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01/06/2023 | FRANCE | N°21/13634

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-7, 01 juin 2023, 21/13634


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-7



ARRÊT AU FOND

DU 01 JUIN 2023



N°2023/180













Rôle N° RG 21/13634 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BIEEE







[I] [U] épouse [N]





C/



[H] [C]

[K] [C]





































Copie exécutoire délivrée

le :

à :



Me Charles REINAUD
>Me Aurelia KHALIL





Décision déférée à la Cour :





Jugement du Juge des contentieux de la protection d'[Localité 6] en date du 03 Septembre 2021 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 1121000268.





APPELANTE



Madame [I] [U] épouse [N]

née le [Date naissance 1] 1970 à , demeurant [Adresse 2]



représentée par Me Char...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-7

ARRÊT AU FOND

DU 01 JUIN 2023

N°2023/180

Rôle N° RG 21/13634 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BIEEE

[I] [U] épouse [N]

C/

[H] [C]

[K] [C]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Charles REINAUD

Me Aurelia KHALIL

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Juge des contentieux de la protection d'[Localité 6] en date du 03 Septembre 2021 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 1121000268.

APPELANTE

Madame [I] [U] épouse [N]

née le [Date naissance 1] 1970 à , demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Charles REINAUD, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,

assistée de Me Mehdi MEDJATI, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

INTIMES

Monsieur [H] [C]

né le [Date naissance 3] 1985 à [Localité 7] (LIBAN), demeurant [Adresse 5]

représenté par Me Aurelia KHALIL, avocat au barreau de MARSEILLE

Madame [K] [C]

née le [Date naissance 4] 1993 à [Localité 9] (BIELORUSSIE), demeurant [Adresse 5]

représentée par Me Aurelia KHALIL, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804, 806 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 15 Mars 2023 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant :

Madame Carole DAUX-HARAND, Président Rapporteur,

et Madame Carole MENDOZA, Conseiller- Rapporteur,

chargées du rapport qui en ont rendu compte dans le délibéré de la cour composée de :

Madame Carole DAUX-HARAND, Présidente de chambre

Madame Carole MENDOZA, Conseillère,

Madame Mireille CAURIER-LEHOT, Conseillère

Greffier lors des débats : Mme Natacha BARBE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 01 Juin 2023.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 01 Juin 2023.

Signé par Madame Carole DAUX-HARAND, Présidente de chambre et Mme Natacha BARBE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE

Par acte sous seing privé du 19 janvier 2018 à effet à la même date, Madame [N] née [U] a, par l'intermédiaire de l'agence FONCIA VIEUX PORT, donné à bail d'habitation à Monsieur [H] [C] et Madame [K] [C] une maison située à [Localité 8] (13), moyennant un loyer mensuel de 1200 euros outre 30 euros de provisions sur charges.

Par acte d'huissier du 24 février 2021, Madame [N] née [U] a fait assigner Monsieur et Madame [C] aux fins de les voir condamner à lui verser un arriéré locatif, outre des dommages et intérêts et une indemnité fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement contradictoire du 03 septembre 2021, le juge des contentieux de la protection d'[Localité 6] a :

- constaté l'indécence du logement,

- constaté l'inhabitabilité du logement à compter du premier novembre 2018,

- constaté la résiliation du bail au 27 février 2019, date de la remise des clés,

- rejeté les demandes de Madame [N] née [U],

- condamné Madame [N] née [U] à verser à Monsieur et Madame [C] la somme de 4982, 23 euros,

- condamné Madame [N] née [U] à payer à Monsieur et Madame [C] la somme de 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné Madame [N] née [U] aux dépens,

- ordonné la transmission du jugement à la préfecture des Bouches-du-Rhône.

Le premier juge a retenu que le diagnostic électrique, postérieur à la date de signature du contrat de bail, faisait état d'anomalies qui nécessitaient l'interventions de professionnels. Il a relevé que le diagnostic au gaz concluait à l'existence d'un danger grave et imminent. Il a noté qu'en dépit d'une réparation effectuée par le bailleur, les locataires s'étaient plaints de l'absence de chauffage et de la persistance d'une fuite de gaz, élément constaté par un procès-verbal d'huissier de justice. Il a conclu à l'indécence et à l'inhabitabilité du logement.

Il a estimé que le bail avait été résilié à la date de la remise des clés, soit le 27 février 2019.

