COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 4-1
ARRÊT AU FOND
DU 26 MAI 2023
N° 2023/172
Rôle N° RG 19/18974 - N° Portalis DBVB-V-B7D-BFJLC
[R] [W]
C/
SARL CARNIVAR
Copie exécutoire délivrée
le :
26 MAI 2023
à :
Me Arielle LACONI, avocat au barreau de MARSEILLE
Me Bénédicte LAGRANGE, avocat au barreau de MARSEILLE
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE en date du 15 Novembre 2019 enregistré au répertoire général sous le n° F 18/00436.
APPELANTE
Madame [R] [W], demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Arielle LACONI, avocat au barreau de MARSEILLE, Me Arnaud ATTAL, avocat au barreau de MARSEILLE
INTIMEE
SARL CARNIVAR, demeurant [Adresse 4]
représentée par Me Bénédicte LAGRANGE, avocat au barreau de MARSEILLE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 06 Février 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Stéphanie BOUZIGE, Conseiller, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller faisant fonction de Président
Madame Stéphanie BOUZIGE, Conseiller
Madame Emmanuelle CASINI, Conseiller
Greffier lors des débats : Monsieur Kamel BENKHIRA
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 26 Mai 2023.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 26 Mai 2023
Signé par Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller faisant fonction de Président, et Monsieur Kamel BENKHIRA, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
Madame [R] [W] a été engagée par la société CARNI OUEST, aux droits de laquelle se trouve la SARL CARNIVAR, suivant contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel du 19 novembre 2001, en qualité d'employée de commerce sur le site d'[Localité 2].
Suivant avenant du 24 février 2009, Madame [W] a été promue sur le site de [Localité 3] au poste d'adjointe responsable des employés de commerce, niveau II C.
Madame [W] a été victime de vols à mains armés sur son lieu de travail, le 1er décembre 2009 et le 13 janvier 2015, lequel a donné lieu à donné lieu à un arrêt de travail pris en charge au titre de la législation sur les accidents du travail.
A l'issue de la visite médicale de reprise du 24 mai 2017, Madame [W] a été déclarée inapte à son poste et à tout poste dans l'entreprise par le médecin du travail.
Madame [W] a été convoquée à un entretien préalable par courrier du 12 juillet 2017 et elle a été licenciée pour inaptitude et impossibilité de reclassement par courrier du 31 juillet 2017.
Contestant son licenciement et sollicitant des dommages-intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité et la classification conventionnelle de son emploi au niveau V, Madame [W] a saisi le conseil de prud'hommes de Marseille, lequel, par jugement du 15 novembre 2019, a :
- dit que le conseil des prud'hommes de Marseille est compétent pour statuer sur la demande indemnitaire au titre de la violation de l'obligation de sécurité.
- condamné la société CARNIVAR à verser à Madame [W] les sommes suivantes :
' 15.000 € de dommages-intérêts au titre de la violation de l'obligation de sécurité.
' 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
- débouté Madame [W] du surplus de ses demandes, fins et conclusions.
- débouté la société CARNIVAR de l'ensemble de ses demandes plus amples ou contraires.
- condamné la société CARNIVAR aux entiers dépens.
Madame [W] a interjeté appel de ce jugement.
Suivant conclusions notifiées par voie électronique le 25 janvier 2023, elle demande à la cour de :
- déclarer recevable et bien fondé l'appel interjeté par Madame [W].
- réformer le jugement sur les dispositions critiquées en ce qu'il a :
Dit et jugé que l'employeur n'a pas manqué à son obligation en matière de reclassement et débouté Madame [W] de toutes ses demandes qui en découlent.
Débouté Madame [W] de sa demande de requalification de son statut et de toutes ses demandes qui en découlent.
Dit et jugé que la société CARNIVAR n'a pas manqué à ses obligations tant légales, contractuelles que conventionnelles et débouté Madame [W] de toutes ses demandes qui en découlent.
Statuant à nouveau,
- constater que la SARL CARNIVAR a violé tant l'obligation de sécurité dont elle est débitrice que son obligation de reclassement.
En conséquence,
- dire et juger que le licenciement de Madame [W] est sans cause réelle et sérieuse.
