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25/05/2023 | FRANCE | N°23/00716

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Rétention administrative, 25 mai 2023, 23/00716


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Rétention Administrative

CHAMBRE 1-11 RA



ORDONNANCE

DU 25 MAI 2023



N° 2023/716























Rôle N° RG 23/00716 - N° Portalis DBVB-V-B7H-BLKLG



























Copie conforme

délivrée le 25 Mai 2023 par courriel à :

-l'avocat

-le préfet

-le CRA

-le JLD/TJ

-le retenu

-le MP

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Signature,

le greffier





























Décision déférée à la Cour :



Ordonnance rendue par le Juge des libertés et de la détention de MARSEILLE en date du 23 Mai 2023 à 13h00.







APPELANT



Monsieur [R] [A]

né le 12 mars 2023 à [Localité 1]

de nationalité tunisienne



comparant ...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Rétention Administrative

CHAMBRE 1-11 RA

ORDONNANCE

DU 25 MAI 2023

N° 2023/716

Rôle N° RG 23/00716 - N° Portalis DBVB-V-B7H-BLKLG

Copie conforme

délivrée le 25 Mai 2023 par courriel à :

-l'avocat

-le préfet

-le CRA

-le JLD/TJ

-le retenu

-le MP

Signature,

le greffier

Décision déférée à la Cour :

Ordonnance rendue par le Juge des libertés et de la détention de MARSEILLE en date du 23 Mai 2023 à 13h00.

APPELANT

Monsieur [R] [A]

né le 12 mars 2023 à [Localité 1]

de nationalité tunisienne

comparant en personne, assisté de Me Maeva LAURENS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, avocat choisi et de Mme [Z] [L] en vertu d'un pouvoir général, inscrit sur la liste des experts de la cour d'appel d'Aix-en-Provence.

INTIME

Monsieur le préfet des BOUCHES DU RHONE

Représenté par M. [V] [G]

MINISTÈRE PUBLIC :

Avisé et non représenté

DEBATS

L'affaire a été débattue en audience publique le 25 Mai 2023 devant Madame Catherine LEROI, Conseillère à la cour d'appel déléguée par le premier président par ordonnance, assistée de Mme Elodie BAYLE, Greffière,

ORDONNANCE

Contradictoire,

Prononcée par mise à disposition au greffe le 25 Mai 2023 à 15h45,

Signée par Madame Catherine LEROI, Conseillère et Mme Elodie BAYLE, Greffière,

PROCÉDURE ET MOYENS

Vu les articles L 740-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) ;

Vu le jugement du tribunal correctionnel de Marseille en date du 26 septembre 2022 ayant prononcé une interdiction temporaire du territoire français ;

Vu la décision de placement en rétention prise le 20 mai 2023 par le préfet des Bouches du Rhône notifiée le même jour à 18h25 ;

Vu l'ordonnance du 23 mai 2023 à 13 heures rendue par le Juge des libertés et de la détention de MARSEILLE décidant le maintien de Monsieur [A] [R] dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire ;

Vu l'appel interjeté le 23 mai 2023 par Monsieur [A] [R] ;

Monsieur [A] [R] a comparu et a été entendu en ses explications ; il déclare : 'Je souhaite être libéré et je veux quitter la France'.

Son avocat a été régulièrement entendu ; se référant à l'acte d'appel, il soulève plusieurs moyens de nullité tenant :

- au défaut de justification de l'agent ayant consulté le FAED ; en effet , il a été procédé à une consultation du FAED au nom de Madame [H] [F], ainsi que le démontre l'imprimé de consultation et l'article 15-5 du code de procédure pénale ne dispense pas la préfecture de justifier de l'habilitation de l'agent consultant afin de permettre au juge de vérifier ce point ;

- au défaut de remise du formulaire de notification des droits prévu par l'article 63 du code de procédure pénale ;

- au défaut de réquisition d'un interprète en langue arabe intervenue lors de la notification de ses droits à l'intéressé, en application des articles 60 du Code de procédure pénale et D594-16 du Code de procédure pénale ;

- à la violation de l'article 63 du Code de procédure pénale en ce que l'autorisation écrite et motivée du Procureur de la République ordonnant la prolongation de la garde à vue n'est pas jointe à la procédure.

Il soulève par ailleurs l'irrecevabilité de la requête préfectorale en prolongation de rétention en application de l'article R 743-2 du CESEDA en ce que le jugement de condamnation de M.[A] [R] à une peine d'interdiction du territoire français n'est pas joint à la requête.

