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01/06/2023 | FRANCE | N°19/05705

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 3-2, 01 juin 2023, 19/05705


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-2



ARRÊT AU FOND

DU 01 JUIN 2023



N° 2023/178













Rôle N° RG 19/05705 - N° Portalis DBVB-V-B7D-BECTY







SA SOCIETE GENERALE





C/



[U] [R]

S.A.S. LA TARTE TROPEZIENNE



















Copie exécutoire délivrée

le :

à :





Me Bertrand DUHAMEL



Me Paul GUEDJ



















Décision déférée à la Cour :



Ordonnance du Tribunal de Commerce de FREJUS en date du 28 Mars 2019 enregistrée au répertoire général sous le n° .





APPELANTE



SA SOCIETE GENERALE La SOCIETE GENERALE,

Société Anonyme au capital de 1 009 897 173,75 €, inscrite au RCS de PARIS sous le ...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-2

ARRÊT AU FOND

DU 01 JUIN 2023

N° 2023/178

Rôle N° RG 19/05705 - N° Portalis DBVB-V-B7D-BECTY

SA SOCIETE GENERALE

C/

[U] [R]

S.A.S. LA TARTE TROPEZIENNE

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Bertrand DUHAMEL

Me Paul GUEDJ

Décision déférée à la Cour :

Ordonnance du Tribunal de Commerce de FREJUS en date du 28 Mars 2019 enregistrée au répertoire général sous le n° .

APPELANTE

SA SOCIETE GENERALE La SOCIETE GENERALE,

Société Anonyme au capital de 1 009 897 173,75 €, inscrite au RCS de PARIS sous le n° B 552 120 222, dont le siège est sis [Adresse 1], agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié es qualités audit siège, la gestion du présent litige étant suivie par le Service de Recouvrement de MARSEILLE, en l'établissement de la SOCIETE GENERALE située [Adresse 4]

représentée par Me Bertrand DUHAMEL de la SCP DUHAMEL ASSOCIES, avocat au barreau de DRAGUIGNAN

INTIMES

Maître Marie-Sophie PELLIER

Mandataire Judiciaire prise en sa qualité de Mandataire Judiciaire de la SAS TARTE TROPEZIENNE, demeurant [Adresse 3]

représenté par Me Paul GUEDJ de la SCP COHEN GUEDJ MONTERO DAVAL GUEDJ, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

S.A.S. LA TARTE TROPEZIENNE

Société par actions simplifiée, immatriculée au RCS de FREJUS sous le numéro 394 747 703, dont le siège social est sis, [Adresse 2], prise en la personne de son représentant légal domicilié es qualités audit

représentée par Me Paul GUEDJ de la SCP COHEN GUEDJ MONTERO DAVAL GUEDJ, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 09 Mars 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Agnès VADROT, Conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Gwenael KEROMES, Président de chambre

Madame Muriel VASSAIL, Conseiller

Madame Agnès VADROT, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Chantal DESSI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 01 Juin 2023.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 01 Juin 2023

Signé par Madame Gwenael KEROMES, Président de chambre et Madame Chantal DESSI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS, PROCEDURE, PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Par jugement en date du 31 juillet 2017, le tribunal de commerce de FREJUS a ouvert une procédure de sauvegarde à l'égard de la SAS LA TARTE TROPEZIENNE.

Dans le cadre de cette procédure, la SOCIETE GENERALE a déclaré, au titre d'un prêt n°213118005506 d'un montant de 140 000 euros au taux contractuel de 2,70 %, une créance de 60 422,67 euros correspondant à 33 échéances de 1 830,99 euros chacune pour la période du 23/08/2017 au 23/04/2020 outre intérêts de retard au taux contractuel de 2,70 % l'an, à titre privilégié nanti.

Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 5 octobre 2018, Maître [U] [R], es qualité de mandataire judiciaire de la SAS LA TARTE TROPEZIENNE, a contesté cette créance reconnaissant la seule somme de 58 171,22 euros correspondant au capital restant dû au jour du jugement d'ouverture au motif que le fait de déclarer l'ensemble des échéances à échoir outre les intérêts au taux contractuel revenait à faire une double application du taux d'intérêts et alors qu'en vertu de l'article L622-28 du code de commerce les intérêts échus des créances ne pouvaient produire des intérêts.

