COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 4-1
ARRÊT AU FOND
DU 26 MAI 2023
N°2023/167
Rôle N° RG 18/16373 - N° Portalis DBVB-V-B7C-BDGE4
SA TEL AND COM
C/
[P] [F]
Copie exécutoire délivrée
le :
26 MAI 2023
à :
Me Pascale PENARROYA-LATIL de la SCP LATIL PENARROYA-LATIL, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE
Me Alex BREA, avocat au barreau de MARSEILLE
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de MARSEILLE en date du 20 Septembre 2018 enregistré au répertoire général sous le n° 15/01400.
APPELANTE
SA TEL AND COM prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié en cette qualité au siège sis, demeurant [Adresse 3]
représentée par Me Pascale PENARROYA-LATIL de la SCP LATIL PENARROYA-LATIL, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, Me Pascal GATEBOIS, avocat au barreau de PARIS
INTIME
Monsieur [P] [F], demeurant [Adresse 1]
représenté par Me Alex BREA, avocat au barreau de MARSEILLE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 13 Février 2023 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller faisant fonction de Président, et Mme Stéphanie BOUZIGE, Conseiller, chargés du rapport.
Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller faisant fonction de Président, a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller faisant fonction de Président
Mme Stéphanie BOUZIGE, Conseiller
Mme Emmanuelle CASINI, Conseiller
Greffier lors des débats : Monsieur Kamel BENKHIRA
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 26 Mai 2023.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 26 Mai 2023.
Signé par Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller faisant fonction de Président et Monsieur Kamel BENKHIRA, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Monsieur [P] [F] a été embauché en qualité de responsable de magasin le 11 juin 2007 par la SA TEL AND COM.
Il a été élu délégué du personnel suppléant le 7 juillet 2011.
Le 6 février 2015, les parties ont signé une convention de rupture conventionnelle et ont convenu d'une dispense d'activité du salarié durant l'ensemble de la procédure avec maintien du versement de son salaire.
Le 23 février 2015, l'employeur a demandé l'homologation de la rupture conventionnelle du contrat de travail auprès de la DIRECCTE du Nord-Pas-de-Calais qui, en l'absence de décision à l'issue du délai de deux mois, l'a implicitement refusée.
Le 4 mars 2015, la SA TEL AND COM a engagé une procédure d'information-consultation des instances représentatives du personnel dans le cadre d'un plan de sauvegarde de l'emploi afin d'envisager la réorganisation de l'entreprise et du groupe auquel celle-ci appartient. Ce projet de réorganisation, qui a entraîné la suppression de tous les postes de travail de la SA TEL AND COM, a été homologué le 18 mai 2015 par la DIRECCTE.
Par courrier du 21 avril 2015 ayant pour objet "Proposition de dispense de travail", la SA TEL AND COM a informé Monsieur [F] que l'exploitation du magasin dans lequel il travaillait cessait, qu'il lui avait été proposé "dans le cadre de la mise en place de la procédure d'information/consultation des instances représentatives du personnel sur le projet de réorganisation et les conséquences de ce projet de réorganisation sur votre poste de travail, de travailler dans le magasin Tél and Com le plus proche de votre lieu de travail actuel", la société poursuivant : "Suite à votre refus de cette proposition, nous vous proposons de vous dispenser d'effectuer vos fonctions à partir du 25 avril 2015 et ce jusqu'à nouvel ordre. Nous vous précisons que vous serez rémunéré normalement pendant cette période de dispense de travail'".
Par courrier recommandé du 13 mai 2015, la SA TEL AND COM confirmait au salarié le refus de l'administration d'autoriser la rupture conventionnelle et lui indiquait : "De ce fait, nous vous avons demandé de nous faire connaître votre situation actuelle. Vous vous êtes engagé à le faire avant le 11 mai 2015.
A ce jour, nous sommes sans nouvelles de votre part.
Votre absence est autorisée dans l'attente de votre réponse, mais ne sera pas rémunérée".
La société TEL AND COM a cessé de verser les salaires à Monsieur [F] à compter du mois de mai 2015.
Par requête du 27 mai 2015, Monsieur [P] [F] a saisi la juridiction prud'homale d'une demande en résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts exclusifs de l'employeur et de demandes en paiement d'indemnités de rupture et de dommages-intérêts pour entrave aux fonctions de représentant du personnel.
Par décision du 7 juillet 2015, le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes a ordonné à la SA TEL AND COM de verser à Monsieur [F] la somme de 4248 euros brut à titre de rappel de salaires des mois de mai et juin 2015 en deniers ou quittances et de reprendre le paiement des salaires à partir du mois de juillet 2015 et ce, jusqu'à la rupture effective du contrat, avec exécution provisoire de la décision.
Par ordonnance de référé du 14 septembre 2015, le Premier Président de la cour d'appel d'Aix-en-Provence a prononcé l'arrêt partiel de l'exécution provisoire de l'ordonnance rendue le 7 juillet 2015 par le bureau de conciliation en ce qu'elle a condamné la SA TEL AND COM à reprendre le paiement des salaires de Monsieur [F] à partir du mois de juillet 2015 et ce, jusqu'à la rupture effective de son contrat de travail.
Par arrêt du 6 mai 2016, la cour d'appel d'Aix-en-Provence a annulé la décision du bureau de conciliation en ce qu'elle a ordonné la reprise du paiement des salaires à partir de juillet 2015 jusqu'à la rupture du contrat et a condamné Monsieur [F] à rembourser à la SA TEL AND COM les sommes perçues au titre des salaires de juillet et août 2015.
Monsieur [P] [F] a été convoqué le 28 février 2016 à un entretien préalable à une mesure de licenciement pour motif économique.
Par décision du 27 juin 2016, l'inspecteur du travail a autorisé le licenciement de Monsieur [F] pour motif économique.
Par courrier daté du 7 juillet 2016, la SA TEL AND COM a notifié à Monsieur [F] son licenciement pour motif économique.
Par courrier daté du 7 juillet 2016, Monsieur [F] a pris acte de la rupture de son contrat de travail aux torts exclusifs de son employeur.
Par jugement de départage du 20 septembre 2018, le conseil de prud'hommes de Marseille a :
-rejeté la demande de production de pièces détenues par Monsieur [P] [F] formée par la SA TEL AND COM ;
-condamné la SA TEL AND COM à verser à Monsieur [P] [F] la somme de 25 488 euros brut à titre de rappel de salaires pour la période allant du mois de juillet 2015 au mois de juin 2016, outre celle de 2548,80 euros brut de congés payés y afférents ;
-débouté Monsieur [P] [F] de sa demande de voir faire produire à sa prise d'acte de la rupture les conséquences d'un licenciement nul pour violation de son statut protecteur et de sa demande de voir annuler ou dire sans cause réelle et sérieuse son licenciement pour motif économique intervenu le 7 juillet 2016 ;
-condamné la SA TEL AND COM à verser à Monsieur [P] [F] les sommes suivantes :
- 3823 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement ;
- 4248 euros brut au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, outre 425 euros de congés payés y afférents ;
-débouté Monsieur [P] [F] de ses demandes de dommages et intérêts pour discrimination syndicale et pour violation de son statut protecteur ;
-condamné la SA TEL AND COM à verser à Monsieur [P] [F] la somme de 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
-dit n'y avoir lieu à exécution provisoire de la décision, excepté les dispositions qui le sont de plein droit en application de l'article R.1454-28 du code du travail, la moyenne des trois derniers mois de salaire étant fixée à la somme de 2124 euros ;
-débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.
La SA TEL AND COM a interjeté appel du jugement prud'homal par déclaration d'appel du 15 octobre 2018.
L'ordonnance de clôture du 6 janvier 2022 a été révoquée, à la demande des parties, par le conseiller de la mise en état, par ordonnance du 24 janvier 2022, avant l'audience fixée le 24 janvier 2022 à 14 heures, et l'instruction a été close le 24 janvier 2022.
L'affaire a été débattue à l'audience du 24 janvier 2022.