Dès lors,
- condamner la SARL CARNIVAR au paiement des sommes suivantes :
* 4.681,79 € au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement.
* 4.885,34 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis.
* 488,53 € au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis.
* 85.000 € au titre des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse au titre du préjudice matériel, financier et économique consécutif à la perte de son emploi et de sa rémunération, des conséquences et incidences sur les perspectives d'avenir et ses droits à la retraite.
* 15.000 € au titre du préjudice moral lié aux conditions de la rupture du contrat de travail.
Ensuite,
- constater que Madame [W] exerçait les fonctions d'adjointe au responsable des employés de commerce du point de vente sis à [Localité 3].
Dès lors,
- ordonner l'application des dispositions de la convention collective, selon le statut d'agent de maîtrise, niveau V, conformément à la fonction et la qualification contractuelles de Madame [W].
En conséquence,
- fixer le salaire conventionnel de Madame [W] à :
* 2.170 € au 1er février 2014.
* 2.194 € à compter du 1er février 2015.
* 2.203 € à compter du 1er juin 2015.
* 2.236 € à compter du 1er février 2016.
* 2.274 € à compter du 1er octobre 2016.
Par suite,
- condamner la société CARNIVAR à payer à Madame [W] la somme de 26.072,95 € au titre de rappel de salaires, ce y compris les heures supplémentaires contractuelles et l'incidence congés payés.
De plus,
- constater que les sommes dues au titre du rappel de salaires n'ont pas été déclarées par la société CARNIVAR, alors même qu'elles correspondent à un travail déjà réalisé en application du contrat de travail, de telle sorte que cela cause un préjudice certain à Madame [W].
En conséquence,
- condamner la société CARNIVAR au paiement de la somme de 14.656,02 € à titre d'indemnité pour travail dissimulé.
Par ailleurs,
- constater que la société CARNIVAR a manqué à ses obligations tant légales, contractuelles que conventionnelles.
En conséquence,
- condamner la société CARNIVAR au paiement de la somme de 7.000 € à titre de réparation du préjudice lié à la mauvaise exécution des relations contractuelles et conventionnelles.
Enfin,
- condamner la société CARNIVAR à payer la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel, ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.
- dire que les intérêts de droit courent à compter du jour de la demande.
Et,
- ordonner la production et la communication des bulletins de paie rectifiés, du certificat de travail, de l'attestation pôle emploi et du solde de tout compte, sous astreinte de 150 € par jour de retard à compter de la signification de l'arrêt à venir.
Pour le surplus,
' A titre principal,
- confirmer le jugement en ce qu'il a :
Dit que le conseil de prud'hommes de Marseille est compétent pour statuer sur la demande indemnitaire au titre de la violation de l'obligation de sécurité.
Condamné la société CARNIVAR à verser à Madame [W] les sommes de :
* 15.000 € de dommages-intérêts au titre de la violation de l'obligation de sécurité.
* 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
' A titre subsidiaire,
- si par extraordinaire la cour de céans se déclarait incompétente pour statuer sur la demande d'indemnisation de Madame [W] au titre de la violation de l'obligation de sécurité, renvoyer la présente affaire par devant le tribunal judiciaire pôle social de Marseille afin qu'il soit statué sur la demande d'indemnisation de Madame [W] au titre de la violation de l'obligation de sécurité.
En tout état de cause,
- débouter la société CARNIVAR de toutes ses demandes contraires et, ou, reconventionnelles.
Suivant conclusions notifiées par voie électronique le 9 décembre 2020, la SARL CARNIVAR demande à la cour de :
- réformer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Marseille le 15 novembre 2019 en ce qu'il a dit que le conseil de prud'hommes de Marseille est compétent pour statuer sur la demande indemnitaire au titre de la violation de l'obligation de sécurité, condamné la société CARNIVAR à verser à Madame [W] les sommes de 15.000 € de dommages-intérêts au titre de la violation de l'obligation de sécurité et de 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, débouté la société CARNIVAR de l'ensemble de ses demandes plus amples ou contraires et condamné la société CARNIVAR aux entiers dépens.