Il a accepté l'exception d'inexécution soulevée par Monsieur et Madame [C] à compter du premier novembre 2018, en lien avec la période automnale et hivernale.

Il a condamné Madame [N] à restituer le dépôt de garantie, en l'absence de dégradation locative, à hauteur de 1200 euros.

Il a condamné Madame [N] à verser des dommages et intérêts aux époux [C] en réparation de leur préjudice de jouissance à hauteur de 3000 euros et à leur rembourser le coût des factures de remplissage de gaz à hauteur de 782, 23 euros. Il a rejeté leur demande de remboursement des loyers payés en indiquant qu'ils étaient demeurés dans les lieux loués et qu'ils avaient sollicité une indemnisation au titre de leur préjudice de jouissance.

Le 24 septembre 2021, Madame [U] épouse [N] a relevé appel des chefs de cette décision rejettent ses demandes, retiennent l'indécence et l'inhabitabilité des lieux, disent que le bail a été résilié le 27 février 2019 et la condamnent au versement de diverses sommes.

Monsieur et Madame [C] ont constitué avocat et formé un appel incident.

Par conclusions notifiées le 13 mai 2022 sur le RPVA auxquelles il convient de se reporter, Madame [U] épouse [N] demande à la cour :

- d'infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, et notamment en ce qu'il a constaté

l'indécence et l'inhabitabilité du logement, en ce qu'il l'a condamnée à verser la somme de 4982,23 € et l'a déboutée de ses demandes.

- de juger que l'indécence du logement n'est pas prouvée et son habitabilité non sérieusement contestée,

- de juger qu'elle fondée à solliciter le règlement des loyers impayés et dans ses autres demandes,

- de débouter les époux [C] de l'ensemble de leurs demandes et appels incidents.

en conséquence,

- de condamner les époux [C] à lui verser la somme de 9.816,44 € au titre des loyers impayés,

- de condamner les époux [C] à lui verser la somme de 3.000 € de dommages-intérêts au titre de la résistance abusive et vexatoire

- de condamner les époux [C] à lui verser la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Elle conteste toute indécence et inhabitabilité des lieux loués.

Elle soutient qu'il n'existe aucune anomalie électrique présentant un risque pour les occupants. Elle note que le diagnostic électrique mentionne que le disjoncteur électrique compense l'anomalie relevée et que le professionnel ne forme aucune recommandation.

Elle reconnaît l'existence d'une fuite de gaz pour laquelle elle a fait intervenir une entreprise qui a réparé le désordre le 21 février 2018.

Elle soutient avoir respecté l'ensemble de ses obligations.

Elle conteste l'existence d'un trouble de jouissance subi par les locataires.

Elle reproche à ses locataires un défaut d'entretien, une violation de leur obligation de paiement et un défaut d'assurance locative. Elle souligne qu'ils ont cessé de payer leur loyer dès le mois de septembre 2018.

Elle déclare qu'ils n'ont pas donné congé du logement en bonne et due forme.

Elle sollicite la condamnation de Monsieur et Madame [C] à un arriéré locatif arrêté au mois d'avril 2019 ainsi qu'à des dommages et intérêts.

Elle s'oppose à la restitution du dépôt de garantie au motif que l'état des lieux de sortie (auquel Monsieur et Madame [C] ont refusé de participer) démontre que le bien n'a pas été restitué dans un état équivalent à celui de l'entrée dans les lieux.

Elle souligne que le coût du remplissage de la cuve de gaz incombait aux locataires.

Par conclusions notifiées le 16 février 2022 sur le RPVA auxquelles il convient de se reporter, Monsieur et Madame [C] demandent à la cour :

- de débouter Madame [N] de ses demandes,

- de réformer le jugement déféré,

- de condamner Madame [N] à leur rembourser le montant des loyers versés de janvier 2018 à novembre 2018, soit la somme de 12300 euros,

- de condamner Madame [N] à leur restituer la somme de 1677 euros comprenant la somme de 1200 euros au titre du dépôt de garantie outre 477 euros au titre des frais de dossier,

- de condamner Madame [N] à leur verser la somme de 2000 euros pour manquement à son obligation de délivrance d'un logement décent,

- de condamner Madame [N] à leur verser la somme de 5000 euros au titre de leur trouble de jouissance,

- de condamner Madame [N] à leur rembourser la somme de 782, 23 euros au titre du coût de remplissage de la citerne à gaz,

- de condamner Madame [N] au versement d'une amende civile de 1000 euros sur le fondement de l'article 559 du code de procédure civile,

- de confirmer le jugement déféré qui a condamné Madame [N] à la somme de 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- de condamner Madame [N] à leur verser la somme de 3000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel ainsi qu'aux entiers dépens.

