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26/05/2023 | FRANCE | N°19/00984

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-3, 26 mai 2023, 19/00984


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-3



ARRÊT AU FOND



DU 26 MAI 2023



N° 2023/ 101



RG 19/00984

N° Portalis DBVB-V-B7D-BDUQ7







[F] [G]





C/



SAS LES CAMOINS

























Copie exécutoire délivrée le 26 Mai 2023 à :



-Me Marlène COULET-ROCCHIA, avocat au barreau de MARSEILLE



- Me Jérôme FERRARO, avocat au barreau de MARSEILLE >


























Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE en date du 19 Décembre 2018 enregistré au répertoire général sous le n° 16/02234.





APPELANT



Monsieur [F] [G], demeurant [Adresse 2]



repr...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-3

ARRÊT AU FOND

DU 26 MAI 2023

N° 2023/ 101

RG 19/00984

N° Portalis DBVB-V-B7D-BDUQ7

[F] [G]

C/

SAS LES CAMOINS

Copie exécutoire délivrée le 26 Mai 2023 à :

-Me Marlène COULET-ROCCHIA, avocat au barreau de MARSEILLE

- Me Jérôme FERRARO, avocat au barreau de MARSEILLE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE en date du 19 Décembre 2018 enregistré au répertoire général sous le n° 16/02234.

APPELANT

Monsieur [F] [G], demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Marlène COULET-ROCCHIA, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMEE

SAS LES CAMOINS, demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Jérôme FERRARO, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Jérôme AUGIER, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 21 Février 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Isabelle MARTI, Président de Chambre suppléant, chargée du rapport, qui a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre

Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller faisant fonction de Président

Madame Isabelle MARTI, Président de Chambre suppléant

Greffier lors des débats : Madame Florence ALLEMANN-FAGNI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 05 Mai 2023, délibéré prorogé en raison de la survenance d'une difficulté dans la mise en oeuvre de la décision au 26 Mai 2023.

ARRÊT

CONTRADICTOIRE

Prononcé par mise à disposition au greffe le 26 Mai 2023

Signé par Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre et Madame Florence ALLEMANN-FAGNI, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS ET PROCÉDURE

M. [F] [G] a été engagé à compter du 4 février 2008 par la société ' La Forezienne'exploitant une maison de retraite, en qualité d'homme d'entretien, selon contrat de travail à durée indéterminée et à temps partiel, soit 37,92 heures par mois sur 1,082 semaine par mois, du lundi au vendredi de 8 h à 12 h et de 13 h à 17 h.

Au dernier état de la relation contractuelle, le salarié exerçait les fonctions de chef d'équipe, coefficient 295, avec un salaire mensuel de base de 514,81 euros et une indemnité différentielle de 527,99 euros.

La convention collective nationale applicable était celle de l'hospitalisation privée à but lucratif du 18 avril 2002.

Le 12 juin 2015, la société proposait à M. [G] la réorganisation de ses horaires de travail sans modification de la durée globale de son temps de travail mais avec des horaires répartis tout au long du mois pour les besoins de l'entreprise.

Le 17 août 2015, la société renouvelait la demande de modification de ses horaires, précisant que le salarié disposait d'un mois pour faire connaître son acceptation ou son refus éventuel concernant ce changement d'horaire faisant application de l'article L.1222-6 du code du travail.

Le salarié faisait une contre-proposition d'horaires le 7 octobre 2015.

M. [G] était convoqué le 16 novembre 2015 à un entretien préalable à une mesure de licenciement fixé au 4 décembre 2015, entretien reporté au 7 janvier 2016 à défaut de remise de contrat de sécurisation professionnelle.

Il était licencié pour motif économique par courrier du 28 janvier 2016.

Contestant la légitimité de la mesure prise à son encontre, M. [G] saisissait le 26 septembre 2016 le conseil de prud'hommes de Marseille en rappel de salaire et en paiement d'indemnités.

Par jugement du 19 décembre 2019, le conseil de prud'hommes a statué comme suit :

« Déboute M. [G] de l'ensemb1e de ses demandes.

Déboute la SAS Les Camoins de sa demande reconventionnelle.

Condamne M. [G] aux entiers dépens ».

Par acte du 15 janvier 2019, le conseil de M. [G] a interjeté appel de cette décision.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Aux termes de ses dernières conclusions communiquées au greffe par voie électronique le 14 avril 2019, M. [G] demande à la cour de :

« Infirmer dans sa totalité le jugement du conseil des Prud'hommes de Marseille en date du 19 décembre 2018

Dire et Juger que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse

En conséquence,

Dire et Juger qu'il convient de condamner la Société Les Camoins au paiement de la somme de 29 925 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse de Monsieur [F] [G].

Condamner la Société Les Camoins au remboursement des frais engagés par Monsieur [G] pour ses vêtements et chaussures de travail à savoir la somme de 579 € à titre de rappel de salaire

Condamner la Société Les Camoins au paiement d'un rappel de salaire de 1492,13 € pour les heures complémentaires d'avril et mai 2014

Condamner la Société Les Camoins à lui verser la somme de 1.000 € à titre de dommages et intérêts pour dépassement du nombre d'heures complémentaires autorisées par la convention collective

Condamner la Société Les Camoins au paiement de la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance».

Dans ses dernières écritures communiquées au greffe par voie électronique le 1er juillet 2019, la SAS Les Camoins demande à la cour de :

« Dire M. [G] infondé en son appel,

Confirmer le Jugement entrepris dans toutes ses dispositions,

Débouter M. [G] de toutes ses demandes, fins et conclusions,

L'enjoindre, en tant que de besoin, d'avoir à produire les pièces relatives à sa situation au moment du licenciement, et notamment la justification de son autre emploi prétendument occupé,

Le condamner au paiement de la somme de 1 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ».

Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer à leurs écritures susvisées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur les heures complémentaires

1- sur le rappel de salaire

Le salarié soutient que les heures complémentaires ne lui ont pas été rémunérées au bon taux horaire et que l'employeur a ajouté une indemnité conventionnelle différentielle de 477,40 euros par mois afin de diminuer son taux horaire qui était en réalité de 27,50 €, qu'il aurait dû ainsi percevoir un salaire brut de 2 865,63 € alors qu'il n'a perçu que 1823,16 € bruts.

L'employeur fait valoir que l'indemnité conventionnelle différentielle est la simple application de l'article 4 des dispositions de la convention collective.

La convention collective de l'hospitalisation privée du 18 avril 2002 en vigueur depuis le 1er janvier 2004 en son article 4 en vigueur et étendu par arrêté du 25 octobre 2004 prévoit un mécanisme d'indemnité différentielle entre le salaire réel mensuel du salarié et le salaire mensuel conventionnel lors des différentes augmentations du salaire conventionnel, de sorte que c'est par une lecture erronée de son bulletin de salaire que le salarié considère que l'employeur aurait ajouté une indemnité conventionnelle différentielle pour diminuer son taux horaire.

Par ailleurs, l'accord du 3 juin 2014 relatif au travail à temps partiel en son article 5 en vigueur prévoit concernant le compléments d'heures :

« Conformément aux dispositions de l'article L. 3123-25 du code du travail, il pourra être proposé aux salariés à temps partiel un complément d'heures pour une période temporaire.

Les salariés ne sont pas tenus d'accepter les compléments d'heures. En conséquence, leur refus ne peut entraîner de sanction.

A l'exception du cas de remplacement d'un salarié nommément désigné, le nombre d'avenants de compléments d'heures proposé sera limité à 8 par an et par salarié dont 4 à la demande de l'employeur.

Les heures réalisées dans le cadre des compléments d'heures bénéficieront d'une majoration de 10 %.

Les heures complémentaires effectuées au-delà du complément d'heures sont majorées de 25 %.

Un avenant au contrat de travail devra être conclu comprenant :

' le nombre d'heures hebdomadaires ou mensuelles compris dans ce complément ;

' la majoration prévue ;

' la répartition de ces heures entre les jours de la semaine ou les semaines du mois, ainsi que la durée pendant laquelle ce complément d'heures s'applique.

Une information correspondant à la qualification souhaitée sera faite par affichage au sein de l'entreprise ou de l'établissement en cas de sites distincts, indiquant :

' la durée du complément d'heures et la date d'effet ;

' le nombre d'heures à effectuer chaque semaine ou chaque mois ;

' la rémunération de ces heures (intégrant la majoration prévues ci-dessus).

Si plusieurs candidatures correspondant à la qualification sollicitée sont transmises à l'employeur, les demandes seront satisfaites selon les priorités suivantes :

' horaires de travail les plus faibles ;

' et en cas d'égalité, les charges de famille (notamment famille monoparentale, personnes à charge...) ».

L'article 6 précise « Dans l'article 5.2.2 de la section 3 du chapitre II 'Heures complémentaires' de l'accord de branche sur la réduction du temps de travail, l'avant-dernier alinéa est abrogé et remplacé par la phrase suivante :

« Les heures complémentaires effectuées au-delà de l'horaire contractuel sont majorées conformément aux dispositions légales applicables au 1er janvier 2014, soit 10 % dans la limite du dixième de la durée hebdomadaire ou mensuelle, ou calculée sur la période prévue par un accord collectif conclu sur le fondement de l'article L. 3122-2 du code du travail, et 25 % au-delà.»

En l'espèce, le salaire de base du mois d'avril 2014 mentionne 90 heures à 13,580 €, soit la somme de 1221,86 euros (hors indemnités ancienneté et différentielle) attestant que la majoration des heures complémentaires ainsi que les heures supplémentaires n'ont pas été prises en compte.

Le salarié aurait dû percevoir

- 37,92 h à 13, 58 euros, = 514,95 €

- 4 h à 14,938 € (10 %) = 59,752 €

- 48, 08 h à 16,975 € (25 %). = 816,158 €

Soit un total de 1 390,86 € bruts.

Il est donc fondé à réclamer la somme de 169 €.

Pour le mois de mai 2014, le bulletin de salaire mentionne un salaire de base de 52 heures à 13,580 € et un rappel de 5 heures à 13,5 180 €, soit en fait 57 heures à 13,580 euros, pour un montant de 786,35 € (hors indemnités)

Le salarié aurait dû percevoir

- 37,92 heures à 13, 58 € = 514,95 €

- 4 h à 14,938 € = 59,752 €

- 15h08 à 16, 975 € (25 %) = 255,983 €

soit un total de 830,685 €

Il est fondé à réclamer la somme de 44,33 €.

La cour, par voie d'infirmation, condamne l'établissement à payer au salarié la somme totale de 213,33€ à titre de rappel de salaire.

2- sur l'indemnité au titre d'un dépassement

Le salarié indique que la convention collective prévoit qu'un salarié ne peut pas effectuer plus d'un tiers d'heures complémentaires, soit 12 h64 en ce qui le concerne et que ce chiffre a très souvent été dépassé.

L'employeur souligne que le salarié n'a pas pris le soin d'indiquer sur quel mois il fonde sa demande.

Les dispositions de l'article 5.2.2 de l'accord du 27 janvier 2000 relatif aux heures complémentaires prévoient « Selon les nécessités du service, des heures complémentaires à l'horaire contractuel pourront être effectuées sur demande de l'établissement, pour autant qu'un tel recours soit expressément mentionné dans le contrat de travail qui devra en fixer le nombre maximum.

Cependant, le nombre des heures complémentaires ne pourra excéder le tiers de la durée hebdomadaire ou mensuelle prévue au contrat de travail et ne pourra avoir pour effet de porter la durée du travail effectuée par le salarié au niveau de la durée légale hebdomadaire ».

Au vu des bulletins de salaire de l'année 2014 (mois d'avril, mai, juin, décembre 2014) et de l'année 2015 (mars, avril, mai 2015), la cour est en mesure de constater le dépassement des heures complémentaires.

Ce non-respect des dispositions de la convention collective et la surcharge de travail occasionné par les dépassements d'heures constitue un préjudice pour le salarié qu'il y a lieu de fixer à la somme de 500 €.

Sur le remboursement des frais de vêture (bleu de travail )

C'est par une juste appréciation de la cause que le conseil des prud'hommes a rejeté la demande fondée sur une facture du 27 janvier 2016, postérieure à la procédure de licenciement et au nom de [G] Entreprise.

Sur le licenciement

En vertu des dispositions de l'article L.1232-6 du Code du travail, la lettre de licenciement comporte l'énoncé du ou des motifs invoqués par l'employeur ; la motivation de cette lettre fixe les limites du litige.
 

En l'espèce, la lettre de licenciement était libellée dans les termes suivants :

« Nous faisons suite à notre entretien du jeudi 7 janvier 2016, afin de vous confirmer que nous sommes contraints de procéder à votre licenciement pour motif économique.

Celui-ci est justifié par les éléments suivants, qui vous ont déjà été précisés par écrit :

En vue de sauvegarder la compétitivité de notre société et du secteur d'activité de notre réseau, nous sommes contraints de procéder à une réorganisation du site des Camoins.

En effet, suite à la diminution du « prix de journée » versé par l'Etat pour chacun de nos patients, notre rentabilité et notre compétitivité ont été dégradées. De même, nos marges se sont drastiquement réduites et placent la société, ainsi que le secteur d'activité de notre réseau, dans des conditions économiques préoccupantes.

Malheureusement, au regard du désengagement de l'Etat, la situation ne va pas s'améliorer lors des prochains exercices.

Cette situation met en péril la société et le reste des emplois dans un contexte économique très défavorable.

En outre, et parallèlement, nous vous avons proposé une modification de vos horaires de travail, qui n'étaient plus compatibles avec les besoins de l'établissement.

Nous souhaitions que vos horaires de présence soient mieux répartis sur la semaine et le mois, dans un souci d'efficacité et de meilleure organisation.

Vous êtes employé à temps partiel, et bien que nous n'ayons pas modifié la durée du travail ou votre rémunération, nous avons souhaité vous faire cette proposition de changement d'horaires dans le respect de la procédure légale protectrice régissant la modification du contrat de travail pour motif économique, puisque cette modification était non inhérente à votre personne.

Vous avez refusé, ce qui est votre droit.

La rupture de votre contrat de travail est donc liée à ce double événement, étant précisé qu'à la suite de votre refus d'accepter la modification de vos horaires, vous ne serez pas remplacé.

Nous avons ensuite procédé à une recherche active et individualisée de reclassement au sein de notre réseau.

Nous vous avons reproposé à plusieurs reprises, dans le cadre de ce reclassement, une modification de vos horaires de travail sans modification de vos fonctions, votre durée de travail, votre rémunération ni de votre qualification. Ce que vous avez à nouveau refusé.

Aucune solution alternative n'a cependant pu être trouvée.

Nous vous avons ensuite proposé le 7 Janvier 2016 d'adhérer à un contrat de sécurisation professionnelle. Nous vous rappelons que vous disposiez, depuis cette date, d'un délai de réflexion de 21 jours pour nous faire part de votre choix, soit jusqu'au 28 janvier 2016.

Si vous adhérez à ce dispositif, votre contrat de travail est réputé rompu d'un commun accord à la date d'expiration de votre délai de réflexion, soit le 28 janvier 2016. Dans cette hypothèse, lla présente lettre sera sans objet et le préavis ne sera pas effectué.

Ceci étant, si à la date du 28 janvier 2016, vous ne nous avez pas fait connaître votre choix ou si vous avez refusé la proposition de contrat de sécurisation professionnelle, la présente lettre constituera la notification de votre licenciement économique.

Votre contrat de travail prendra fin à l'expiration de votre préavis d'une durée de 2 mois, que nous vous demandons d'exécuter.

Durant l'année qui suivra la fin de votre préavis, vous bénéficierez d'une priorité de réembauchage dans notre entreprise à condition que vous nous informiez, par courrier de votre désir d'en user.

Celle-ci concerne les postes compatibles avec votre qualification et également ceux qui correspondraient à une nouvelle qualification acquise après la rupture de votre contrat de travail (...)».

Le salarié soutient qu'il n'y a pas de motif économique, que la lettre de licenciement ne vise qu'un contexte économique général de l'activité et que l'employeur tente de justifier le licenciement en prétextant une diminution du prix de journée versée par l'État mais que ce motif est un prétexte pour pouvoir le licencier car, hormis son poste, aucun licenciement ou aucune autre modification du contrat de travail ne semble être intervenu et qu'il ne faut pas confondre difficultés économiques et volonté de l'entreprise de réaliser des économies.

Il souligne que l'employeur s'est bien gardé de communiquer l'intégralité des bilans comptables pour les années 2014, 2015 et 2016 ne produisant que quelques pages, que le registre d'entrée et de sortie du personnel permet de constater que M. [H] a été embauché en contrat à durée indéterminée le 29 mars 2016, suite à deux contrat de travail à durée déterminée consécutif du 28 décembre 2015 au 29 mars 2016, soit concomitamment au licenciement du salarié sur un même poste mais à moindre frais.

Il estime que le conseil des prud'hommes a fait une analyse erronée en se basant sur des éléments incomplets en l'absence de chiffre d'affaires et du bénéfice et en ne tenant pas compte des éléments qui lui étaient soumis.

La société fait valoir qu'une réorganisation de l'établissement a dû être mise en 'uvre pour sauvegarder la compétitivité, que l'Ephad les Camoins a été directement impacté par la loi dite 'd'adaptation de la société au vieillissement', laquelle a modifié les règles de calcul des dotations et baissé drastiquement celles versées par l'État, que la seule volonté de demander à un salarié qui travaille une semaine par mois de lisser ses horaires tout en maintenant la même durée sur plusieurs jours du mois constitue une réorganisation qui a pour objet d'améliorer l'organisation de l'entreprise.

Elle souligne que la réorganisation qui anticipe sur des difficultés économiques prévisibles est susceptible de justifier un licenciement pour motif économique, si elle est effectuée pour assurer la compétitivité de l'entreprise, sans être subordonné à l'existence de difficultés économiques à la date de licenciement, qu'ainsi les développements du salarié sur les bénéfices, le chiffre d'affaires sont totalement hors débat, le bilan de l'exercice 2015 montrant néanmoins les difficultés financières de l'établissement.

Elle indique également que le licenciement économique peut être fondé sur une modification d'un élément essentiel du contrat de travail refusé par le salarié et qu'en l'espèce ce dernier a refusé la modification de ses horaires de travail alors qu'il lui était proposé le maintien du nombre d'heures et sa rémunération.

En application de l'article L1233-3 du code du travail dans sa version antérieure au 1er décembre 2016, pour avoir une cause économique le licenciement doit être consécutif soit à des difficultés économiques, soit à des mutations technologiques, soit à une réorganisation de l'entreprise, soit à une cessation d'activité. Le caractère réel et sérieux du motif économique doit être apprécié à la date de la rupture du contrat de travail.

La réorganisation, si elle n'est pas justifiée par des difficultés économiques ou par des mutations technologiques, doit être indispensable à la sauvegarde de la compétitivité de l'entreprise ou du secteur d'activité du groupe auquel elle appartient.

Il importe donc de vérifier que la réorganisation invoquée vise à sauvegarder la compétitivité de l'entreprise et non à améliorer sa rentabilité au détriment de l'emploi.

En l'espèce, il est indiqué « les marges sont drastiquement réduites et placent la société, ainsi que le secteur d'activité de notre réseau, dans des conditions économiques préoccupantes». Or, la réforme de la tarification des maisons de retraite sur laquelle se fonde l'établissement pour justifier le licenciement économique n'est intervenue que le 28 décembre 2015, soit de manière concomitante à la mesure de licenciement, de sorte qu'il ne peut être fait état d'une baisse de la compétitivité au jour du licenciement.

La Sas Camoins qui indique néanmoins avoir été dans l'obligation d'anticiper les difficultés économiques prévisibles, ne produit pas le bilan complet de l'établissement pour l'année 2015, ce qui ne permet pas d'avoir des indications précises sur la santé financière de l'établissement au moment du licenciement (chiffre d'affaires et bénéfices), ni de bilan pour l'année 2016, ce qui aurait permis d'évaluer l'impact de la réforme. L société ne donne également aucune indication sur le secteur d'activité.