- le confirmer pour le surplus,
En conséquence :
- in limine litis, vu les articles L.142-I, L 451-1 et suivants du code de la sécurité sociale, les articles L.1411 du code du travail, les articles 75 et suivants du code de procédure civile,
- faire droit à l'exception d'incompétence.
- dire et juger que la juridiction prud'homale est incompétente pour statuer sur la demande indemnitaire au titre de la violation de l'obligation de sécurité relevant de la compétence exclusive du pôle social près le tribunal judiciaire de Marseille.
- en conséquence, déclarer la demande de Madame [W] de ce chef irrecevable et la renvoyer à mieux se pourvoir.
- à tout le moins, la déclarer non fondée en son principe et en son montant et la rejeter.
Sur le fond :
A titre principal :
- dire et juger que l'employeur a parfaitement rempli son obligation de reclassement.
- dire et juger que le licenciement de Madame [W] intervenu le 31 juillet 2017 pour inaptitude définitive à son poste constatée par le médecin du travail et pour impossibilité de procéder à son reclassement, est parfaitement fondé.
- dire et juger que, eu égard aux fonctions réellement exercées par Madame [W], le poste d'adjoint responsable des employés de commerce correspond au niveau II C de la convention collective nationale de la boucherie, boucherie-charcuterie, boucherie hippophagique, triperie, commerces de volailles et gibiers du 12 décembre 1978.
- dire et juger que la société CARNIVAR n'est redevable d'aucun rappel de salaire à quelque titre que ce soit, salaire de base, heures supplémentaires, jours fériés.
- dire et juger que Madame [W] ne rapporte pas la preuve de l'existence et du montant du préjudice qu'elle réclame pour exécution défectueuse du contrat de travail et non respect des dispositions conventionnelles.
- dire et juger que Madame [W] ne rapporte pas la preuve d'un quelconque travail dissimulé.
En conséquence :
- débouter Madame [W] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions.
A titre infiniment subsidiaire :
- dire et juger que Madame [W] ne rapporte pas la preuve d'un préjudice pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à hauteur de 85.000 €.
- en conséquence, ramener à de plus justes proportions l'indemnisation sollicitée par Madame [W] et la limiter à 12 mois de salaire, sur le fondement de l'article L.1226-15 du code du travail, soit la somme de 21.088,20 €.
- dire et juger que Madame [W] ne rapporte pas la preuve d'un préjudice moral distinct de celui qu'elle réclame sur le fondement de l'article L.1226-15 du code du travail.
- en conséquence, la débouter de sa demande de dommages-intérêts de ce chef.
- dire et juger que Madame [W] a été remplie de ses droits au titre de l'indemnité de licenciement et de l'indemnité de préavis.
- en conséquence, la débouter de ses demandes de ces chefs.
- dire et juger que Madame [W] ne justifie pas du montant de sa demande de rappel de salaire.
- en conséquence, la débouter de sa demande de ce chef.
- dire et juger que le paiement d'un rappel de salaire ne pourrait donner lieu qu'à l'établissement d'un nouveau bulletin de salaire émis à la date effective de paiement.
- dire et juger que l'astreinte ne saurait courir qu'à l'issue d'un délai d'un mois suivant notification de la décision à intervenir afin de permettre matériellement à la société CARNIVAR de s'exécuter et la ramener à de plus justes proportions.
- dire et juger que le point de départ des éventuels intérêts de droit des créances à caractère indemnitaire ne saurait être antérieur à la date de la décision à intervenir.
Reconventionnellement, dans tous les cas :
- condamner Madame [W] à payer à la société CARNIVAR la somme de 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles d'appel.
- la condamner aux entiers dépens de première instance et d'appel.
MOTIFS DE LA DÉCISION
I. Sur les demandes relatives à l'exécution du contrat de travail
1. Sur la demande de rappel de salaire
Alors qu'elle disposait de la classification de responsable adjoint des employés de commerce, niveau II C, Madame [W] sollicite la classification, issue de la convention collective nationale de la boucherie, boucherie-charcuterie, boucherie hippophagique, triperie, commerces de volailles et gibiers du 12 décembre 1978, d'agent de maîtrise, niveau V, responsable de point de vente adjoint.
