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01/06/2023 | FRANCE | N°18/12173

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-4, 01 juin 2023, 18/12173


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-4



ARRÊT AU FOND

DU 1 JUIN 2023



N° 2023/













Rôle N° RG 18/12173 - N° Portalis DBVB-V-B7C-BCZ5K







[N] [P]

[V] [P] épouse [J]





C/



[L] [K]

SARL POLYBATIC (PYC)

SA AXA FRANCE IARD

SA GAN ASSURANCES







Copie exécutoire délivrée

le :

à :



Me Michel REYNE



Me Frédéric BERGANT


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Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Grande Instance d'AIX-EN-PROVENCE en date du 15 Mai 2018 enregistré au répertoire général sous le n° 15/01682.





APPELANTS



Monsieur [N] [P]

né le 17 Janvier 1952 à , demeuran...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-4

ARRÊT AU FOND

DU 1 JUIN 2023

N° 2023/

Rôle N° RG 18/12173 - N° Portalis DBVB-V-B7C-BCZ5K

[N] [P]

[V] [P] épouse [J]

C/

[L] [K]

SARL POLYBATIC (PYC)

SA AXA FRANCE IARD

SA GAN ASSURANCES

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Michel REYNE

Me Frédéric BERGANT

Me Constance DRUJON D'ASTROS

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance d'AIX-EN-PROVENCE en date du 15 Mai 2018 enregistré au répertoire général sous le n° 15/01682.

APPELANTS

Monsieur [N] [P]

né le 17 Janvier 1952 à , demeurant [Adresse 5]

représenté par Me Michel REYNE de la SCP REYNE AVOCATS, avocat au barreau de MARSEILLE

Madame [V] [P] épouse [J]

née le 05 Juillet 1980 à SALON DE PROVENCE, demeurant [Adresse 5]

représentée par Me Michel REYNE de la SCP REYNE AVOCATS, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMES

Maître [L] [K] es qualité de mandataire judiciaire de la SARL POLYBATIC (P.Y.C)

, demeurant [Adresse 3]

défaillant

SARL POLYBATIC (PYC) en liquidation judiciaire

, demeurant [Adresse 2]

défaillante

SA AXA FRANCE IARD

, demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Frédéric BERGANT de la SELARL PHARE AVOCATS, avocat au barreau de MARSEILLE substituée par Me Aurelie BEFVE, avocat au barreau de MARSEILLE

SA GAN ASSURANCES

, demeurant [Adresse 4]

représentée par Me Constance DRUJON D'ASTROS de la SCP DRUJON D'ASTROS & ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substituée par Me Naz ekin BAYKAL, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 15 Février 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Inès BONAFOS, Présidente, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Inès BONAFOS, Présidente

Mme Sophie LEYDIER, Conseillère

Madame Angélique NAKHLEH, Conseillère

Greffier lors des débats : Monsieur Achille TAMPREAU.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 11 Mai 2023, puis avisées par message le 11 Mai 2023, que la décision était prorogée au 1 Juin 2023.

ARRÊT

FAITS ET PROCÉDURE

Monsieur [N] [P] était propriétaire en pleine propriété d'un bâtiment industriel sis à [Adresse 2] depuis les années 1980 jusqu'au 22 avril 2003.

Par acte en date du 22 avril 2003, monsieur [P] a fait donation de la nue-propriété de ce bien à Madame [V] [P] épouse [J].

En 2001, Monsieur [P] découvre à l'intérieur des fissures et affaissements du sol sur le côté Nord Est du local.

Monsieur [P] fait appel à un bureau d'étude pour la réalisation de l'étude de consolidation du bâtiment et s'adresse au cabinet POLYBATIC. Une prescription est établie en décembre 2001. Monsieur [P] fait appel à monsieur [B] en tant que maçon général pour exécuter les travaux recommandés et procéder à la rénovation des lieux.

En novembre 2011, lors d'une visite de reprise des lieux loués, monsieur [P] découvre que le bâtiment a subi les mêmes phénomènes qu'en 2001.

Monsieur [P] fait appel à son assureur Protection Juridique, GAN Assurances, pour obtenir la remise en état aux frais de qui il appartiendra. La compagnie GAN Assurances a mandaté le cabinet d'expertise ZENONE et Associés qui a déposé son rapport le 28 février 2012. Le cabinet ZENONE a estimé (p. 7) « qu 'une étude de sol et vérification des fondations devait être réalisée pour vérifier l'état du sol et comparer l'état actuel avec les analyses et travaux réalisés en 2001 »

Par ordonnance de référé en date du 19 mars 2013, monsieur [Z] [D] a été désigné en qualité d'expert et a déposé son rapport le 15 mars 2014.

Par ordonnance en date du 16 décembre 2014, le juge des référés s'est déclaré incompétent au profit du juge du fond en raison de l'existence de contestations sérieuses.

Par actes d'huissier en date des 6 et 10 mars 2015, monsieur et madame [P] ont fait citer devant le Tribunal de Grande Instance d' AIX-EN-PROVENCE la SARL POLYBATIC, son assureur la compagnie AXA et la SA GAN aux fins de voir, à titre principal condamner la SARL POLYBATIC et son assureur à les indemniser du coût de reprise des désordres, à titre subsidiaire condamner la société GAN Assurances à les indemniser du préjudice résultant de la perte de chance d'obtenir la condamnation de la SARL POLYBATIC et son assureur AXA.