Ils exposent n'avoir pu immédiatement chauffer le logement car la cuve de gaz était vide et notent s'être aperçus de l'existence d'une fuite de gaz après le remplissage de la cuve.

Ils soutiennent que le logement était indécent et inhabitable en raison d'anomalies électriques avec un risque d'électrocution et d'un grave danger lié au chauffage au gaz avec un risque d'intoxication. Ils font également état de radiateurs hors d'usage, d'infiltrations sur les murs, d'une mauvaise isolation du bien et de la vétusté de la tuyauterie.

Ils soulèvent une exception d'inexécution pour justifier l'absence de paiement des loyers à compter du mois de novembre 2018 et la demande de remboursement des loyers déjà payés.

Ils indiquent que le procès-verbal d'huissier de justice valant état des lieux de sortie, fixé pour une date qu'ils ne pouvaient honorer, ne reflète pas la réalité de l'état du logement qu'ils ont fui.

Ils demandent la condamnation de Madame [U] épouse [N] à les indemniser de leur trouble de jouissance. Outre le danger de certains équipements, ils font état d'une maison très difficile à chauffer, avec une impossibilité de chauffage et d'eau chaude pendant les 18 premiers jours de la location.

Ils sollicitent le remboursement des remplissages de la citerne à gaz, qui n'ont pu être utiles puisque la chaudière dysfonctionnait.

Ils demandent le remboursement du dépôt de garantie et des frais de dossier. Ils sollicitent enfin la condamnation de Madame [N] à une amende civile.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le premier mars 2023.

MOTIVATION

Sur l'indécence du logement

Selon l'article 6 de la loi du 06 juillet 1989, le bailleur est tenu de remettre au locataire un logement décent ne laissant pas apparaître de risques manifestes pouvant porter atteinte à la sécurité physique ou à la santé, répondant à un critère de performance énergétique minimale et doté des éléments le rendant conforme à l'usage d'habitation.

Il est également tenu d'assurer au locataire la jouissance paisible du logement, d'entretenir les locaux en état de servir à l'usage prévu par le contrat et d'y faire toutes les réparations, autres que locatives, nécessaires au maintien en état et à l'entretien normal des locaux loués.

Le décret du 30 janvier 2002 fixe les caractéristiques d'un logement décent qui peuvent être regroupées autour de trois catégories :

- le logement doit permettre d'assurer la santé et la sécurité physique des occupants

- certains éléments d'équipements et de confort doivent être présents

- des critères liés à la surface et au volume du logement sont nécessaires.

Il n'est pas contesté que les locataires n'ont pu bénéficier dès la signature du bail et la prise de possession des lieux du diagnostic technique visé à l'article 3-3 de la loi du 06 juillet 1989, puisque celui-ci n'a été établi que le 02 février 2018.

Ce diagnostic mentionne, au chapitre 'état de l'installation intérieure d'électricité' qu'il existe les anomalies suivantes :

* le dispositif assurant la coupure d'urgence n'est pas situé à l'intérieur du logement ou dans un emplacement accessible directement dans le logement, puisqu'il se trouve à 1,80 m du sol et n'est pas accessible au moyen de marches ou d'une estrade. Toutefois, cette anomalie qui consiste en une difficulté (et non une impossibilité) d'accès au dispositif assurant la coupure d'urgence, n'entraîne pas un risque pour la santé ou la sécurité physique des occupants.

* au moins un dispositif de protection différentielle ne fonctionne pas pour son seuil de déclenchement, puisque la manoeuvre du bouton test du dispositif n'entraîne pas son déclenchement; il existe des socles de prises électriques avec un pôle de terre non relié au conducteur de mise à la terre. Toutefois, cette anomalie n'entraîne pas un risque pour la santé ou la sécurité physique des occupants puisqu'il est mentionné que le disjoncteur différentiel compense cette anomalie électrique

* l'installation électrique comporte au moins une connexion avec une partie active nue sous tension. Il s'agit d'un boîtier au plafond pour lequel il est noté qu'il faut placer un domino dans un boîtier à isolation électrique afin de protéger les parties actives nues sous tension. Ce seul élément, qui présente un risque pour l'occupant qui irait touché les fils du boîtier nu au plafond, peut s'analyser comme constituant une indécence du logement, aisément réparable cependant et qui n'entraîne aucune inhabitabilité du logement.