Elle soutient qu'elle ne disposait pas d'un traitement équivalent aux autres salariés de même classification professionnelle ; qu'elle assistait le responsable des employés de commerce ' et donc du point de vente ' et qu'elle était susceptible de le suppléer dans certaines de ses tâches ; qu'elle participait directement et garantissait la participation de l'ensemble du personnel de vente au bon fonctionnement du point de vente, au respect des normes (professionnelles, sanitaires, sécuritaires) applicables au sein du point de vente ; qu'elle procédait à l'ouverture et à la fermeture du point de vente, disposait de l'ensemble des clés du point de vente, ce y compris les clés du coffre, et avait un rôle managérial d'encadrement du personnel (elle assistait et suppléait le responsable du point de vente) et non de simples tâches d'exécution ; que la convention collective retient une définition extensive et non limitative du « point de vente », de telle sorte que la seule circonstance qu'elle ait été adjointe du responsable d'un magasin, d'une place de marché ou d'un stand suffit à lui voir attribuer le niveau V de la convention collective ; que les fonctions de gérant ne doivent pas être confondues avec celles de responsable d'un point de vente dont elle était l'adjointe ; que la société CARNIVAR exerce une activité de boucherie qui ne diffère en rien des activités traditionnelles des boucheries artisanales plus habituelles et les dispositions de la convention collective de la boucherie, boucherie charcuterie, boucherie hippophagique, triperie, commerces de volailles et gibiers sont particulièrement explicites et n'appellent aucune interprétation, de telle sorte qu'il convient de les voir appliquer à son cas. Madame [W] indique qu'elle ne demande pas de requalifier ses fonctions mais d'ordonner l'application des dispositions conventionnelles conformes à ses fonctions contractuelles et plus favorables aux normes conventionnelles revendiquées par l'employeur.
La SARL CARNIVAR fait valoir que Madame [W] ne produit aucun élément pour démontrer une inégalité de traitement ou le bien fondé de sa demande de classification de son emploi. La SARL CARNIVAR soutient que Madame [W] a occupé le poste d'adjoint responsable des employés de commerce, poste créé par la société pour répondre précisément à ses besoins et qui ne rentre donc pas strictement dans le grille conventionnelle issue de la convention collective, et non le poste de responsable de point de vente adjoint. La SARL CARNIVAR conteste le fait que Madame [W] relève de la classification revendiquée en ce que la salariée n'a jamais exercé les tâches et responsabilités ou n'a jamais bénéficié de l'autonomie qui s'y rattachent, comme l'indique l'avenant au contrat de travail du 24 février 2009 - notamment elle ne disposait pas de délégations de pouvoirs-, d'autant qu'un responsable des employés de commerce, et a fortiori son adjoint, n'a pas à gérer le fonctionnement du point de vente ni à procéder à la gestion du personnel. La SARL CARNIVAR conclut que, compte tenu de la spécificité de l'entreprise, il n'existe aucun poste de responsable de point de vente et de responsable de point de vente adjoint au sens de la convention collective et les fonctions exercées par Madame [W] sont conformes à celles mentionnées sur la fiche de poste d'adjoint responsable des employés de commerce.
*
Madame [W], qui conclut d'abord qu'elle ne disposait pas d'un traitement équivalent aux autres salariés de même qualification professionnelle, ne soumet à la cour aucun élément de fait susceptible de caractériser une inégalité de rémunération à son encontre et se contente de procéder par simples affirmations.
De plus, il appartient au salarié qui se prévaut d'une classification conventionnelle différente de celle dont il bénéficie au titre de son contrat de travail, de démontrer qu'il assure, de façon permanente, dans le cadre de ses fonctions, des tâches et responsabilités relevant de la classification qu'il revendique.
Déterminer la classification dont relève un salarié suppose l'analyse de la réalité des fonctions par lui exercées, au vu des éléments qu'il produit et de ceux produits par l'employeur, et leur comparaison avec la classification de la convention collective nationale applicable.
