COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 4-5
ARRÊT SUR DEFERE
DU 25 MAI 2023
N° 2023/
GM/PR
Rôle N°22/14812
N° Portalis DBVB-V-B7G-BKI7W
[X] [V]
C/
[G] [R]
Copie exécutoire délivrée
le : 25/05/2023
à :
- Me Patricia BONZANINI- BECKER, avocat au barreau de GRASSE
- Me Noëlle ROUVIER-DUFAU, avocat au barreau de DRAGUIGNAN
Décision déférée à la Cour :
Ordonnance du conseiller de la mise en état de cour d'appel d'AIX EN PROVENCE en date du 27 Octobre 2022 enregistrée au répertoire général sous le n° 19/9880.
APPELANT
Monsieur [X] [V], demeurant [Adresse 1]
[Localité 3]
représenté par Me Patricia BONZANINI-BECKER, avocat au barreau de GRASSE substituée par Me Vincent MORICE, avocat au barreau de GRASSE
INTIME
Monsieur [G] [R], demeurant [Adresse 2]
représenté par Me Noëlle ROUVIER-DUFAU, avocat au barreau de DRAGUIGNAN
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 804, 805 et 916 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 14 Mars 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Gaëlle MARTIN, Conseiller, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Michelle SALVAN, Président de Chambre
Madame Frédérique BEAUSSART, Conseiller
Madame Gaëlle MARTIN, Conseiller
Greffier lors des débats : Mme Pascale ROCK.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 25 Mai 2023.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 25 Mai 2023
Signé par Madame Michelle SALVAN, Président de Chambre et Mme Karen VANNUCCI, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
FAITS ET PROCÉDURE
M. [G] [R] a été engagé par M. [X] [V] par contrat à durée déterminée du 8 novembre 2010 au 14 juillet 2017.
Par jugement du 21 mai 2019, le conseil de prud'hommes de Grasse a :
-constaté le licenciement de M. [G] [R] par SMS émis le 14 juillet 2017,
-dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse pour défaut de toute motivation,
-condamné M. [X] [V] à payer à M. [G] [R] les sommes de :
- 1.630, 25 euros au titre du non-respect de la procédure de licenciement,
- 9 781,50 euros au titre des dommages et intérêts pour licenciement abusif,
- 3 260,50 euros a u titre de l'indemnité compensatrice de préavis ainsi que 326,05 euros au
titre des congés payés afférents,
- 2228 euros au titre de l'indemnité de licenciement,
- 1580,06 euros au titre de la mise à pied à titre conservatoire, ainsi que 158 euros au titre
des congés payés afférents,
- 1200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
-débouté les parties de l'ensemble de leurs autres demandes,
-condamné M. [X] [V] aux dépens.
Par déclaration du 20 juin 2019, M. [X] [V] a relevé appel du jugement.
Par ordonnance d'incident du 27 octobre 2022, le conseiller de la mise en état de la cour d'appel d'Aix-En-Provence a déclaré l'instance périmée, dit n'y avoir lieu à faire application de l'article 700 du code de procédure civile, condamné l'appelant aux dépens.
Par lettre recommandée avec accusé de réception adressée le 2 novembre 2022, reçue au greffe le 3 novembre 2022, l'appelant a déféré cette ordonnance à la cour d'appel.
MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Par conclusions notifiées par voie électronique le 28 février 2023, M. [X] [V] demande à la cour de :
-réformer l'ordonnance déférée en toutes ses dispositions,
-recevoir M. [X] [V] en son déféré,
-juger valable la requête du 3 novembre 2022,
y faisant droit,
-juger n'y avoir lieu de prononcer la péremption de l'instance,
-débouter purement et simplement M. [G] [R] de toutes demandes, fins et conclusions plus amples ou contraires,
-condamner M. [G] [R] à payer à M. [X] [V] la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
-réserver les dépens de l'incident et du déféré.
Sur sa demande tendant à dire que son déféré est recevable du point de vue du formalisme de la requête, l'appelant avance que s'il a adressé celle-ci par lettre recommandée avec accusé de réception c'est parce qu'il s'est trouvé dans l'impossibilité de la transmettre par voie électronique.
En effet, les différentes options d'identification de l'objet d'un envoi au greffe du menu déroulant de la page RPVA « message au greffe », bien que nombreuses, ne proposent pas l'envoi d'une requête aux fins de déféré.
Le fait que l'interface RPVA de la cour ne permette pas l'envoi d'une requête aux fins de déféré revêt le caractère d'une cause étrangère ayant, en l'espèce, empêché ce mode de communication pour l'envoi de la requête.