Il s'oppose en outre à la prolongation de la rétention en ce que la préfecture a manqué à son devoir de diligence, la demande de laissez-passer consulaire présentée aux autorités consulaires tunisiennes ne visant pas l'accord franco-tunisien du 28 avril 2008 transposé par décret 2009-905 du 24 juillet 2009 et aucun élément permettant d'identifier Monsieur [A] [R] n'étant joint au courrier, que dès lors, l'administration ne démontre donc pas avoir transmis aux autorités consulaires tunisiennes les éléments imposés par ledit décret à savoir :

- L'original exploitable du relevé des empreintes décadactylaires

- Les trois photographies d'identité

et que ce défaut de diligence, en totale violation des accords internationaux conclu entre la France et la Tunisie a manifestement fait grief à Monsieur [A] [R] car son temps de rétention a nécessairement été allongé.

Il sollicite en conséquence la remise en liberté de M. [A].

Le représentant de la préfecture sollicite la confirmation de la décision déférée. Il soutient que seule la police scientifique peut consulter le FAED et que ses agents sont forcément habilités, que le formulaire de notification des droits en garde à vue à bien été remis à l'intéressé, que le Procureur de la République a autorisé la prolongation de la garde à vue et que toutes les diligences nécessaires à la délivrance d'un laissez-passer ont été faites.

MOTIFS DE LA DÉCISION

La recevabilité de l'appel contre l'ordonnance du juge des libertés et de la détention n'est pas contestée et les éléments du dossier ne font pas apparaître d'irrégularité.

Monsieur [A] [R] soulève l'irrecevabilité de la requête préfectorale en prolongation de rétention en ce que le jugement de condamnation de M. [A] [R] à une peine d'interdiction du territoire français, pièce justificative utile au sens de l'article R 743-2 du CESEDA, n'est pas joint à la requête.

Toutefois, il n'est nullement nécessaire que ce jugement soit produit alors que figure au dossier la fiche d'interdiction du territoire émise suite au jugement rendu par le tribunal correctionnel de Marseille le 26 septembre 2022 ayant prononcé à l'encontre de M. [A] [R] une interdiction du territoire français de 3 ans, ce document étant certifié conforme à l'extrait de la minute par le tampon et la signature apposés par le procureur de la République.

La demande du préfet en prolongation de la rétention apparaît donc recevable.

L'article 8 du décret en date du 8 avril 1987 relatif au FAED dispose que :

Les fonctionnaires et militaires individuellement désignés et habilités des services d'identité judiciaire de la police nationale, du service central de renseignement criminel de la gendarmerie nationale ainsi que des unités de recherches de la gendarmerie nationale peuvent seuls avoir accès aux données à caractère personnel et aux informations contenues dans le traitement :

1° Pour procéder aux opérations d'identification à la demande de l'autorité judiciaire, des officiers de police judiciaire de la police nationale ou de la gendarmerie nationale, ou des agents des douanes habilités à effectuer des enquêtes judiciaires en vertu des dispositions de l'article 28-1 du code de procédure pénale ;

2° Pour procéder aux opérations d'identification à la demande de l'autorité judiciaire, des fonctionnaires de la police ou des militaires de la gendarmerie dans le cadre des recherches aux fins d'identification des personnes décédées prévues aux articles L. 2223-42 du code général des collectivités territoriales et 87 du code civil et du décret n° 2012-125 du 30 janvier 2012 relatif à la procédure extrajudiciaire d'identification des personnes décédées ;

3° Pour procéder aux opérations d'identification à la demande des officiers de police judiciaire de la police nationale ou de la gendarmerie nationale en vertu des dispositions des articles L. 611-1-1 , L. 611-3 et L. 611-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile

4° Pour procéder aux opérations d'identification à la demande des officiers de police judiciaire de la police nationale ou de la gendarmerie nationale en vertu des dispositions de l'article 78-3 du code de procédure pénale.

Le fichier FAED, fichier automatisé des empreintes digitales, a été créé par le décret n°o 87-249 du 8 avril 1987. Il est également utilisé pour vérifier l'identité des personnes retenues en application de l'article 78-3 du code de procédure pénale ou dans les conditions de l'article L. 142-2 du CESEDA. Plus précisément, il permet d'identifier les personnes par comparaison biométrique des traces et empreintes relevées sur les lieux de commission d'infractions et de s'assurer de la véritable identité des personnes mises en cause dans une procédure pénale ou condamnées à une peine privative de liberté. L'enregistrement de traces d'empreintes digitales ou palmaires donne lieu à l'établissement d'une fiche alphabétique qui comporte notamment l'identification de la personne, la nature de l'affaire et la référence de la procédure, l'origine de l'information et les clichés anthropométriques dans le cas d'empreintes. Toutes les informations peuvent être conservées pendant 25 ans. L'accès au FAED est prévu par le décret en date du 8 avril 1987.