Il ressort de l'avenant au contrat de travail du 24 février 2009 que Madame [W] a été promue au poste d'adjointe responsable des employés de commerce qui implique les attributions suivantes:
'AU NIVEAU DES RAYONS :
- Faire la mise en place de la marchandise.
- Veiller à la rotation des produits ultra frais, fromages et charcuterie.
- Respect des dates de consommation et réassortiment des rayons.
- Rangement des rayons à la fermeture.
AU NIVEAU DES FRIGOS
- Assurer et contrôler la propreté et le rangement des frigos.
AU NIVEAU DES STOCKS
- A la demande du ou de la Responsable des ELS, établir les commandes et participer au contrôle des marchandises réceptionnées et commandées.
Mlle [R] [W] fera respecter les conditions d'hygiène et de sécurité'.
A l'issue des négociations annuelles obligatoires et selon le procès-verbal de NAO du 16 décembre 2013, il a été convenu que, compte tenu des spécificités de la société, à savoir une distribution à 100 % en libre service, 'un responsable et un adjoint responsable des employés de commerce comme un responsable boucher ne peuvent prétendre à la définition que la convention collective établit au titre de responsable, adjoint de point de vente'. Ainsi, il a été décidé que le niveau applicable au poste de responsable et d'adjoint responsable des employés de commerce sera le niveau II, échelon C, à compter du 1er janvier 2014.
Nonobstant cet accord collectif, Madame [W] revendique l'application des dispositions de la convention collective nationale de la boucherie, boucherie charcuterie, boucherie hippophagique, triperie, commerces de volailles et gibier et soutient que son poste relève du niveau V de grille de classification des emplois issue de l'avenant du 31 mai 2011 qui vise le poste de responsable de point de vente adjoint et qui prévoit : 'Le responsable de point de vente adjoint assiste dans toutes ses tâches le responsable de vente (niveau VII, échelon A), il peut le suppléer dans certaines de ses tâches. II peut également assurer le fonctionnement normal d'un point de vente sous une responsabilité hiérarchique', le responsable de vente, niveau VII, échelon A assurant 'la gestion complète (embauche, fixation du salaire, répartition des tâches, pouvoir disciplinaire) du personnel du point de vente'.
Or, en l'absence de tout document émanant de la salariée permettant de vérifier la réalité des fonctions exercées, force est de constater que Madame [W] ne produit aucune pièce de nature à démontrer qu'elle assurait, de façon permanente, dans le cadre de ses fonctions, des tâches et responsabilités relevant de la classification de niveau V qu'elle revendique, à savoir qu'elle assistait bien un supérieur hiérarchique de niveau VII, échelon A et qu'elle assurait, dans ce cadre, le fonctionnement normal du point de vente auquel elle était affectée.
Enfin, les tâches figurant dans l'avenant au contrat de travail et dans la fiche de poste sont conformes à celles d'un emploi de niveau II C pour lequel Madame [W] a perçu la rémunération conventionnelle correspondante de sorte qu'elle ne saurait soutenir que des dispositions conventionnelles seraient plus favorables aux normes revendiquées par l'employeur.
Dans ces conditions, il convient de rejeter la demande de classification de son emploi et de rappel de salaire subséquent.
De plus, concluant qu'elle n'a pas été rémunérée de l'ensemble de ses heures ni à hauteur des minima conventionnels, de sorte qu'une partie de sa rémunération n'a pas été déclarée, Madame [W] sollicite une indemnité pour travail dissimulé. Elle précise, concernant l'élément intentionnel, que la SARL CARNIVAR a volontairement vicié ses droits aux fins de réaliser des économies d'échelle importantes.
Cependant, outre le fait que Madame [W] ne développe, ni en droit ni en fait, le moyen selon lequel elle n'a pas été rémunérée de l'ensemble de ses heures, il a été jugé que Madame [W] ne peut revendiquer le niveau V de la convention collective ainsi que le rappel de salaire qui en découle et qu'elle a bien été rémunérée à hauteur du salaire conventionnel II C correspondant à sa classification contractuelle. Enfin, elle ne produit aucun élément démontrant que ses droits salariaux auraient été viciés.
La demande sera donc rejetée.
