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26/05/2023 | FRANCE | N°19/00061

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-3, 26 mai 2023, 19/00061


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-3



ARRÊT AU FOND



DU 26 MAI 2023



N°2023/ 100





RG 19/00061

N° Portalis DBVB-V-B7D-BDSAS







SA NEXITY PROPERTY MANAGEMENT





C/



[A] [F] [M]























Copie exécutoire délivrée

le 26 Mai 2023 à :



-Me Jean-michel RENUCCI, avocat au barreau de NICE



- Me Charles-andré PERRIN, avocat au ba

rreau de MARSEILLE







Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE en date du 06 Décembre 2018 enregistré au répertoire général sous le n° 17/02751.







APPELANTE



SA NEXITY PROPERTY MANAGEMENT, demeurant [Adres...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-3

ARRÊT AU FOND

DU 26 MAI 2023

N°2023/ 100

RG 19/00061

N° Portalis DBVB-V-B7D-BDSAS

SA NEXITY PROPERTY MANAGEMENT

C/

[A] [F] [M]

Copie exécutoire délivrée

le 26 Mai 2023 à :

-Me Jean-michel RENUCCI, avocat au barreau de NICE

- Me Charles-andré PERRIN, avocat au barreau de MARSEILLE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE en date du 06 Décembre 2018 enregistré au répertoire général sous le n° 17/02751.

APPELANTE

SA NEXITY PROPERTY MANAGEMENT, demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Jean-michel RENUCCI de la SELARL ACTANCE MEDITERRANEE, avocat au barreau de NICE substitué par Me Lise KLINGUER, avocat au barreau de NICE

INTIMEE

Madame [A] [F] [M], demeurant [Adresse 3]

représentée par Me Charles-andré PERRIN, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 07 Février 2023 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre, et Madame Isabelle MARTI, Président de Chambre suppléant, chargées du rapport.

Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre, a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre

Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller faisant fonction de Président

Madame Isabelle MARTI, Président de Chambre suppléant

Greffier lors des débats : Madame Florence ALLEMANN-FAGNI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 14 Avril 2023, délibéré prorogé en raison de la survenance d'une difficulté dans la mise en oeuvre de la décision au 26 Mai 2023.

ARRÊT

CONTRADICTOIRE

Prononcé par mise à disposition au greffe le 26 Mai 2023.

Signé par Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre et Madame Florence ALLEMANN-FAGNI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

* * * * * * * * * *

FAITS ET PROCÉDURE

Mme [A] [F] était engagée le 14 juin 2010 avec effet au 1er août 2010 par la société UFG Property Manager en qualité de gestionnaire, statut cadre, niveau C1 selon contrat à durée indéterminée sur la base de 215 jours maximum.

La convention collective nationale applicable était celle de l'immobilier.

À compter du 31 décembre 2011 son contrat de travail était transféré à la société NSPM Nexity.

Au dernier état de la relation contractuelle, le montant de sa rémunération mensuelle brute était de 3198,58€.

Mme [F] était convoquée le 12 décembre 2014 à un entretien préalable à une mesure de licenciement fixé au 5 janvier 2015. Elle était licenciée pour insuffisance professionnelle par courrier du 8 janvier 2015.

Contestant la légitimité de la mesure prise à son encontre Mme [F] saisissait le 27 mars 2015 le conseil de prud'hommes de Marseille.

Par jugement du 6 décembre 2018 le conseil de prud'hommes a statué comme suit :

« Dit que le salaire moyen mensuel brut est de : 3 198,58 €.

Dit et Juge que le licenciement de Mme [A] [F] est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

En Conséquence :

Condamne la SA Nexity Property Management à verser à Mme [A] [F] les sommes suivantes:

- 38 400 € de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 3 000 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

Condamne la SA Nexity Property Management à :

Remettre au salarié une attestation POLE EMPLOI, un certificat de travail et un solde de tout compte rectifiés conformément à la présente procédure,

Régulariser la situation du salarié auprès des organismes sociaux.

Précise que les condamnations concernant des créances de nature :

- salariale porteront intérêt au taux légal à compter de la demande en justice ;

- indemnitaire porteront intérêt au taux légal à compter de la présente décision.

Rejette toutes les autres demandes des parties.

Condamne la SA Nexity Property Management aux entiers dépens. ».

Par acte du 2 janvier 2019, le conseil de la société Nexity Property Management a interjeté appel de cette décision.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Aux termes de ses dernières conclusions communiquées au greffe par voie électronique le 1er avril 2019, la société demande à la cour de :

« Constater l'incapacité de Mme [F] à assurer ses fonctions de manière satisfaisante et son manque d'implication dans l'exécution de ses missions;

Constater le parfait respect par la Société, de la législation et de la réglementation en matière de durée de travail ;

En conséquence,

Infirmer le jugement du Conseil de prud'hommes en ce qu'il a jugé le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et condamné la société à verser à Mme [F] la somme de 38.400 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Juger que le licenciement pour insuffisance professionnelle de Mme [F] est parfaitement fondé;

Confirmer le jugement du Conseil de prud'hommes en ce qu'il a jugé que la société a parfaitement respecté la législation et la réglementation en matière de durée de travail :

Débouter Mme [F] de l'intégralité de ses demandes ;

Infirmer le jugement ce qu'il a condamne la société Nexity Property Management à verser à Mme [F] la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamner Mme [F] à verser à la société la somme de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamner Mme [F] aux entiers dépens».

Dans ses dernières écritures communiquées au greffe par voie électronique le 20 juin 2019, Mme [F] demande à la cour de :

« Confirmer ledit jugement en ce qu'il a jugé que le licenciement de Mme [F] était dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Infirmer le jugement du 6 décembre 2018 concernant le quantum de dommages et intérêts alloués à Mme [F] pour le porter à la somme de 50 000 euros.

Infirmer le jugement du Conseil de Prud'hommes concernant la demande de Mme [F] au titre du défaut de respect des dispositions en matière de temps de travail et comportement déloyal de l'employeur.

Condamner la Société Nexity à verser au titre du préjudice subi pour défaut des dispositions en matière de temps de travail et comportement déloyal de l'employeur à verser la somme de 10 000 euros de dommages et intérêt .

Condamner la Société Nexity à verser la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure Civile».

Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer à leurs écritures susvisées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur le temps de travail

La salariée soutient qu'elle a été amenée à travailler au-delà des horaires légaux démontrant l'amplitude horaire. Elle estime que la clause de forfait est nulle au regard de l'absence de suivi de sa charge de travail.

La société réplique que Mme [F] travaillait en tant que cadre autonome en vertu d'une convention de forfait jours conforme à l'accord collectif d'entreprise du 29 mars 2013, qu'elle a expressément donné son accord sur la durée du travail résultant de son contrat de travail et qu'elle n'a jamais contesté son temps de travail au cours des quatre années et demi de collaboration.

Il résulte des articles L. 3121-39 et L.3121-43 et suivants du code du travail dans leur rédaction applicable jusqu'au 10 août 2016 puis des articles L. 3121-58 et suivants que les cadres qui disposent d'une autonomie dans l'organisation de leur emploi du temps et dont la nature des fonctions ne les conduit pas à suivre l'horaire collectif applicable au sein de l'atelier, du service ou de l'équipe auquel ils sont intégrés, peuvent conclure une convention de forfait en jours sur l'année prévue par accord collectif d'entreprise ou d'établissement ou à défaut, par une convention ou un accord de branche.

Cette autonomie ne s'apprécie pas au regard du statut mais du mode réel de travail.

L'article L.3121-46 du code du travail dans sa rédaction applicable jusqu'au 10 août 2016 puis L.3121-65 3º prévoit qu'un entretien annuel individuel est organisé par l'employeur avec chaque salarié ayant conclu une convention de forfait en jour sur l'année; que cet entretien porte sur la charge de travail du salarié, l'organisation du travail dans l'entreprise, l'articulation entre l'activité professionnelle et la vie personnelle et familiale, ainsi que sur la rémunération du salarié.

Il appartient à l'employeur de prouver la tenue de ces entretiens.

A défaut d'entretien annuel individuel, la convention individuelle de forfait est sans effet et inopposable au salarié.

En l'espèce, le contrat de travail de la salariée mentionne les dispositions suivantes : « compte tenu de la nature de vos fonctions et de votre niveau de responsabilité, vous bénéficiez d'une autonomie et d'une indépendance dans la gestion de votre temps de travail (...) ». La salariée disposait d'un statut cadre avec un niveau C1, ce qui correspond dans la convention collective à un niveau d'autonomie élevée. Dans cette catégorie, la convention collective prévoit que la personne doit « justifier de compétences pour prendre des décisions susceptibles d'influer sur l'activité de la société dans le cadre des directives qui lui sont données et peut animer une équipe pour réaliser seule des travaux complexes ».

Le contrat de travail mentionne également la durée du nombre de jours travaillés, ce qui est conforme à l'accord d'entreprise du 29 mars 2013.

Les pièces produites attestent que la salariée disposait d'une indépendance suffisante dans l'organisation de son emploi du temps pour être considérée comme cadre autonome, ce qui lui a également été rappelé à plusieurs reprises par sa hiérarchie.

Cependant, la société ne justifie pas des entretiens prévus avec la salariée pour évoquer 'sa charge de travail, qui doit être raisonnable, l'organisation de son travail, l'articulation entre son activité professionnelle et sa vie personnelle ainsi que sa rémunération' et ce même s'il était possible à la salariée d'exprimer d'éventuelles revendications au regard des dispositions prises par la direction relatives au droit d'expression des salariés au vu de l'e- mail du 26 septembre 2012 de Mme [W] adressé à l'ensemble des salariés (pièce 15 intimée).

En conséquence, il s'en déduit que la convention de forfait en jours, dont la nullité ne peut être prononcée sur le fondement d'un manquement de l'employeur au suivi du forfait, est privée d'effets et est, par conséquent, inopposable à la salariée.

Le non respect de ces dispositions en raison du comportement déloyal de l'employeur entraîne un préjudice de Mme [F] au vu des pièces médicales produites.

La cour fixe à la somme de 3 000 € le montant de l'indemnité allouée.

Sur le licenciement

En vertu des dispositions de l'article L.1232-6 du Code du travail, la lettre de licenciement comporte l'énoncé du ou des motifs invoqués par l'employeur ; la motivation de cette lettre fixe les limites du litige.
 

En l'espèce, la lettre de licenciement était libellée dans les termes suivants :

Vous avez été convoquée, par lettre recommandée avec avis de réception en date du 12 décembre 2014, à un entretien préalable en vue de votre éventuel licenciement.

Au cours de cet entretien, auquel vous vous êtes présentée accompagnée de [P] [R], salarié de l'entreprise, et qui s'est déroulé le 05 janvier 2015, nous vous avons exposé les motifs qui nous ont amené à envisager de mettre un terme à notre collaboration, et nous avons pris bonne note des observations que vous avez formulées.

Cet entretien ne nous a pas permis de modifier notre appréciation de la situation, de telle sorte qu'après mure réflexion, nous vous notifions par la présente votre licenciement pour insuffisance professionnelle pour les faits objectifs ci-après exposés.

Vous avez été embauchée par la Société Ufg-property Managers (UFG-PM) sous contrat de travail à durée indéterminée le 14 juin 2010, et exercez à ce jour les fonctions de Gestionnaire au sein de la société Nexity Property Management (NPM).

Suite à l'apport partiel D'actifs de la Société Ufg-property Managers (UFG-PM) à la Société Nexity Property Management (NPM) au 31 décembre 2011, tous les collaborateurs de la Société UFG-PM rattachés à l'activité « Gestion » ont intégré les effectifs de la Société NPM.

C'est ainsi que, dans Ie cadre de l'article L. 1224-1 du Code du travail, votre contrat de travail a été transféré dans tous ses éléments, au 31 décembre 2011, à la Société NPM.

En votre qualité de Gestionnaire, votre principale mission consiste à gérer et agir en lieu et place du propriétaire, et en conformité avec la législation en vigueur, afin de valoriser le patrimoine qui vous est confié.

Or, malgré les formations et l'accompagnement dont vous avez pu bénéficier, nous avons eu à déplorer d'importants dysfonctionnements récurrents dans l'exercice de vos missions de Gestionnaire depuis votre intégration au sein de NPM le 31 décembre 2011, démontrant votre incapacité à remplir pleinement vos missions opérationnelles.

Du fait de vos carences, ce sont les Gestionnaires de l'agence de [Localité 5] qui ont du à plusieurs reprises intervenir à votre place afin de répondre aux demandes des clients et leur apporter les livrables contractuels attendus dans les délais. Les équipes de [Localité 5] sont sollicitées par les clients sur des sujets que vous devez pourtant parfaitement maîtriser, et cela génère des retards.

A titre d'illustration, vos collègues lyonnais ont du se mobiliser pour la satisfaction du client Périal, et accomplir les tâches suivantes :

- Finalisation de la clôture des comptes 2013,

- Lancement des appels de fonds du 2ème trimestre 2014,

- Aide à l'analyse et à la reconstitution de la trésorerie,

- Aide pour l'utilisation d'Altaix.

Encore le 30 septembre 2014, une réunion a été nécessaire sur [Localité 6] afin de vous aider dans la préparation du budget 2015 pour le client Périal, alors que vous devriez être autonome dans l'élaboration de ce type de budgets.

Aussi, votre Responsable d'agence, [Z] [O], vous alertait-il le 22 septembre 2014 sur ces manquements récurrents. En effet, d'autres alertes avaient déjà été portées à votre attention, des réclamations du client ayant déjà obligé l'une de vos collègues de [Localité 5], Responsable de Patrimoine, à se déplacer sur l'agence de [Localité 6], les 22 juillet, 18 octobre, 06 décembre 2013, 31 juillet et 30 septembre 2014, pour vous aider sur différents sujets opérationnels, afin de satisfaire les attentes du client.

Vous sollicitez également les équipes comptables de [Localité 5], leur demandant des explications sur des comptes propriétaires ne présentant pourtant aucune difficulté pour un gestionnaire ayant votre expérience.

Autre exemple, s'agissant de notre mandant Unidelta, une réclamation étant restée sans solution depuis le 31 janvier 2014, il a été contraint de solliciter directement l'agence de [Localité 5] durant l'été 2014 afin de faire procéder au pointage du compte du syndic et des comptes de l'immeuble, aux rectifications nécessaires après échanges avec le syndic, à l'établissement du budget 2014.

En raison de vos nombreux manquements, la société Unidelta, par courrier recommandé du 1°octobre dernier, a résilié le mandat qui avait été confié à NPM pour la gestion de l'immeuble [Adresse 4] ([Localité 6]), et ce à effet du 31 décembre 2014.

Ce client nous a fait part de son vif mécontentement face à l'absence de sérieux de votre gestion.

Notamment, pour expliquer la résiliation du mandat, le mandant a avancé les griefs suivants:

- Pas de visite de l'immeuble, ni de compte-rendu, pas de présence technique (le client est contraint de venir faire chiffrer les travaux de remise en état après les sorties de locataires),

- Pas de gestion des sinistres (infiltrations au rez-de-chaussée en septembre 2014; sinistre [Y] que le propriétaire a du gérer en direct avec l'assureur),

- Défaut de souscription des contrats EDF sur 2 lots vacants malgré des demandes en janvier 2014,

- Obligation pour le client de réaliser lui-même en 2013 les modèles de lettres de relance à destination des locataires,

- Absence lors d'un état des lieux de sortie réalisé par huissier malgré les alertes du client.

Or, en votre qualité de Gestionnaire, vous êtes responsable des immeubles qui vous sont confiés et il vous appartient de vous assurer de la satisfaction de votre client.

Au sein de l'agence de [Localité 6], vous êtes le point d'entrée du client dont le patrimoine vous est confié et il vous appartient ensuite, selon les demandes du mandant, d'obtenir les éléments de vos interlocuteurs internes, de solliciter les fonctions support... c'est-à-dire d'accomplir les démarches et trouver vous-mêmes les ressources en vue de solutionner le problème du client.

Force est pourtant de constater que vous n'avez pas les compétences, malgré les moyens mis à votre disposition, pour exercer les fonctions de Gestionnaire.

En effet, malgré l'accompagnement et les formations multiples dont vous avez bénéficié en 2013 et 2014, actualité des baux commerciaux et loi Pinel, formations aux outils métiers (Altaix, Prémiance, Sigeo), annexe environnementale, il apparaît que vous n'êtes pas à même de remplir vos fonctions.

En outre, à l'issue d'une formation sur les baux commerciaux et la loi Pinel, qui s'est déroulée le 27 octobre 2014, vous avez indiqué en ces termes que cette formation n'était pas utile: « je ne fais pas et n'ai jamais fait de gestion locative, il est donc difficile de trouver un intérêt maximum à cette formation pourtant très bien menée». Nous ne pouvons dès lors que nous interroger sur les fonctions que vous estimez exercer au sein de l'agence de [Localité 6], en votre qualité de Gestionnaire.

Enfin, votre volonté de vous installer sur un bureau isolé du reste de l'équipe ne vous a pas permis de capitaliser et mutualiser les savoirs et compétences techniques avec les autres collaborateurs de l'agence.

Dans ces circonstances, nous ne sommes plus en mesure de prolonger une collaboration si peu conforme aux intérêts de la société et nous vous notifions, par la présente, votre licenciement pour insuffisance professionnelle.

La date de première présentation de cette lettre recommandée marquera le point de départ de

votre préavis d'une durée de trois mois, conformément aux dispositions de la Convention collective nationale de l'immobilier ».

La société critique la décision du conseil des prud'hommes dans la mesure où ce dernier ne s'est basé que sur trois pièces à savoir le compte rendu de l'entretien préalable, la lettre de licenciement et le courrier de contestation de la salariée, ces documents ne constituant pas des éléments de preuve objectifs permettant de contester l'insuffisance professionnelle, alors qu'elle même a versé aux débats un nombre important de pièces qui caractérisent les manquements reprochés à la salariée.

La société estime anormal que des collaborateurs soient obligés de se mobiliser pour effectuer les tâches de Madame [F] et que cette dernière aurait dû être capable d'effectuer celle-ci en toute autonomie, que ces manquements ont entraîné la résiliation des mandats de clients, que la salariée n'a pas été en capacité de surmonter ses difficultés malgré les formations et l'accompagnement de sa hiérarchie et que les client étaient insatisfaits.

La société produit notamment les éléments suivants :

- la fiche de poste de chargée d'affaires ( pièce 3)

- l'e-mail du 29 septembre 2014 de Mme [I] directeur d'affaires sur [Localité 5] à [Z] [O] « Pour confirmer mes propos tenus lors de notre dernière réunion RA je te confirme qu'afin de donner satisfaction aux clients l'équipe de [Localité 5] a dû se mobiliser afin de pour période de nous terminer la clôture des comptes 2013 (...) le client est intervenu suite à la réclamation du syndic sur l'absence de paiement des sommes dues (...) étais-tu informé ' Cette situation ne peut pas durer je vois ici les manquements graves à ce que nous sommes en droit d'attendre d'un gestionnaire (...) (Pièce7)

-l'e-mail du 23 octobre 2014 de Mme [I] à [Z] [O] : « je fais suite à ton mail du 1er octobre dernier. Je souhaite que tu me fasses un projet de mail à l'attention de [A] [F] actant lors de votre rendez-vous les insuffisances constatées ainsi que l'argumentaire sur les raisons invoquées sur ces manquements » (pièce 8).

La salariée répond sur l'ensemble des griefs et indique qu'elle n'a jamais reçu de formation pour l'utilisation du logiciel Altaix.

Elle produit notamment les pièces suivantes :

- le compte rendu de l'entretien préalable du 5 janvier 2015 (pièces 78)

- sa lettre contestant les motifs du licenciement (pièce 12)

- l'e-mail du 12 juillet 2013 adressé par la salariée à [Z] [O] « pour information j'ai dû sortir du bureau pour terminer la conversation car il ne m'entendait plus. Il trouvait que quelqu'un parlait fort , ce n'est que la xème fois que mes interlocuteurs sont gênés(... (pièce 24)

- l'e-mail du 18 août 2014 adressé par la salariée à [J] [S] sur l'emplacement du bureau « le 13 mai dernier je reprenais mon travail après deux mois d'absence (...) J'ai cherché à joindre [Z] [O] absent ce jour-là et je lui ai laissé un message précis sur la nature de mon appel téléphonique : je lui demandais l'autorisation de m'installer à l'entrée car je souhaitais être plus au calme et que les techniciens présents pouvaient faire les branchements de mes outils de travail sur les prix installer à cet endroit. Il m'a donné son accord en connaissance de cause (...) Je vous fais remarquer que le plan joint à votre courriel manque d'exactitude et je ne comprends pas la validation du CHCT aucun de ses membres ne s'étant déplacé jusqu'à notre agence (...) » (pièce 23)

- l'édition du dossier médical : visite périodique du 4 avril 2013 - observation : « évoque une charge de travail élevé, des difficultés par rapport aux collègues de travail bruyants » ; visite périodique du 5 juillet 2013 - commentaire « évoque être toujours gênée par ses collègues de travail, une charge de travail élevée » ; visite périodique du 10 octobre 2013 - commentaire « évoque l'absence de changement de bureau, l'absence de formation sur le logiciel utilisé, la charge de travail élevée » ; visite de reprise du 20 mai 2014 : salariée est apte à la reprise- commentaires :«évoque le nouveau logiciel sur lequel elle n'a pas été formée, problème de proximité dans les locaux, a déplacé son bureau dans l'entrée beaucoup plus calme » (pièce 20)

- le certificat médical du docteur [B], psychiatre du 15 janvier 2015 mentionnant « un suivi de la salariée pour syndrome de burnout surmenage professionnel nécessitant un arrêt de travail d'une durée totale de deux mois (pièce 21 )

- les e-mails de la salariée adressée à sa hiérarchie sollicitant une formation sur le logiciel Altaix depuis 2011 et notamment « pour l'année 2012 pourriez-vous SVP demander à ce que je puisse suivre les formations suivantes Altaix (uniquement ce qui me sera nécessaire ) et la copro et pour tout ce que je ne sais pas sur ce qui me sera demandé » ainsi que la convocation à trois journées de formation Altaix pour les 26, 27, et 28 mars à [Localité 2] (pièces 47 à 54)

- prolongation des arrêts de travail maladie de la salariée du 24 mars 2014 jusqu'au 12 mai 2014 (pièce 25)

L'insuffisance professionnelle consiste en l'inaptitude du salarié à exécuter son travail de façon satisfaisante. Elle se définit comme une incapacité objective et durable d'exécuter de façon satisfaisante un emploi correspondant à la qualification du salarié.

L'employeur, qui ne doit pas apprécier les aptitudes de son salarié de façon arbitraire, est tenu d'invoquer des faits précis et vérifiables.

À titre liminaire il est observé que la salariée n'a jamais eu une fiche de poste exacte, ni de missions définies concernant ses fonctions et qu'aucune fiche ne lui a été fournie lorsqu'elle en a fait la demande.

La fiche de poste produite par l'employeur concerne un poste de chargée d'affaires, ce qui ne correspond pas à l'intitulé du poste de gestionnaire mentionné pour la salariée sur son contrat de travail et ses fiches de paie, de sorte que les compétences et les responsabilités visées sur cette fiche ne peuvent lui être opposées.

Par ailleurs, l'employeur n'établit pas avoir fait des rappels à l'ordre à la salariée concernant ces manquements et ce afin de l'aider à améliorer son travail.

En effet, l'e-mail produit en pièce 14 par l'appelante adressé par [Z] [O] à [V] [W] le 24 octobre 2014 indique seulement « j'enverrai ce soir pour avis à [N] le mail que j'adresserai à cette collaboratrice retraçant les différents entretiens sur l'absence de compétences requises en matière de gestion immobilière et des conséquences que cela entraîne» Toutefois aucune pièce n'est versée et la salariée conteste avoir eu des entretiens en ce sens.

- S'agissant des griefs relatifs au client Périal

L'arrêt de travail de la salariée à compter du 13 mars 2014 prolongé jusqu'au 12 mai 2014 n'a pas permis à cette dernière de finaliser la clôture des comptes 2013, la remise des comptes annuels devant se faire au plus tard le 31 mars, ni de s'occuper des appels de fonds.

Par ailleurs, la salariée s'est expliquée sur le grief relatif à l'aide à l'analyse et à la reconstitution de la trésorerie gérée par Mme [U] dans la mesure où cette dernière était la correspondante privilégiée de ce client du fait de la gestion de son portefeuille sur [Localité 5] et que les contacts avec la comptabilité n'avaient pour but que de corriger certaines erreurs.

L'employeur n'a pas contredit ses explications et ne verse aucun élément de la part de ce client mettant en cause directement la salariée sur la qualité de son travail.

Il n'est produit aucun compte rendu de la réunion du 30 septembre 2014 en vue selon la société, d'aider la salariée dans l'élaboration du budget 2015, l'e-mail du 29 septembre 2014 de Mme [I], directeur d'affaires sur [Localité 5], adressé à [Z] [O] ne faisant part que de ses préoccupations.

Ces griefs ne peuvent être retenus.

-S'agissant des griefs relatifs au client Unidelta (l'immeuble le Ponant littoral)

Il s'avère que Mme [G] a été amenée prendre la gestion du dossier du fait de l'arrêt maladie de la salariée au vu du mail 1er avril 2014 (pièce appelante 10). À cet égard, [L] [E] s'est adressée directement à Mme [G] dans son e-mail de résiliation du mandat et a fait état notamment pour le sinistre [Y] d'une régularisation avec cette dernière, ce qui atteste que Mme [F] n'avait pas repris en main la gestion de ce dossier.

Par ailleurs, il est fait état de l'absence des techniciens sur site pour le chiffrage de travaux et les infiltrations chez Derichebours et non de l'absence des gestionnaires.

Les griefs ne peuvent être retenus à l'encontre de la salariée.

S'agissant du grief tiré de l'intervention des gestionnaires et l'aide au logiciel Altaix

Il est constant que la salariée a sollicité l'aide de ses collègues notamment pour l'utilisation du logiciel Altaix concernant les clients Périal et Unidelta.

Les pièces produites établissent cependant que la salariée a travaillé sur le logiciel Altaix, utilisé pour la gestion immobilière, sans avoir eu aucune formation malgré ses multiples demandes depuis l'année 2011 et jusqu'en 2014. Elle n'a pu assister à la formation prévue les 26,27 et 28 mars 2014 à [Localité 2] en raison de son arrêt maladie à compter du 13 mars 2014, ce qui ne peut lui être reproché.

À son retour de congé maladie, Mme [F] n'a toujours pas bénéficié de cette formation et l'employeur ne justifie pas, contrairement à ce qui est allégué, avoir tout mis en 'uvre pour qu'elle accède à cet accompagnement nécessaire à ses missions locatives, le fait que la salariée ait réalisé d'autres formations étant sans incidence sur ce point.

La cour relève que cette absence de formation a entraîné des demandes de sa part auprès de certains de ses collègues de [Localité 5] et a entrainé du stress.

Il apparaît également au vu du compte rendu d'entretien préalable et des commentaires de Mme [I] qu'il était attendu que la salariée se forme toute seule « (...)il y a plein de collègues qui peuvent former, ou bien, il faut se former soi-même, aide toi le ciel t'aidera (...)», ce qui ne répopnd pas aux besoins de formation réclamés par la salariée.

Ce grief doit être rejeté.

S'agissant de l'installation de la salariée dans un bureau isolé

Il résulte des différents e-mails produits par la salariée adressée le 12 juillet 2013 à [Z] [O] et le 18 août 2014 à [J] [S] que cette dernière était gênée par le bruit ambiant du bureau lors de ses entretiens téléphoniques avec ses client et avait demandé l'autorisation qu'elle avait obtenue, de s'installer dans le bureau à l'entrée pour être plus au calme (pièce 23 et 24).

Dès lors, il ne peut être reproché à la salariée d'avoir changé de bureau alors que le maintien dans son précédent bureau occasionnait des conditions de travail difficiles.

Ce grief doit être rejeté.

En l'état de ces éléments, l'employeur échoue à établir l'insuffisance professionnelle de Mme [F] et la cour confirme la décision déférée sur ce point.

Sur les conséquences financières du licenciement

Mme [F] justifie de quatre ans et six mois d'ancienneté avec un salaire moyen mensuel de référence d'un montant de 3 198, 58 euros. Aucun élément n'est donné sur sa situation après son licenciement.

C'est par une juste appréciation de la cause que le conseil des prud'hommes a retenu la somme de 38'400€ au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur les autres demandes

La société qui succombe à titre principal doit s'acquitter des dépens, être déboutée de sa demande faite en application de l'article 700 du code de procédure civile, et à ce titre, condamnée à payer à Mme [F] la somme de 2 000 euros.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, en matière prud'homale,

Confirme le jugement déféré SAUF s'agissant du rejet de la demande au titre du non-respect du suivi des entretiens et du comportement déloyal de l'employeur ;

Y ajoutant,

Condamne la société Nexity Property Management à payer à Mme [A] [F] les sommes suivantes :

- 3 000 euros au titre du non-respect des dispositions en matière de temps de travail et du comportement déloyal de l'employeur

- 2 000 € au titre au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société Nexity Property Management aux dépens d'appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-3
Numéro d'arrêt : 19/00061
Date de la décision : 26/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-26;19.00061 ?
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