COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 2-1
ARRÊT SUR DÉFÉRÉ
DU 25 MAI 2023
N° 2023/175
Rôle N° RG 22/15911 - N° Portalis DBVB-V-B7G-BKNBG
[C] [F]
C/
[B] [Y]
Copie exécutoire délivrée
le :
à : Me Alexandra BADEA
Me Caroline FEL
Décision déférée à la Cour :
Ordonnance du Cour d'Appel d'AIX-EN-PROVENCE en date du 15 Novembre 2022 enregistrée au répertoire général sous le n° 2022/M209.
REQUERANT AU DEFERE
Monsieur [C] [F]
né le 24 Janvier 1954 à [Localité 4]
de nationalité Française,
demeurant [Adresse 1]
représenté par Me Alexandra BADEA de la SELARL BADEA HADDAD, avocat au barreau de TOULON substituée par Me Sabrina HADDAD, avocat au barreau de TOULON
INTIMEE
Madame [B] [Y]
née le 15 Avril 1952 à [Localité 3],
demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Caroline FEL, avocat au barreau de TOULON
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 14 mars 2023 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Madame Monique RICHARD, Conseillère, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Madame Michelle TORRECILLAS, Présidente
Madame Monique RICHARD, Conseillère
Madame Angélique NAKHLEH, Conseillère
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Mme Nathalie BLIN GUYON.
Greffier lors du prononcé : Mme Jessica FREITAS
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 04 Mai 2023, à cette date le délibéré a été prorogé au 25 mai 2023.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 25 mai 2023,
Signé par Madame Michelle TORRECILLAS, Présidente, et Madame Jessica FREITAS, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
Vu la requête en déféré déposée le 30 novembre 2022 par M. [C] [F] à l'encontre de l'ordonnance d'incident rendue le 15 novembre 2022 par le magistrat de la mise en état de la chambre 2-4 de la cour d'appel d'Aix-en-Provence,
Vu les conclusions en réponse sur déféré de Mme [B] [Y] en date du 9 mars 2023,
Vu l'avis de fixation de l'affaire à bref délai à l'audience du 14 mars 2023 de la chambre 2-1.
EXPOSE DU LITIGE
Mme [B] [Y] et M. [C] [F] se sont mariés le 4 août 1973 par devant l'officier d'état civil de [Localité 5] (83), sans contrat de mariage préalable.
Leur divorce a été prononcé par jugement contradictoire en date du 14 février 2003 et la liquidation et le partage de leurs intérêts patrimoniaux a été ordonnée. M. [F] a par ailleurs été condamné à payer à Mme [Y] une prestation compensatoire en capital d'un montant de 50.000 euros.
Ce dernier chef du jugement a été confirmé par la cour d'appel de céans par arrêt du 16 septembre 2004.
Me [D] a été désigné en qualité de notaire pour procéder aux opérations de liquidation et partage. Mais un désaccord entre les parties n'a pas permis de procéder à un règlement amiable de leurs intérêts patrimoniaux et M. [F] a fait délivrer à Mme [Y] une assignation en liquidation partage.
Par jugement en date du 3 septembre 2021 dont appel, le tribunal judiciaire de Toulon a statué sur les désaccords existant entre les parties, ordonné la poursuite des opérations de compte, liquidation et partage de l'indivision pré et post communautaire et renvoyé les parties devant le notaire, afin d'établir l'acte définitif de partage.
M. [F] a interjeté appel de ce jugement le 27 octobre 2021.
Le 25 janvier 2022, une déclaration d'appel visant à rectifier la précédente qui ne comportait pas les chefs de jugement expressément critiqués a été enregistrée.
Par conclusions d'incident en date du 12 avril 2022, Mme [Y] a soulevé devant le magistrat de la mise en état l'irrecevabilité de ces deux déclarations d'appel.