2. Sur la demande de dommages-intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité
Madame [W] conclut que, victime de vols à mains armées sur son lieu de travail, la SARL CARNIVAR n'a pris aucune disposition pour préserver sa santé, conformément aux exigences de l'article L.4121-1 du code du travail. Elle demande la somme de 15.000 € à titre de dommages-intérêts pour manquement de l'employeur à son obligation de sécurité et soutient qu'il appartiendra à la cour d'arbitrer sur la compétence du juge prud'homal.
La SARL CARNIVAR soulève l'incompétence du juge prud'homal s'agissant d'une demande tendant à la reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur, compétence exclusive du pôle social du tribunal judiciaire.
*
Sous couvert d'une action en responsabilité à l'encontre de l'employeur, la salariée demande en réalité la réparation du préjudice résultant de l'accident du travail dont elle a été victime. Or, une telle action ne peut être portée que devant le pôle social du tribunal judiciaire, la juridiction prud'homale étant incompétente pour en connaître.
Il convient donc de retenir l'exception d'incompétence et de renvoyer Madame [W] a saisir la juridiction compétente.
3. Sur la demande de dommages-intérêts pour exécution fautive du contrat de travail
Madame [W] conclut que l'employeur a commis des manquements contractuels, conventionnels et légaux et qu'il a fait preuve d'une déloyauté qu'il affirme encore aujourd'hui dans l'exécution du contrat.
Cependant, aucun manquement contractuel, conventionnel et légal de la part de la SARL CARNIVAR dans l'exécution du contrat de travail n'est démontré par Madame [W] de sorte que la demande de dommages-intérêts sera rejetée.
II. Sur le licenciement
Madame [W] soutient que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse aux motifs de la violation par l'employeur de son obligation de reclassement, d'une part, et de son obligation de sécurité à l'origine de son inaptitude, d'autre part.
1. Sur le manquement à obligation de reclassement
Madame [W] soutient que :
- la SARL CARNIVAR était tenue de faire des propositions de reclassement auprès de tous les autres établissements, et à tout poste de travail, à l'exclusion de celui d'adjoint responsable des employés de commerce et que, pour autant, elle s'est limitée à lui proposer d'occuper, sur un autre établissement, situé à [Localité 6], le même poste d'adjoint responsable des employés de commerce avec les mêmes attributions, à l'exclusion de tout autre poste, fonctions ou aménagements et ce en violation des recommandations de la médecine du travail et de ses obligations légales strictes.
- la SARL CARNIVAR n'a pas consulté le médecin du travail pour recueillir ses observations sur les postes pouvant être proposés.
- la SARL CARNIVAR, qui procède par simple voie d'affirmations et qui ne produit qu'une seule proposition de reclassement, ne peut être légitime à soutenir qu'elle aurait procédé à des recherches de reclassement interne sérieuses en ce qu'elle n'a envisagé aucune autre proposition de poste compatible avec les recommandations du médecin du travail alors même que les établissements et les postes sont nombreux au sein de la société,
qu'elle n'a réalisé aucune étude relative à une transformation de poste ou un aménagement du temps de travail, qu'elle n'a effectué aucune recherche relative à une éventuelle formation ou à un stage de reclassement professionnel.
- la SARL CARNIVAR ne communique pas son registre du personnel ni celui de ses établissements et n'est pas en mesure de démontrer qu'elle a mis tous les moyens utiles et sérieux pour répondre à son obligation de moyens renforcée de la reclasser alors que son inaptitude trouve sa source dans l'accident de travail dont elle a été victime.
- la SARL CARNIVAR était tenue de faire des démarches auprès de l'ensemble des entités appartenant au groupe CARNIVAR ou à l'Unité Economique et Sociale et force est de constater qu'aucune démarche n'a été entreprise auprès de la société mère ' la société GROUPE CARNIVAR ' ou auprès des sociétés filiales du groupe ' notamment la société SAPRIMEX.