Par décision du Tribunal de Commerce de SALON DE PROVENCE en date du 27 mars 2015, la SARL POLYBATIC a fait l'objet d'une procédure de redressement judiciaire et Maître [K] a été désigné en qualité de mandataire judiciaire.

Les consorts [P] ont déclaré leur créance par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 13 avril 2015 pour un montant de 248.748,79 euros.

Par jugement en date du 15 mai 2018, le Tribunal de Grande instance d'Aix-en-Provence :

DIT que la SARL POLYBATIC est responsable des désordres constatée chez les consorts [P] ;

DIT que monsieur [B] n'est pas responsable des désordres constatés chez les consorts [P] ;

DIT que monsieur [P] n'est pas responsable des désordres constatée dans son bâtiment ;

DIT que l'action des consorts [P] envers la SARL POLYBATIC et la SA AXA France IARD sur le fondement de l'article 1 147 du code civil n'est pas prescrite ;

DIT que les garanties de la SA AXA France IARD ne sont pas dues sur le fondement de l'article 1147 du code civil ;

DÉBOUTE les consorts [P] de leurs demandes présentées à l'encontre de la SA AXA France IARD

DIT que l'action des consorts [P] envers Monsieur [B] et son assureur, la SA MMA IARD, sur le fondement de l'article 1147 du code civil n'est pas prescrite ;

DÉBOUTE Maître [K] en sa qualité de mandataire judiciaire de la SARL POLYBATIC de ses demandes présentées à l'encontre de Monsieur [B] sur le fondement de l'article 1 147 du code civil ;

DÉCLARE SANS OBJET l'appel en garantie présenté par Maître [K] en sa qualité de mandataire judiciaire de la SARL POLYBATIC, envers la SA MMA IARD ;

FIXE la créance des consorts [P] au passif du redressement judiciaire de la SARL POLYBATIC à la somme de 178.457,50 euros HT, soit 214.149,00 euros ttc au titre des travaux de reprise ;

CONDAMNE Maître [K], en sa qualité de mandataire judiciaire de la SARL POLYBATIC, à verser à la compagnie MMA IARD la somme de 1500 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

CONDAMNE Maître [K], en sa qualité de mandataire judiciaire de la SARL POLYBATIC, à verser à Monsieur [B] la somme de 3.000,00 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

DÉBOUTE Monsieur [B] de sa demande en dommages et intérêts pour procédure abusive ;

CONDAMNE les consorts [P] à verser à la SA AXA France IARD la somme de 3.000,00 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

Par déclaration d'appel enregistrée au greffe le 19 juillet 2018, monsieur [N] [P] et madame [V] [P] ont interjeté appel de ce jugement en ce qu'il a :

DIT que les garanties de la SA AXA France IARD ne sont pas dues sur le fondement de l'article 1147 du Code Civil ;

DÉBOUTÉ les consorts [P] de leurs demandes présentées à l'encontre de la SA AXA France IARD ;

LIMITÉ la créance des consorts [P] au passif du redressement judiciaire de la SARL POLYBATIC à la somme de 178.457,50 euros H.T , soit 214.149 euros TTC au titre des travaux de reprise ;

OMIS DE STATUER sur la demande de condamnation de la société GAN ASSURANCE à payer à Mr [P] et à Mme [P], la somme de 248.748,79 euros en réparation de leur préjudice résultant de la perte de chance d'obtenir la condamnation de la société POLYBATIC et son assureur la société AXA France IARD ;

CONDAMNÉ les consorts [P] à verser à la SA AXA France IARD la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

Monsieur [N] [P] et madame [V] [P] (conclusions du 22 novembre 2022) sollicitent voir :

Vu les dispositions de l'article 1147 du Code Civil dans sa version antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016

Vu les dispositions de l'article 1792 du code civil

Vu les dispositions de l'article L.127-1 et L.322-2-3 du Code des Assurances,

Vu le rapport d'expertise judiciaire de Monsieur [D] du 15 mars 2014,

Vu le jugement du Tribunal de Grande Instance d'Aix en Provence du 15 mai 2018

A titre liminaire :

DECLARER recevable l'action engagée par les consorts [P] à l'encontre de la société POLYBATIC et de la société AXA ASSURANCES aussi bien sur le fondement des dispositions de l'article 1147 du code civil que sur le fondement de l'article 1792 du code civil ;

Sur le fondement de la responsabilité contractuelle de l'ancien article 1147 du Code civil, l'action introduite par l'assignation en référé en date du 31 Janvier 2013, n'est pas prescrite dans la mesure où le point de départ du délai de prescription de 5 ans de l'article 2224 du Code civil, doit être fixé en novembre 2011 lorsque les dommages sont apparus.

Sur le fondement de la responsabilité décennale de l'article 1792 du Code civil : C'est à tort que les premiers juges ont considéré que les consorts [P] fondaient uniquement leur action sur la responsabilité contractuelle, les consorts [P] avaient également soulevé le moyen tiré de l'article 1792 en première instance. Au surplus en cause d'appel, l'article 563 du Code de procédure civile permet aux parties d'invoquer des moyens nouveaux pour justifier leurs prétentions.

Contrairement à ce qu'affirment les intimés, l'action décennale n'est en l'espèce pas prescrite depuis le 30 mars 2012. En effet la convocation des autres intervenants à une réunion d'expertise amiable par courrier en date du 30 janvier 2012 aurait eu pour effet de suspendre le délai de prescription conformément à l'article 2228 du Code civil.

A titre principal :

Les consorts [P] sollicitent la confirmation jugement du Tribunal de Grande Instance d'Aix en Provence du 15 mai 2018 en ce qu'il a retenu que la société POLYBATIC était responsable des désordres affectant l'immeuble des consorts [P] sur le fondement des dispositions de l'article 1147 du code civil. Ils sollicitent en revanche son infirmation en ce qu'il a retenu la seule responsabilité de la SARL POLYBATIC à l'exclusion de celle de sa compagnie d'assurance AXA France IARD

En effet, les concluants entendant engager la responsabilité décennale de son assuré sur le fondement de la SARL POLYBATIC sur le fondement de l'article 1792 du Code civil dont il a été démontré qu'elle n'était pas prescrite.

Au surplus, la compagnie AXA France doit également garantir la SARL POLYBATIC de toute condamnation sur le fondement de la responsabilité contractuelle nonobstant le faut que la police d'assurance ait été résiliée en 2004, dans la mesure où l'assuré était encore couvert au moment où elle a réalisé sa mission pour les consorts [P].

Dès lors statuant à nouveau :

JUGER que la société POLYBATIC est également responsable des désordres affectant l'immeuble des consorts [P] sur le fondement des dispositions de l'article 1792 du code civil

JUGER que la garantie de la compagnie d'assurance AXA France IARD est due aussi bien sur le fondement des dispositions de l'article 1147 du code civil que sur le fondement de l'article 1792 du code civil ;

Et par conséquent :

CONDAMNER solidairement la société POLYBATIC et son assureur la société AXA ASSURANCES à payer à Monsieur [N] [P] et à Madame [V] [P] épouse [J], la somme de 248.748,79 Euros TTC, à parfaire en fonction de l'évolution de l'indice INSEE du coût de la construction (avec comme indice de référence l'indice du 1er trimestre 2022 soit 1948), soit 300.597,16 euros au jour des présentes, en réparation de leur préjudice constitué par le coût des travaux de reprise des désordres ;

A titre subsidiaire :

Compte tenu de la discussion portant sur la prétendue prescription de l'action des concluants fondées sur la garantie décennale, les concluants ont mis en cause leur compagnie d'assurance de protection juridique, la compagnie GAN ASSURANCES, dans l'hypothèse où le Tribunal ne ferait pas droit à ses demandes principales. Or, les premiers juges auraient omis de statuer sur ce point.

Les consorts [P] soutiennent que leur action à l'encontre de leur assureur protection juridique la compagnie GAN ASSURANCES n'est pas soumise à prescription biennale de l'article L114-1 du Code des assurances mais au droit commun, dans la mesure où il s'agit en l'espèce de mettre en jeu une garantie.

Sur le fond, les consorts [P] soutiennent que la compagnie GAN ASSURANCE a manqué à son devoir de conseil et d'information. En effet en tant qu'assureur de protection juridique, elle ne les a jamais alertés sur le risque de prescription de la garantie décennale, en cas d'échec de l'expertise amiable. De même elle n'a pas conseillé aux consorts [P] d'engager une action en justice afin d'interrompre de manière certaine, le délai de prescription, ni ne les a conseillés de se diriger vers un avocat contrairement à ce que la compagnie GAN ASSURANCES indique dans ses écritures.

Dès lors statuant à nouveau :

JUGER que la société GAN ASSURANCES a manqué à son obligation de conseil à l'égard des consorts [P] ;

Et par conséquent :

CONDAMNER la société GAN ASSURANCES à payer à Monsieur [N] [P] et à Madame [V] [P] épouse [J], la somme de 248.748,79 Euros TTC, à parfaire à parfaire en fonction de l'évolution de l'indice INSEE du coût de la construction (avec comme indice de référence l'indice du 1er trimestre 2022 soit 1948), soit 300.597,16 euros au jour des présentes, en réparation de leur préjudice résultant de la perte de chance évaluée à 100 %, d'obtenir la condamnation de la société POLYBATIC et son assureur la société AXA ASSURANCES.

En tout état de cause :

CONDAMNER in solidum la société POLYBATIC et son assureur la société AXA ASSURANCES, ou tout succombant à payer à Monsieur [N] [P] et à Madame [V] [P] épouse [J], la somme de 5.000 Euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile ainsi qu'aux entiers dépens.

La Société AXA France IARD (conclusions du 9 janvier 2023) sollicite voir :

A titre principal,

La Société AXA France IARD soutient à titre principal, que l'action des consorts [P] est prescrite à son égard.

En effet la société AXA France IARD n'est tenue qu'au maintien de la garantie obligatoire « responsabilité civile décennale » suite à la résiliation du contrat d'assurance souscrit par la société POLYBATIC à compter du 1 Janvier 2004. Le délai est de prescription est de 10 ans. Les travaux litigieux ont été réalisés en mars 2002. L'assignation introductive d'instance en date du 31 janvier 2013 est dont intervenue après expiration du délai d'épreuve auquel sont tenus les locateurs d'ouvrage, soit 10 ans à compter de la réception des ouvrages.

Les consorts [P] ne peuvent avancer que la convocation de l'ensemble des parties en cause à une réunion d'expertise a eu pour effet de suspendre le délai. Le délai décennal de l'article 1792-4-1 du Code civil est un délai de forclusion insusceptible de suspension. Par ailleurs il s'agissait d'une simple convocation à une expertise technique et non une procédure de conciliation/médiation au sens de l'article 2228 du Code civil.

Dès lors :

JUGER que l'action judiciaire de monsieur [P] et madame [P] épouse [J] est fondée sur la responsabilité contractuelle de droit commun de la société POLYBATIC au visa de l'ancien article 1147 du Code civil.

JUGER que la société AXA FRANCE IARD est l'assureur « Responsabilité Civile Décennale » à l'exclusion de toute autre garantie à la date d'introduction de la présente instance.

JUGER que l'action judiciaire de monsieur [P] et madame [P] épouse [J] est forclose.

Par conséquent,

CONFIRMER le jugement rendu le 15 mai 2018 par le Tribunal de Grande Instance d'AIX-EN-PROVENCE

DEBOUTER monsieur [P] et mademoiselle [P] de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions dirigées contre la société AXA FRANCE IARD.

A titre subsidiaire,

Si par extraordinaire, la Cour de céans devait retenir la garantie de la société AXA FRANCE

IARD, il conviendrait alors d'infirmer le jugement rendu le 15 mai 2018 par le Tribunal de Grande Instance d'AIX-EN-PROVENCE en ce qu'il a considéré la responsabilité de la société POLYBATIC entière et le confirmer sur le montant des travaux de reprise.

En effet il ressort du rapport d'expertise, que monsieur [P] a contribué à la réalisation du dommage en refusant de communiqué à l'expert judiciaire une partie des pièces techniques de son dossier, à savoir le rapport d'expertise judiciaire établi par Monsieur [S] en 1995, dont le géologue [M] dont les recommandations n'ont pas été suivies était sapiteur.

Dès lors statuant à nouveau,

JUGER que le maître de l'ouvrage est en partie responsable des désordres qu'il a subis et que la responsabilité de la société POLYBATIC ne pourra être supérieure à 50%.

LIMITER le montant des travaux de reprise à la somme de 214.148,40 € TTC.

En tout état de cause,

JUGER que la société AXA FRANCE IARD est recevable et bien fondée à opposer ses franchises contractuelles à son assuré et aux tiers s'agissant des garanties facultatives.

CONDAMNER les époux [P] ou tout succombant à verser à la société AXA France IARD la somme de 5.000 € au visa de l'article 700 du Code de procédure civile,

La SA GAN ASSURANCES (conclusions du 16 avril 2021) sollicite voir :

Vu les articles 480 et 565 du Code de procédure civile,

Vu l'article 1355 du Code civil,

Vu l'article L. 114-1 du Code des assurances,

Dire et juger que les demandes fondées sur l'article 1792 du Code civil sont irrecevables;

Dire et juger qu'en tout état de cause les garanties d'AXA n'étaient pas mobilisables et qu'une condamnation a bien été prononcée à l'encontre de la société POLYBATIC ;

Les consort [P] ont agi à l'encontre de la société POLYBATIC et d'AXA, uniquement sur le fondement de l'article 1147 du Code civil et non sur le fondement de l'article 1792 du Code civil. Dès lors, les demandes fondées sur l'article 1792 du Code civil par les consorts [P] pour la première fois devant la Cour d'appel sont clairement irrecevables à deux titres :

D'une part, puisqu'il s'agit d'une demande nouvelle en appel, irrecevable sur le fondement de l'article 565 du Code de procédure civile ;

D'autre part, en raison de l'existence du principe de concentration des moyens prévu par l'article 480 du Code de procédure civile et par l'article 1355 du Code civil ;

Les consorts [P] ne peuvent donc pas réclamer la condamnation de GAN ASSURANCES « en raison de la prescription de leur action sur le fondement de la garantie décennale » alors qu'ils n'ont pas fondée leur action sur l'article 1792 du Code civil en première instance, et qu'ils sont désormais irrecevables à le faire dans le cadre de la présente procédure d'appel.

En conséquence, dire et juger que les demandes formées à l'encontre de GAN ASSURANCES sont sans objet ;

Rejeter l'ensemble des demandes, fins et conclusions formées à l'encontre de GAN ASSURANCES ;

A titre subsidiaire,

Dire et juger que la prescription biennale est acquise ; (article L114-1 du code des assurances)

A titre infiniment subsidiaire, s'il était considéré que la prescription biennale n'est pas acquise, les consorts [P] ne rapportent pas la preuve de l'existence d'une faute commise par GAN ASSURANCES.

Il est important de relever que GAN ASSURANCES est uniquement l'assureur Protection juridique de Monsieur [P], et qu'en tant que tel, elle n'a qu'une obligation de moyens et non de résultat. Or, en l'espèce, il ressort des pièces produites par les consorts [P] que GAN ASSURANCES a été particulièrement diligent.

En conséquence :

Dire et juger qu'il n'est démontré l'existence d'aucune faute commise par GAN ASSURANCES ;

Dire et juger qu'il n'est pas fait la démonstration d'une perte de chance ;

Mettre GAN ASSURANCES hors de cause ;

A titre infiniment subsidiaire et si la perte de chance était retenue,

Dire et juger que la perte de chance ne peut être égale au coût de reprise des travaux soit 272.975,56 €

En conséquence,

Ramener le préjudice de jouissance à de plus juste proportions,

En tout état de cause,

Condamner tout succombant à payer à GAN ASSURANCES la somme de 3.000,00 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

La SARL POLYBATIC et Maître [K] [L] son mandataire judiciaire n'ont pas constitué avocat. La déclaration d'appel et les conclusions d'appelants leur ont été notifiées par assignation en date du 5 Octobre 2018.

L'affaire a été clôturée par ordonnance du conseiller de la mise en état du 16 Janvier 2023

et fixée à l'audience du 15 Février 2023.

MOTIVATION

Les consorts [P] ont commandé à monsieur [B] par courrier du 24/12/2001 des travaux sur un bâtiment industriel leur appartenant situé à [Localité 6] après réalisation d'une étude de consolidation du bâtiment par la société POLYBATIC.

Les travaux ont été achevés en mars 2002

Les travaux concernent :

La réfection des fondations endommagées d'une partie du bâtiment en partie Nord et Nord-Ouest suivant les plans du BET POLYBATIC

La réfection de la dalle intérieure en BA avec joints de dilatation et la création d'une dalle extérieure de mise hors d'eau du bâtiment côté Nord

La construction de sanitaires intérieurs côté Nord Est avec fosse sceptique

Des travaux de clôture

La réalisation de l'enduit des murets de clôture et de l'angle du bâti du bâtiment côté Sud Sud-est et la pose de deux châssis vitrées avec défenses pour bureaux

La réalisation d'une niche pour compteur d'eau en bordure de la RN113

Nettoyage du terrain par tractopelle

Un constat d'huissier réalisé le 06/12/2011 à la sortie d'un locataire constate :

Affaissement du bardage métallique

Crevasses au niveau des fondations

Crevasses à l'intérieur du bâti affectant sa structure

Murs ayant bougé avec des trous béants séparant les parois

Sur le rapport d'expertise :

Monsieur [D], expert désigné par ordonnance de référé du 19 mars 2013 a relevé :

Des fissures sur les murs et cloisons en blocs de siporex

Flambage de l'ossature métallique à l'entrée du local côté droit en regardant la façade

Désolidarisation de la dalle en béton au sol par rapport à l'ancienne dalle

Affouillement sous le trottoir Nord

Affaissement du bardage métallique Nord

Il précise que ces désordres n'étaient certainement pas visibles à la réception des travaux dont la date d'achèvement est fixée au 30 mars 2002.

Ils ont pour origine la nature des sols ayant motivé les travaux objet du litige réalisé sans respecter les recommandations du BET GEOLOGIQUES B. [M] de 1995 consistant en la réalisation de micro pieux sous l'ensemble des fondations du bâtiment.

Selon l'expert, les travaux réalisés en 2002 ont contribué à l'enfoncement et au basculement du bâtiment et les désordres sur la structure et les aménagements sont la conséquence de cet enfoncement.

Le BET POLYBATIC a prévu des travaux de reprise uniquement sur les fondations des poteaux de la façade Nord et le premier massif de la façade Ouest sans tenir compte de la piètre qualité du terrain d'assiette du bâti et sans avoir égard au fait que pour des raisons d'homogénéité la reprise ne pouvait être que générale.

Sur la réception

La disposition du jugement indiquant que la réception tacite est intervenue le 30 mars 2002 ne fait pas l'objet de l'appel ni d'un appel incident.

Par voie de conséquence la date de réception tacite ainsi retenue est acquise.

Sur les prescriptions des actions dirigées contre AXA France IARD et POLYBATIC:

Sur la recevabilité de l'action des consorts [P] sur le fondement de l'article 1792 :

Considérant que le contrat d'assurance souscrit auprès de la SA Axa France IARD a été résilié à compter du 1 avril 2004, le premier juge a estimé que la SA AXA France IARD n'est tenue qu'au maintien de la garantie décennale, qui ne peut s'appliquer en l'espèce dans la mesure où les consorts [P] fondent leur action sur la responsabilité contractuelle.

Si l'on se réfère à l'assignation délivrée à la demande de monsieur [N] [P] et madame [V] [P] épouse [J] à la SARL POLYBATIC, à AXA ASSURANCES, à GAN ASSURANCES les 06/03/2015 et 10/03/2015 et aux conclusions récapitulatives des consorts [P] il est expressément mentionné :

« Il ressort donc de ce rapport d'expertise judiciaire que la société POLYBATIC est sur le fondement de l'article 1147 du code civil incontestablement responsable des désordres affectant les bâtiments industriels des requérants ».

Il n'est pas fait référence à la responsabilité des constructeurs régie par l'article 1792 du code civil.

Le dispositif de l'assignation se réfère également à l'article 1147 du code civil mais non à l'article 1792 du même code.

Il ne peut donc être reproché au premier juge de ne pas avoir statué sur l'action dirigée contre la SARL POLYBATIC et son AXA ASSURANCES au regard des dispositions de l'article 1792 du code civil relatif à la garantie décennale des constructeurs.

La Cour est néanmoins compétente pour statuer sur les moyens de droit non évoqués en première instance.

Il n'est pas contesté que les consorts [P] ont assigné en référé la société POLYBATIC et la société AXA France IARD par assignations du 31 janvier 2013.

Par voie de conséquence il s'est écoulé un délai supérieur à 10 années entre la date de la réception des travaux et la date de l'assignation devant le juge des référés.

Les consorts [P] se prévalent d'une suspension du délai de forclusions prévu par l'article 1792-3 du code civil au regard de la procédure amiable préalablement engagée avant la mise en 'uvre de la procédure judiciaire par la saisine du juge des référés.

Sur ce point, c'est à juste titre que l'assureur fait valoir que la participation à une expertise amiable à l'initiative de l'assureur de la partie adverse ne constitue pas une procédure de conciliation ou de médiation conventionnelle au sens des articles 1530 et 1531 du code de procédure civile et qu'il n'a jamais reconnu le principe de sa garantie.

Les consorts [P] disent ensuite avoir été victimes de man'uvres frauduleuses des parties adverses qui ont participé à la procédure amiable d'expertise dans l'attente de l'acquisition du délai de forclusion.

Toutefois, ces man'uvres frauduleuses ne sont pas établies alors que l'expertise amiable mise en 'uvre par l'assureur des maîtres d'ouvrage ne faisait pas obstacle à l'interruption du délai de prescription par la saisine de la juridiction compétente ou la mise en 'uvre effective d'une mesure de conciliation ou de médiation.

Par voie de conséquence, l'action des consorts [P] n'est pas recevable sur le fondement de l'article 1792 du code civil.

Sur la recevabilité de l'action des consorts [P] sur le fondement de la responsabilité contractuelle :

Les consorts [P] demandent à la Cour de déclarer l'action engagée à l'encontre de la société POLYBATIC et de la société AXA ASSURANCES recevables sur le fondement de l'article 1147 du code civil.

C'est à juste titre que le premier juge a fait application des dispositions de l'article 2224 du code civil qui dispose les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

En l'espèce, les consorts [P] ont effectivement connu les faits permettant d'exercer l'action en 2011, à la sortie des lieux loués à un locataire à la fin de l'année 2011 et ont fait établir le constat d'huissier le 06/12/2011versé à la présente procédure.

Les consorts [P] ayant saisi le juge des référés par assignations du 31 janvier 2013, leur action est recevable tant à l'égard de la société POLYBATIC que de la société AXA ASSURANCES.

En ce qui concerne l'action dirigée contre AXA ASSURANCES, l'assureur ne conclut pas sur ce point et ne conteste pas la recevabilité de l'action engagée par les consorts [P] dans ses conclusions mais indique dans le dispositif qu'il y a lieu de juger l'action de monsieur et madame [P] forclose sans plus de précision.

En tout état de cause, l'action des consorts [P] ayant été engagée dans les deux ans de la découverte des désordres est recevable.

Sur l'action au fond dirigée contre la société AXA ASSURANCES et son assuré :

L'action dirigée contre la société POLYBATIC

La responsabilité de la société POLY BATIC sur le fondement de la responsabilité contractuelle retenue par le premier juge n'est pas contestée en son principe.

En ce qui concerne le montant du préjudice, l'expert évalue le préjudice à 178 457,50euros HT hors frais d'assurance hors frais de maîtrise d''uvre, étude et assurance DO.

Le rapport est en date du 15 mars 2014.

Le jugement de première instance fixe le montant de la créance des consorts [P] à inscrire au passif de la procédure de redressement judiciaire de la SARL POLYBATIC à 178 457,50€ HT soit 214 149 euros TTC retenant que lors de la réalisation des travaux en 2002, le maître d'ouvrage n'avait pas fait appel à un maître d''uvre et n'avait pas souscrit à une assurance DO.

Les consorts [P] sollicitent une somme de 300 597,16 euros après indexation sur l'évolution de l'indice INSEE du coût de la construction avec comme indice de référence l'indice du 1er trimestre 2022.

Par voie de conséquence il y a lieu d'allouer aux consorts [P] au titre des travaux de reprise la somme de 178 457,50 euros HT avec indexation en fonction de la variation de l'index BT 01 entre le 15 mars 2014, date de clôture du rapport de l'expert, et la date du présent arrêt, qui portera ensuite intérêts au taux légal, sauf à écarter l'application de cet index, si celui en vigueur au jour du présent arrêt est d'un montant inférieur à celui connu le 15 mars 2014 et de dire que la TVA sera celle applicable à la date du paiement.

L'action dirigée contre AXA France IARD

Les appelants contestent le jugement de première instance en ce qu'il a exclu la garantie d'AXA France IARD.

La société POLYBATIC et la société AXA ASSURANCES sont liées par un contrat multi garantie techniciens de la construction dont les conditions générales sont versées à la procédure.

La garantie responsabilité civile après réception connexe à la responsabilité pour dommage de nature décennale est prévue par la section B du contrat.

L'article 14 fixe la limite des prestations garanties dans le temps.

Il n'est pas contesté que par courrier du 22 octobre 2003, la SA Axa France IARD a résilié le contrat d'assurance de la SARL POLYBATIC au visa de l'article L113-12 du code des assurances avec effet à compter du 01/01/2004 à 0heure et qu'un délai de plus de dix ans s'est écoulé depuis la réception de l'ouvrage.

Par voie de conséquence, la garantie de l'assureur AXA France IARD n'est pas mobilisable au titre de la responsabilité après réception connexes à celle pour dommages décennale.

Ainsi, le jugement de première instance doit être confirmée en ce qu'il a débouté les consorts [P] de leur action dirigée contre AXA France IARD.

Sur la responsabilité de la société GAN

Les appelants reprochent au premier juge d'avoir omis de statuer sur leur demande de condamnation de la société GAN Assurances au titre de la violation de son obligation de conseil et sollicite sa condamnation au paiement des travaux de reprise au titre de la perte de chance évaluée à 100% d'obtenir la condamnation de la société POLYBATIC et son assureur la société AXA ASSURANCES

Il est reproché à GAN ASSURANCES en sa qualité d'assureur protection juridique des appelants de ne pas les avoir alerté sur le risque de prescription de l'action en garantie décennale ouvrant la garantie de l'assureur y compris lors de la réception du rapport d'expertise amiable le 28/02/2012 indiquant expressément que la date de réception des travaux est le 30/03/2002 et alors que le constructeur responsable fait l'objet d'une procédure collective dans laquelle il n'est envisagé aucun répartition aux termes d'un certificat d'irrecouvrabilité du 6 mai 2020.

La société GAN ASSURANCES qui n'a pas constitué avocat en première instance se prévaut devant la Cour du délai de prescription de l'article L114-1 du code des assurances.

Contrairement à ce qui est affirmé par les appelants, l'action en garantie et en réparation des préjudices subis en raison des fautes commises par l'assureur dans l'exécution du contrat d'assurance dérive de ce contrat et se trouve soumise au délai de prescription biennale dont le point de départ se situe à la date où l'assuré a eu connaissance des manquements de l'assureur à ses obligations et du préjudice en résultant pour lui ; (cassation 28 Mars 2013 Numéro de pourvoi : 12-16.011).

Les consorts [P] indiquent avoir été informés de la prescription de l'action décennale dans le cadre de la procédure de référé, ce moyen ayant été soulevé comme constituant une contestation sérieuse.

Les ordonnances de référé et les écritures des parties dans le cadre de ces procédures ne sont pas produites.

L'ordonnance de référé en date du 19 mars 2013 ordonne l'expertise.

L'ordonnance de référé évoquant la contestation sérieuse du fait d la prescription est en date du 16 décembre 2014.

Les consorts [P] ont mis en cause la responsabilité de GAN ASSURANCES dans l'assignation délivrée le 10/03/2015 à GAN ASSURANCES.

Dès lors la demande n'est pas prescrite comme introduite dans un délai inférieur au délai biennal de l'article L114-1 du code des assurances.

L'article L127-1 du code des assurances prévoit :

"Est une opération d'assurance de protection juridique toute opération consistant, moyennant le paiement d'une prime ou d'une cotisation préalablement convenue, à prendre en charge des frais de procédure ou à fournir des services découlant de la couverture d'assurance, en cas de différend ou de litige opposant l'assuré à un tiers, en vue notamment de défendre ou représenter en demande l'assuré dans une procédure civile, pénale, administrative ou autre ou contre une réclamation dont il est l'objet ou d'obtenir réparation à l'amiable du dommage subi'.

En l'espèce l'article 14 des conditions générales du contrat définit la garantie protection juridique recours (en cas de dommages subis) :

L'assureur prend en charge le paiement des frais d'instruction, de procédure, d'enquête, d'expertise, d'exécution de jugement et les honoraires d'avocat.

Il s'engage à réclamer au responsable à l'amiable ou judiciairement la réparation pécuniaire

des dommages matériels qui auraient été couverts au titre de la garantie responsabilité civile du fait de l'immeuble.

En fait :

-Le 23 janvier 2012 GROUPAMA pour le compte du GAN informe monsieur [P] que le litige est couvert pas la garantie recours de son contrat dont la gestion est confiée à GROUPAMA.

Le mandataire de l'assureur indique : « il paraît indispensable de désigner un expert amiable qui aura pour mission de vous assister et de déterminer l'étendue des désordres, les responsabilités des parties en présence et le préjudice subi' Dès que je serai en possession du compte rendu d'expertise, je serai plus à même d'envisager la suite à réserver à cette affaire »

-Le 15 mars 2012 soit quelques jours avant l'acquisition du délai de prescription de la garantie décennale, GROUPAMA pour le compte de GAN transmet le rapport en date du 28 février 2012 fixant la date de la réception des travaux au 30 mars 2012 en indiquant se rapprocher de l'expert en vue d'obtenir un devis pour des frais de BET complémentaire et que dès la réponse à cette demande, elle ne manquera pas de faire le point avec monsieur [P] sans attirer l'attention de celui-ci sur l'urgence d'interrompre le court du délai de prescription de la garantie décennale.

-le 22 octobre 2012 alors que le délai de prescription de la garantie décennale est acquis depuis plusieurs mois, GROUPAMA informe monsieur [P] de la nécessité de mettre en 'uvre une action judiciaire et de la possibilité pour lui d'avoir recours à l'avocat partenaire de l'assureur territorialement compétent.

L'assureur se devait de préciser à l'assuré non juriste et à qui il avait jusqu'alors indiqué ce qu'il convenait de faire pour le traitement du sinistre déclaré, qu'il était impératif d'intenter rapidement une action afin d'interrompre le court de la prescription.

En restant taisant sur ce point jusqu'au 22 octobre 2012, date à laquelle la prescription de l'action en garantie décennale était acquise, l'assureur a commis une faute dans la gestion du dossier des consorts [P].