Le droit effectif et concret d'accès à la justice est garanti par l'article 6 § 1 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des fondamentales, permettra donc de juger valable l'envoi de la requête en version papier et de rejeter la demande aux fins d'irrecevabilité du déféré.
Sur sa demande tendant à dire que son déféré est recevable concernant le délai pour agir, M. [X] [V] soutient que :
-l'ordonnance du conseiller de la mise en état a été rendue le 27 octobre 2022.
-la requête aux fins de déféré a été transmise au greffe de la cour par voie de courrier recommandé avec accusé de réception en date du 2 novembre 2022, reçu le lendemain,
-le délai de l'article 916 du code de procédure civile a donc été respecté.
Sur la demande de l'intimé qui soutient que la requête en déféré est en tout état de cause nulle, l'appelant estime que l'exception de nullité ainsi soulevée obéit au régime des nullités pour vice de forme.
Le défendeur ne peut prospérer en son exception de nullité qu'à la condition de démontrer que l'absence des mentions requises par l'article 57 du code de procédure civile lui cause un préjudice. Il ne se donne cependant même pas la peine de tenter une telle démonstration, qui serait impossible au demeurant.
La présente instance n'opposant en effet que deux parties, il est parfaitement évident que la requête du salarié a été présentée à l'encontre de M. [G] [R]. Ce dernier a été en mesure de se défendre et il ne subit donc strictement aucun préjudice du fait de n'avoir pas été nommément visé par la requête.
L'exception de nullité du défendeur au déféré sera donc rejetée.
Enfin, sur le bien-fondé de son déféré contre l'ordonnance qui constate l'extinction de l'instance pour cause de péremption, l'appelant soutient que les juges de ce siège ont estimé que l'exigence d'une bonne administration de la justice, induisant celle d'un degré acceptable de célérité dans le déroulement des procédures, ne peut être sanctionnée par la péremption d'instance.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 6 mars 2023, M. [G] [R] demande à la cour de :
-déclarer M. [X] [V] irrecevable en son déféré à l'encontre de l'ordonnance sur incident rendue le 27 octobre 2022 par le conseiller de la mise en état,
à titre subsidiaire,
-déclarer nulle la requête en déféré en conséquence déclarer irrecevables les demandes de ce dernier,
à titre plus subsidiaire,
-déclarer M. [X] [V] mal fondé en son déféré et l'en débouter,
-confirmer l'ordonnance sur incident,
-condamner M. [X] [V] à payer à M. [G] [R] la somme de 2500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
-condamner M. [X] [V] aux entiers dépens de l'incident et d'appel.
Sur sa demande tendant à l'irrecevabilité du déféré, M. [G] [R] avance d'abord que :
-en droit, aux termes de l'article 930-1 du code de procédure civile, « A peine d'irrecevabilité
relevée d'office, les actes de procédure sont remis à la juridiction par voie électronique ».
-ainsi, lorsqu'une requête en déféré est remise sur support papier, le déféré est irrecevable,
-en l'espèce, M. [X] [V] a saisi la cour par requête remis au greffe sur support papier.
-aucun message d'envoi de la requête en déféré ne figure sur le RPVA.
Toujours sur sa demande tendant à l'irrecevabilité du déféré, M. [G] [R] avance ensuite que :
-en droit, aux termes de l'article 916 du code de procédure civile, les ordonnances du conseiller de la mise en état peuvent être déférées par requête à la cour dans les quinze jours de leur date,
-en l'espèce, l'ordonnance a été rendue le jour annoncé lors de l'audience de plaidoirie, soit le 27 octobre 2022, avec une diffusion sur le RPVA le même jour,
-M. [X] [V] n'a pas adressé de requête en déféré par voie électronique dans les 15 jours, comme il le reconnaît lui-même dans ses écritures.
Enfin, sur la procédure, au soutien de sa demande en annulation de la requête en déféré, l'intimé expose que :
-en droit, l'article 57 précise que la requête contient à peine de nullité, l'indication des nom, prénoms et domicile de la personne contre laquelle la demande est formée,
-force est de constater que la requête émanant de M. [X] [V] est nulle car elle ne comporte aucune indication sur le défendeur au déféré.
