COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Rétention Administrative
CHAMBRE 1-11 RA
ORDONNANCE
DU 25 MAI 2023
N° 2023/724
Rôle N° RG 23/00724 - N° Portalis DBVB-V-B7H-BLKPJ
Copie conforme
délivrée le 25 Mai 2023 par courriel à :
-l'avocat
-le préfet
-le CRA
-le JLD/TJ
-le retenu
-le MP
Signature,
le greffier
Décision déférée à la Cour :
Ordonnance rendue par le Juge des libertés et de la détention de NICE en date du 23 mai 2023 à 14h57.
APPELANT
Monsieur [I] [D]
né le 19 septembre 1988 à [Localité 1]
de nationalité tunisienne
comparant en personne, assisté de Me Anabelen IGLESIAS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, commis d'office et de Mme [E] [T] (Interprete en langue arabe) en vertu d'un pouvoir général, inscrit sur la liste des experts de la cour d'appel d'Aix-en-Provence.
INTIME
Monsieur le préfet du VAR
Représenté par M. [G] [B]
MINISTÈRE PUBLIC :
Avisé et non représenté
DEBATS
L'affaire a été débattue en audience publique le 25 mai 2023 devant Madame Catherine LEROI, Conseillère à la cour d'appel déléguée par le premier président par ordonnance, assistée de Mme Elodie BAYLE, Greffière,
ORDONNANCE
Contradictoire,
Prononcée par mise à disposition au greffe le 25 Mai 2023 à 16h30,
Signée par Madame Catherine LEROI, Conseillère et Mme Elodie BAYLE, Greffière,
PROCÉDURE ET MOYENS
Vu les articles L 740-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) ;
Vu le jugement du tribunal correctionnel de Toulon en date du 14 février 2022 prononçant une peine d'interdiction du territoire national ;
Vu la décision de placement en rétention prise le 20 mai 2023 par le préfet du VAR notifiée le même jour à 17h46 ;
Vu l'ordonnance du 23 mai 2023 rendue par le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Nice décidant le maintien de Monsieur [I] [D] dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire ;
Vu l'appel interjeté le 24 mai 2023 par Monsieur [I] [D] ;
Monsieur [I] [D] a comparu et a été entendu en ses explications ; il déclare : ' Quand j'ai eu l'OQTF, je suis parti en Italie. Je suis revenu en France, il y a 20 jours. Je ne peux pas rentrer en Tunisie. Je suis menacé de mort. Je travaille en Italie, j'ai de la famille là-bas. Dès que je suis libéré dans les 3 jours, je quitte la France. Je n'ai pas de passeport. Je risque ma vie en Tunisie, je vais partout sauf en Tunisie. On m'a donné le téléphone qu'hier. On m'a dit qu'ils n'en avaient pas. Je voulais téléphoner à ma soeur pour avoir le justificatif que j'avais quitté la France. Je ne peux pas rester en France. Mon travail est en Italie. J'ai demandé à Forum pour avoir un téléphone mais on m'a dit qu'il n'y avait pas de téléphone.'
Son avocat a été régulièrement entendu ; se référant à l'acte d'appel, il sollicite la mise en liberté de M. [D] ou à défaut son assignation à résidence en invoquant :
* le non-respect des droits de la défense, du principe du contradictoire et d'une bonne administration de la justice, en ce que la décision du juge des libertés et de la détention ne mentionne ni les déclarations du retenu, ni les moyens des parties à l'audience et prive ainsi l'association intervenant pour la défense des retenus d'assurer utilement la défense de M. [D];
* le défaut de justification, au vu de la motivation de la décision du premier juge, du respect de son obligation de vérifier la légalité de la procédure conformément à la décision rendue par la CJUE le 8 novembre 2022 ;
* la violation des dispositions de l'article L 744- 4 du CESEDA en ce qu'on ne lui pas remis de téléphone au centre de rétention, ce qui l'a privé de la possibilité de communiquer avec les autorités consulaires ou toute personne de son choix ;
* le défaut de justification de l'habilitation de l'agent ayant consulté le FAED, ce qui constitue une nullité d'ordre public devant entraîner la remise en liberté de M. [D] ;
* la violation des dispositions des articles 63-1 et 803-6 du code de procédure pénale et le défaut de justification de l'arrivée tardive de l'interprète.
Il explique qu'ayant été condamné à une peine d'interdiction du territoire, il a quitté la France pour l'Italie et n'y est revenu que récemment à la demande de sa soeur , que son identité est connue de l'administration en ce qu'il a déjà été reconnu par la Tunisie lors d'une procédure précédente et que son adresse est identique à celle qu'il avait déclarée lorsqu'il avait été placé au centre de rétention de [Localité 2].
Invité à présenter ses observations sur l'irrecevabilité des exceptions de nullité de procédure en application des dispositions de l'article 74 du code de procédure civile, l'avocat de M. [D] indique s'en remettre à l'appréciation de la juridiction.
Le représentant de la préfecture sollicite la confirmation de la décision déférée ; il fait valoir que le juge des libertés et de la détention a contrôlé la procédure et qu'il y a eu un procès équitable, que les moyens de nullité antérieurs au placement en rétention sont irrecevables, et que les cabines téléphoniques sont en accès libre au centre de rétention pour les appels en France ou à l'étranger et un téléphone portable mis à la disposition des retenus.