Cette faute de l'assureur protection juridique a eu pour conséquence que les demandes es consorts [P] sur le fondement de l'article 1792 du code civil ont été jugées irrecevables comme prescrites.

Il résulte du rapport d'expertise que :

- les désordres dont il est demandé réparation ont pour origine la nature des sols ayant motivé les travaux objet du litige réalisé en 2002 en application des plans réalisés par la SARL POLYBATIC sans respecter les recommandations du BET GEOLOGIQUES B. [M] de 1995 consistant en la réalisation de micro pieux sous l'ensemble des fondations du bâtiment.

- le BET POLYBATIC a prévu des travaux de reprise uniquement sur les fondations des poteaux de la façade Nord et le premier massif de la façade Ouest sans tenir compte de la piètre qualité du terrain d'assiette du bâti et sans avoir égard au fait que pour des raisons d'homogénéité la reprise ne pouvait être que générale.

- les travaux réalisés selon les plans établis par la SARL POLYBATIC ont contribué à l'enfoncement et au basculement du bâtiment et les désordres sur la structure et les aménagements sont la conséquence de cet enfoncement.

La société GAN fait valoir que la garantie d'AXA, assureur de la société POLYBATIC n'était pas mobilisable.

Toutefois, le titre II du contrat d'assurance « multigarantie techniciens de la construction » AXA produit aux débats prévoient dans sa section A les assurances de responsabilité civile pour dommages de nature décennale ;

De plus, la société AXA France IARD n'a pas dénié sa garantie, concluant à une responsabilité de son assuré à hauteur de 50% en invoquant que monsieur [P] ne pouvait ignorer la nécessité d'une reprise totale des fondations, responsabilité du maître d'ouvrage qui n'a pas été retenue par le juge du fond .

En effet, le premier juge a retenu la responsabilité pleine et entière de la société POLYBATIC excluant toute responsabilité d'une part du maçon qui a exécuté les travaux en conformité avec les plans établis par le BET POLYBATIC et d'autre part du maître d'ouvrage, non sachant ayant ordonné les travaux suivant les plans établis par le BET POLYBATIC qui ne justifie pas des raisons pour lesquelles elle n'a pas suivi les recommandations du BET [M].

Toutefois la perte d'une chance d'obtenir gain de cause ne pouvant par définition être égale à 100%, il ne peut être alloué l'intégralité de la réparation du préjudice résultant des désordres objet du litige.

Il sera donc alloué de ce chef 90% de la somme mise à la charge de POLYBATIC.

Sur les autres demandes :

Le jugement de première instance étant pour l'essentiel confirmé sauf en ce qui concerne l'action dirigée contre le GAN, il n'y a pas lieu de réformer les dispositions de ce jugement prises s'agissant des dépens et de l'application de l'article 700 du code de procédure civile.

Concernant la procédure d'appel, les dépens doivent être mis à la charge de la GAN ASSURANCES.

L'équité commande en outre de condamner les consorts [P] à payer à AXA ASSURANCES la somme de 2000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle commande également de condamner la société GAN ASSURANCES à payer aux consorts [P] la somme de 3000 euros sur le même fondement.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire mis à disposition au greffe, et après en avoir délibéré conformément à la loi,  

CONFIRME le jugement du tribunal d'Aix-en-Provence du 15 mai 2018 SAUF en ce qu'il fixe la créance de monsieur [N] [P] et madame [V] [P] au passif du redressement judiciaire de la SARL POLYBATIC à la somme de 178 457,50 euros HT soit 214 149 euros TTC.

STATUANT à nouveau de ce chef

Fixe la créance de monsieur [N] [P] et madame [V] [P] au passif de la liquidation judiciaire de la SARL POLYBATIC à la somme de 178 457,50 euros HT avec indexation en fonction de la variation de l'index BT 01 entre le 15 mars 2014, date de clôture du rapport de l'expert, et la date du présent arrêt, qui portera ensuite intérêts au taux légal, sauf à écarter l'application de cet index, si celui en vigueur au jour du présent arrêt est d'un montant inférieur à celui connu le 15 mars 2014 et de dire que la TVA sera celle applicable à la date du paiement.

Y AJOUTANT,

CONDAMNE la société GAN ASSURANCES à payer à monsieur [N] [P] et madame [V] [P] 90% de la somme de 178 457,50 euros HT avec indexation en fonction de la variation de l'index BT 01 entre le 15 mars 2014, date de clôture du rapport de l'expert, et la date du présent arrêt, qui portera ensuite intérêts au taux légal, sauf à écarter l'application de cet index, si celui en vigueur au jour du présent arrêt est d'un montant inférieur à celui connu le 15 mars 2014 et de dire que la TVA sera celle applicable à la date du paiement.

 

CONDAMNE la société GAN ASSURANCES à payer à monsieur [N] [P] et madame [V] [P] la somme de 3000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE monsieur [N] [P] et madame [V] [P] à payer à la société AXA ASSURANCES la somme de 2000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

 

REJETTE les autres demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

 

CONDAMNE la société GAN ASSURANCES aux entiers dépens de la procédure d'appel.

Prononcé par mise à disposition au greffe le 1 Juin 2023.

Signé par Madame Inès BONAFOS, Présidente et Monsieur Achille TAMPREAU, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier, La Présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-4
Numéro d'arrêt : 18/12173
Date de la décision : 01/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-01;18.12173 ?
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