La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

26/05/2023 | FRANCE | N°19/11019

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-3, 26 mai 2023, 19/11019


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-3



ARRÊT AU FOND



DU 26 MAI 2023



N° 2023/ 106



RG 19/11019

N° Portalis DBVB-V-B7D-BESCT







SA FATTON NATIONAL





C/



[J] [E]













Copie exécutoire délivrée le 26 Mai 2023 à :



-Me Joseph MAGNAN, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

V351



- Me Delphine CO, avocat au barreau de MARSEILLE































Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de MARSEILLE en date du 12 Juin 2019 enregistré au répertoire général sous le n° F18/00492.





APPELANTE



SA FATTON NATIONAL, demeurant [Adresse 5]



repré...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-3

ARRÊT AU FOND

DU 26 MAI 2023

N° 2023/ 106

RG 19/11019

N° Portalis DBVB-V-B7D-BESCT

SA FATTON NATIONAL

C/

[J] [E]

Copie exécutoire délivrée le 26 Mai 2023 à :

-Me Joseph MAGNAN, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

V351

- Me Delphine CO, avocat au barreau de MARSEILLE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de MARSEILLE en date du 12 Juin 2019 enregistré au répertoire général sous le n° F18/00492.

APPELANTE

SA FATTON NATIONAL, demeurant [Adresse 5]

représentée par Me Joseph MAGNAN de la SCP MAGNAN PAUL MAGNAN JOSEPH, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substituée par Me Aurore TALBOT, avocat au barreau de LYON

INTIME

Monsieur [J] [E], demeurant [Adresse 3]

comparant en personne, assisté de Me Delphine CO, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 21 Février 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Isabelle MARTI, Président de Chambre suppléant, chargée du rapport, qui a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre

Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller faisant fonction de Président

Madame Isabelle MARTI, Président de Chambre suppléant

Greffier lors des débats : Madame Florence ALLEMANN-FAGNI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 05 Mai 2023, délibéré prorogé en raison de la survenance d'une difficulté dans la mise en oeuvre de la décision au 26 Mai 2023.

ARRÊT

CONTRADICTOIRE,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 26 Mai 2023

Signé par Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre et Madame Florence ALLEMANN-FAGNI, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS ET PROCÉDURE

M. [J] [E] a été engagé par la société Transports Fatton à compter du 10 décembre 2012 en qualité conducteur routier selon contrat à durée indéterminée pour 152 heures par mois.

La convention collective nationale applicable était celle des transports routiers et activités auxiliaires du transport.

M. [E] était convoqué le 23 mars 2015 à un entretien préalable à une mesure de licenciement fixé au 31 mars 2015. Il était licencié pour motif économique par courrier du 20 avril 2015.

Contestant la légitimité de la mesure prise à son encontre M. [E] saisissait le 12 mars 2018 le conseil de prud'hommes de Marseille en licenciement sans cause réelle et sérieuse et en paiement d'indemnités.

Par jugement du 12 juin 2019, le conseil de prud'hommes en la formation de départage a statué comme suit :

« Dit que la société S .A Fatton National est le seul employeur de [J] [E],

Met hors de cause la société S.A Transports Fatton

Dit que le licenciement de [J] [E] est sans cause réelle et sérieuse,

Fixe la moyenne du salaire mensuel à la somme de 2 288 euros bruts,

Condamne la société S.A Fatton National à payer à [J] [E] la somme de 16.000 euros de licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Condamne la société S.A Fatton National à rembourser à l'organisme Pôle Emploi les indemnités de chômage perçues par [J] [E] à hauteur de six mois,

Précise que :

- les condamnations concernant des créances de nature indemnitaire porteront intérêt au taux légal à compter de la présente décision,

- toutes les condamnations bénéficieront de la capitalisation des intérêts dans les conditions prévues à l'article 1343-2 du Code Civil,

Dit n'y avoir lieu à l'exécution provisoire des dispositions du présent jugement qui ne sont pas de plein droit exécutoires par provision,

Condamne la société S.A.Fatton National à payer à [J] [E] la somme de 1000 euros en application de l'artic1e 700 du code de procédure civile,

Rejette toute autre demande,

Condamne la société S.A. Fatton National aux dépens».

Par acte du 8 juillet 2019 le conseil de la société Fatton National a interjeté appel de cette décision.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Aux termes de leurs dernières conclusions communiquées au greffe par voie électronique le 19 mars 2020, la société Fatton National demande à la cour de :

« Prononcer la mise hors de cause de la Société Transport P Fatton,

Et,

Infirmant le jugement sur le bien-fondé du licenciement ,

Constater les difficultés économiques de la société Fatton National,

Dire et Juger que la société Fatton National a régulièrement mis en 'uvre les critères d'ordre de licenciement,

Dire et Juger que la Société Fatton National a rempli son obligation de recherche préalable de reclassement de manière loyale et sérieuse,

En conséquence,

Dire et Juger le licenciement pour motif économique de Monsieur [E] repose sur une cause réelle et sérieuse et le débouter de sa demande.

Confirmant le jugement sur la priorité de réembauchage,

Dire et Juger que la Société Fatton National a parfaitement respecté son obligationconcernant la priorité de réembauchage de Monsieur [E]

En conséquence,

Débouter Monsieur [E] de sa demande.

Subsidiairement, sur le quantum des demandes

Réduire à six mois de salaire le montant des dommages-intérêts alloués à Monsieur [E] au titre de la rupture de son contrat de travail.

Réduire à deux mois de salaire le montant des dommages-intérêts alloués à Monsieur [E] au titre de la priorité de réembauchage.

En tout état de cause, sur l'article 700 du Code de procédure civile

Condamner Monsieur [E] à payer la somme de 1.500 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance ».

Dans ses dernières écritures communiquées au greffe par voie électronique le 2 janvier 2020, M. [E] demande à la cour de :

« Accueillir Monsieur [E] dans l'ensemble de ses demandes

I. A titre liminaire : sur la définition de l'employeur

Constater la confusion entre les sociétés Transport P Fatton et Fatton National tout au long de la procédure de licenciement économique intervenue

Constater la confusion entre les sociétés Transport P Fatton et Fatton National en cours d'instance Réformer le Jugement de 1ère instance en ce qu'il considère que seule la société Fatton National est l'employeur de l'intimé

Prononcer la condamnation In Solidum des sociétés Transport P Fatton et Fatton National

II. A titre principal : sur le motif économique du licenciement

Confirmer la décision de 1ère instance en ce que le Juge départiteur a constaté l'absence de motif économique du licenciement

Par conséquent,

Dire et Juger que le licenciement de Monsieur [E] est dépourvu de cause réelle et sérieuse

Réformer le quantum de la condamnation prononcée

Et

Condamner l'employeur au paiement de 24.000 € au titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

III. A titre subsidiaire : sur l'obligation de reclassement

Constater l'insuffisance de recherche de reclassement effectué par l'employeur

Constater l'imprécision de la proposition de reclassement formulée à Monsieur [E]

Constater l'absence de proposition de plusieurs postes de reclassements disponibles et compatibles avec les fonctions de Monsieur [E]

Par conséquent,

Dire et Juger que le licenciement de Monsieur [E] est dépourvu de cause réelle et sérieuse

Condamner l'employeur au paiement de 24.000 € au titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

IV. En tout état de cause : sur la priorite de réembauchage

Infirmer la décision de 1ère instance en ce que la priorité de réembauchage a été considérée comme respectée.

Constater le non-respect de la priorité de réembauchage

Par conséquent,

Condamner l'employeur au paiement de la somme de 10.000 € à titre de dommages et intérêts pour non-respect de la priorité de réembauchage.

V. Condamner l'employeur au paiement de la somme de 3.000 € à Monsieur [E] au titre de l'article 700 du CPC, ainsi qu'aux entiers dépens.

VI. Ordonner la capitalisation des intérêts à compter de la saisine du Conseil de prud'hommes de Marseille ».

Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer à leurs écritures susvisées.

MOTIFS DE LA DECISION

A titre liminaire, la cour rappelle qu'en application des dispositions de l'article 954 du code de procédure civile , elle ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et que les « dire et juger» et les «constater» ainsi que les «donner acte» ne sont pas des prétentions en ce que ces demandes ne confèrent pas de droit à la partie qui les requiert hormis les cas prévus par la loi; en conséquence, la cour ne statuera pas sur celles-ci, qui ne sont en réalité que le rappel des moyens invoqués.

Sur le transfert du contrat de travail

Le salarié soutient que le transfert de son contrat de travail n'a été porté à sa connaissance qu'au jour de son licenciement et que ni la société transport P. Fatton, ni la société Fatton National ne sont en mesure de verser au débat des éléments permettant de démontrer clairement que le transfert d'activité d'une société à l'autre était effectif avant son licenciement.

Les sociétés font valoir que lorsque la procédure de licenciement pour motif économique a été initiée, le contrat de travail du salarié avait bien été transféré à la société Fatton National.

Les dispositions de l'article L.1224-1 du code du travail, interprétées à la lumière de la directive 2001/23 du 12 mars 2001, s'appliquent en cas de transfert d'une entité économique autonome qui conserve son identité et dont l'activité est poursuivie ou reprise.

Lorsqu'une branche d'activité formant une entité économique autonome est transférée, les salariés qui, au jour du transfert, sont affectés à cette partie de l'entreprise pour l'exécution de leur tâche habituelle passent au service du cessionnaire.

Le transfert d'une entité économique autonome s'opère à la date à laquelle nouvel exploitant est mis en mesure d'assurer la direction de cette entité.

En l'espèce, dans le but d'harmoniser le fonctionnement du groupe Fatton un projet d'apport partiel d'actifs de la branche complète et autonome d'activité 'route nationale ' de la SA Fatton a été envisagé avec la société Fatton National, les branches route transférées étant celles de l'agence logistique de [Localité 4] et de [Localité 1].

Ce projet prévoyait un transfert automatique des contrats de travail pour les salariés non protégés pour rejoindre leur nouvel employeur Fatton national à la date d'effectivité de l'opération dans la mesure où le transfert n'entraînait aucune modification de leur contrat de travail et notamment aucun changement de lieu de travail.

Le comité d'entreprise de la société Transports P. Fatton en réunion extraordinaire le 9 juillet 2014 a donné un avis favorable à ce projet conformément aux dispositions de l'article L.2323-15 du code du travail.

L'apport partiel d'actifs a été signé le 18 décembre 2014 entre la SA Fatton et la société Fatton National sous certaines conditions suspensives ( augmentation du capital social de la société Fatton National en numéraire par la création d'actions nouvelles, réduction du capital social de la société par absorption partielle des pertes et par réduction de la valeur nominale des actions existantes, approbation de l'opération d'apport et de l'augmentation du capital en résultant ) et sous réserve d'absence d'opposition des créanciers formulée dans le délai légal. L'acte a été déposé au greffe du tribunal de commerce de Lyon à la même date et publié au Bodacc le 28 décembre 2014.

Le journal d'annonces judiciaires et légales mentionne que l'assemblée générale mixte du 30 janvier 2015 a augmenté le capital social le portant au montant prévu, réduit le capital social par résorption de perte et approuvé le projet d'apport partiel d'actifs signé le 18 décembre 2014 avec la société Transports P. Fatton et pris acte de la modification du commissaire aux comptes.

Les tiers disposaient d'un délai de 10 jours pour toute opposition.

Ces éléments attestent qu'à l'issue du délai de recours, soit au 1er mars 2015, la société Fatton National assumait pleinement la direction de l'entité économique, la responsabilité et les moyens d' exploitation affectés à l'activité route lui ayant été transférés.

Le conseil d'administration de la SA Fatton National a ainsi constaté le 17 mars 2015 la réalisation définitive de la réduction du capital et de l'apport partiel d'actif et du montant final du capital par avis publié dans le bulletin d'annonces légales du 8 mai 2015. (Pièce intimée 1.1, 1.10, 1.12).

En l'état la cour constate donc que le transfert d'activité de la branche complète et autonome d'activité 'route nationale ' a entraîné le transfert de plein droit des contrats de travail des salariés affectés à l'activité transférée, que l'information concernant ce transfert mettant en jeu l'application de l'article L .1244-1 du code du travail a été fait lors de la consultation préalable du comité d'entreprise de la société Transports P. Fatton, la société n'ayant pas à avertir individuellement les salariés.

Il s'ensuit que M. [E] apparaît dans les effectifs des salariés transférés au 1er mars 2015 sur l'extrait du registre du personnel de la société Fatton National, un bulletin de salaire lui ayant été remis par la société Fatton National pour le mois de mars 2015 (Pièce1.13 et 2.8 appelant).

C'est donc à tort que l'appelant considère que la société Fatton National n'était pas employeuravant le 17 mars 2015 alors que la mesure de licenciement a été initiée le 23 mars 2015 et concrétisée le 21 avril 2015, de sorte que le salarié doit être débouté de ses demandes à l'égard de la société Transport P. Fatton.

La cour confirme la décision entreprise sur ce point.

Sur le licenciement

En vertu des dispositions de l'article L.1232-6 du Code du travail, la lettre de licenciement comporte l'énoncé du ou des motifs invoqués par l'employeur ; la motivation de cette lettre fixe les limites du litige.
 

En l'espèce, la lettre de licenciement était libellée dans les termes suivants :

Nous faisons suite à l'entretien préalable à un éventuel licenciement économique du mardi 31 mars 2015. Au cours de notre entretien, nous vous avons remis une note économique concernant le projet de licenciement économique et nous vous exposé les raisons nous conduisant à envisager votre licenciement économique, tels que justifiés par les éléments suivants :

Notre client, la société LOGISTA, dont l'activité principale est la distribution du tabac, se trouve aujourd'hui en situation économique difficile en raison du marché du tabac en forte baisse.

Après la suppression par la société LOGISTA de l'une des tournées qui nous avait été confiée en 2014, notre société s'est trouvée confrontée à des pertes importantes, pouvant être catastrophiques pour l'établissement de [Localité 1]. C'est la raison pour laquelle les deux sociétés se sont rencontrées et négociées le 15 janvier dernier une rupture des relations commerciales au 13 mars 2015.

Ce trafic représentait 40% du CA de l'établissement de [Localité 1], et cela s'inscrit dans un contexte économique très difficile pour l'activité transport routier du groupe (qui est en baisse constante et subit des résultats déficitaires depuis quelques années).

Ainsi, la conséquence directe de cette suppression totale des relations commerciales avec LOGISTA, est la suppression des postes des conducteurs et de manutentionnaires.

En tenant compte de l'ancienneté de service dans l'entreprise, de la situation et des charges familiales, ainsi que des qualités professionnelles, nous n'avons eu d'autre choix que celui d'envisager une mesure de licenciement économique vous concernant.

Parallèlement, nous vous avons communiqué des offres de reclassement par courrier du 23 mars 2015 auxquels vous n'avez pas donné suite, comme vous l'avez confirmé à votre responsable hiérarchique.

Il en résulte une impossibilité pour l'entreprise et plus largement pour le groupe auquel elle appartient, de vous réaffecter dans un poste correspondant à celui que vous exercez actuellement ou d'envisager un autre reclassement correspondant à vos capacités professionnelles.

Nous vous avons proposé le 31 mars 2015 d'adhérer à un contrat de sécurisation professionnelle (CSP). Nous vous rappelons que vous disposiez, depuis cette date, d'un délai de réflexion de 21 jours, soit jusqu'au 21 avril 2015 inclus pour nous faire part de votre choix.

En date du 13 avril 2015, vous avez accepté d'adhérer à ce dispositif, et votre contrat de travail est donc réputé rompu d'un commun accord à la date d'expiration de votre délai de réflexion, soit le 21 avril 2015 et le préavis ne sera pas effectué.

Nous vous rappelons que toute contestation portant sur la rupture de votre contrat de travail ou son motif se prescrit par 12 mois à compter de votre adhésion au contrat de sécurisation professionnelle.

Durant l'année qui suivra la fin de votre contrat de travail, vous bénéficierez d'une priorité de

réembauchage dans notre entreprise à condition que vous nous informiez, par courrier de votre désir d'en user. Celle-ci concerne les postes compatibles avec votre qualification et également ceux qui correspondraient à une nouvelle qualification acquise après la rupture de votre contrat de travail.

Votre solde de compte, votre certificat de travail, votre attestation employeur, ainsi que le courrier relatif à la portabilité des droits santé et prévoyance, vous parviendrons par courrier séparé très prochainement.

La société soutient que la résiliation anticipée du contrat avec la société Logista, spécialisée dans la distribution de tabac et principal client de l'établissement de [Localité 1], a entraîné d'importantes difficultés économiques, que la prestation Logista alors assurée par la société Transports P. Fattton représentait un chiffre d'affaires de 577'116 € au sein de l'agence de [Localité 1], soit 25 % du chiffre d'affaires, ce qui était considérable et que la cessation de ce contrat a rendu le contexte économique très préoccupant pour l'activité transport routier du groupe qui s'avérait être en baisse constante et qu'elle n'a pas eu d'autre choix que d'envisager la suppression des postes de conducteurs et manutentionnaires dédiés à ce client.

Le salarié fait valoir que l'argumentaire de l'employeur est fallacieux dans la mesure où la branche d'activité était bénéficiaire jusqu'à fin 2014, soit trois mois avant l'engagement de la procédure de licenciement et que l'employeur n'a pas apprécié les difficultés économiques au niveau du secteur d'activité du groupe comme l'impose la jurisprudence mais s'est contentée de se référer au seul niveau de l'établissement de [Localité 1].

Il ajoute que le groupe ne se limite pas aux entreprises nationales mais comprend également les entités internationales et que l'employeur ne rapporte pas la preuve des difficultés économiques du groupe Fatton.

Le salarié souligne que la société Logista ne voulait pas cesser toute relation contractuelle et ne souhaitait supprimer qu'une seule tournée et que le motif économique allégué a été monté de toutes pièces.

En application de l'article L1233-3 du code du travail dans sa version antérieure au 1er décembre 2016, est constitutif d'un licenciement pour motif économique, le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non-inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques ;

Lorsqu'une entreprise fait partie d'un groupe, les difficultés économiques de l'employeur doivent s'apprécier tant au sein de la société, qu'au regard de la situation économique du groupe de sociétés exerçant dans le même secteur d'activité, sans qu'il y ait lieu de réduire le groupe aux sociétés ou entreprises situées sur le territoire national.

Une réorganisation de l'entreprise ne constitue un motif de licenciement que si elle est effectuée pour sauvegarder la compétitivité de l'entreprise ou du secteur d'activité du groupe dont elle relève, en prévenant des difficultés économiques à venir et leurs conséquences sur l'emploi du salarié licencié ;

Le caractère réel et sérieux du motif économique doit être apprécié à la date de la rupture du contrat de travail.

La perte effective du client Logista invoquée par l'appelant au titre du motif économique est du 13 mars 2015 et le salarié a été convoqué à l'entretien préalable au licenciement le 23 mars 2015, soit 10 jours après la rupture des relations commerciales.

L'employeur ne peut valablement évoquer comme indiqué dans sa lettre de licenciement que «notre société s'est trouvée confrontée à des pertes importantes, pouvant être catastrophiques pour l'établissement de [Localité 1] » puisque l'impact de la résiliation du client Logista sur l'activité de la société Fatton National n'était pas encore intervenu à cette date et que la société Transports P.Fatton qui travaillait avec ce client avait dégagé un bénéfice de 197'987 € à la clôture de l'exercice 2014, aucun élément ne permettant d'établir que la perte du client Logista représentait 40 % ou même 25% de son activité.

Si le compte de résultat de la société Fatton National pour l'exercice clos au 31 décembre 2014 mentionne un déficit de 311'614 €, force est de constater que l'apport partiel d'actifs de la branche route de la société Transports P. Fatton au bénéfice de cette dernière avait pour but notamment de résorber ce déficit et au surplus de restaurer les fonds propres de la société.

Les chiffres pour l'exercice clos de 2015 démontrent à cet égard une nette amélioration de la situation financière, la société Fatton National ayant vu son chiffre d'affaires augmenter et son déficit diminuer comme l'a relevé le conseil des prud'hommes.