Par ordonnance d'incident en date du 15 novembre 2022 dont appel, le conseiller de la mise en état a :
- déclaré nul l'acte d'appel formé par M. [F] le 27 octobre 2021,
- rejeté la demande de jonction des deux procédures,
- et condamné M. [F] au paiement de la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
L'ordonnance du 15 novembre 2022 est déférée à la cour par M. [F] par requête en déféré déposée le 29 novembre 2022.
M. [F] a ensuite conclu le 4 janvier 2023. Il demande à la cour d'infirmer l'ordonnance d'incident et statuant à nouveau de déclarer l'appel qu'il a interjeté le 27 octobre 2021 régulier et recevable, d'ordonner la jonction de la déclaration d'appel rectificative du 25 janvier 2022 et de l'acte d'appel initial et de condamner Mme [Y] à payer la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et les entiers dépens.
Il soutient qu'il est de jurisprudence constante qu'une déclaration d'appel incomplète est susceptible d'être régularisée par une nouvelle déclaration d'appel faite dans le délai imparti par l'appelant pour conclure.
Il fait valoir que la cour a été saisie dès la première déclaration d'appel, que la seconde s'incorpore à la première et que dès lors la seconde déclaration d'appel faite dans le délai imparti à l'appelant pour conclure et visant à régulariser une cause de nullité est recevable.
Mme [Y] conclut pour sa part à la confirmation de l'ordonnance déférée en toutes ses dispositions, en sollicitant la condamnation de M. [F] au paiement de la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
Elle rappelle les termes de l'article 901-4 du code de procédure civile et fait valoir que la déclaration d'appel du 27 octobre 2021 ne respecte pas l'obligation d'énoncer dans la déclaration d'appel les chefs du jugement expressément critiqués, que l'objet de l'appel n'est pas mentionné et que cette déclaration ne renvoie à aucune annexe.
Elle soutient ensuite que la seconde déclaration du 25 janvier 2022 encourt également au même titre la nullité, puisqu'elle ne respecte pas les dispositions de l'article 901-4 du code de procédure civile, de sorte que les omissions affectant la déclaration d'appel initiale n'ont pas été régularisées, mais cumulées, ce qui cause un grief certain à l'intimée qui n'est pas en mesure de cerner avec préciser les moyens de l'appelant.
Au delà de ce qui sera repris pour les besoins de la discussion et faisant application en l'espèce des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour entend se référer, pour l'exposé plus ample des moyens et prétentions des parties, à leurs dernières écritures ci-dessus visées.
SUR CE
Sur la demande de jonction
Aux termes des dispositions de l'article 367 du code de procédure civile, le juge peut, à la demande des parties ou d'office, ordonner la jonction de plusieurs instances pendantes devant lui s'il existe entre les litiges un lien tel qu'il soit de l'intérêt d'une bonne justice de les faire instruire ou juger ensemble.
L'article 368 précise ensuite que les décisions de jonction ou disjonction d'instances sont des mesures d'administration judiciaire.
En l'espèce, l'appelant demande à bon droit la jonction de ses deux déclarations d'appel du 27 octobre 2021 et du 25 janvier 2022, dès lors que ces deux actes concernent le même litige, les mêmes parties et la même juridiction.
Dans le cadre d'une bonne administration de la justice, il sera fait droit à la demande de jonction et l'ordonnance sera infirmée de ce chef.
Sur la régularité de la procédure
Les ordonnances du magistrat chargé de la mise en état peuvent être déférées par simple requête à la cour dans les quinze jours de leur date lorsqu'elles ont pour effet de mettre fin à l'instance, lorsqu'elles constatent son extinction, lorsqu'elles ont trait à des mesures provisoires en matière de divorce ou de séparation de corps, lorsqu'elles statuent sur une exception de procédure, un incident mettant fin à l'instance, la fin de non-recevoir tirée de l'irrecevabilité de l'appel ou la caducité de celui-ci ou lorsqu'elles prononcent l'irrecevabilité des conclusions en application des articles 909 et 910.
D'un point de vue procédural, le déféré soumis à la cour, enregistré le 29 novembre 2022, contre une ordonnance du magistrat de la mise en état de la chambre 2-4 en date du 15 novembre 2022 déclarant nul l'acte d'appel formé par M. [F], est donc recevable en son principe.