Le diagnostiqueur a classé les anomalies en trois catégories : les unes, en danger grave immédiat, qui nécessitent une réparation avant toute mise en service, les autres en A2, nécessitant une réparation dans les meilleurs délais et les dernières en A1, nécessitant une réparation ultérieure.

Ce diagnostic, au chapitre 'état de l'installation intérieure au gaz' mentionne :

* l'absence d'obturation de l'espace annulaire de la canalisation de gaz à la pénétration dans l'habitation (A1)

* une fuite de gaz observée à l'aide d'un apparreil de détection, anomalie qualifiée de danger grave immédiat; le diagnostiqueur notait qu'il fallait faire intervenir un installateur qualifié pour repérer et réparer la fuite

* une pression d'alimentation des appareils anormalement élevé, avec une absence de première détente de l'installation, anomalie qualifiée de danger grave immédiat

* un risque d'intoxication au gaz dans la buanderie où se trouve la chaudière, en raison de l'absence totale ou partielle d'évacuation des produits de combustion, liée à l'étranglement du conduit de raccordement (A2) qui présente un jeu aux assemblages estimé supérieur à 2mm de part et d'autre du diamètre de conduit, au fait que l'appareil n'est pas correctement raccordé (danger grave immédiat), que le conduit n'est pas démontable (A2) et qu'il n'existe pas de robinet de commande (A1).

Il est noté dans le rapport du diagnostiqueur que les résultats sont envoyés à Madame [N], demeurant [Adresse 2].

Madame [N], qui savait qu'elle devait faire effectuer un tel diagnostic, ne peut prétendre qu'elle en ignorait les résultats.

Le 10 février 2018, un plombier contacté par les époux [C] (leur pièce 4) faisait état d'une 'fuite de gaz sur arrivée de la cuve' et relevait que la 'fuite se situe au niveau du raccord d'arrivée'. Il était noté que la chaudière était hors service et à changer, élément qui confortait une partie des constatations du diagnostiqueur.

Il est donc établi qu'à la prise de possession des lieux, le logement était indécent en raison du caractère dangereux de l'installation au gaz. Les locataires, en raison des anomalies qualifiées de danger grave imminent, n'ont pas pu mettre immédiatement en route cette installation; l'absence de chauffage et d'obtention d'eau chaude consiste en une non-conformité qui ne leur permet pas d'user des locaux loués conformément à la destination du bail

Les consorts [C] démontre l'indécence du logement dès le début du bail.

Il appartient à Madame [N] de démontrer qu'elle a mis fin aux difficultés précédemment évoquées.

Elle justifie avoir fait procéder à certains travaux d'électricité dès le mois de janvier 2018.

Elle justifie (sa pièce 6), par facture du 21 février 2018, avoir changé la chaudière, avoir procédé à la réparation de la fuite de gaz 'au niveau d'une soudure', à la mise en place d'un bouchon à sertir' et à la remise en route de la chaudière le 10 février 2018. La facture produite mentionne que trois radiateurs disposent de robinets thermostatiques qui sont bloqués et qui doivent être remplacés. Cette facture ne permet pas de conclure que les radiateurs ne fonctionnaient pas et ne pouvaient chauffer.

Cette facture n'est pas suffisante pour établir que l'ensemble des anomalies de l'installation au gaz ont été réparées. En effet, le diagnostiqueur évoquait, outre la difficulté liée à la fuite dont la solution passait également par la mise en place d'une première détente, les problèmes liés au conduit de raccordement qu'il convenait de modifier. La facture permet de constater que la chaudière a été remplacée, que la cause évoquée de la fuite de gaz était un problème de soudure et qu'a été mise en place un bouchon à sertir. En revanche, rien n'est mentionné s'agissant du conduit de raccordement.

Madame [N] ne démontre pas, notamment par un l'établissement d'un nouveau diagnostic, l'absence de risque de l'installation qui avait été considérée dangereuse et défaillante.