Par arrêt en date du 29 avril 2022, la chambre 4-1 de la cour d'appel d'Aix-en-Provence a :
« -Déclaré recevables les conclusions notifiées par la SA TEL AND COM le 4 janvier 2022 et celles notifiées postérieurement le 24 janvier 2022,
- Déclaré irrecevable la demande nouvelle de Monsieur [F] de voir prononcer la nullité du licenciement économique au motif de l'annulation du plan de sauvegarde de l'emploi,
- Ordonné la réouverture des débats et la révocation de l'ordonnance de clôture du 24 janvier 2022,
- Ordonné la production par Monsieur [P] [F] de son contrat de travail le liant à la société GRANDVISION, gérant le magasin GÉNÉRALE D'OPTIQUE, de ses bulletins de salaire sur l'année 2015 et sur l'année 2016, jusqu'en juillet 2016, ainsi que de sa déclaration d'impôts 2016, sur les revenus de 2015, dans un délai d'un mois à compter du présent arrêt,
- Fixé le calendrier de procédure suivant :
-la SA TEL AND COM notifiera ses nouvelles conclusions au plus tard fin juillet 2022,
-Monsieur [F] notifiera ses nouvelles conclusions au plus tard fin septembre 2022,
- Renvoyé l'affaire pour y être jugée à l'audience collégiale du lundi 14 novembre 2022 à 9 heures,
- Dit que la clôture de l'instruction aura lieu à la date du 28 octobre 2022,
- Dit que la notification du présent arrêt vaudra convocation des parties à l'audience du 14 novembre 2022 à 9 heures,
- Réservé les dépens ».
Suite à l'audience du 14 novembre 2022, la Cour de céans a décidé, par arrêt du 18 novembre 2022, d'ordonner la révocation de l'ordonnance de clôture rendue le 28 octobre 2022, à la demande de l'appelante eu égard aux conclusions de l'intimé transmises le 28 octobre 2022 à 18h15, après l'ordonnance de clôture rendue le 28 octobre 2022 à 09h04, ce afin de lui permettre de répondre aux conclusions de l'intimé, a renvoyé l'affaire à l'audience collégiale du 13 février 2023 à 9 heures, a dit que l'appelante devrait conclure avant le 9 décembre 2022 et que l'intimé devrait répondre avant le 6 janvier 2023 et dit que la clôture de l'instruction interviendrait le 20 janvier 2023.
La SA TEL AND COM demande à la Cour, aux termes de ses conclusions n° 7 notifiées par voie électronique le 9 décembre 2022, de :
SUR L'INCIDENT
' JUGER recevables les conclusions signifiées le 12 juillet 2022,
' JUGER que la signification de ces conclusions n'est pas assimilable à un défaut d'accomplissement d'un acte de procédure au sens de l'article 469 du code de procédure civile,
' JUGER que l'incident a déjà été tranché par le Conseiller de la mise en état qui a rejeté la demande de caducité de l'appel,
En conséquence,
' REJETER la demande de caducité de l'appel,
AU FOND : SUR LE REJET DES DEMANDES
SUR LE RAPPEL DE SALAIRE DE JUILLET 2015 A JUIN 2016 (APPEL PRINCIPAL)
' JUGER que Monsieur [F] travaillait pour la société GRANDVISION durant la période pour laquelle il demande un rappel de salaire à la société TEL AND COM,
' JUGER que les demandes de Monsieur [F] présentent un caractère frauduleux,
' JUGER que Monsieur [F] ne justifie ni d'un travail réel au sein de la société TEL AND COM, ni de s'être tenu à disposition de la société TEL AND COM,
' JUGER que durant cette période, Monsieur [F] s'est soustrait à ses obligations les plus essentielles envers la société TEL AND COM,
' JUGER que, la société TEL AND COM a proposé à Monsieur [F] de reprendre ses fonctions conformément aux prévisions de son contrat de travail et que Monsieur [F] a refusé cette proposition sans aucun motif valable,
' JUGER que les mois de juillet et août 2015 ont été payés par TEL AND COM et n'ont pas été remboursés par Monsieur [F] en dépit de la condamnation en ce sens prononcée par la Cour d'appel de céans dans son ordonnance du 6 mai 2016,
En conséquence,
' INFIRMER le jugement de départage du 20 septembre 2018 du Conseil de Prud'hommes de MARSEILLE en ce qu'il a CONDAMNE la société TEL AND COM à verser à Monsieur [F] la somme de 25.488 Euros bruts à titre de rappel de salaire et la somme de 2.548,80 Euros bruts au titre des congés payés afférents,
STATUANT A NOUVEAU :
A TITRE PRINCIPAL,
' DEBOUTER Monsieur [F] de sa demande de rappel de salaire,
A TITRE SUBSIDIAIRE,
' RÉDUIRE le montant net d'une éventuelle condamnation du montant des salaires versés durant la même période par la société GRANDVISION, soit la somme de 23 468,61 euros nets,
SUR LA DEMANDE DE DOMMAGES ET INTERETS POUR DISCRIMINATION SYNDICALE (APPEL INCIDENT)
' JUGER que Monsieur [F] ne rapporte pas la preuve du bien fondé de sa demande,
' JUGER que l'autorisation administrative du licenciement économique de Monsieur [F] fait obstacle à sa demande au titre de la discrimination syndicale,
' JUGER que la demande de Monsieur [F] est mal fondée,
En conséquence,
' CONFIRMER le jugement de départage du 20 septembre 2018 du Conseil de Prud'hommes de MARSEILLE en ce qu'il a DEBOUTE Monsieur [F] de sa demande de dommages et intérêts pour discrimination syndicale,
SUR LA RUPTURE DU CONTRA'T DE TRAVAIL
SUR lA DEMANDE PRINCIPALE DE NULLITE DU LICENCIEMENT SUR LE FONDEMENT DE L'ARTICLE L1235-11 DU CODE DU TRAVAIL (NOUVELLE DEMANDE)
Cette demande a été jugée prescrite aux termes de l'arrêt de réouverture des débats de la Cour de céans du 29 avril 2022.
SUR LA DEMANDE SUBSIDIAIRE AU TITRE DE LA PRISE D' ACTE DE RUPTURE (APPEL INCIDENT)
A TITRE PRINCIPAL
' JUGER que de la prise d'acte de rupture de Monsieur [F] est postérieure à son licenciement pour motif économique et ne saurait produire aucun effet de droit,
' JUGER que de la prise d'acte de rupture de Monsieur [F] présente un caractère frauduleux,
' JUGER que l'autorisation administrative du licenciement économique de Monsieur [F] fait obstacle à sa demande au titre de la prise d'acte de rupture,
En conséquence,
' CONFIRMER le jugement de départage du 20 septembre 2018 du Conseil de Prud'hommes de MARSEILLE en ce qu'il a JUGE que le contrat de travail a été valablement rompu par l'effet du licenciement pour motif économique,
' CONFIRMER le jugement de départage du 20 septembre 2018 du Conseil de Prud'hommes de MARSEILLE en ce qu'il a DEBOUTE Monsieur [F] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse dans le cadre d'une prise d'acte en raison de manquements graves,
' STATUER CE QUE DE DROIT concernant le jugement de départage du 20 septembre 2018 du Conseil de Prud'hommes de MARSEILLE en ce qu'il a fait droit à la demande de Monsieur [F] au titre du préavis et de l'indemnité de licenciement,
A TITRE SUBSIDIAIRE
' JUGER que de la prise d'acte de rupture de Monsieur [F] est mal fondée en faits et en droit,
En conséquence,
' DEBOUTER Monsieur [F] de l'intégralité de ses demandes indemnitaires,
' INFIRMER le jugement en ce qu'il a condamné TEL AND COM à verser à Monsieur [F] son indemnité de licenciement et son indemnité de préavis,
' CONDAMNER Monsieur [F] à rembourser à TEL AND COM les sommes perçues au titre du préavis et de l'indemnité de licenciement dans le cadre de l'exécution du jugement du conseil de prud'hommes.
A TITRE TRES SUBSIDIAIRE
' JUGER que Monsieur [F] ne rapporte pas la preuve du moindre préjudice,
En conséquence,
' LIMITER une éventuelle condamnation au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse dans le cadre d'une prise d'acte à une somme équivalent à 6 mois de salaire,
SUR L'INDEMNITE POUR VIOLATION DU STATUT PROTECTEUR
' JUGER que Monsieur [F] ne justifie pas d'une quelconque violation de son statut protecteur,
' JUGER que Monsieur [F] ne justifie pas d'un quelconque préjudice afférent à sa demande,
En conséquence,
' CONFIRMER le jugement de départage du 20 septembre 2018 du Conseil de Prud'hommes de MARSEILLE en ce qu'il a DEBOUTE Monsieur [F] de sa demande au titre de la violation du statut protecteur,
EN TOUTES HYPOTHESES
' DEBOUTER Monsieur [F] de toutes ses autres demandes,
' CONDAMNER Monsieur [F] à rembourser à la société TEL AND COM la somme de 19 116 euros versée au titre de l'exécution provisoire.
' Le cas échéant, IMPUTER la somme de 19 116 euros versée au titre de l'exécution provisoire sur le montant d'éventuelles condamnations par la Cour d'appel de céans et/ou de confirmation des condamnations prononcées par le conseil de prud'hommes,
ORDONNER la compensation des créances ; CONDAMNER Monsieur [F] à rembourser à TEL AND COM l'éventuel trop perçu.
