COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 4-1
ARRÊT AU FOND
DU 26 MAI 2023
N° 2023/170
Rôle N° RG 19/18947 - N° Portalis DBVB-V-B7D-BFJH2
[Z] [R]
C/
SAS PRIMARK FRANCE
Copie exécutoire délivrée le :
26 MAI 2023
à :
Me Christelle SANTIAGO, avocat au barreau de MARSEILLE
Me Michel DOSSETTO, avocat au barreau de MARSEILLE
+ 1 copie Pôle-Emploi
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE en date du 22 Novembre 2019 enregistré au répertoire général sous le n° 19/01078.
APPELANTE
Madame [Z] [R], demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Christelle SANTIAGO, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Nathan DJIAN, avocat au barreau de Marseille
INTIMEE
SAS PRIMARK FRANCE, demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Michel DOSSETTO, avocat au barreau de MARSEILLE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 06 Février 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Stéphanie BOUZIGE, Conseiller, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller faisant fonction de Président
Madame Stéphanie BOUZIGE, Conseiller
Madame Emmanuelle CASINI, Conseiller
Greffier lors des débats : Monsieur Kamel BENKHIRA
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 26 Mai 2023.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 26 Mai 2023
Signé par Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller faisant fonction de Président, et Monsieur Kamel BENKHIRA, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
Madame [Z] [R] a été engagée par la SAS PRIMARK FRANCE suivant contrat à durée indéterminée à temps partiel du 3 juillet 2015 en qualité de vendeuse polyvalente, statut employée.
Par avenant du 1er décembre 2015, Madame [R] a travaillé dans le cadre d'un temps complet.
Par lettre du 31 mai 2018, Madame [R] a été convoquée à un entretien préalable et par lettre du 28 juin 2018, elle a été licenciée pour faute grave pour le motif suivant : 'nous avons à déplorer votre absence depuis le 29 mai 2018. Nous considérons que ces faits constituent une faute grave rendant impossible votre maintien même temporairement dans l'entreprise'.
Contestant son licenciement, Madame [R] a saisi le conseil de prud'hommes de Marseille, lequel, par jugement du 22 novembre 2019, a dit le licenciement de Madame [R] pour faute grave justifié, a débouté Madame [R] de l'ensemble de ses demandes, a débouté la SAS PRIMARK FRANCE de ses demandes plus amples ou contraires et a condamné Madame [R] aux dépens.
Madame [R] a interjeté appel de ce jugement.
Suivant conclusions notifiées par voie électronique le 17 janvier 2020, elle demande à la cour de :
- déclarer Madame [R] recevable et bien fondée en sa déclaration d'appel et en ses prétentions.
- réformer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Marseille du 22 novembre 2019.
- fixer le salaire moyen brut mensuel de Madame [R] à hauteur de la somme de 1.652,08 €.
- constater l'absence de mise en demeure préalable à la sanction disciplinaire.
- constater en tout état de cause l'absence de faute grave justifiant la mesure de licenciement prononcée.
- dire et juger que le licenciement de Madame est dépourvu de cause réelle et sérieuse.
En conséquence :
- condamner la SAS PRIMARK FRANCE à verser à Madame [R] les sommes suivantes :
* dommages-intérêts pour licenciement abusif : 5.782,28 €.
* indemnité compensatrice de préavis (2 mois) : 3.304,16 €.
* congés payés y afférents : 330,41 €.
* indemnité de licenciement : 1.204,61 €.
- condamner la SAS PRIMARK FRANCE à délivrer, sous une astreinte journalière de 100 € par document à compter de la décision à intervenir : l'attestation pôle emploi rectifiée, le certificat de travail rectifié, le bulletin de paye rectifié, le solde de tout compte rectifié.
- condamner la SAS PRIMARK FRANCE à rembourser aux organismes intéressés les indemnités de chômage versées à Madame [R], du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage.
- dire et juger que l'ensemble des sommes mises à la charge de la SAS PRIMARK FRANCE produiront intérêts au taux légal capitalisés à compter de la saisine de la juridiction de céans.
- condamner la SAS PRIMARK FRANCE aux entiers dépens de première instance et d'appel, ces derniers distraits au profit de Maître SANTIAGO, avocat sur son affirmation de droit.