La CEDH juge 'que la conservation, dans un fichier des autorités nationales, des empreintes digitales d'un individu identifié ou identifiable constitue une ingérence dans le droit au respect de la vie privée' (M. [E] c. France du 18 avril 2013, requête no 19522/09, point 29 ' [K] et [M] c/ Royaume-Uni, § 86) et d'autre part, que la législation interne doit donc ménager des garanties appropriées pour empêcher toute utilisation de données à caractère personnel qui ne serait pas conforme aux garanties prévues dans l'article 8 CEDH ([K] et [M], précité, § 103, [C] c/ France, requête n° 16428/05, § 62 ; [N] c/ France, requête no 5335/06, § 61).

Au regard de l'ingérence dans le droit au respect de la vie privée que constituent, au sens de l'article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, la conservation dans un fichier automatisé des empreintes digitales d'un individu identifié ou identifiable et la consultation de ces données, l'habilitation des agents à les consulter est une garantie institutionnelle édictée pour la protection des libertés individuelles.

Par arrêt en date du 14 octobre 2021, la première chambre civile de la Cour de Cassation a jugé que, s'il ne résulte pas des pièces du dossier que l'agent ayant consulté les fichiers d'empreintes était expressément habilité à cet effet, la procédure se trouve entachée d'une nullité d'ordre public, sans que l'étranger qui l'invoque ait à démontrer l'existence d'une atteinte portée à ses intérêts.

L'article 15-5 du code de procédure pénale rappelle que seuls les personnels spécialement et individuellement habilités peuvent procéder à la consultation de ces traitements informatiques, que la réalité de cette habilitation peut être contrôlée à tout moment par un magistrat à son initiative ou à la demande de l'intéressé et que l'absence de mention de cette habilitation sur les différentes pièces de la procédure résultant de la consultation de ces traitements n'emporte pas, par elle-même, la nullité de la procédure.

En l'occurrence, il ressort de la procédure qu'il a été procédé le 19 mai 2023 à une consultation du FAED par Madame [H] [F] n° 0933813 ainsi que le démontre l'imprimé de consultation. Toutefois, ce seul imprimé et les mentions qu'il comporte ne permettent pas, en l'état des explications techniques portées à la connaissance de la juridiction, de justifier de l'habilitation de l'agent, dont l'affectation n'est pas précisée, pour consulter le FAED.

Si l'absence de mention de l'habilitation sur les pièces de procédure résultant de la consultation du fichier FAED n'emporte pas par elle-même la nullité de la procédure, cette habilitation a été contestée devant le premier juge et devant la présente cour lesquels n'ont pas été mis en mesure d'en contrôler l'existence.

Il s'en déduit que les dispositions légales selon lesquelles la réalité de l'habilitation spéciale doit pouvoir être contrôlée à tout moment par un magistrat, ont été méconnues et la procédure se trouve entachée d'une nullité d'ordre public, sans que l'étranger ait à démontrer l'existence d'un grief.

Dès lors, la décision déférée sera infirmée et la mainlevée de la mesure ordonnée sans qu'il soit nécessaire de se prononcer sur les autres moyens soulevés.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement par décision contradictoire en dernier ressort, après débats en audience publique,

Infirmons l'ordonnance du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de MARSEILLE en date du 23 Mai 2023.

Mettons fin à la rétention de M. [A] [R] ;

LUI RAPPELONS son obligation de quitter le territoire et que le fait de se maintenir irrégulièrement sur le territoire français sans motif légitime, après avoir fait l'objet d'une mesure régulière de placement en rétention ou d'assignation à résidence ayant pris fin sans qu'il ait pu être procédé à son éloignement, est passible , suivant L.824-3 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, d'une peine d'un an d'emprisonnement et 3.750 € d'amende.

Les parties sont avisées qu'elles peuvent se pourvoir en cassation contre cette ordonnance dans un délai de 2 mois à compter de cette notification, le pourvoi devant être formé par déclaration au greffe de la Cour de cassation, signé par un avocat au conseil d'Etat ou de la Cour de cassation.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Rétention administrative
Numéro d'arrêt : 23/00716
Date de la décision : 25/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-25;23.00716 ?
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