' IMPUTER la somme de 4980,09 euros correspondant aux salaires des mois de juillet et août 2015 - payée par TEL AND COM et non remboursée par Monsieur [F] en dépit des termes de l'ordonnance de la Cour d'appel de céans du 6 mai 2016 - sur le montant d'éventuelles condamnations par la Cour d'appel de céans et/ou de confirmation des condamnations prononcées par le conseil de prud'hommes, ORDONNER la compensation des créances ; CONDAMNER Monsieur [F] à rembourser l'éventuel trop perçu à TEL AND COM.
' DEBOUTER Monsieur [F] de sa demande au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile,
' CONDAMNER Monsieur [F] aux entiers dépens,
' CONDAMNER Monsieur [F] à payer la somme de 6000 euros à la société TEL AND COM au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
Monsieur [P] [F] demande à la Cour, aux termes de ses conclusions récapitulatives n° 5 d'intimé et d'appel incident notifiées par voie électronique le 23 décembre, de :
A titre liminaire
Constater la caducité de la déclaration d'appel de la société
En conséquence,
Débouter l'appelante de ses demandes fins et conclusions d'intimée à l'appel incident
Constater l'irrecevabilité des conclusions des 12 juillet et 14 octobre 2022
En conséquence,
Rejeter la pièce adverse n° 32
Sur le fond
Confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Marseille :
Constater le non versement des salaires des mois de juillet 2015 à juin 2016
Confirmer la condamnation de la société à verser à Monsieur [F] la somme de 25 488 euros bruts au titre de rappel de salaires
Confirmer la condamnation de la société à verser à Monsieur [F] la somme de 2548 euros bruts au titre des congés payés y afférents
Confirmer la condamnation de la société à verser à Monsieur [F] la somme de 4248 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis
Confirmer la condamnation de la société à verser à Monsieur [F] la somme de 425 euros bruts au titre des congés payés y afférents
Confirmer la condamnation de la société à payer à Monsieur [F] la somme de 3823 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement
Dans le cadre de l'appel incident
Infirmer le jugement du conseil de prud'hommes sur le surplus
Statuant à nouveau
Y ajoutant
Constater la discrimination syndicale
Sur les indemnités de rupture
Constater les manquements graves commis par la société comme produisant les effets d'un licenciement nul, au principal, à partir de la prise d'acte du 7 juillet 2016, ou, au subsidiaire, la demande de résolution judiciaire du 27 mai 2015
- Le non-respect du maintien de salaire et
- La dispense d'activité illicite ;
En conséquence, dans le cadre de l'appel incident,
Condamner la société à verser à Monsieur [F] la somme de 16 992 euros au titre de dommages et intérêts pour discrimination syndicale
Condamner la société à verser à Monsieur [F] la somme de 38 232 euros au titre de dommages et intérêts pour licenciement nul
Condamner la société à payer à Monsieur [F] la somme de 63 720 euros au titre de l'indemnité pour violation du statut protecteur
Condamner la société à payer à Monsieur [F] la somme de 5000 euros au titre de l'article 700 du CPC
Condamner la société aux entiers dépens
Allouer la capitalisation des intérêts de retard.
SUR CE :
Sur la caducité de la déclaration d'appel et l'irrecevabilité des conclusions d'intimée à l'appel incident en date des 12 juillet et 14 octobre 2022 :
Monsieur [P] [F] maintient sa demande relative à la caducité de la déclaration d'appel de la société TEL AND COM, rejetée par le conseiller de la mise en état par ordonnance du 24 octobre 2022, soutenant que le conseiller a opéré une confusion concernant l'application de l'article 469 du code de procédure civile ; que la mention de la citation dans ce texte renvoie bien à l'acte d'appel car l'article 469 du code de procédure civile s'applique devant toutes les juridictions, y compris en appel, s'agissant d'une disposition de droit commun posée par le code de procédure civile ; qu'ainsi, Monsieur [F] pouvait tout à fait solliciter la caducité de la déclaration d'appel devant la Cour.
Il soulève, en tout état de cause, l'irrecevabilité des conclusions ainsi que de la pièce adverse n° 32 ; il soutient qu'en effet, les dispositions de l'article 469 du code de procédure civile à cet égard sont claires et impératives car, en cas de non respect des délais requis, le juge doit statuer en l'état ; qu'il serait donc injuste et non équitable que la société soit autorisée à se prévaloir des pièces versées alors que cette dernière n'a pas respecté la procédure d'appel et le principe du contradictoire ; qu'ainsi, la Cour devra écarter des débats les pièces antérieures versées par la société en raison du non respect du contradictoire et statué en l'état.
La SA TEL AND COM soutient qu'elle a bien conclu le 12 juillet 2022 dans le délai qui lui était imparti par la Cour de céans, étant précisé que les échanges demeuraient possibles jusqu'à la clôture fixée le 28 octobre 2022 ; que la demande d'incident soulevée par Monsieur [F] doit donc être purement et simplement rejetée.
Elle fait valoir, à titre surabondant, que, si Monsieur [F] critique la teneur des conclusions de TEL AND COM du 12 juillet 2022, leur reprochant de ne pas tenir compte des pièces qu'il a versées aux débats le 30 mai 2022, une telle argumentation ne saurait prospérer car elle revient à porter une appréciation sur la pertinence d'un jeu de conclusions afin de l'assimiler à un défaut de diligence, ce que la loi ne permet pas.
Elle relève par ailleurs que Monsieur [F] a versé au débat, suite à l'arrêt de réouverture des débats du 29 avril 2022, ses bulletins de salaire au sein de GRANDVISION de février à décembre 2015 et de janvier à juillet 2016 ainsi que l'avis d'impôts de 2016, mais il n'a pas versé son contrat de travail avec GRANDVISION qu'il indique avoir perdu ; qu'il a ainsi observé partiellement les mesures d'instruction ordonnées par la cour d'appel de céans.
*****
L'article 469 du code de procédure civile, sur lequel Monsieur [F] fonde ses prétentions, dispose : « Si, après avoir comparu, l'une des parties s'abstient d'accomplir les actes de la procédure dans les délais requis, le juge statue par jugement contradictoire au vu des éléments dont il dispose.
Le défendeur peut cependant demander au juge de déclarer la citation caduque ».
Devant le conseiller de la mise en état, Monsieur [F] explicitait que, suite au calendrier de procédure fixé par l'arrêt avant dire droit en date du 30 mai 2022, il avait parfaitement accompli ses obligations procédurales et transmis les pièces demandées par la Cour ; que la partie adverse avait transmis des conclusions le 12 juillet 2022 en arguant faussement que Monsieur [F] n'avait pas transmis les pièces demandées, sans conclure sur les pièces transmises par le salarié ; que dès lors, la société appelante n'a pas accompli les formalités expressément prévues par la Cour de céans et que, de ce fait, les conclusions prises par la société appelante ne peuvent être retenues conformes aux exigences de l'arrêt de réouverture des débats et que la déclaration d'appel doit être considérée comme caduque en application de l'article 469 du code de procédure civile.
Comme relevé par le conseiller de la mise en état, la caducité de la déclaration d'appel peut être prononcée en application des articles 902, 905-2 et 908 du code de procédure civile. Or, il n'est pas prétendu que le délai de trois mois de dépôt des conclusions de l'appelante au greffe et de signification de ses conclusions à la partie intimée n'a pas été respecté. Par conséquent, la déclaration d'appel de la SA TEL AND COM n'encourt pas la caducité.
L'article 469 invoqué par l'intimé ne prévoit pas la caducité de la déclaration d'appel mais la caducité de la citation.
Monsieur [P] [F] n'a pas fait l'objet d'une citation par assignation devant la cour d'appel, ayant constitué avocat le 22 octobre 2018 par message RPVA. Il a par ailleurs notifié ses conclusions d'intimé et d'appel incident dans le délai prévu par l'article 909 du code de procédure civile.
Alors que Monsieur [F] a produit ses bulletins de salaire sur l'année 2015 et 2016 (jusqu'en juillet 2016) et sa déclaration d'impôts 2016, conformément à ce qui lui a été intimé par la Cour de céans par arrêt de réouverture des débats du 29 avril 2022, à l'exception de la production du contrat de travail le liant à la société GRANDVISION, la SA TEL AND COM a également respecté l'obligation qui lui était faite de notifier de nouvelles conclusions au plus tard fin juillet 2022.
Les conclusions notifiées par la SA TEL AND COM 12 juillet 2022 sont recevables, peu importe qu'elles ne discutent pas les pièces nouvellement communiquées par Monsieur [F].