- débouter la SAS PRIMARK FRANCE de toutes éventuelles demandes, fins et conclusions.
Suivant conclusions notifiées par voie électronique le 17 avril 2020, la SAS PRIMARK FRANCE demande à la cour de :
- confirmer le jugement rendu le 22 novembre 2019 par le conseil de prud'hommes de Marseille.
Et par conséquent :
- dire et juger que le licenciement de Madame [R] repose sur une faute grave.
- la débouter de toutes ses demandes, fins et conclusions.
- la condamner à verser à PRIMARK la somme de 1.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur d'appel.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Madame [R] fait valoir l'absence de mise en demeure préalable à la sanction disciplinaire alors que le règlement intérieur conditionne la sanction à une mise en demeure préalable. Elle soutient que la mise en demeure produite par l'employeur vise des faits du 24 mai 2019 alors que la lettre de licenciement vise des faits à compter du 29 mai 2018. Il ne s'agit donc pas des mêmes faits et le litige est circonscrit au seul motif évoqué dans la lettre de licenciement. Elle invoque également l'absence de faute grave en ce que le simple constat d'une absence ne peut justifier une mesure de licenciement pour faute grave au regard de son ancienneté et du fait que l'employeur connaissait ses problèmes de santé causant ses absences.
La SAS PRIMARK FRANCE soutient que Madame [R] ne conteste pas la matérialité des faits, c'est-à-dire que non seulement elle a été absente à partir du 29 mai 2018 mais encore qu'elle n'a pas prévenu l'employeur de cette absence et qu'elle n'a aucun justificatif pour expliquer son absence entre le 29 mai 2018 et le 28 juin 2018, jour de la lettre de licenciement. Elle indique déjà avoir mis en demeure Madame [R], par courrier du 24 mai 2018, de s'expliquer sur plusieurs absences injustifiées entre le mois de mars 2018 et le mois de mai 2018 et Madame [R] est loin d'avoir justifié de toutes lesdites absences en temps utile.
*
La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise pendant la durée du préavis. Elle doit être prouvée par l'employeur.
Pour démontrer la réalité, l'imputabilité à la salariée et la gravité des faits commis et reprochés dans la lettre de licenciement, la SAS PRIMARK FRANCE verse :
- le règlement intérieur qui dispose :
'ARTICLE 3.3.5 - Absences non autorisées ou injustifiées, retard non justifiés ou réitérés Toute absence injustifiée dans les 48 heures ou non autorisée, tous retards injustifiés et réitérés pourront entraîner, après mise en demeure -sauf cas de récidive, à l' encontre de leur auteur, des sanctions disciplinaires dans les conditions du Chapitre 4 des présentes'.
- une lettre recommandée du 24 mai 2018 adressée à Madame [R] qui indique :
'Madame,
Nous constatons votre absence de votre poste de travail sur les dates suivantes :
Mars 2018 : 30
Avril 2018 : 03, 11, 14, 24 et du 27 ou 28
Mai 2018 : 02, du 04 au 05, du 07 au 08
A ce jour, nous n 'avons reçu aucun arrêt de travail ni justificatif de votre part pour expliquer vos absences.
Nous vous rappelons que vous travaillez dans une équipe. Votre absence injustifiée nuit au fonctionnement de l'établissement , désorganise les plannings de travail et génère une charge de travail supplémentaire pour vos collègues.
En conséquence, nous vous mettons en demeure de nous faire parvenir un justificatif d'absence dans les plus brefs délais.
A défaut, nous serions dans l'obligation d'envisager des sanctions disciplinaires à votre encontre'.
- le planning de base des employés qui mentionne des absences injustifiées de Madame [R] les 10 et 30 mars 2018, 3, 11, 14, 24, 27 avril 2018, 2, 4, 8, 11, 21, 22, 23, 29 mai 2018 et 4, 8, 12, 22, 25 juin 2018.
Il en résulte que si Madame [R] s'était déjà vu reprocher des absences dans une précédente mise en demeure du 24 mai 2018, les pièces produites par la SAS PRIMARK FRANCE ne suffisent pas à justifier que ces absences, qui n'ont pas donné lieu à sanction disciplinaire, sont demeurées non justifiées de la part de la salariée et qu'ainsi, les faits visés dans la lettre de licenciement constituent bien une récidive des absences listées dans la lettre du 24 mai 2018.
