2018, d'une requête aux fins de rendre exécutoire le protocole d'accord, présentée unilatéralement , ne constitue pas une demande en justice au sens de l'article 2241 du code civil, étant au surplus observé que l'ordonnance rendue le 14 décembre 2018 signifiée le 16 janvier 2019 , conférant force exécutoire audit accord n'a pas fait l'objet de recours ;
Il s'ensuit la prescription de l'exception de nullité soulevée devant le juge de l'exécution à l'audience du 8 décembre 2020, le jugement étant confirmé de ce chef.
Sur la liquidation de l'astreinte :
Selon l'article L.131-4 du code des procédures civiles d'exécution le montant de l'astreinte provisoire est liquidé en tenant compte du comportement de celui à qui l'injonction a été adressée et des difficultés qu'il a rencontrées pour l'exécuter, l'astreinte pouvant être supprimée en tout ou partie s'il est établi que l'inexécution ou le retard dans l'exécution provient en tout ou partie d'une cause étrangère ;
Par ailleurs, ainsi qu'exactement rappelé par le premier juge selon l'article R.131-1 alinéa 1 du même code, l'astreinte prend effet à la date fixée par le juge, laquelle ne peut pas être antérieure au jour où la décision portant obligation est devenue exécutoire, en sorte que la demande de liquidation de l'astreinte pour la période antérieure à la signification, le 16 janvier 2019 de l'ordonnance du 14 décembre 2018 qui a conféré force exécutoire à la transaction, est irrecevable, l'astreinte n'ayant pas commencé à courir ;
L'obligation mise à la charge de M.[D] sous cette contrainte financière, consiste uniquement à remettre en état la bande de terre située derrière le mur édifié par les époux [X] dans le délai de douze mois suivant la signature de la transaction, et passé ce délai sous astreinte de l00 euros par jour de retard (article 3 du protocole);
Contrairement à ce que plaident à nouveau les appelants, l'engagement par M.[D] de prendre pour l'avenir les dispositions nécessaires pour retenir ses terres n'est pas assorti d'une astreinte et l'effet obligatoire de l'accord ne permet pas d'étendre à cet engagement, une telle sanction non prévue par les parties (article 4 du protocole) ;
De sorte que le débat sur la mise en place d'un mur de soutènement sur la propriété de M.[D] et sa conformité aux règles de l'art, est inopérant dans le cadre de la présente action et la cour observe qu'un tel ouvrage n'a d'ailleurs pas été préconisé par l'expert judiciaire, M.[W] lequel, s'agissant de la seule obligation impartie à peine d'astreinte à M.[D], consistant à remettre en état la bande de terre de 30 cms située sur le fonds [X] en amont de leur mur de séparation, en limite de la propriété voisine, a constaté « quelques écoulement de terre remplissant ce vide localement sur quelques dizaines de centimètres et la présence de grosses pierres d'un diamètre de 20 à 25 cms » désordre apparu après la construction faite par la SCI MW Diffusion et dont l'expert a chiffré le coût de l'enlèvement à la somme de 900 euros, et rappelé que l'opération devait être renouvelée régulièrement ;
Au contraire de ce que soutiennent les époux [X], il ressort du rapport d'expertise de M.[W], produit en cause d'appel que cet empiétement sur leur propriété du fait de ces écoulements et pierres, était localisé et ne concernait pas toute la longueur de cette bande de terrain d'une largeur de 15 à 30 centimètres ;
Et c'est à l'issue d'une exacte analyse des attestations établies par MM.[M] [O], [B] [A] et [M] [L], produites par M.[D], que le premier juge a retenu que cette obligation avait été exécutée dès l'année 2015 ;
D'ailleurs le procès-verbal d'huissier de justice dressé le 16 novembre 2018, versé aux débats par les appelants, confirme que le terrain voisin a été décaissé à 2 mètres du mur séparatif et qu'à environ 30 centimètres de ce mur un ouvrage constitué de blocs de béton creux (Bétoflor) a été posé par M.[D] pour la retenue des terres et se prolonge sur 19,80 mètres, par un mur de blocs agglo reposant sur une semelle de béton. L'huissier constate toutefois qu'une quinzaine de mètres après son début , l' ouvrage de Betoflor , compte tenu de ses ondulations, vient prendre appui sur le mur séparatif. Mais à cette date l'astreinte n'avait pas commencé à courir;