De même, les conclusions de l'appelante notifiées le 14 octobre 2022 et les conclusions d'appel n° 7 notifiées le 9 décembre 2022 par la SA TEL AND COM, conformément aux dispositions de l'arrêt de renvoi du 18 novembre 2022 et antérieurement à l'ordonnance de clôture du 20 janvier 2023, sont recevables, ainsi que la pièce 33 communiquée le 9 décembre 2022 et correspondant aux bulletins de salaire de Monsieur [F] établis par la société TEL AND COM pour les mois de juillet et août 2015, alors que Monsieur [F] a pu répondre aux nouvelles conclusions et pièce de l'appelante respectivement par conclusions transmises le 28 octobre 2022 et par notification de ses conclusions récapitulatives n° 5 d'intimé et d'appel incident en date du 23 décembre 2022.
La procédure est donc régulière et la communication des conclusions d'appel n° 7 et d'une pièce nouvelle, correspondant à des bulletins de paie en possession du salarié, respectent le principe du contradictoire, Monsieur [F] ayant eu le temps d'y répliquer.
La Cour rejette, dans ces conditions, la demande de Monsieur [F] au titre de la caducité de la déclaration d'appel de la société TEL AND COM, la demande d'irrecevabilité des conclusions de l'appelante des 12 juillet et 14 octobre 2022 et la demande d'irrecevabilité de la pièce adverse n° 32.
Sur la demande de rappel de salaires :
La SA TEL AND COM critique le jugement de départage qui a accordé à Monsieur [P] [F] un rappel de salaire sur la période de juillet 2015 à juin 2016, faisant valoir que ses salaires ne lui étaient pas dus, le salarié s'étant placé, par sa propre faute, en situation de ne plus les percevoir.
Elle fait valoir tout d'abord que Monsieur [F] n'a pas satisfait à son obligation d'exécuter son travail alors même que la société TEL AND COM lui en a donné la possibilité ; que Monsieur [F] a cessé de travailler le 6 février 2015, date de la signature de la convention de rupture, les parties étant convenues d'une dispense d'activité durant la procédure ; que Monsieur [F] n'a jamais repris le travail et n'a jamais exprimé le souhait de reprendre le travail et pour cause, il avait trouvé un emploi au sein de la société GRANDVISION, tel qu'en attestent [V] [N] et [K] [I], et désormais les bulletins de salaire de Monsieur [F] qui prouvent qu'il a travaillé à temps plein au sein de la société GRANDVISION durant cette période ; que c'est la raison pour laquelle Monsieur [F] a refusé de reprendre ses fonctions dans le magasin de la société TEL AND COM le plus proche de son magasin d'affectation initiale, proposition qui lui a été faite afin d'anticiper les conséquences d'un éventuel rejet d'autorisation de la convention de rupture par la DIRECCTE ; que Monsieur [F] a refusé cette proposition ainsi qu'il l'indique dans sa prise d'acte de rupture, proposition qui était conforme aux dispositions de l'article 3 du contrat de travail relatives à la mobilité géographique ; que Monsieur [F] n'a donc pas satisfait à son obligation d'exécuter son travail alors même que la société TEL AND COM lui en a donné la possibilité.
La SA TEL AND COM relève ensuite que Monsieur [F] n'a pas satisfait à son obligation de se tenir à disposition de la société TEL AND COM ; qu'il a cessé de se tenir à disposition de la société TEL AND COM dès le 6 février 2015, date de la signature de la convention de rupture, les parties étant convenues d'une dispense d'activité durant la procédure ; que d'une part, Monsieur [F] a trouvé un nouvel emploi au sein de la société GRANDVISION de sorte qu'il ne se tenait nullement à la disposition de la société TEL AND COM ; que d'autre part, Monsieur [F] a tout simplement cessé de répondre aux courriers de la société TEL AND COM ; qu'il a conclu secrètement - et exécuté - un contrat de travail avec GRANDVISION alors qu'il était lié par un contrat de travail avec la société TEL AND COM ; qu'il a éludé les dispositions de l'accord du 6 mars 2015 qui prévoyaient que, dans le cadre du plan de sauvegarde de l'emploi, les salariés pouvaient répondre favorablement à des offres d'emploi et suspendre leur contrat de travail avec la société TEL AND COM jusqu'à la confirmation de leur nouvel emploi au terme de la période d'essai ; qu'il a ainsi cherché à percevoir 2 salaires à temps plein sur une même période ; que Monsieur [F] s'est donc affranchi de ses obligations de bonne foi et de loyauté.
La SA TEL AND COM soutient que, le 21 avril 2015, alors que Monsieur [F] était toujours dispensé de l'exécution de son contrat de travail en vertu des termes de la convention de rupture du 6 février 2015, la société TEL AND COM lui a simplement proposé une dispense d'activité à compter du 25 avril 2015, proposition faisant suite au refus du salarié d'être affecté au magasin TEL AND COM le plus proche de son magasin d'affectation initiale ; que Monsieur [F] n'a pas formellement refusé cette proposition de dispense d'activité ; que ce n'est que dans son courrier de prise d'acte de rupture qu'il affirme expressément et pour la première fois qu'il aurait refusé cette proposition de dispense de travail ; que dès lors que Monsieur [F] indique que, selon lui, il n'y a pas eu réellement de période de dispense d'activité, a fortiori, il n'y a pas eu de période de dispense d'activité pouvant être qualifiée de période de "dispense d'activité illicite".
La SA TEL AND COM conclut, à titre principal, au débouté de Monsieur [F] de sa demande en paiement de rappels de salaire et de congés payés afférents et à sa condamnation au remboursement des salaires des mois de juillet et août 2015 que la société TEL AND COM lui a versés et que l'ordonnance de la cour d'appel de céans du 6 mai 2016 lui a ordonné de rembourser, soit la somme de 4980,09 euros.
A titre subsidiaire, la SA TEL AND COM sollicite que le montant d'une éventuelle condamnation soit diminué des salaires versés à Monsieur [F] par la société GRANDVISION, soit la somme de 23.468,61 euros nets perçus de juillet 2015 au mois de juin 2016.
Monsieur [P] [F] fait valoir que, suite au refus de la proposition de la société dans le cadre de la fermeture du magasin au sein duquel le salarié exerçait son activité de responsable de magasin, il n'a pas été rémunéré depuis le mois de juillet 2015 ; que la société a considéré de manière unilatérale qu'en l'absence de réponse de Monsieur [F], ce dernier était considéré en absence autorisée et non rémunérée ; que cette décision est illicite dans la mesure où Monsieur [F] bénéficiait d'un mandat de représentant du personnel, élu sur une liste syndicale ; qu'en effet, Monsieur [F] aurait dû percevoir sa rémunération même durant la période où il est resté sans activité du fait de son refus d'exécuter le contrat dans les nouvelles conditions proposées par la société ; que l'argument de la prétendue déloyauté de Monsieur [F] ne tient pas dans la mesure où ce dernier avait décidé de travailler chez GRANDVISION au moment de la rupture conventionnelle, croyant qu'il allait sortir de la société, la décision de l'inspecteur du travail s'imposant à lui comme à la société ; que l'inspecteur du travail a refusé la rupture conventionnelle au motif qu'une procédure de licenciement pour motif économique avait été engagée par la société, laquelle avait fait le choix de rompre le contrat par une rupture conventionnelle afin justement de détourner la procédure de licenciement pour motif économique et donc les dispositions du PSE au détriment du salarié ; que la société ne peut invoquer sa propre turpitude ; que Monsieur [F] n'avait aucune obligation d'exclusivité avec la société et n'a jamais agi avec une intention de nuire mais bien au contraire, de trouver des revenus de remplacement ; qu'en tout état de cause, la société GRANDVISION n'est pas une société concurrente de la société TEL AND COM ; que les dispositions de l'accord du 6 mars 2015 ne pouvaient s'appliquer à Monsieur [F] puisque le mode de rupture utilisé, la rupture conventionnelle, est totalement distinct du PSE et donc de l'accord du 6 mars 2015 ; que c'est à tort que la SA TEL AND COM avait évoqué les dispositions de l'accord du 6 mars 2015 ; que la SA TEL AND COM a décidé de ne plus rémunérer Monsieur [F] à compter de la fin du mois de mai 2015, soit plus d'un mois avant d'avoir appris qu'il travaillait pour une autre société ; qu'il s'agit bien d'une faute de la société qui a été imprudente et ne peut pas se faire justice elle-même ; que surtout, étant inscrit sur une liste électorale syndicale et étant élu, Monsieur [F] bénéficie de la protection liée à son activité syndicale ainsi que des règles d'ordre public absolu de protection des représentants du personnel, libertés fondamentales protégées par la Constitution et le droit européen ; qu'il faut bien prendre en compte le fait que le contrat de travail n'était pas rompu et qu'il s'agit, de ce fait, d'une créance salariale due par l'employeur, même si Monsieur [F] n'a pas travaillé ; en tout état de cause, qu'aucune compensation ne peut être opérée et la décision de première instance doit être confirmée ; qu'il est établi que lorsqu'un droit ou une liberté fondamentale est violé, la chambre sociale de la Cour de cassation écarte totalement la déduction d'un quelconque revenu de remplacement perçu par le salarié victime de la violation précitée ; que cette règle s'applique à Monsieur [F] en raison de la protection d'ordre public absolu dont il bénéficiait en sa qualité de délégué du personnel élu sur une liste syndicale et qu'il y a lieu de condamner la société à lui verser la somme brute de 25,488 euros au titre de rappel de salaires, outre les congés payés afférents.