Par courriel du 21 janvier 2019, Monsieur [C] indiquait au mandataire de Madame [N] avoir quitté les lieux libres depuis le premier janvier 2019, en raison de l'absence d'intervention à la suite de leurs réclamations. Il faisait état d'un chauffage en panne, d'un taux d'humidité trop élevé, de fuites au plafond à chaque pluie, de prises électriques non fonctionnelles, de coupure d'eau, d'un portail électrique 'tout le temps' en panne, d'un compteur électrique dangereux et mal placé, de l'absence de système de ventilation, de rats qui 'se baladent' sur le plafond des chambres, d'une cheminée qui ne fonctionne pas, d'un parquet gonflé dans la maison et de moisissures.

Par procès-verbal du 05 février 2019, l'huissier de justice mandaté par Monsieur [C] mentionnait s'être rendu dans la pièce où se trouvait une chaudière de marque SAUNIER DUVAL, et avoir constaté la présence d'une forte odeur de gaz, le mauvais état de la tuyauterie qui relie la chaudière et une forte odeur de gaz provenant de tuyaux uniquement isolés avec du papier aluminium. Il indiquait que la maison était froide et que les radiateurs ne fonctionnaient pas, avec une température relevée de 5,5 ° sur le thermostat présent. Il soulignait enfin la présence (modeste) de dépôt de moisissures sur les plinthes de la cuisine, dans l'angle d'une chambre à coucher, au plafond de la salle de nain, sur les plinthes d'une autre chambre à coucher, avec, dans cette pièce, une forte odeur d'humidité. Il évoquait la trace d'un dégâts des eaux dans un placard, en face de la cuisine et la présence de certaines lamelles de parquet décollées dans une chambre.

Près d'un an après la réparation du mois de février 2018, alors même que Madame [N] ne rapporte pas la preuve qu'elle a résolu les problèmes évoqués par le diagnostiqueur, la pièce dans laquelle la chaudière a été changée sentait fortement le gaz.

Il ne peut être considéré, à défaut de preuve inverse par Madame [N], que l'installation au gaz ne présentait plus aucun risque. Les odeurs constatées par l'huissier, et qui étaient dénoncées par les locataires, constituaient un préjudice pour les locataires qui ne pouvaient que s'interroger sur la sécurité de l'installation considérée comme dangereuse par le diagnostiqueur.

Le 05 avril 2019, l'huissier de justice mandaté par Madame [N] (sa pièce 2) notait que le local chaudière n'appelait pas de constatation particulière. Il relatait n'avoir constaté ni fuite, ni infiltration, ni écoulement mais précisait n'avoir pu tester le fonctionnement des radiateurs en notant 'cave butagaz, jauge : vide'. La chaudière ne fonctionnant pas, l'huissier ne pouvait relever d'odeur de gaz et ses constatations ne permettent pas d'écarter celles qui avaient été faites en février 2019 par un autre huissier.

Les consorts [C] ne démontrent pas cependant avoir avisé leur bailleur ou son mandataire avant le 21 janvier 2019 de problèmes de d'humidité, de fuites d'eau et de maison difficile à chauffer, date à laquelle ils avaient quitté les lieux. Ils ne démontrent par ailleurs pas la cause de l'humidité qu'ils dénoncent.

Compte tenu de ces éléments, alors que Madame [N] a manqué à son obligation de délivrance d'un logement décent lié au caractère dangereux de l'installation au gaz permettant de chauffer la maison et d'obtenir de l'eau chaude, qu'elle ne rapporte pas la preuve qu'elle a résolu l'ensemble des difficultés majeures pointées par le diagnostiqueur et qu'une odeur de gaz existait en février 2019, il convient de dire que la non-conformité de cette installation ne permettait pas aux locataires, de surcroît parent d'un enfant en bas âge, d'user des locaux loués conformément à la destination du bail.

Selon l'article 1217 du code civil, la partie envers laquelle l'engagement n'a pas été exécuté, ou l'a été imparfaitement, peut refuser d'exécuter ou suspendre l'exécution de sa propre obligation et demander réparation des conséquences de l'inexécution. Les sanctions qui ne sont pas incompatibles peuvent être cumulées ; des dommages et intérêts peuvent toujours s'y ajouter.

Compte tenu de la gravité des non-conformités du logement loué, les consorts [C] sont bien fondés à se prévaloir d'une exception d'inexécution, et ce, dès la prise de possession des lieux jusqu'à l'échéance du bail.