Par ailleurs dans sa lettre en réponse datée du 25 décembre 2018 adressée au conseil des époux [X], M.[D] expliquait que ces Betoflor, qu'il reconnaissait être insuffisamment adaptés sur une portion de 8 mètres, avaient « bougé » durant l'automne à la suite de fortes pluies et d'un épisode orageux et il s'engageait à trouver une solution rapide avec l'intervention d'une entreprise, en fonction de la météorologie. Il rappelait en outre avoir dès le jugement rendu, dans le courant de l'année 2013, décaissé son terrain sur un mètre de large pour éviter tout désordre à l'égard de ses voisins ;
Suite à cette correspondance il ressort de la facture établie par la société Reno Façade Azur le 2 février 2019, soit quinze jours après la signification de l'ordonnance du 14 décembre 2018, que des travaux ont à nouveau été entrepris par M.[D] pour retenir ses terres par la création d'un mur de soutènement ;
Il s'avère toutefois à la lecture d'un procès-verbal de constat d'huissiers de justice daté du 26 novembre 2021 communiqué par M.et Mme [X], la présence entre le mur de soutènement édifié par leur voisin et le leur, de « pierres, vestiges de confortement de type Betoflor et de la terre sous forme de boue séchée vraisemblablement dûs à des éboulements successifs en provenance du fonds supérieur » propriété de M.[D] ;
Il s'ensuit l'absence de renouvellement de l'opération entreprise en 2015 visant à libérer la bande de 30 centimètres appartenant aux époux [X] et située entre ces deux murs ;
Le principe de la liquidation de l'astreinte est donc acquis, le jugement entrepris étant infirmé de ce chef ;
M.[D] n'est pas fondé à prétendre à la requalification de l'astreinte conventionelle en clause pénale dès lors que le protocole transactionnel qui la prévoit a été judiciairement homologué, par une décision du 14 décembre 2018 lui conférant forcé exécutoire en sorte l'astreinte est devenue judiciaire.
Cependant, en vertu de l'article L.131-4 du code des procédures civiles d'exécution précité, il convient de tenir compte du comportement du débiteur qui n'est pas resté inactif en procédant dès après la signature du protocole d'accord, soit dans le courant de l'année 2015 à la remise en état de la bande de terrain litigieuse, en creusant au surplus sur sa parcelle une tranchée le long du mur des époux [X] pour prévenir l'empiétement sur le pan de terre voisin et en disposant des Bétoflor pour la rétention des écoulements, avant d'entreprendre la construction d'un mur de soutènement ;
En sorte que l'astreinte pour la période comprise entre le 16 janvier 2019 au 31 décembre 2022 doit être minorée à la somme de 2 000 euros au paiement de laquelle M.[D] sera condamné.
Sur les autres demandes :
Partie perdante M.[D] supportera les dépens de première instance et d'appel et sera tenu de verser aux époux [X] la somme de 3000 euros au titre de leurs frais irrépétibles de première instance et d'appel, lui même ne pouvant prétendre au bénéfice des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Les frais de constat d'un huissier de justice non désigné à cet effet par décision de justice n'étant pas inclus dans les dépens, le coût des procès verbaux de constat dressés à la requête des époux [X] sont compris dans le montant de l'indemnité allouée au titre des frais irrépétibles.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant après en avoir délibéré, par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe,
INFIRME le jugement entrepris excepté en ce qu'il a rejeté la demande de nullité du protocole transactionnel ;
STATUANT à nouveau des chefs infirmés ;
LIQUIDE l'astreinte pour la période comprise entre le 16 janvier 2019 au 31 décembre 2022 à la somme de 2000 euros ;
CONDAMNE M.[E] [D] à payer ladite somme à Mme [Y] [C] et son époux M.[T] [X] ;
CONDAMNE M.[E] [D] à payer à Mme [Y] [C] et son époux M.[T] [X] la somme de 3000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, en ce compris les frais de constats d'huissier de justice ;
REJETTE la demande présentée par M.[E] [D] sur le fondement de ces dispositions ;
CONDAMNE M.[E] [D] aux dépens de première instance et d'appel.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE