COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 4-1
ARRÊT AU FOND
DU 26 MAI 2023
N° 2023/177
Rôle N° RG 19/19277 - N° Portalis DBVB-V-B7D-BFKBN
[G] [E]
C/
SARL MER MEC FRANCE
Copie exécutoire délivrée
le :
26 MAI 2023
à :
Me Jacqueline LESCUDIER, avocat au barreau de MARSEILLE
Me Fabrice CARAVA, avocat au barreau de MARSEILLE
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE en date du 10 Décembre 2019 enregistré au répertoire général sous le n° 19/01325.
APPELANTE
Madame [G] [E], demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Jacqueline LESCUDIER, avocat au barreau de MARSEILLE
INTIMEE
SARL MER MEC FRANCE, demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Fabrice CARAVA, avocat au barreau de MARSEILLE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 16 Février 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Emmanuelle CASINI, Conseiller chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller faisant fonction de Président
Mme Stéphanie BOUZIGE, Conseiller
Mme Emmanuelle CASINI, Conseiller
Greffier lors des débats : Monsieur Kamel BENKHIRA
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 26 Mai 2023.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 26 Mai 2023
Signé par Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller faisant fonction de Président et Monsieur Kamel BENKHIRA, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
La société MER MEC France commercialise une technologie de contrôle des voies ferroviaires.
Madame [G] [E] a été mise à disposition de la société MER MEC par ADECCO dans le cadre de contrats d'intérim, au motif de surcroît temporaire d'activité, sur les périodes suivantes :
-du 12 septembre 2016 au 14 octobre 2016, renouvelé jusqu'au 23 décembre 2016 ;
-du 2 janvier 2017 au 28 février 2017, renouvelé jusqu'au 31 mai 2017.
A l'occasion de ces contrats de mission, les tâches confiées à Madame [E], en qualité de secrétaire, ont été 'la gestion de l'accueil téléphonique et physique, saisie des factures, gestion des déplacements professionnels- rédaction et traduction de documents - gestion du courrier'.
La société MER MEC France a ensuite engagé Madame [E] en contrat à durée déterminée (CDD) en qualité d'employé administratif niveau IV échelon 1 (coefficient 255) ' statut : technicien sur les périodes suivantes :
-CDD initial : du 1er juin 2017 au 31 décembre 2017, soit 7 mois ;
-renouvelé par avenant en date du 18 décembre 2017 pour une durée de 3 mois, soit jusqu'au 31 mars 2018 ;
-renouvelé par avenant en date du 30 mars 2018 pour une durée de 8 mois, soit jusqu'au 30 novembre 2018.
A l'occasion du CDD et de ses renouvellements, les tâches confiées ont été :
'Réaliser les tâches de secrétariat administratif, d'accueil téléphonique, de logistiques de réception et d'envois, toute autre tâche aidant la bonne gestion administrative de la société et demandée par sa hiérarchie'.
Au terme de l'engagement, les documents de rupture ont été remis à la salariée le 30 novembre 2018.
Madame [E] a saisi le conseil de prud'hommes de Marseille le 28 mai 2019 des demandes suivantes :
- Indemnité de requalification : 1.800 euros
- Exécution déloyale du contrat de travail : 15.000 euros
- Indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement : 1.800 euros
- Indemnité légale de licenciement : 975 euros
- Indemnité de préavis : 3.600 euros
- Congés payés sur préavis : 360 euros
- Dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 10. 800 euros
- Frais d'article 700 du Code de procédure civile : 2.500 euros
Par jugement en date du 10 décembre 2019, le conseil de prud'hommes de Marseille a débouté Madame [E] de l'intégralité de ses demandes.
Madame [E] a interjeté appel et demande à la Cour, suivant conclusions notifiées par voie électronique le 3 mars 2022, de :
Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il l'a déboutée de ses demandes au titre d'une part, de la requalification du contrat de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée et des indemnités liées à cette requalification et d'autre part, au titre de la contestation de la rupture du contrat de travail ainsi requalifié à durée indéterminée en licenciement sans cause réelle et sérieuse et aux indemnités afférentes comprenant également celles relatives au non-respect de la procédure de licenciement ;
Prononcer la requalification du contrat de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée, à compter du 16 septembre 2016 ;
Juger que la procédure de licenciement n'a pas été respectée et par voie de conséquence ;
Juger que le licenciement est sans cause réelle sérieuse et apparaît manifestement illégitime et abusif ;
Fixer la date de rupture du contrat de travail au 31 novembre 2018 ;
Vu les articles L 1222-1, L 1247-7, L 1243-11, L 1242-8-1, L 1245-2, L 1235-2 et suivants du Code du Travail,
Condamner la société MERMEC France au paiement des salaires et indemnités suivants :
Au titre de la requalification :
- Indemnité de requalification : 1.800.00 euros
- Exécution déloyale du contrat de travail : 15.000.00 euros
Au titre de la rupture du contrat de travail ; contestation du licenciement :
- Indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement : 1.800.00 euros
- Indemnité légale de licenciement : 975 euros
- Indemnité de préavis : 3.600.00 euros
- Congés payés sur préavis : 360.00 euros
- Dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 10.800.00 euros
Fixer les intérêts courant à compter de la demande en justice et prononcer la capitalisation de ces mêmes intérêts;
Condamner la Société MERMEC France au paiement de la somme de 2.500 euros au titre des frais irrépétibles prévus par l'article 700 du Code de Procédure Civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 9 mars 2020, la société MER MEC FRANCE demande à la Cour de :
Confirmer le jugement du Conseil de Prud'hommes de Marseille du 10 décembre 2019 en toutes ses dispositions,
Rejeter toutes les demandes, fins et conclusions de Madame [E],
Condamner Madame [E] aux entiers dépens et à 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Ou, à titre subsidiaire,
Rejeter le montant des demandes de Madame [E],
MOTIFS DE L'ARRET
Sur la demande de requalification
Madame [E] sollicite la requalification de la relation contractuelle avec la société MERMEC FRANCE en contrat à durée indéterminée à compter du 16 septembre 2016.
Elle fait valoir en premier lieu que les contrats de mission intérimaire et les contrats à durée déterminée consistaient en réalité à pourvoir durablement un emploi identique lié à l'activité normale de l'entreprise, précisant que son embauche a en outre succédé à celle d'une autre salariée, Mme [H], embauchée sur le même poste du 25 janvier 2016 au 21 mars 2016.
En second lieu, elle soutient que les dispositions de l'article L1243-11 du code du travail qui prévoient un délai de carence entre deux contrats à durée déterminée successifs pour le même salarié, n'a pas été respecté, s'agissant d'une relation de travail sans interruption à compter du 12 septembre 2016 au 31 mai 2017 au titre de contrats de mission intérimaire puis de succession de CDD à compter du 1er juin 2017 jusqu'au 30 novembre 2018. Elle soutient que la relation de travail s'est ainsi poursuivie au delà de 18 mois, jusqu'au 30 novembre 2018, soit durant 26 mois.
Enfin, elle allègue que la société MERMEC FRANCE ne justifie pas du motif du recours aux contrats temporaires, ou à tout le moins, que les motifs avancés ne sont pas sérieux.
La société MER MEC FRANCE réplique que l'emploi pourvu dans le cadre des contrats de mission par l'intermédiaire d'ADECCO concernait un poste de secrétaire, différent de celui pourvu ensuite en CDD par Mme [E], lequel concernait un poste d'employé administratif aux tâches plus larges. Elle ajoute que le poste préalablement confié à Mme [H] en intérim était lui même différent de celui confié à l'appelante, qui est trilingue et qui pouvait assumer des tâches de traduction nécessaires pour l'organisation de déplacement en Hongrie.
La société MER MEC FRANCE expose encore que les dispositions relatives au délai de carence ne sont pas applicables en l'espèce, dans la mesure où Mme [E] n'a pas été embauchée dans le cadre de contrats à durée déterminée successifs mais au titre d'un seul contrat à durée déterminée à terme précis en date du 1er juin 2017, renouvelé à deux reprises par avenants signés par la salariée le 18 décembre 2017 et le 30 mars 2018, soit avant le terme de chaque contrat et conclus pour une période n'excédant pas 18 mois.
Enfin elle expose que le recours à l'emploi en intérim était justifié par le surcroît d'activité lié à un besoin ponctuel de renfort d'équipe (gestion des déplacements notamment en Hongrie et en Bretagne - dossier en retard notamment BPL) et que le recours à l'emploi à durée déterminée était justifiée par le surcroît d'activité lié aux commandes exceptionnelles à l'exportation et au retard pris dans leurs livraisons.
***
Sur le fait de pourvoir durablement un poste lié à l'activité normale de l'entreprise
Sauf embauche dans le cadre de la politique de l'emploi, un contrat à durée déterminée ou un contrat de mission ne peut être conclu que pour l'exécution d'une tâche précise et temporaire. Il ne doit avoir ni pour effet, ni pour objet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise (et de l'entreprise utilisatrice en cas de travail temporaire).
Il résulte de l'examen attentif des différents contrats de mission et contrats à durée déterminée produits qu'alors que Mme [H] a été mise à disposition de la société MER MEC sur la période du 25 janvier 2016 au 16 septembre 2016 pour des missions de simple secrétariat (accueil téléphonique et physique, gestion du courrier, planification des déplacements des techniciens), Madame [E] a, elle, été mise à disposition de ladite société à compter du 12 septembre 2016, pour des fonctions de secrétaire impliquant également la rédaction et la traduction de document, l'employeur justifiant que celle-ci disposait de compétences trilingues (cf curriculum vitae de Mme [E]). Il s'agissait donc d'un poste différent.
De même, l'emploi pourvu par l'appelante au cours des contrats de mission avec ADECCO, était bien distinct du poste occupé ensuite par Mme [E] en contrat à durée déterminée sur la période du 1er juin 2017 au 30 novembre 2018, qui était un poste d'employé administratif aux tâches plus larges. En effet, la salariée avait dans ce cadre pour mission de réaliser les tâches de secrétariat administratif et d'accueil téléphonique mais également de logistique, de réception et d'envoi, et toute autre tâche aidant la bonne gestion administrative de la société et demandée par sa hiérarchie.
Par ailleurs, il résulte du registre d'entrée et sortie du personnel qu'un poste 'd'employé administratif ' comme celui occupé par Mme [E] du 1er juin 2017 au 30 novembre 2018 n'a été créé de nouveau qu'entre le 5 mars et le 7 mars 2019 et qu'il n'était donc pas permanent.
En conséquence, la cour constate que ni les contrats de mission, ni les contrats à durée déterminée n'ont eu pour objet ou pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise.
Sur le délai de carence
Mme [E] soutient que le délai de carence n'a pas été respecté par la société MERMEC FRANCE à plusieurs reprises, soit à compter du 12 septembre 2016, ce qui comprend la période de mise à disposition dans le cadre de contrats de mission intérim ainsi que la période d'emploi en contrat à durée déterminée.
Aux termes des dispositions de l'article L1251-36 du code du travail, dans sa version applicable au litige, 'A l'expiration d'un contrat de mission, il ne peut être recouru, pour pourvoir le poste du salarié dont le contrat a pris fin, ni à un contrat à durée déterminée, ni à un contrat de mission avant l'expiration d'un délai de carence calculé en fonction de la durée du contrat de mission, incluant, le cas échéant, son ou ses deux renouvellements.
Ce délai de carence est égal :
1° Au tiers de la durée du contrat de mission venu à l'expiration si la durée du contrat incluant, le cas échéant, son ou ses deux renouvellements est de quatorze jours ou plus,
2° A la moitié de la durée du contrat de mission venu à expiration si la durée du contrat incluant, le cas échéant, son ou ses deux renouvellements, est inférieure à quatorze jours.
Les jours pris en compte pour apprécier le délai devant séparer les deux contrats sont les jours d'ouverture de l'entreprise ou de l'établissement utilisateurs'
De même, il résulte des dispositions de l'article L. 1244-3 du code du travail dans sa version applicable au litige, qu''A l'expiration d'un contrat de mission, il ne peut être recouru, pour pourvoir le poste du salarié dont le contrat a pris fin, ni à un contrat à durée déterminée, ni à un contrat de mission avant l'expiration d'un délai de carence calculé en fonction de la durée du contrat de mission, incluant, le cas échéant, son ou ses deux renouvellements.
Ce délai de carence est égal :
1° Au tiers de la durée du contrat de mission venu à l'expiration si la durée du contrat incluant, le cas échéant, son ou ses deux renouvellements est de quatorze jours ou plus,
2° A la moitié de la durée du contrat de mission venu à expiration si la durée du contrat incluant, le cas échéant, son ou ses deux renouvellements, est inférieure à quatorze jours.
Les jours pris en compte pour apprécier le délai devant séparer les deux contrats sont les jours d'ouverture de l'entreprise ou de l'établissement utilisateurs'
Il est constant que Madame [G] [E] a été mise à disposition de la société MER MEC par ADECCO au motif de surcroît temporaire d'activité, dans le cadre de deux contrats de mission intérimaire distincts s'étant succédé sur les périodes suivantes :
-un premier contrat du 12 septembre 2016 au 14 octobre 2016, renouvelé jusqu'au 23 décembre 2016 ;
-une deuxième contrat du 2 janvier 2017 au 28 février 2017, renouvelé jusqu'au 31 mai 2017.
Ses tâches étaient dans ce cadre identique à savoir 'la gestion de l'accueil téléphonique et physique, saisie des factures, gestion des déplacements professionnels ' rédaction et traduction de documents - gestion du courrier''.
Cependant, si le délai de carence n'est pas respecté entre le terme du premier contrat de mission expirant le 26 décembre 2016 et la date du deuxième contrat de mission conclu dès le 2 janvier 2017, la cour relève que Mme [E] ne pouvait en demander la requalification qu'à l'encontre de la société de travail temporaire ADECCO et non à l'encontre de la société utilisatrice MER MEC FRANCE.
Ensuite, il est constant que la société MER MEC France a engagé Madame [E] en contrat à durée déterminée en qualité d'employé administratif niveau IV échelon 1 (coefficient 255) ' statut : technicien sur les périodes suivantes :
-CDD initial : du 1er juin 2017 au 31 décembre 2017, soit 7 mois ;
-renouvelé par avenant en date du 18 décembre 2017 pour une durée de 3 mois, soit jusqu'au 31 mars 2018 ;
-renouvelé par avenant en date du 30 mars 2018 pour une durée de 8 mois, soit jusqu'au 30 novembre 2018.
Si le contrat à durée déterminée conclu le 1er juin 2017 avec Mme [E] succède immédiatement au dernier contrat de mission intérimaire expirant le 31 mai 2017, la cour observe qu'il ne s'agissait pas de pourvoir le même poste au sein de l'entreprise.
En effet, tel qu'il a été rappelé plus haut, Mme [E] était affectée au titre des contrats de mission sur un poste de secrétariat avec traduction de document tandis qu'elle était engagée en contrat à durée déterminée sur un poste d'employé administratif avec mission de gérer notamment la logistique (envoi et réception).
Au vu de ces éléments, il n'y a donc pas lieu de procéder à une requalification de la relation contractuelle pour défaut de respect des délais de carence.
Sur la durée du contrat à durée déterminée
Mme [E] soutient que la relation de travail comprenant les renouvellements s'est poursuivie au delà de 18 mois jusqu'au 30 novembre 2018, soit durant 26 mois en violation des dispositions de l'article L1242-8-1 du code du travail, tandis que la société MERMEC France expose pour sa part, que, le contrat à durée déterminée, renouvellements compris, a été conclu en respectant la période maximale légale de 18 mois et aurait même pu atteindre 24 mois, s'agissant d'une commande exceptionnelle à l'exportation.
Il convient de relever que pour appliquer les dispositions de l'article L1242-8-1 du code du travail, la période intérimaire ne peut être décomptée pour apprécier la durée maximale du contrat à durée déterminée.
En l'espèce, le contrat à durée déterminée a débuté le 1er juin 2017 et a été renouvelé deux fois pour expirer le 30 novembre 2018, soit dans le délai de 18 mois prévu par les dispositions susvisées.
Par ailleurs, les deux avenants de renouvellement ont été respectivement conclus avant le terme du CDD initial et avant le terme de la première période de renouvellement, soit le 18 décembre 2017 pour un terme initial au 31 décembre 2017, et le 30 mars 2018 pour le terme du premier renouvellement au 31 mars 2018.
Il n'existe donc aucune violation des dispositions de l'article L 1242-8-1 du code du travail.
Sur les motifs du recours au CDD
Aux termes des dispositions de l'article L.1242-2, 2° du code du travail, un employeur peut embaucher un salarié en contrat à durée déterminée pour faire face à un accroissement temporaire d'activité. Il doit alors justifier de la réalité du motif du recours c'est à dire de l'accroissement temporaire d'activité.
En l'espèce, au terme des contrats de mission intérimaires des 12 septembre 2016 et 2 janvier 2017, Mme [E] a été embauchée en qualité de secrétaire, dans le cadre d''un besoin ponctuel de renfort d'équipe pour répondre à un surcroît d'activité'.
La société MER MEC FRANCE explique à ce titre que les tâches confiées à l'appelante étaient liées à la gestion des déplacements des techniciens, notamment en Hongrie et en Bretagne afin de mener à bien des projets en retard, et plus spécifiquement le projet BPL.
Elle verse en ce sens aux débats de multiples mails de réservation et organisation de déplacement des techniciens de la société à l'étranger et en France émanant de Mme [E] sur la période du 16 septembre 2016 au 29 mai 2017, ainsi qu'un courrier émanant de la société EIFFAGE en date 9 février 2017 lui signifiant le non respect des dates jalons et la désorganisation des travaux du système DCDP de la LGV BLP.
La cour constate ainsi que la société utilisatrice justifie de la réalité du surcroît d'activité motivant le recours au contrat d'intérim.
De même, le contrat à durée déterminée conclu entre la société MER MEC FRANCE et Madame [E] le 1er juin 2017 précise que la salariée a été engagée en vue de faire face à une commande exceptionnelle à l'exportation dont l'importance nécessite la mise en oeuvre de moyens en personnel également exceptionnels. Les avenants de renouvellement des 18 décembre 2017 et 30 mars 2018 mentionnent la prolongation de l'accroissement temporaire d'activité dans le cadre de commandes exceptionnelles.
La société MER MEC FRANCE verse aux débats les pièces justifiant d'une commande à l'exportation formalisée le 3 juillet 2017 ' Track vidéo surv. System FTA' pour un montant de 128.000 euros (FTA : Finnish Transporting Agency, agence en charge de l'entretien du rail en Finlande) laquelle n'a pu débuter que le 1er juin 2017 (cf mail de la maison mère MER MEC GROUP en date du 24 mai 2017 indiquant à sa filiale que la commande était en attente pour des difficultés informatiques), ainsi que d'une commande exceptionnelle à l'exportation formalisée le 6 décembre 2017 pour un montant de 167.000 euros 'progetazzione TVSS e WIS' lesquelles ont pris toutes deux du retard (cf mails versés aux débats justifiant du retard des livraisons respectives en mai et juin 2018), ce qui a nécessité les renouvellements du contrat à durée déterminée de Mme [E].
Dès lors que l'employeur justifie ainsi de la réalité de l'accroissement temporaire de son activité lié à deux commandes exceptionnelles à l'exportation, il y lieu de constater que le motif du recours au contrat à durée déterminée est justifié.
Sur les demandes indemnitaires
Au vu de ces éléments, il y a lieu de confirmer la décision du conseil de prud'hommes qui a rejeté la demande de requalification de la relation de travail entre Mme [E] et la société MER MEC FRANCE en contrat à durée déterminée, ainsi que la demande subséquente d'indemnité de requalification formée par la salariée en application de l'article L1245-2 du code du travail.
Dès lors que le contrat à durée déterminée a normalement pris fin à son terme le 30 novembre 2018 et que la relation de travail n'est pas requalifiée en contrat de travail à durée indéterminée, les demandes relatives au respect de la procédure de licenciement, à l'indemnité compensatrice de préavis, ainsi qu'aux dommages et intérêts pour licenciement abusif, devront être rejetées.
Sur l'exécution déloyale du contrat
Mme [E] estime que la société MER MEC FRANCE n'a pas exécuté le contrat de travail de bonne foi ; qu'elle a su tirer profit de la possibilité offerte par le législateur de recourir aux contrats de travail à durée déterminée, par essence précaires et exceptionnels, pour occuper à moindre frais en réalité des postes permanents dans l'entreprise, ce que l'employeur conteste.
La cour ayant constaté que les emplois pourvus par Madame [E] n'avaient pas eu pour effet de pourvoir durablement un poste lié à l'activité normale de l'entreprise, la preuve d'une exécution déloyale du contrat de travail par l'employeur n'est pas rapportée.
Dès lors, il n'y a pas lieu de faire droit à la demande indemnitaire de l'appelante de ce chef.
Sur les frais irrépétibles et les dépens
L'équité commande de confirmer le jugement du conseil de prud'hommes relativement aux frais irrépétibles et de dispenser Mme [E] du paiement d'une indemnité en application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.
La salariée qui succombe, doit être tenue aux dépens de première instance et d'appel.
PAR CES MOTIFS
La Cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile et en matière prud'homale,
Confirme le jugement déféré,
Y Ajoutant :
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne Madame [G] [E] aux dépens de première instance et d'appel.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
Ghislaine POIRINE faisant fonction