En effet, la société ne donne pas d'éléments objectifs de comparaison concernant la situation de l'établissement avant et après l'éventuelle diminution des dotations de l'État. Le prix de journée avant la réforme et après la réforme n'est pas communiqué, ni les marges dont il est indiqué qu'elles seraient en baisse.

S'agissant de la modification de la répartition des horaires, le contrat de travail à temps partiel du salarié prévoit une durée de travail sur une semaine avec des horaires de travail précis. Il est indiqué dans le contrat de travail que la répartition des horaires du salarié est susceptible d'être modifiée sur simple notification de la direction avec un délai de prévenance de 7 jours.

Cependant, la réorganisation de l'horaire de travail proposé sur le mois au lieu de la semaine, comportait un nombre d'heures inférieur à 37.92 heures contrairement à ce qui est allégué par l'employeur, alors que le salarié invoque une activité professionnelle annexe, constitue une modification du contrat de travail et non un changement des conditions de travail et nécessite l'accord du salarié auquel on ne peut reprocher son refus. (pièce 5 et 14 intimée ).

A cet égard, le salarié n'a pas opposé un refus total puisqu'il a proposé à l'établissement une autre répartition de ses horaires sur le mois et n'a pas obtenu de réponse.

Enfin, comme l'a relevé l'appelant, le registre du personnel indique qu'un contrat de travail à durée déterminée a été conclu le 28/12/2015, poursuivi en contrat à durée indéterminée, avec un salarié en qualité d'agent d'entretien, ce qui laisse présumer que M. [G] a été remplacé dans ses fonctions.

En l'état de ces éléments, la réorganisation invoquée par la Sas Les Camoins ne répond pas à un motif économique mais plutôt à un souci de rationalisation pour l'établissement.

La cour considère, par voie d'infirmation, que la cause économique n'est pas réelle et sérieuse, sans qu'il soit nécessaire de statuer sur le non respect de l'obligation de reclassement.

Sur les conséquences financières du licenciement

M. [G], âgé de 57 ans à la date du licenciement, justifiait de 7 années d'ancienneté et l'entreprise employait habituellement plus de 11 salariés. Sa rémunération mensuelle moyenne de référence (sur 12 mois) s'élèvait à 1 246,89 € bruts.

Au vu de ces éléments, il convient de fixer son préjudice au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse, à la somme de 11'000 euros.

La cour applique d'office la sanction des dispositions de l''article 1235-4 du Code du Travail.

Sur les frais et dépens

La société qui succombe doit s'acquitter des dépens, être déboutée de sa demande faite en application de l'article 700 du code de procédure civile, et à ce titre, condamnée à payer à M. [G] la somme de 1 500€.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, en matière prud'homale,

Infirme le jugement déféré SAUF s'agissant du rejet de la demande de remboursement des frais de vêture,

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

Dit le licenciement économique, sans cause réelle et sérieuse,

Condamne la SAS Les Camoins à payer à M. [F] [G] les sommes suivantes :

- 213,33 euros à titre de rappel de salaire pour les heures complémentaires des mois d'avril et mai 2014

- 500 euros à titre de dommages-intérêts au titre du dépassement du nombre d'heures complémentaires autorisées par la convention collective

- 11 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

- 1 500 euros au titre au titre de l'article 700 du code de procédure civile

Dit que les sommes allouées de nature salariale porteront intérêts au taux légal à compter du 28 septembre 2016 et les créances indemnitaires à compter du présent arrêt,

Ordonne le remboursement par La Sas Camoins à Pôle Emploi des indemnités de chômage versées au salarié, dans la limite de 3 mois,

Dit qu'à cette fin, une copie certifiée conforme de la présente décision sera adressée à Pôle Emploi, par le greffe

Condamne la SAS Les Camoins aux dépens de pemière instance et d'appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-3
Numéro d'arrêt : 19/00984
Date de la décision : 26/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-26;19.00984 ?
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