MOTIFS DE LA DÉCISION
La recevabilité de l'appel contre l'ordonnance du juge des libertés et de la détention n'est pas contestée et les éléments du dossier ne font pas apparaître d'irrégularité.
Sur les exceptions de nullité :
M. [D] invoque pour la première fois en cause d'appel des moyens nouveaux tirés du défaut de justification de l'habilitation de l'agent ayant consulté le FAED et de la violation des dispositions des articles 63-1 et 803-6 du code de procédure pénale et du défaut de justification de l'arrivée tardive de l'interprète, moyens non soulevés devant le juge des libertés et de la détention.
Ces moyens constituent bien des exceptions de nullité de procédure comme s'appuyant sur des circonstances antérieures au placement en rétention.
Or, il résulte des termes de l'article 74 du code de procédure civile que les exceptions de procédure ou de nullité doivent avoir été soulevées in limine litis en première instance, pour être recevables en appel.
Dès lors, les moyens soulevés seront déclarés irrecevables.
Par ailleurs , lesdits moyens, sur la base des éléments du dossier portés à notre connaissance, ne paraissent pas devoir être relevés d'office, en l'état du procès-verbal de police en date du 20 mai 2023 faisant état de l'habilitation de Mme [O], ASPTS dûment habilitée pour la consultation des fichiers et de l'absence de grief subi par M. [D] résultant de la notification des droits en garde à vue par l'intermédiaire d'un interprète en langue arabe intervenue par téléphone le 19 mai 2023 à 18h50 soit dès le placement en garde à vue.
Sur le non-respect des droits de la défense, du principe du contradictoire et d'une bonne administration de la justice :
S'il est regrettable que les déclarations du retenu à l'audience et les arguments développés par les parties ne figurent pas dans la décision déférée, il n'en résulte aucun manquement au principe du contradictoire ni aux droits de la défense, le préfet n'ayant pas été représenté et le conseil de M. [D] n'ayant pas soulevé de moyen de droit à l'audience tandis que le retenu a pu informer l'association d'assistance aux retenus des déclarations qu'il avait faites à l'audience.
Ce moyen sera en conséquence rejeté.
Sur l'absence de justification de ce que le juge des libertés et de la détention a procédé à l'examen d'office des moyens susceptibles d'aboutir à la mise en liberté de M. [D] conformément aux termes de l'arrêt du 8 novembre 2022 de la CJUE :
Il apparaît que le juge des libertés et de la détention a vérifié la réalité des diligences réalisées par la préfecture en vue de l'éloignement de M. [D] et étudié la possibilité d'une assignation à résidence . A ce titre, il n'est pas démontré qu'il n'ait pas fait usage de l'obligation mise à sa charge par l'arrêt de la CJUE en date du 8 novembre 2022 de l'obligation de relever d'office tout moyen de nature à invalider la procédure.
Sur le non-respect du droit de contacter toute personne de son choix par téléphone :
M. [D] ne justifie pas avoir été privé de son droit de joindre toute personne de son choix, la remise d'un téléphone personnel n'étant pas obligatoire lorsqu'il existe d'autres moyens de téléphoner via l'usage d'un téléphone fixe présent au centre de rétention.
Sur la demande d'assignation à résidence :
L'assignation à résidence se trouve subordonnée en application de l'article L 743-13 du Code de l'Entrée et du Séjour des Etrangers et du Droit d'Asile à l'existence de garanties de représentation effectives ainsi qu'à la remise préalable de l'original du passeport et de tout document justificatif de son identité en échange d'un récépissé valant justification de l'identité
et sur lequel est portée la mention de la décision d'éloignement en instance d'exécution. Lorsque l'étranger s'est préalablement soustrait à l'exécution d'une décision mentionnée à l'article L700-1, à l'exception de son 4°, l'assignation à résidence fait l'objet d'une motivation spéciale.
L'appréciation de l'opportunité d'accorder cette mesure, qui ne saurait non plus être automatique, suppose que les éléments de la procédure ne laissent pas apparaître un risque de non exécution de la mesure d'éloignement.
En l'espèce, si M. [D] justifie d'une adresse par la production d'une attestation d'hébergement de sa soeur, il n'est pas titulaire d'un passeport en original et en cours de validité remis au directeur du centre de rétention administrative et indique ne pas vouloir retourner en Tunisie.
Dans ces conditions, une assignation à résidence constituerait un risque sérieux de non exécution de la mesure d'éloignement et la demande sera rejetée.
La décision déférée sera en conséquence confirmée.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement par décision contradictoire en dernier ressort, après débats en audience publique,
Confirmons l'ordonnance du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Nice en date du 23 mai 2023.
Les parties sont avisées qu'elles peuvent se pourvoir en cassation contre cette ordonnance dans un délai de 2 mois à compter de cette notification, le pourvoi devant être formé par déclaration au greffe de la Cour de cassation, signé par un avocat au conseil d'Etat ou de la Cour de cassation.
Le greffier, Le président,