La cour constate par ailleurs que les motifs mentionnés dans la lettre de licenciement se limitent essentiellement à la situation au sein de l'établissement de [Localité 1] et s'il est évoqué dans la lettre de licenciement « le contexte économique très difficile pour l'activité transport routier du groupe », aucun élément ne vient pour autant étayer la situation économique de la branche transport de la société tant au niveau national et qu'international.

En conséquence, le motif économique du licenciement n'est pas démontré et le licenciement de M. [E] doit être déclaré, par voie de confirmation, sans cause réelle et sérieuse, sans qu'il soit nécessaire de statuer sur le non-respect de l'obligation de reclassement.

Sur la priorité de réembauchage

Le salarié soutient qu'il a fait connaître à la société par courrier sa volonté de bénéficier de la priorité de réembauchage mais qu'il n'a eu aucune réponse alors que sur la même période les effectifs de la société ont considérablement augmenté et que nécessairement des postes de chauffeur ont été pourvus à son détriment.

Il évoque une offre d'emploi publiée le 2 avril 2016 pour un poste de chauffeur dont la seule prérogative pour en bénéficier était la détention du permis B, poste qui ne lui aurait pas été proposé.

La société indique que l'augmentation des effectifs au sein de la société est consécutive à l'apport partiel d'actifs, que le poste de conducteur pour lequel une offre d'emploi était publiée sur la bourse interne du groupe concernant la branche logistique et requérant un permis professionnel de conduite de marchandises sur porteur que le salarié ne possédait pas.

Le salarié licencié pour motif économique bénéficie d'une priorité de réembauche durant un délai d'un an à compter de la date de rupture de son contrat de travail en vertu des dispositions de l'article L 1233 - 45 du code du travail.

La priorité de réembauche ne peut toutefois s'exercer qu'à la condition d'un poste compatible avec la qualification du salarié pendant la période de priorité.

Concernant le poste du 2 avril 2016, si ce dernier ne requérait que d'être titulaire du permis B en cours de validité, il mentionnait également que le candidat devait avoir la maîtrise de l'informatique pour renseigner les commandes, avoir une bonne connaissance de la géographie et habiter proche du secteur de [Localité 2].

Le salarié ne justifie pas avoir détenu lesdites compétences professionnelles et résidait à [Localité 1].

La cour constate que la société n'a pas manqué à son obligation de réembauchage et déboute, par voie de confirmation, le salarié.

Sur les conséquences financières du licenciement

Eu égard à l'ancienneté du salarié ( 2 ans et 5 mois ), à son âge à la date du licenciement (30 ans), au salaire de référence d'un montant, non discuté, de 2 228 euros bruts et tenant compte de la situation de M. [E] qui avait retrouvé un emploi en 2018 selon la décision déférée mais qui ne justifie pas de sa situation actuelle, la cour considère c'est par une juste appréciation de la cause que le conseil de prud'hommes a fixé à la somme de 14'000 € son indemnisation.

Toutefois, cette somme n'a pas été reprise dans son montant dans le dispositif du conseil des prud'hommes et il y a lieu d'infirmer la décision sur ce point.

Sur les autres demandes

La capitalisation des intérêts dans les conditions prévues à l'article 1343 -2 du Code civil doit être confirmée.

Le salarié doit être débouté de sa demande d'exécution provisoire qui est inopérente devant la cour d'appel.

La société qui succombe doit s'acquitter des dépens, être déboutée de sa demande faite en application de l'article 700 du code de procédure civile, et à ce titre, condamnée à payer à M. [E] la somme de 1 500 €.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, en matière prud'homale,

Confirme le jugement déféré SAUF concernant le quantum des dommages-intérêts pour licenciement sans cause et sérieuse ;

Statuant de ce chef,

Condamne la société Fatton National à payer à M.[J] [E] la somme de 14'000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Y ajoutant,

Condamne la société Fatton National à payer à M.[J] [E] la somme de 1.500 euros au titre au titre de l'article 700 du code de procédure civile

Déboute les parties du surplus de leurs demandes ;

Condamne la société Fatton National aux dépens d'appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-3
Numéro d'arrêt : 19/11019
Date de la décision : 26/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-26;19.11019 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award