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Il résulte des éléments versés aux débats, notamment du procès-verbal de la réunion exceptionnelle du Comité d'Entreprise de l'Unité Économique et Sociale Tel and Com du 6 février 2015 que Monsieur [P] [F] a sollicité auprès de son employeur une rupture conventionnelle en indiquant dans son courrier "je souhaite en effet me consacrer à de nouveaux projets professionnels" (courrier du 29 décembre 2014) et qu'après audition de Monsieur [F] devant le Comité d'Entreprise, celui-ci a donné un avis favorable au projet de rupture conventionnelle du contrat de travail de Monsieur [F] "à l'unanimité".
La convention de rupture conventionnelle a été signée entre les parties le 6 février 2015, subordonnée à l'autorisation administrative eu égard à la qualité de salarié protégé de Monsieur [F], fixant la date envisagée de la rupture du contrat de travail au 16 mars 2015 et prévoyant le versement d'une indemnité spécifique de rupture conventionnelle égale à 3301 euros. Par ailleurs, il était précisé dans ladite convention : « Durant l'ensemble de la présente procédure, Monsieur [F] sera libéré de ses obligations contractuelles à l'exception de son obligation de loyauté envers la société Tél and Com. Son salaire sera maintenu jusqu'au terme de la procédure ».
La rupture conventionnelle a fait l'objet d'un rejet implicite par l'inspecteur du travail, à défaut de décision prise dans le délai de deux mois suivant la demande réceptionnée le 24 février 2015 d'autorisation de procéder à la rupture conventionnelle du contrat de travail du salarié, délégué du personnel. Contrairement à ce qui est invoqué par Monsieur [F], l'inspecteur du travail n'a avancé aucun motif de refus de la rupture conventionnelle et l'a simplement informé « qu'en l'absence de décision à l'issue d'un délai de 2 mois, cette demande fera l'objet d'un rejet implicite » (pièce 4 versée par le salarié).
Cette décision de rejet implicite de la demande de rupture conventionnelle en date du 24 avril 2015 n'a fait l'objet d'aucun recours de l'une ou l'autre des parties.
Suite à la résiliation des contrats de distribution par les sociétés BOUYGUES TELECOM et ORANGE, les sociétés de l'UES TEL AND COM ont engagé, début mars 2015, une procédure d'information/consultation des instances représentatives du personnel sur le projet de réorganisation entraînant la suppression de la totalité des postes de travail notamment de TEL AND COM.
Contrairement à ce qui est soutenu par le salarié, la société TEL AND COM n'a pas cherché à détourner la procédure de licenciement pour motif économique en choisissant de rompre le contrat par une convention de rupture, puisqu'il ressort des éléments versés que c'est le salarié qui est à l'origine de la demande de rupture conventionnelle par courrier du 29 décembre 2014 et qu'antérieurement à la procédure d'information/consultation des instances représentatives du personnel début mars 2015, Monsieur [F] était déjà embauché à temps plein par un autre employeur, la société GRANDVISION, depuis le 9 février 2015 (selon bulletins de salaire établis par GRANDVISION, versés par le salarié).
Un accord collectif a été signé le 6 mars 2015 entre les sociétés de l'UES TEL AND COM et les organisations syndicales, relatif à la possibilité de suspendre d'un commun accord le contrat de travail de salariés pouvant disposer, pendant le déroulement de la procédure d'information/consultation, de propositions de travail aux fins de pouvoir accéder, dans les meilleurs délais, à une proposition de travail chez un nouvel employeur et prévoyant la réintégration au sein des effectifs de la société de l'UES TEL AND COM dans l'hypothèse où la période d'essai serait rompue par le nouvel employeur ou le salarié, ou le licenciement du salarié par la société de l'UES TEL AND COM dès lors que la validation du PSE par la DIRECCTE sera intervenue, en cas de période d'essai concluante au service du nouvel employeur (pièce 9 versée par l'employeur).
Par courrier du 21 avril 2015 ayant pour objet "Proposition de dispense de travail", la SA TEL AND COM a informé Monsieur [F] que l'exploitation du magasin dans lequel il travaillait cessait, qu'il lui avait été proposé « dans le cadre de la mise en place de la procédure d'information/consultation des instances représentatives du personnel sur le projet de réorganisation et les conséquences de ce projet de réorganisation sur votre poste de travail, de travailler dans le magasin Tél and Com le plus proche de votre lieu de travail actuel », la société poursuivant : « Suite à votre refus de cette proposition, nous vous proposons de vous dispenser d'effectuer vos fonctions à partir du 25 avril 2015 et ce jusqu'à nouvel ordre. Nous vous précisons que vous serez rémunéré normalement pendant cette période de dispense de travail.
Pour la bonne forme, vous voudrez bien nous remettre une copie de la présente lettre datée et contresignée avec la mention manuscrite "Bon pour dispense de travail dans les conditions ci-dessus exposées" ».
Monsieur [P] [F] n'a pas répondu à son employeur, ni approuvé la proposition de dispense de travail.
Par courrier recommandé du 13 mai 2015, la SA TEL AND COM indiquait être sans nouvelle de Monsieur [F] et lui écrivait : « Lors d'une conversation téléphonique, nous vous avons indiqué que la Direction Régionale des Entreprises, de la Concurrence, de la consommation, du travail et de l'Emploi a confirmé le refus d'autoriser votre rupture conventionnelle.
De ce fait, nous vous avons demandé de nous faire connaître votre situation actuelle. Vous vous êtes engagé à le faire avant le 11 mai 2015. A ce jour, nous sommes sans nouvelles de votre part.
Votre absence est autorisée dans l'attente de votre réponse, mais ne sera pas rémunérée ».
La SA TEL AND COM a mis en demeure, par courrier du 8 juin 2015, Monsieur [F] de faire connaître sa situation actuelle et l'a invité à un entretien devant se dérouler au siège de la société à [Localité 2], le 17 juin 2015 à 14 heures, étant observé que le salarié avait saisi la juridiction prud'homale d'une demande en résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l'employeur par requête du 27 mai 2015.
Le document unilatéral fixant le premier plan de sauvegarde de l'emploi (PSE 1) de l'UES TEL AND COM a été homologué par la DIRECCTE du Nord-Pas de Calais le 18 mai 2015, la décision d'homologation ayant été annulée par le tribunal administratif de Lille par jugement du 14 octobre 2015. L'UES TEL AND COM a établi un deuxième document unilatéral fixant le plan de sauvegarde de l'emploi (PSE 2), homologué par la DIRECCTE le 3 février 2016, décision d'homologation qui a été annulée par arrêt du Conseil d'État en date du 24 octobre 2018.
Monsieur [P] [F] a été convoqué, par courrier du 26 février 2016, à un entretien préalable à une mesure de licenciement pour motif économique le 9 mars 2016. L'inspecteur du travail a été saisi le 2 mai 2016 par la SA TEL AND COM d'une demande d'autorisation de licenciement pour motif économique de Monsieur [P] [F], étant précisé dans la décision d'autorisation de licenciement en date du 27 juin 2016 que Monsieur [P] [F] est salarié protégé au titre de son mandat de délégué du personnel. Monsieur [P] [F] a été licencié pour motif économique par courrier daté du 7 juillet 2016.
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Alors que la procédure de rupture conventionnelle a pris fin à la date du 24 avril 2015 à la suite de la décision de rejet implicite de la demande de rupture conventionnelle de l'inspecteur du travail, Monsieur [F] a fait l'objet d'une procédure de licenciement pour motif économique initiée par l'employeur par une proposition de mutation dans un magasin Tel and Com autre que celui sur lequel il était affecté et qui faisait l'objet d'une fermeture.
Cette proposition de nouvelle affectation du salarié protégé constitue une modification de ses conditions de travail et Monsieur [F] était donc en droit de la refuser.
Il importe peu que Monsieur [F] n'ait pas répondu ni approuvé la "proposition de dispense de travail" présentée par l'employeur, par courrier du 21 avril 2015, puisque la SA TEL AND COM avait connaissance du refus du salarié de la proposition de mutation et qu'il lui appartenait alors de poursuivre la procédure de licenciement pour motif économique et de maintenir le versement du salaire. La SA TEL AND COM a d'ailleurs maintenu à Monsieur [F] le versement de son salaire jusqu'à fin avril 2015.