Sur le fond, aux termes des dispositions de l'article 901 du code de procédure civile, la déclaration d'appel est faite par acte, comportant le cas échéant une annexe, contenant, outre les mentions prescrites par les 2° et 3° de l'article 54 et par le cinquième alinéa de l'article 57, et à peine de nullité :
1° La constitution de l'avocat de l'appelant ;
2° L'indication de la décision attaquée ;
3° L'indication de la cour devant laquelle l'appel est porté ;
4° Les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l'appel est limité, sauf si l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible.
Elle est signée par l'avocat constitué. Elle est accompagnée d'une copie de la décision. Elle est remise au greffe et vaut demande d'inscription au rôle.
En l'espèce, il est constant que la première déclaration d'appel de M. [F] est entachée d'irrégularité, puisqu'elle ne comporte pas les chefs de jugement expressément critiqués comme exigé par l'article 905-4 du code de procédure civile.
Contrairement au moyen soulevé par l'appelant qui soutient avoir limité son appel à un seul chef du jugement dans une pièce jointe, il est tout aussi constant que cette première déclaration d'appel ne renvoie à aucune annexe, telle que prévue par le décret du 25 février 2022 et l'arrêté du même jour.
Comme l'a observé avec pertinence le magistrat de la mise en état dans la décision contestée, l'appelant ne fait valoir aucune difficulté d'ordre technique qui aurait empêché la transmission par voie électronique des dispositions du jugement attaqué.
La déclaration d'appel de M. [F] en date du 27 octobre 2021, objet du présent déféré, a donc été à bon droit déclarée nulle par le magistrat de la mise en état.
M. [F] fait cependant valoir comme autre moyen qu'il a régularisé son acte d'appel en formant une deuxième déclaration d'appel le 25 janvier 2022.
Cette deuxième déclaration d'appel, effectuée avant l'expiration de trois mois imparti à l'appelant pour conclure qui s'achevait le 27 janvier 2022, est régulière en la forme.
Sur le fond, contrairement à ce que soutient Mme [Y], il apparaît à la lecture de cet acte que l'appelant a bien visé un chef de jugement critiqué. Il précise en effet dans cette deuxième déclaration que « l'appel tend à la réformation et/ou l'annulation du jugement en ses dispositions qui sont (') : dit que la communauté est redevable envers M. [F] de la somme de 1.524, 49 euros. »
Ainsi, la seconde déclaration d'appel, formée dans le délai imparti de trois mois, qui énonce un chef de jugement critiqué, est parfaitement régulière. Elle vient régulariser la première déclaration d'appel incomplète et s'incorporer à celle-ci, ce qui rend l'acte d'appel régulier et recevable.
Surabondamment, le moyen soulevé par l'intimée tendant à soutenir qu'elle subit un grief certain, dès lors qu'elle n'est pas en mesure de cerner avec préciser les moyens de l'appelant, n'est pas dirimant, car ces moyens sont développés dans les conclusions et non dans l'acte d'appel.
L'ordonnance déférée sera par conséquent infirmée en toutes ses dispositions.
Compte tenu des circonstances de la cause, il n'y a pas lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, chaque partie conserva la charge de ses frais irrépétibles.
En revanche, Mme [Y], qui succombe, supportera la charge des dépens de l'incident et du déféré.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Statuant publiquement, par arrêt de déféré contradictoire mis à disposition au greffe, après débats en chambre du conseil,
Déclare le déféré formé par M. [C] [F] recevable en la forme ;
Ordonne la jonction des deux déclarations d'appel en date du 27 octobre 2021 et du 25 janvier 2022 ;
Infirme l'ordonnance déférée en toutes ses dispositions ;
Déclare recevable l'appel formé par M. [C] [F] ;
Renvoie les parties devant la cour pour poursuite de l'affaire sur le fond ;
Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne Mme [B] [Y] aux entiers dépens de l'incident et du déféré.
LE GREFFIER LA PRESIDENTE