Au fond et au soutien de sa demande tendant à faire constater la péremption de l'instance en appel, l'intimé indique que :
-en droit, aux termes de l'article 386 du code de procédure civile, "L'instance est périmée lorsque aucune des parties n'accomplit de diligences pendant deux ans" et selon l'article 387 :"La péremption peut être demandée par l'une quelconque des parties",
-dans le cas présent, il n'est pas contesté que l'appelant a signifié ses dernières conclusions le 30 janvier 2020,
-depuis, aucune diligence n'a été accomplie par l'appelant. Plus de deux années s'étant écoulées depuis la notification des dernières conclusions, l'instance est définitivement périmée depuis le 30 janvier 2022.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la PROCÉDURE
1-Sur la recevabilité de la requête en déféré
L'article 930-1 du code de procédure civile dispose : 'A peine d'irrecevabilité relevée d'office, les actes de procédure sont remis à la juridiction par voie électronique. Lorsqu'un acte ne peut être transmis par voie électronique pour une cause étrangère à celui qui l'accomplit, il est établi sur support papier et remis au greffe ou lui est adressé par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. En ce cas, la déclaration d'appel est remise ou adressée au greffe en autant d'exemplaires qu'il y a de parties destinataires, plus deux. La remise est constatée par la mention de sa date et le visa du greffier sur chaque exemplaire, dont l'un est immédiatement restitué. Lorsque la déclaration d'appel est faite par voie postale, le greffe enregistre l'acte à la date figurant sur le cachet du bureau d'émission et adresse à l'appelant un récépissé par tout moyen.
Les avis, avertissements ou convocations sont remis aux avocats des parties par voie électronique, sauf impossibilité pour cause étrangère à l'expéditeur. Un arrêté du garde des sceaux définit les modalités des échanges par voie électronique.'
Selon l'article 6 .1 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales :'Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. Le jugement doit être rendu publiquement, mais l'accès de la salle d'audience peut être interdit à la presse et au public pendant la totalité ou une partie du procès dans l'intérêt de la moralité, de l'ordre public ou de la sécurité nationale dans une société démocratique, lorsque les intérêts des mineurs ou la protection de la vie privée des parties au procès l'exigent, ou dans la mesure jugée strictement nécessaire par le tribunal, lorsque dans des circonstances spéciales la publicité serait de nature à porter atteinte aux intérêts de la justice.'
Il résulte de ce qui précède qu'à peine d'irrecevabilité, une partie ne peut se soustraire à l'obligation de transmission des actes par voie électronique que si elle justifie d'une cause étrangère.
En l'espèce, le demandeur au déféré reconnaît avoir transmis son déféré à la cour en déposant une requête non pas par voie électronique mais par lettre recommandée avec accusé de réception.
Au soutien de la recevabilité de sa requête en déféré, M. [X] [V] estime toutefois qu'il peut se prévaloir d'une cause étrangère au sens de l'article 930-1 précédemment cité, laquelle l'a empêchée de transmettre sa requête par voie électronique.
Selon lui, constitue en effet une telle cause étrangère le fait que l'interface du RPVA ne propose pas une procédure électronique spéciale d'envoi d'une requête aux fins de déféré.
Il est exact que selon les éléments de preuve produits débats par le demandeur au déféré, en particulier une capture d'écran du RPVA, les différentes options d'envoi au greffe, proposées aux usagers, ne prévoient pas spécifiquement l'envoi d'une requête aux fins de déféré.
Le défendeur au déféré ne le conteste pas.
Malgré cela, la cour relève qu'il est tout à fait possible d'adresser une requête en déféré au greffe, par voie électronique en passant par le réseau RPVA.
En effet, sur ce réseau, une partie peut toujours choisir de passer par des options non spécifiques tout en annexant sa requête de déféré. Cette requête en déféré aurait alors valablement pu saisir la cour et ce quel que soit l'objet du message.
Il n'est pas suffisamment démontré une violation de l'article 6 paragraphe 1 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
En l'absence de cause étrangère ayant empêché M.[X] [V] de présenter son recours par voie électronique pendant toute la durée du délai de recours, sa requête en déféré doit être déclarée irrecevable, par application de l'article 930-1 précité.
L'ordonnance déférée à la cour produit son plein effet.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
En application de l'article 696 du code de procédure civile, M. [X] [V], qui perd cette procédure en déféré, doit être condamné aux dépens de l'instance.
M. [X] [V] est également condamné à payer à M. [G] [R] une somme de 1000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
M. [G] [R] est débouté de sa demande d'indemnité de procédure.
PAR CES MOTIFS
La cour, après en avoir délibéré, statuant par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe, en dernier ressort,
-déclare irrecevable le déféré formé contre l'ordonnance du conseiller de la mise en état de la chambre 4-4 de la cour d'appel d'Aix-en-Provence du 27 octobre 2022,
-condamne M. [X] [V] à payer M. [G] [R] la somme de 1000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
-condamne M. [X] [V] aux dépens.
Ainsi jugé et prononcé les jour, mois et an susdits.
LE GREFFIER LE PRESIDENT