Si le salarié n'avait pas à se tenir à la disposition de l'employeur pour effectuer une prestation de travail dans le cadre d'une nouvelle affectation qu'il avait refusée, il était toutefois tenu à l'exécution de ses autres obligations contractuelles résultant du contrat de travail le liant à la SA TEL AND COM, notamment à l'obligation de loyauté et d'exécution de bonne foi du contrat de travail. Tel était également le cas dans le cadre de la procédure de rupture conventionnelle, la convention de rupture signée entre les parties le 6 février 2015 prévoyant que le salarié était "libéré de ses obligations contractuelles à l'exception de son obligation de loyauté envers la société Tél and Com".
Or, il résulte des bulletins de paie produits par Monsieur [F] que celui-ci est employé en qualité d'Adjoint par la société GRANDVISION France depuis le 9 février 2015, étant observé que le salarié ne verse pas son contrat de travail le liant à son nouvel employeur qui aurait permis de connaître la date de conclusion dudit contrat.
Monsieur [P] [F] a caché sa nouvelle situation professionnelle à la SA TEL AND COM, n'a pas répondu aux courriers de cette dernière en date des 21 avril, 13 mai et 8 juin 2015 alors que la société lui demandait expressément de lui faire connaître sa situation actuelle. De même, il lui a été demandé le 6 juillet 2015 "de se conformer aux dispositions de l'accord du 6 mars 2015" tel qu'attesté par Monsieur [G] [M], juriste de la société, qui rapporte avoir « contacté ce jour par téléphone... le magasin GENERALE D'OPTIQUE... (Avoir) demandé à parler à Monsieur [P] [F]... demandé à ce salarié de se conformer aux dispositions de l'accord du 6 mars 2015, à savoir, nous confirmer : sa date d'embauche chez son nouvel employeur, l'expiration de sa période d'essai et son souhait de poursuivre ses fonctions dans son nouveau poste de travail, chez son nouvel employeur. Monsieur [F] a clairement exprimé qu'il n'entend pas communiquer ces informations à la société TEL AND COM ».
Alors que Monsieur [F] était désormais concerné par la mesure de licenciement collectif pour motif économique, il avait pour obligation, conformément aux dispositions de l'Accord collectif du 6 mars 2015, de demander à la Direction des Ressources Humaines de la SA TEL AND COM une suspension de son contrat de travail pour pouvoir s'engager auprès d'un autre employeur, la DRH devant faire part par écrit "de sa décision motivée au plus tard dans un délai de 2 jours à compter de la demande", outre que cette demande devait être transmise par la DRH au Comité d'Entreprise de l'UES TEL AND COM et aux représentants des organisations syndicales signataires (FO, CFE-CGC, CFDT et CGT).
Il était prévu par l'Accord collectif que, pendant la suspension du contrat de travail, le salarié percevant une rémunération de la part du nouvel employeur, ne percevrait pas de rémunération de la société de l'UES TEL AND COM, qu'il conserverait le bénéfice du régime de la complémentaire santé et qu'il serait réintégré dans les effectifs de la société de l'UES TEL AND COM dès lors que la période d'essai s'avérerait non concluante chez son nouvel employeur.
Monsieur [F], faisant l'objet d'une procédure de licenciement collectif pour motif économique postérieurement à l'échéance de la procédure de rupture conventionnelle en date du 24 avril 2015, ne pouvait prétendre démarrer un nouvel emploi au sein de la société GRANDVISION sans en informer son employeur et continuer à percevoir la rémunération versée par la SA TEL AND COM, au surplus de celle versée par la société GRANDVISION, ce en violation des dispositions de l'Accord collectif du 6 mars 2015.
La SA TEL AND COM justifie que Monsieur [U] [R], délégué du personnel, a vu son contrat de travail suspendu à partir du 11 août 2015 en application de l'accord du 6 mars 2015 suite à son embauche par la société CREDIT AGRICOLE (pièce 22), que Monsieur [S] [X], membre titulaire du Comité d'Entreprise et délégué syndical, a vu son contrat de travail suspendu à partir du 1er février 2016 en application de l'accord du 6 mars 2015 suite à son embauche par la société DÉCATHLON (pièce 23) et que Monsieur [C] [A], membre titulaire du CHSCT, a vu son contrat de travail suspendu à partir du 15 juin 2015 en application de l'accord du 6 mars 2015 suite à son embauche par la société PAUL (pièce 24).
En conséquence, Monsieur [F] ne peut prétendre au versement de sa rémunération alors que, s'il avait agi loyalement à l'égard de son ancien employeur et transmis les informations sur son nouvel emploi en application des dispositions de l'Accord collectif du 6 mars 2015, son contrat le liant à la SA TEL AND COM aurait été suspendu et cette dernière dispensée de le rémunérer.
En conséquence, la Cour infirme le jugement en ce qu'il a accordé à Monsieur [P] [F] la somme brute de 25 488 euros à titre de rappel de salaires sur la période de juillet 2015 à juin 2016, outre la somme de 2548,80 euros de congés payés y afférents.
Il n'appartient pas à la Cour de céans de "JUGER que les mois de juillet et août 2015 ont été payés par TEL AND COM et n'ont pas été remboursés par Monsieur [F] en dépit de la condamnation en ce sens prononcée par la Cour d'appel de céans dans son ordonnance du 6 mai 2016" qui n'est pas une prétention au sens de l'article 4 du code de procédure civile, étant rappelé que l'arrêt rendu le 6 mai 2016 par la 9ème chambre C de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, condamnant [P] [F] à rembourser à la SA TEL AND COM les sommes perçues au titre des salaires de juillet et août 2015, constitue un titre exécutoire ouvrant droit à la restitution des sommes versées en exécution de l'ordonnance du bureau de conciliation du conseil de prud'hommes de Marseille en date du 7 juillet 2015, de même que le présent arrêt constitue un titre exécutoire.
Sur la rupture du contrat de travail :
Monsieur [P] [F] invoque en premier lieu que les agissements constitutifs de harcèlement discriminatoire et le non-respect du maintien du salaire justifient sa prise d'acte aux torts exclusifs de l'employeur ; qu'eu égard à la discrimination subie par lui en lien avec son mandat de représentant du personnel, la rupture de son contrat de travail doit s'analyser en un licenciement nul.
Si la demande relative à la prise d'acte de la rupture du contrat de travail venait à être rejetée, Monsieur [F] sollicite la résiliation judiciaire de son contrat pour des griefs et faits similaires à ceux exposés au titre de la prise d'acte.
Il réclame le paiement de la somme de 38,232 euros pour licenciement nul.
La SA TEL AND COM réplique que le contrat de travail n'a pas été rompu par l'effet de la prise d'acte, qui est intervenue de manière frauduleuse postérieurement à la notification du licenciement du 7 juillet 2016, alors que la prise d'acte bien que datée du 7 juillet 2016 date en réalité du 12 juillet 2016.
Par ailleurs, la SA TEL AND COM fait valoir, à titre subsidiaire, que l'autorisation administrative du licenciement économique de Monsieur [F] fait obstacle à sa demande au titre de la prise d'acte, de même que la demande de résiliation judiciaire du salarié ne peut plus être invoquée devant la Cour de céans. A titre très subsidiaire, la société soutient que les motifs invoqués par Monsieur [F] sont mal fondés. Elle sollicite que Monsieur [F] soit débouté de sa demande d'indemnisation au titre d'un licenciement nul.
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Monsieur [P] [F] entend se prévaloir en premier lieu de sa prise d'acte de rupture de son contrat de travail aux torts de l'employeur. Il produit son courrier ''recommandé'' daté du 7 juillet 2016 ayant pour objet "Prise d'acte de la rupture de mon contrat de travail à vos torts exclusifs", sans produire l'avis d'envoi ou de réception dudit courrier.
Alors que la lettre de licenciement datée également du 7 juillet 2016 a été déposée à la Poste le 7 juillet 2016 et le destinataire avisé le 9 juillet 2016 (pli non retiré - détail informatique de l'acheminement produit en pièce 18 par l'employeur), la SA TEL AND COM justifie que la lettre de prise d'acte de Monsieur [F] a été déposée à la Poste le 12 juillet 2016 (selon avis de dépôt et détail informatique de l'acheminement - pièces 19).
Si Monsieur [P] [F] soutient que la lettre de licenciement, qui ne lui a pas été délivrée faute de retrait du courrier recommandé, n'est pas signée, la Cour constate toutefois que l'enveloppe du courrier recommandé présentée à la Cour, fermée, contient après ouverture l'original de la lettre de licenciement signée par le Directeur des Ressources Humaine.
Ainsi, la lettre de licenciement a été notifiée le 7 juillet 2016, date d'envoi du recommandé, antérieurement à la lettre de prise d'acte de rupture notifiée le 12 juillet 2016.