La SOCIETE GENERALE a maintenu sa créance précisant avoir déclaré une somme de 60 442,67 euros correspondant au nombre d'échéances à venir multipliées par le montant unitaire de l'échéance, outre intérêts de retard au taux de 2,70% l'an selon clause contractuellement prévue en cas de défaillance de l'emprunteur.

Par ordonnance en date du 28 mars 2019, le juge commissaire saisi de la contestation a admis la créance de la SOCIETE GENERALE pour la somme de 58 171,22 euros à titre privilégié à échoir outre intérêts au taux de 2,70%.

Après avoir relevé que la demande de la SOCIETE GENERALE revenait à faire une double application du taux contractuel, le juge commissaire a constaté qu'il ne restait que 22 échéances à échoir et que si un plan venait à être adopté, la créance de la banque devrait être inclue dans le plan et recalculée afin d'être apurée. Il en a déduit, dès lors que la créance ne serait pas apurée tel que prévu par le tableau d'amortissement, que l'admission de l'ensemble des échéances à échoir était inopportune et qu'il convenait dès lors d'admettre la créance pour le capital restant dû avec la mention outre intérêts.

Par déclaration en date du 8 avril 2019, la SA SOCIETE GENERALE a interjeté appel de cette décision.

Par conclusions déposées et notifiées par le RPVA en date du 18 décembre 2019, auxquelles il est fait référence pour plus ample exposé des motifs, la SA SOCIETE GENERALE demande à la cour, au visa des articles L622-25 et L622-8 du code de commerce, de':

REFORMER l'ordonnance rendue le 28 mars 2019 par le juge commissaire du tribunal de commerce de FREJUS en toutes ses dispositions

DEBOUTER la SAS LA TARTE TROPEZIENNE et Maître [R], ès qualités, de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions

En conséquence,

ADMETTRE sa créance conformément à sa déclaration soit pour la somme de 60 422,67 euros correspondant à 33 échéances de 1 830,99 euros chacune du 23/08/2017 au 23/04/2020 outre intérêts au taux contractuel de 2,70% l'an, à titre privilégié nanti.

STATUER ce que de droit sur les dépens

Sur l'admission de la créance pour le capital restant dû

La SOCIETE GENERALE rappelle que les créances non exigibles au jour du jugement d'ouverture doivent faire l'objet d'une déclaration de créance et que le jugement d'ouverture de la procédure collective n'emporte pas déchéance du terme. Elle en déduit que lors du jugement d'ouverture, le débiteur est redevable des échéances à échoir du prêt et non du capital restant dû.

Elle soutient au visa de l'article L622-25 du code de commerce que sa créance doit être admise pour le montant des échéances à échoir et non pour le capital restant dû et précise que c'est en ce sens que s'est déjà prononcée la cour d'appel d'Aix en Provence.

Sur les intérêts de retard

Elle relève que pour la première fois en cause d'appel, la SAS LA TARTE TROPEZIENNE et Maître [R] contestent la déclaration de créance au titre des intérêts à échoir de retard au motif qu'elle n'aurait pas en sa qualité de créancière précisé leurs modalités de calcul.

Elle indique au visa de la jurisprudence de la cour de cassation et de la cour d'appel d'Aix en Provence, que pour les prêts en cours de remboursement à la date du jugement d'ouverture, les modalités de calcul des intérêts de retard n'ont pas à être indiquées dans la déclaration de créances.

Sur la double application du taux d'intérêt

Elle soutient, en réponse aux arguments des intimés qui affirment qu'elle fait une double application des intérêts au taux conventionnel, que l'article L622-28 du code de commerce s'appliquent aux seuls intérêts échus et que sa déclaration de créance ne concerne que des intérêts à échoir. Elle en déduit que sa déclaration de créance mentionnant les intérêts de retard est parfaitement régulière et fondée.