La SARL CARNIVAR conclut qu'au contraire, elle a parfaitement respecté son obligation en ce qu'elle a interrogé la salariée sur ses connaissances, compétences, formations ou savoir-faire ; qu'elle a procédé à des recherches de reclassement sur l'ensemble du groupe composé de la société CARNIVAR et la société SAPRIMEX ; que la SARL CARNIVAR est composée uniquement de magasins répartis sur le sud-est de la France et Madame [W] n'avait pas les compétences requises pour occuper un poste en laboratoire, nécessitant un CAP en boucherie ; qu'elle a proposé à Madame [W] le poste d'adjoint responsable des employés de commerce sur l'établissement de [Localité 6] qui a été refusé par la salariée ; que la SAS SAPRIMEX, qui assure le conditionnement et le transport de produits carnes, ne dispose d'aucun point de vente mais d'une usine située à [Localité 5] au sein de laquelle aucun poste correspondant aux compétences professionnelles de Madame [W] n'était à pourvoir ; que la holding GROUPE CARNIVAR, qui assure la gestion du groupe et des sociétés la composant, ne propose que des postes de nature administrative (service RH, comptabilité) et aucun poste ne correspondait aux compétences professionnelles de Madame [W] ; qu'elle a procédé à une recherche de reclassement externe en interrogeant des sociétés ayant un lien étroit avec elle.
*
Aux termes de l'article L 1226-10 du code du travail, dans sa version applicable au litige, lorsque le salarié, victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle, est déclaré inapte par le médecin du travail, en application de l'article L.4624-4, à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités, au sein de l'entreprise ou des entreprises du groupe auquel elle appartient le cas échéant, situées sur le territoire national et dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel.
Cette proposition prend en compte, après avis du comité économique et social, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur les capacités du salarié à exercer l'une des tâches existant dans l'entreprise. Le médecin du travail formule également des indications sur l'aptitude du salarié à bénéficier d'une formation le préparant à occuper un poste adapté.
L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, aménagements, adaptations ou transformations de postes existants ou aménagement du temps de travail.
Pour l'application du présent article, la notion de groupe désigne le groupe formé par une entreprise appelée entreprise dominante et les entreprises qu'elle contrôle dans les conditions définies à l'article L. 233-1, aux I et II de l'article L. 233-3 et à l'article L. 233-16 du code de commerce.
La recherche de reclassement doit être réelle, sérieuse et loyale. Elle s'apprécie au regard de la taille de l'entreprise ou du groupe auquel elle appartient et de la position prise par le salarié déclaré inapte par le médecin du travail.
C'est à l'employeur de démontrer qu'il s'est acquitté de son obligation de reclassement, laquelle est de moyens, et de rapporter la preuve de l'impossibilité de reclassement qu'il allègue.
Pour démontrer qu'elle a satisfait à son obligation, la SARL CARNIVAR produit :
- un courrier adressé le 2 juin 2017 à Madame [W] pour solliciter la communication d'un curriculum vitae et la réponse de Madame [W] du 16 juin 2017.
- un courrier du 28 juin 2017 adressé à Madame [W] pour lui proposer le poste de reclassement d'adjoint responsable des employés de commerce sur l'établissement de [Localité 6] et le courrier du 10 juillet 2017 de Madame [W] par lequel elle refuse cette proposition.
- des courriers adressés aux sociétés EUROPAGRO, TROPAL VIANDES, COMPAGNIE D'ABATTAGE DE BOURG et les réponses de ces sociétés.
Ces seuls éléments ne suffisent pas à démontrer que la SARL CARNIVAR ne disposait pas d'emplois aussi comparables que possible à l'emploi précédemment occupé par Madame [W], tant en son sein qu'au sein entreprises du groupe dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation permettaient, en raison des relations qui existaient entre elles, d'y effectuer la permutation de tout ou partie du personnel. Ils ne démontrent pas davantage l'effectivité des recherches de reclassement auprès desdites sociétés du groupe tel que défini par la loi. Enfin, la SARL CARNIVAR ne verse aucun élément ni registre du personnel de nature à démontrer qu'elle n'avait pas pu, au besoin par la mise en 'uvre de mesures telles que mutations, transformations de postes de travail ou aménagement du temps de travail, reclasser la salariée dans un emploi approprié à ses capacités au terme d'une recherche sérieuse effectuée tant au sein de l'entreprise que des entreprises du groupe.