Il convient ainsi de condamner Madame [N] à leur rembourser les loyers qu'ils ont versés. Selon le décompte produit au débat par Madame [N] ( sa pièce 4), les consorts [C] ont verser la somme totale de 7565 euros. Il appartient à ces derniers de justifier qu'ils ont payé plus que cette somme, en application de l'article 1353 du code civil, ce qu'il ne font pas. Le relevé de compte qu'ils produisent, sans copie des chèques, ne permet pas de vérifier la réalité des paiements évoqués; ainsi, c'est la somme de 7565 euros qui devra être remboursée par Madame [N]. S'agissant du dépôt de garantie, il ne sera restitué qu'à hauteur de 800 euros puisqu'il ressort du procès-verbal d'huissier de justice du 05 avril 2019, valant état des lieux de sortie, que les lieux, essentiellement en état d'usage, étaient sales. Ainsi, Madame [N] devra verser aux consorts [C] la somme de somme totale de 8365 euros. IL convient de rejeter la demande de Madame [N] au titre de l'impayé locatif compte tenu de l'exception d'inexécution.

Enfin, compte tenu du fait qu'en plein hiver, et dès la prise de possession des lieux, les consorts [C] n'ont pu bénéficier pendant plusieurs jours de chauffage ni d'eau chaude, il convient de condamner Madame [N] à leur verser la somme de 800 euros.

Les consorts [C] seront déboutés de leurs demandes de remboursement du coût du remplissage de gaz de la cuve, qui leur est imputable contractuellement, et dont ils ne démontrent pas qu'il n'aurait été d'aucune utilité et que ce gaz n'a jamais été utilisé en raison des défaillances précédemment évoquées.

Ils seront déboutés de leur demande au titre du remboursement des frais de dossier versés à l'agence, mandataire de Madame [N]. Ils seront également déboutés de leur demande de dommages et intérêts 'pour manquement à la délivrance d'un logement décent'; ce manquement a été sanctionné par l'exception d'inexécution et les dommages et intérêts précédemment évoqués. Ils ne justifient pas d'un préjudice qui n'aurait pas déjà été réparé.

Le jugement déféré qui a condamné Madame [N] à verser à Monsieur et Madame [C] la somme de 4982, 23 euros sera infirmé.

Il sera confirmé en ce qu'il a rejeté les demandes de Madame [N].

Sur la demande de condamnation de Madame [N] à verser la somme de 1000 euros 'au titre d'une amende civile'.

Monsieur et Madame [C] ne justifient pas que l'appel introduit par Madame [N], même s'il n'a pas abouti, aurait dégénéré en abus de droit. En conséquence de quoi, ils seront déboutés de cette prétention.

Sur la demande de dommages et intérêts formée par Madame [N] au titre d'une résistance abusive

Madame [N] ne démontre pas que l'absence de versement des loyers par ses locataires serait abusive puisqu'ils étaient en droit de soulever l'exception d'inexécution. Elle sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts. Le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur les dépens et sur l'article 700 du code de procédure civile

Madame [N] est essentiellement succombante. Elle sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel. Ses demandes au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel seront rejetées.

Il n'est pas équitable de laisser à la charge de Monsieur et Madame [C] les frais irrépétibles qu'ils ont exposés en première instance et en appel.

Madame [N] sera condamnée à leur verser la somme de 2000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et 1500 euros au titre des frais irrépétibles d'appel.

Le jugement déféré qui a condamné Madame [N] aux dépens et à verser à Monsieur et Madame [C] la somme de 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile sera confirmé.

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe

CONFIRME le jugement déféré en ce qu'il a rejeté les demandes de Madame [I] [N] et en ce qu'il l'a condamnée aux dépens et au versement de la somme de 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

INFIRME pour le surplus,

STATUANT A NOUVEAU ET Y AJOUTANT,

RECOIT l'exception d'inexécution soulevée par Monsieur [H] [C] et Madame [K] [C],

CONDAMNE Madame [I] [N] à verser à Monsieur [H] [C] et Madame [K] [C] la somme de 8365 euros au titre du remboursement des loyers versés et du solde du dépôt de garantie ainsi que la somme de 800 euros en réparation de leur préjudice de jouissance lié à l'absence de chauffage,

CONDAMNE Madame [I] [N] à verser la somme de 1500 euros au titre des frais irrépétibles exposés par Monsieur [H] [C] et Madame [K] [C] en appel,

CONDAMNE Madame [I] [N] aux dépens de la présente instance.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-7
Numéro d'arrêt : 21/13634
Date de la décision : 01/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-01;21.13634 ?
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