Sur le plan de sauvegarde

La SA SOCIETE GENERALE indique, pour contester la motivation du juge commissaire, que la créance doit être admise conformément aux textes légaux et à la jurisprudence et ne peut être conditionnée par les futures modalités du plan de sauvegarde qui sera adopté au bénéfice du débiteur.

Par conclusions déposées et notifiées par le RPVA en date du 2 octobre 2019, auxquelles il est fait référence pour plus ample exposé des motifs, la SAS LA TARTE TROPEZIENNE et Maître [U] [R] es qualité de mandataire judiciaire de ladite société, demandent à la cour, au visa des articles L622-28 et R622-23 2° du code de commerce, de':

CONFIRMER en toutes ses dispositions l'ordonnance rendue par le juge commissaire du tribunal de commerce de FREJUS en date du 28 mars 2019

DEBOUTER la SOCIETE GENERALE de ses demandes, fins et conclusions

CONDAMNER la SOCIETE GENERALE à verser à la SAS LA TARTE TROPEZIENNE la somme de 2500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Sur le capital restant dû

Les intimées relèvent que la SOCIETE GENERALE, qui prétend que le débiteur est redevable des échéances à échoir du prêt et non du capital restant dû, a déclaré les intérêts de retard de la manière suivante «'outre intérêts au taux de 2,70% l'an'»'; qu'il en résulte que le créancier n'a pas précisé les modalités de calcul des intérêts de retard de sorte que le cours de ces intérêts n'est pas arrêté au jour du jugement d'ouverture et que l'intérêt de retard de 2,70 % est donc ajouté sans avoir été déclaré.

Elles indiquent, après avoir rappelé les dispositions de l'article R622-23 2° selon lesquelles la déclaration de créance contient les modalités de calcul des intérêts dont le cours n'est pas arrêté, cette indication valant déclaration pour le montant ultérieurement arrêté, que le créancier dont la créance bénéficie du maintien des intérêts doit indiquer le principal de sa créance (le capital) et préserver les intérêts à venir.

Elles font valoir que, selon une jurisprudence constante, une mention «'outre intérêts'» est insuffisante pour préserver les intérêts, et ne peut valoir déclaration des intérêts dont le cours n'est pas arrêté faute de précision sur leurs modalités de calcul.

Elles en déduisent que la créance doit être fixée à hauteur du capital restant dû.

Sur la double application du taux d'intérêts

Elles indiquent que contrairement à ce que soutient la SOCIETE GENERALE, l'article L622-28 du code de commerce est applicable à l'espèce.

Elles exposent que la SOCIETE GENERALE, qui n'a pas indiqué les modalités de calcul des intérêts de retard, a doublement appliqué le taux d'intérêts contractuel soit dans les échéances à échoir et par application des intérêts de retard sur les montants non réglés à échéance.

Elles soutiennent que par application de l'article L622-28 du code de commerce, les intérêts échus issus de contrats de prêts conclus pour une durée égale ou supérieure à un an ne peuvent produire d'intérêts.

Sur le plan de la sauvegarde

Elles font valoir qu'il était tout à fait opportun de relever le nombre d'échéances à échoir restantes et de les intégrer dans le prisme du plan qui sera adopté, le juge commissaire en ayant fait non un moyen de droit mais un moyen d'opportunité pour rendre sa décision.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 09 février 2023.

MOTIFS DE LA DECISION

Il s'évince des dispositions des articles L622-24 et L622-25 du code de commerce qu'à partir de la publication du jugement, les créanciers dont la créance est née antérieurement au jugement d'ouverture de la procédure collective, adressent la déclaration de leurs créances au mandataire judiciaire laquelle porte le montant de la créance due au jour du jugement d'ouverture avec l'indication des sommes à échoir et de la date de leurs échéances, et précise la nature du privilège ou de la sûreté dont la créance est éventuellement assortie.