Ainsi, au regard de sa taille et du groupe auquel elle appartient, la SARL CARNIVAR ne justifie pas qu'elle a procédé à une recherche de reclassement de la salariée réelle, sérieuse et loyale.
Dans ces conditions, le licenciement de Madame [W] est sans cause réelle et sérieuse.
Madame [W] invoque, outre le préjudice lié à la perte de son emploi, un préjudice matériel, financier et économique, à hauteur de près de 30.000 € par an, ainsi que les incidences sur la perte du bénéfice de la protection sociale, de ses droits à la retraite, des perspectives d'évolution professionnelle et des avantages liés à l'ancienneté acquise au sein de l'entreprise justifiant la somme de 85.000 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et la somme de 10.000 € à titre d'indemnité pour préjudice moral lié à son exclusion brutale du milieu socio-professionnel et à un sentiment de dévalorisation ressenti par elle.
En application des dispositions de l'article L1235-3 du code du travail, et compte tenu de son âge au moment de la rupture du contrat de travail (52 ans), de son ancienneté (15 ans), de sa qualification, de sa rémunération (1.757,35 €), des circonstances de la rupture mais également de l'absence de justification de période de chômage qui s'en est suivie ou d'un quelconque autre préjudice matériel, financier et économique, il convient d'accorder à Madame [W] une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse d'un montant de 21.088,20 € laquelle portera intérêt au taux légal à compter du présent arrêt.
Madame [W] est en droit d'obtenir l'indemnité compensatrice de préavis de 3.514,70 €, somme qu'elle a perçue comme en justifie le bulletin de salaire du mois de juillet 2017. De même, il ressort du dit bulletin de salaire qu'elle a perçu la somme de 13.537,21 € au titre de l'indemnité de licenciement de sorte qu'elle n'est plus fondée à en réclamer un autre paiement.
Madame [W] ne produit aucune pièce justifiant de l'existence et de l'ampleur du préjudice moral qu'elle allègue. La demande de dommages-intérêts formulée à ce titre sera donc rejetée.
La remise d'une attestation Pôle Emploi, d'un certificat de travail et d'un bulletin de salaire rectificatif conformes à la teneur du présent arrêt s'impose sans qu'il y ait lieu de prévoir une astreinte, aucun élément laissant craindre une résistance de la SARL CARNIVAR n'étant versé au débat.
Sur l'article 700 du code de procédure civile et sur les dépens
Les dispositions du jugement relatives aux frais irrépétibles et aux dépens seront confirmées et il est équitable de condamner la SARL CARNIVAR à payer à Madame [W] la somme de 1.500 € au titre des frais non compris dans les dépens qu'elle a engagés en cause d'appel.
Les dépens d'appel seront à la charge de la SARL CARNIVAR, partie succombante par application de l'article 696 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant par arrêt contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2ème alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et en matière prud'homale,
Infirme le jugement déféré en ses dispositions ayant fait droit à la demande de dommages-intérêts au titre de la violation de l'obligation de sécurité et ayant rejeté les demandes tendant à dire le licenciement sans cause réelle et sérieuse, à accorder des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et à délivrer des documents de rupture,
Le confirme pour le surplus,
Statuant à nouveau sur les chefs infirmés,
Dit que la juridiction prud'homale est incompétente pour connaître de la demande en dommages-intérêts pour manquement par l'employeur à son obligation de sécurité,
Dit que le licenciement de Madame [R] [W] est sans cause réelle et sérieuse,
Condamne la SARL CARNIVAR à payer à Madame [R] [W] la somme de 21.088,20 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse laquelle portera intérêt au taux légal à compter du présent arrêt,
Ordonne la remise par la SARL CARNIVAR à Madame [R] [W] d'une attestation Pôle Emploi, d'un certificat de travail et d'un bulletin de salaire rectificatif, conformes aux dispositions du présent arrêt,
Y ajoutant,
Condamne la SARL CARNIVAR à payer à Madame [R] [W] la somme de 1.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,
Condamne la SARL CARNIVAR aux dépens d'appel.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
Ghislaine POIRINE faisant fonction