La prise d'acte de Monsieur [F] est par conséquent privée d'effet, peu important que l'employeur ait fait mention de la prise d'acte comme motif de rupture dans l'attestation Pôle emploi.
En second lieu, Monsieur [F] se prévaut de sa demande de résiliation judiciaire du contrat de travail qu'il a introduite devant le conseil de prud'hommes de Marseille par requête du 27 mai 2015.
Cependant, le juge judiciaire ne peut, sans violer le principe de la séparation des pouvoirs, se prononcer sur la demande de résiliation judiciaire postérieurement au prononcé du licenciement pour motif économique notifié à la suite de l'autorisation administrative de licenciement accordée par l'inspecteur du travail le 27 juin 2016, même si la saisine du conseil de prud'hommes était antérieure à la rupture. Il lui appartient seulement de faire droit, le cas échéant, aux demandes de dommages-intérêts au titre des fautes commises par l'employeur pendant la période antérieure au licenciement lorsque les manquements invoqués par le salarié n'ont pas été pris en considération par l'autorité administrative dans le cadre de la procédure d'autorisation.
En conséquence, la Cour confirme le jugement en ce qu'il a débouté Monsieur [F] de sa demande d'indemnisation au titre de la nullité de la rupture de son contrat de travail.
Sur les indemnités de préavis et de licenciement :
Il n'est pas discuté par la SA TEL AND COM que ces créances ont vocation à être réglées à Monsieur [F] dans le cadre de son solde de tout compte, dans le cas où la Cour de céans juge que le contrat de travail a été rompu par le licenciement économique.
Alors que le contrat de travail de Monsieur [F] a été rompu par notification du licenciement pour motif économique le 7 juillet 2016, il convient de faire droit aux réclamations de Monsieur [F] et de lui accorder la somme brute de 4248 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis correspondant à deux mois de salaire, la somme brute de 425 euros au titre des congés payés y afférents et la somme nette de 3823 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement pour 9 ans d'ancienneté du salarié (2124 x1/5 x 9), par confirmation du jugement entrepris.
Il n'y a pas lieu de statuer sur la demande de la SA TEL AND COM de condamner Monsieur [F] à lui rembourser les sommes perçues au titre du préavis et de l'indemnité de licenciement dans le cadre de l'exécution du jugement du conseil de prud'hommes.
Sur la discrimination syndicale :
Monsieur [P] [F] soutient que la SA TEL AND COM a commis un certain nombre d'agissements qui, pris dans leur ensemble, sont constitutifs de faits de harcèlement discriminatoire à l'égard du concluant, à savoir :
-en premier lieu, le non-respect du droit au maintien de salaire : à compter du mois de mai 2015, la société a dispensé Monsieur [F] de tout travail de manière unilatérale sans maintien de la rémunération, alors même qu'elle s'était engagée par écrit à maintenir le salaire de Monsieur [F] ; il s'agit d'une créance salariale certaine, l'employeur ayant l'obligation de verser des salaires jusqu'au licenciement de Monsieur [F] ;
-en deuxième lieu, la dispense d'activité illicite : alors que la société a proposé un poste à Monsieur [F] dans un autre magasin, proposition à laquelle le salarié n'a pas donné suite, elle a proposé le 21 avril 2015 à Monsieur [F] une dispense d'activité, sans délai de réflexion ; Monsieur [F] n'y a pas donné suite non plus ; la société n'a pas respecté ses obligations et n'a plus fourni de travail à Monsieur [F] à compter du mois de mai 2015 et ne l'a plus rémunéré ; elle a convoqué le salarié à un entretien informel, ce qui démontre que la société a entendu exercer une pression manifeste sur la décision de Monsieur [F] ; la société n'a pas saisi l'inspecteur du travail d'une demande d'autorisation liée à la modification du contrat de travail, n'ayant effectué cette saisine qu'à compter du mois de février 2016 ; cette attitude de la société contrevient à ses obligations contractuelles, ce d'autant plus que Monsieur [F] est titulaire d'un mandat de représentant du personnel, élu sur une liste syndicale ; par ailleurs, la SA TEL AND COM avait initié une procédure de licenciement pour faute grave à l'encontre de Monsieur [F], agissement constitutif de harcèlement discriminatoire dans la mesure où la société avait décidé de pousser le salarié à la démission en usant de son pouvoir disciplinaire ; la société a également proposé une rupture conventionnelle "au rabais" à Monsieur [F] alors que le licenciement pour motif économique était prévu et a encore brutalement cessé toute rémunération pour de fallacieux prétextes ; la société a volontairement pris en compte la prise d'acte de la rupture afin de pénaliser encore plus Monsieur [F] en ne lui payant pas ses indemnités de rupture et en le privant de ses droits aux indemnités d'assurance chômage ; l'ensemble de son comportement à l'égard du salarié protégé est particulièrement déloyal et malhonnête.
Monsieur [F] fait valoir que, compte tenu des éléments exposés ci-dessus, il est établi que la société est défaillante dans la démonstration de la preuve de l'absence de discrimination syndicale et qu'il est parfaitement en droit de réclamer des dommages et intérêts pour discrimination syndicale à hauteur de 16,992 euros (2124 x 8 mois).
La SA TEL AND COM réplique que, si elle avait manqué à ses obligations comme Monsieur [F] le prétend, l'inspecteur du travail n'aurait pas autorisé le licenciement ; que les manquements invoqués par le salarié ont nécessairement été pris en compte par l'inspecteur du travail, qui doit notamment vérifier l'absence de lien entre la demande d'autorisation de licenciement et le mandat du salarié ; que l'autorisation administrative du licenciement économique de Monsieur [F] fait obstacle à la demande au titre de la discrimination syndicale ; subsidiairement, que les salaires de Monsieur [F] ne lui étaient pas dus alors qu'il a travaillé pour la société GRANDVISION ; que Monsieur [F] n'a pas satisfait à son obligation de se tenir à disposition de la société TEL AND COM ; que la Cour de céans constatera l'absence de toute "dispense d'activité illicite" ; que la société concluante établit qu'elle n'a nullement manqué à ses obligations ; que la demande au titre de la discrimination syndicale sera donc purement et simplement rejetée.
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Il convient d'observer que la SA TEL AND COM, dans son courrier du 2 mai 2016 adressé à la DIRECCTE du Nord de demande d'autorisation de licenciement de Monsieur [P] [F], a exposé l'entière situation du salarié, notamment la procédure de rupture conventionnelle du contrat de travail rejetée implicitement par l'autorité administrative, les échanges de correspondances avec le salarié, la saisine par ce dernier du conseil de prud'hommes de Marseille le 27 mai 2015 d'une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail, la mise en demeure adressée au salarié par courrier du 8 juin 2015 de faire connaître à son employeur sa situation actuelle et la convocation à un entretien fixé le 17 juin 2015, auquel Monsieur [F] ne s'est pas rendu, la convocation le 26 juin 2015 à un entretien préalable à sanction disciplinaire pouvant aller jusqu'au licenciement pour faute grave (sans suite) et la procédure de licenciement pour motif économique (pièce 25 versée par l'employeur).
Après enquête contradictoire, l'inspecteur du travail a décidé, le 27 juin 2016, d'autoriser le licenciement pour motif économique de Monsieur [P] [F]. Sa décision précise qu'il résulte des éléments examinés « que le motif économique du licenciement de M. [P] [F] ainsi que la suppression de son poste de travail sont établis' que la société TEL and COM doit être regardée comme ayant procédé à une recherche réelle et sérieuse de reclassement' que l'enquête contradictoire n'a pas mis en exergue d'éléments tangibles permettant de considérer la demande d'autorisation de procéder au licenciement pour motif économique de M. [P] [F] comme étant liée au mandat exercé par ce dernier ».
Ainsi, l'inspecteur du travail a examiné, dans le cadre de la procédure d'autorisation de licenciement pour motif économique, si la demande d'autorisation était en lien avec le mandat de Monsieur [P] [F]. Toutefois, cet examen est limité à la mesure de licenciement envisagée, sans que l'appréciation de l'inspecteur du travail porte sur l'ensemble de la relation salariale.
En l'espèce, Monsieur [F] soutient avoir été victime de discrimination syndicale durant l'exécution de son contrat de travail, antérieurement à la procédure de licenciement pour motif économique.