En conséquence, dans le respect de l'article 3.3.5 du règlement intérieur, la SAS PRIMARK FRANCE devait faire précéder la mise en oeuvre de la procédure de licenciement d'une mise en demeure d'avoir à justifier son absence à compter du 29 mai 2018. A défaut le licenciement est sans cause réelle et sérieuse.
Il convient donc d'accorder à Madame [R] la somme de 3.304,16 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, la somme de 330,41 € au titre des congés payés afférents et la somme de 1.204,61 € au titre de l'indemnité légale de licenciement, sommes contestées en leur principe par l'employeur mais non en leur montant.
En application des dispositions de l'article L1235-3 du code du travail, et compte tenu du nombre de salariés employés par la SAS PRIMARK FRANCE supérieur à 11, de l'âge de Madame [R] au moment de la rupture du contrat de travail (24 ans), de son ancienneté (2 ans révolus ), de sa qualification, de sa rémunération (1.652,08 €), des circonstances de la rupture et de la période de chômage qui s'en est suivie, justifiée jusqu'au 4 février 2019, il convient de lui accorder une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse d'un montant de 5.782,28 €.
La remise d'une attestation pôle emploi, d'un certificat de travail et d'un bulletin de salaire rectificatif conformes à la teneur du présent arrêt s'impose sans qu'il y ait lieu de prévoir une astreinte, aucun élément laissant craindre une résistance de la SAS PRIMARK FRANCE n'étant versé au débat.
Sur les intérêts
Les créances salariales porteront intérêts au taux légal à compter de la réception par l'employeur de la lettre de convocation devant le bureau de conciliation, soit à compter du 26 avril 2019, et les sommes allouées de nature indemnitaire porteront intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.
Il convient d'ordonner la capitalisation des intérêts qui est de droit lorsqu'elle est demandée.
Sur le remboursement des indemnités de chômage
Les dispositions de l'article L.1235-4 du code du travail permettent, dans le cas d'espèce, d'ordonner le remboursement par la SAS PRIMARK FRANCE des indemnités chômage perçues par l'intéressée, dans la limite de six mois d'indemnités.
Le présent arrêt devra, pour assurer son effectivité, être porté à la connaissance de pôle emploi, conformément aux dispositions de l'article R.1235-2 alinéas 2 et 3 du code du travail.
Sur les dépens
La disposition du jugement relative aux dépens sera infirmée. Les dépens de première instance et d'appel d'appel seront à la charge de la SAS PRIMARK FRANCE, partie succombante par application de l'article 696 du code de procédure civile, distraits au profit de Maître SANTIAGO.
PAR CES MOTIFS
La Cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile et en matière prud'homale,
Infirme le jugement déféré sauf en sa disposition ayant rejeté l'astreinte,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Dit que le licenciement de Madame [Z] [R] est sans cause réelle et sérieuse,
Condamne la SAS PRIMARK FRANCE à payer à Madame [Z] [R] les sommes suivantes :
- 3.304,16 € au titre de l' indemnité compensatrice de préavis ,
- 330,41 € au titre des congés payés afférents,
- 1.204,61 € au titre de l'indemnité légale de licenciement,
- 5.782,28 € au titre des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
Ordonne la remise par la SAS PRIMARK FRANCE à Madame [Z] [R] d'une attestation Pôle Emploi, d'un certificat de travail et d'un bulletin de salaire rectificatif conformes à la teneur du présent arrêt,
Dit que les créances salariales porteront intérêts au taux légal à compter du 26 avril 2019 et les sommes allouées de nature indemnitaire porteront intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,
Ordonne la capitalisation des intérêts dans les conditions prévues par la loi,
Condamne la SAS PRIMARK FRANCE à procéder au remboursement à Pôle Emploi des indemnités de chômage perçues par Madame [Z] [R], dans la limite de six mois d'indemnités.
Dit que le présent arrêt sera porté à la connaissance de Pôle Emploi, conformément aux dispositions de l'article R.1235-2 alinéas 2 et 3 du code du travail.
Condamne la SAS PRIMARK FRANCE aux dépens de première instance et d'appel.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
Ghislaine POIRINE faisant fonction