Il résulte par ailleurs des dispositions de l'article L622-28 du code de commerce que le jugement d'ouverture arrête le cours des intérêts légaux et conventionnels ainsi que de tous intérêts de retard et majorations, à moins qu'il ne s'agisse des intérêts résultants de contrats de prêt conclus pour une durée égale ou supérieure à un an ou de contrats assortis d'un paiement différé d'un an ou plus.

Il convient de préciser que l'exception à la règle de l'arrêt du cours des intérêts édictée par l'article susvisé concerne tous intérêts sans en exclure les intérêts de retard prévus par les conventions.

Enfin, l'article R622-23 2° du même code précise qu'outre les indications prévues à l'article L622-25, la déclaration de créance contient les modalités de calcul des intérêts dont le cours n'est pas arrêté, cette indication valant déclaration pour le montant ultérieurement arrêté. Cette exigence n'est requise que dans le cas où le montant des intérêts ne peut être calculé au jour de la déclaration de la créance.

Il appert en l'espèce qu'a été joint à la déclaration de créance le tableau d'amortissement dont il résulte que le montant des échéances réclamées inclut l'amortissement du capital et les intérêts, calculés selon les modalités prévues au contrat de prêt annexé.

La déclaration devant porter sur la totalité des sommes à échoir au jour de l'ouverture de la procédure de sauvegarde, c'est à bon droit que la SA SOCIETE GENERALE a déclaré la somme de 60 422,67 euros correspondant aux 33 échéances dues à compter de l'ouverture de la procédure multipliées par 1 830,99 euros chacune, incluant l'amortissement du capital et les intérêts, au titre du prêt conclu pour une période supérieure à un an, le tableau d'amortissement annexé au bordereau de déclaration précisant le montant de chacune des échéances, leur date, le taux d'intérêts et leur montant.

Il s'en suit que c'est à tort que le juge commissaire a admis le seul capital restant dû.

La SAS LA TARTE TROPEZIENNE et Maître [R] contestent par ailleurs la déclaration de créance au titre des intérêts de retard à échoir au motif que cette dernière n'en a pas précisé les modalités de calcul.

Il appert au regard des dispositions légales susvisées que la seule mention dans la déclaration de créance, présentée sous forme de tableau, et libellée «'modalités de calcul des intérêts de retard 2,70 % l'an'» ne peut, sans autre précision sur ces modalités et sans même un renvoi exprès à une clause de la convention de prêt sur ce point, valoir déclaration des intérêts dont le cours n'est pas arrêté.

Il s'en suit que c'est à tort que le juge commissaire a admis la créance outre intérêts au taux de 2,70%

Sur les dépens et les frais irrépétibles

La SA SOCIETE GENERALE sera condamnée aux dépens.

Au vu des circonstances de l'espèce, il serait inéquitable de laisser supporter à la SAS LA TARTE TROPEZIENNE l'intégralité des frais qu'elle a exposés et qui ne sont pas compris dans les dépens.

La SA SOCIETE GENERALE sera condamnée à lui verser la somme de 1000€ en application de l'article 700 du code de procédure civile .

PAR CES MOTIFS

La Cour statuant publiquement, par arrêt contradictoire et mis à disposition au greffe

INFIRME en toutes ses dispositions l'ordonnance rendue par le juge commissaire du tribunal de commerce de FREJUS en date du 28 mars 2019.

Et statuant de nouveau,

ADMET à la procédure de sauvegarde de la SAS LA TARTE TROPEZIENNE à titre privilégié à échoir la créance de la SA SOCIETE GENERALE à hauteur de 60 422,67 euros correspondant à 33 échéances de 1830,99 euros chacune pour la période du 23 Août 2017 au 23 avril 2020

DEBOUTE la SA SOCIETE GENERALE de sa demande d'admission de la créance déclarée au titre des intérêts de retard.

CONDAMNE la SA SOCIETE GENERALE à verser à la SAS LA TARTE TROPEZIENNE la somme de 1000 euros en application de l'article 700 du CPC

CONDAMNE la SA SOCIETE GENERALE aux dépens

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 3-2
Numéro d'arrêt : 19/05705
Date de la décision : 01/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-01;19.05705 ?
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