Au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties et examinés ci-dessus, la Cour constate :
-que la société TEL AND COM n'a pas cherché à détourner la procédure de licenciement pour motif économique en choisissant de rompre le contrat par une convention de rupture, puisque c'est le salarié qui est à l'origine de la demande de rupture conventionnelle par courrier du 29 décembre 2014, étant observé de surcroît qu'antérieurement à la procédure d'information/consultation des instances représentatives du personnel sur le projet de licenciement collectif pour motif économique, début mars 2015, Monsieur [F] était déjà employé à temps complet par la société GRANDVISION, depuis le 9 février 2015 ;
-que Monsieur [F], faisant désormais l'objet d'une procédure de licenciement pour motif économique postérieurement à la procédure de rupture conventionnelle, ne pouvait prétendre démarrer un nouvel emploi au sein de la société GRANDVISION sans en informer la SA TEL AND COM, conformément aux dispositions de l'Accord collectif du 6 mars 2015 ;
-qu'ayant caché sa nouvelle situation professionnelle à son employeur et n'ayant pas répondu au courrier de la SA TEL AND COM lui demandant de lui faire connaître sa situation actuelle, Monsieur [F] ne pouvait prétendre au versement de sa rémunération alors que son contrat de travail aurait dû être suspendu et l'employeur dispensé de le rémunérer en application des dispositions de l'Accord collectif du 6 mars 2015 ;
-qu'alors que le salarié n'avait pas répondu aux courriers de la SA TEL AND COM en date des 21 avril, 13 mai et 8 juin 2015 et ne lui avait pas fait connaître sa nouvelle situation professionnelle, la convocation adressée par la société à Monsieur [F], par courrier du 8 juin 2015 à un entretien fixé le 17 juin 2015 et prévoyant l'indemnisation des déplacements du salarié, n'apparaît pas abusive et ne constitue pas une pression exercée sur le salarié en raison de son mandat ;
-qu'à défaut de toute manifestation du salarié, pourtant toujours lié à la SA TEL AND COM par un lien de subordination et par une obligation de loyauté, la convocation adressée par lettre recommandée le 26 juin 2015 par la SA TEL AND COM à Monsieur [F] à un entretien préalable à une sanction disciplinaire pouvant aller jusqu'au licenciement pour faute grave s'inscrit dans le cadre de l'exercice du pouvoir disciplinaire de la société, qui a toutefois décidé de ne pas poursuivre la procédure disciplinaire et de poursuivre à l'égard de Monsieur [F] la procédure de licenciement pour motif économique ;
-que la dispense d'activité, alors que le magasin sur lequel Monsieur [F] était affecté avait fait l'objet d'une fermeture et que ce dernier n'avait pas donné suite à la proposition d'affectation sur un autre magasin, s'inscrivait dans le cadre de la procédure de licenciement pour motif économique et a concerné tous les salariés de la SA TEL AND COM ayant refusé une nouvelle affectation ;
-que le retard pris dans la poursuite de la procédure de licenciement pour motif économique est en lien avec l'annulation de l'homologation du document unilatéral fixant le PSE 1 et la nécessité pour la SA TEL AND COM d'établir un deuxième document unilatéral fixant le PSE 2, homologué par la DIRECCTE le 3 février 2016 ;
-qu'il ne peut être reproché à la SA TEL AND COM d'avoir délivré une attestation Pôle emploi mentionnant au titre du motif de la rupture la prise d'acte du salarié alors même que Monsieur [F] a revendiqué, jusqu'en cause d'appel, que le motif de la rupture du contrat était sa prise d'acte.
En conséquence, la SA TEL AND COM établit que ses décisions et agissements sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination en raison du mandat électif ou des activités syndicales du salarié.
La Cour confirme le jugement en ce qu'il a débouté Monsieur [F] de sa demande de dommages et intérêts pour discrimination syndicale.
Sur l'indemnité pour violation du statut protecteur :
Monsieur [P] [F] soutient qu'il a été élu délégué du personnel le 7 juillet 2011 pour une durée de 4 ans, que son mandat de représentant du personnel a été reconduit pour une durée de 4 ans à compter du 7 juillet 2015, soit jusqu'au 7 juillet 2019 ; qu'ayant pris acte de la rupture du contrat de travail à compter du mois de juillet 2016 et son licenciement étant intervenu en juillet 2016 également, l'indemnité qui lui est due pour violation du statut protecteur est égale à 30 mois de salaire dans la mesure où le montant réellement dû dépasse ces 30 mois de salaire, l'indemnité étant égale à la rémunération qu'il aurait dû percevoir jusqu'à l'expiration de la période de protection en cours au jour de la prise d'acte de la rupture ; que dans ces conditions, il est en droit de réclamer la somme de 63 720 euros (2134 x 30).
La SA TEL AND COM réplique que les conclusions de Monsieur [F] ne précisent pas clairement le fondement juridique de sa demande ; qu'à titre principal, il convient de débouter Monsieur [F] de sa demande qu'il semble vouloir rattacher à sa prise d'acte de rupture, laquelle ne produit aucun effet juridique puisqu'elle est intervenue après la notification du licenciement et qu'elle est au demeurant mal fondée ; qu'en outre, au jour de sa saisine du conseil de prud'hommes, le mandat de Monsieur [F] était celui de représentant du personnel élu le 7 juillet 2011 et qui a expiré le 7 juillet 2015 ; que le juge ne doit pas tenir compte de tout nouveau mandat acquis en cours de procédure ; qu'enfin, Monsieur [F] n'a subi aucune perte de revenu indemnisable, alors qu'il demande un rappel de salaire de mai 2015 à juin 2016 dans le cadre d'une demande distincte et qu'il ne saurait donc demander deux fois le paiement de ses salaires ; qu'il ne peut davantage invoquer la moindre perte de salaire après la rupture de son contrat de travail, étant précisé qu'il ne justifie d'aucun mandat jusqu'au mois de juillet 2019 (n'ayant pas été réélu) ; que Monsieur [F] a, en toutes hypothèses, été licencié pour motif économique le 7 juillet 2016 après autorisation de l'inspecteur du travail ; qu'il n'y a donc aucune violation du statut protecteur et pas davantage de manque-à-gagner et que Monsieur [F] doit être débouté de sa demande.
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Outre que Monsieur [P] [F] ne justifie pas que son mandat de représentant du personnel, expiré le 6 juillet 2015, aurait été reconduit pour 4 ans à compter du 7 juillet 2015, la Cour n'a pas reconnu l'existence d'une discrimination syndicale subie par le salarié et a écarté les demandes de Monsieur [F] au titre d'un licenciement nul. Le licenciement pour motif économique du salarié a été prononcé le 7 juillet 2016 à la suite de l'autorisation administrative de licenciement accordée par l'inspecteur du travail le 27 juin 2016.
Le contrat de travail de Monsieur [F] a donc pris fin par notification de son licenciement pour motif économique du 7 juillet 2016 sans que son statut protecteur n'ait été violé par la SA TEL AND COM.
Il convient donc de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté Monsieur [F] de sa demande en paiement d'une indemnité pour violation de son statut protecteur.
Sur la demande de remboursement des sommes versées au titre de l'exécution provisoire :
La SA TEL AND COM sollicite la condamnation de Monsieur [F] à lui rembourser la somme de 19.116 euros versée au titre de l'exécution provisoire.
Le présent arrêt constitue, si il y a lieu, le titre ouvrant droit à la restitution des sommes versées en exécution du jugement de première instance. La demande de la société appelante en restitution de sommes trop perçues en exécution du jugement est rejetée.
Sur la demande compensation des créances :
Alors que la Cour a accordé à Monsieur [F] uniquement les sommes dues au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement et de l'indemnité compensatrice de préavis par confirmation du jugement déféré, sommes déjà versées par la SA TEL AND COM en exécution du jugement de première instance, la demande de compensation présentée par la SA TEL AND COM est sans objet.
Sur l'article 700 du code de procédure civile :
L'équité n'impose pas qu'il soit fait application, au cas d'espèce, des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
La SA TEL AND COM, partiellement succombante en son appel, est condamnée aux dépens.
PAR CES MOTIFS
La Cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile et en matière prud'homale,
Rejette les demandes de Monsieur [F] de caducité de la déclaration d'appel de la SA TEL AND COM, d'irrecevabilité des conclusions de l'appelante des 12 juillet et 14 octobre 2022 et d'irrecevabilité de la pièce adverse n° 32,
Confirme le jugement en ce qu'il a condamné la SA TEL AND COM à payer à Monsieur [P] [F] les sommes de 3823 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement, de 4248 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, de 425 euros au titre des congés payés afférents au préavis et de 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et en ce qu'il a débouté Monsieur [P] [F] de ses demandes de dommages-intérêts pour licenciement nul, de dommages-intérêts pour discrimination syndicale et d'indemnité pour violation du statut protecteur,
L'infirme pour le surplus,
Statuant de nouveau sur les chefs infirmés,
Déboute Monsieur [F] de ses demandes en paiement d'un rappel de salaire et de congés payés afférents,
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,
Condamne la SA TEL AND COM aux dépens d'appel,
Rejette tout autre prétention.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
Ghislaine POIRINE faisant fonction