COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 1-6
ARRÊT AU FOND
DU 25 MAI 2023
N°2023/221
N° RG 21/13032
N° Portalis DBVB-V-B7F-BIB4O
[P] [U]
C/
[R] [Y]
S.A. MMA IARD
Caisse CPAM DU VAR
Copie exécutoire délivrée le :
à :
-Me Robert BENDOTTI
-SAS RAVOT PIERRE- ALAIN
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance de GRASSE en date du 06 Juillet 2021 enregistré au répertoire général sous le n° 20/01597.
APPELANTE
Madame [P] [U]
N° SS[XXXXXXXXXXX05]
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2022/1463 du 25/02/2022 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de AIX-EN-PROVENCE)
née le [Date naissance 1] 1981 à [Localité 8],
demeurant [Adresse 3]
représentée par Me Robert BENDOTTI, avocat au barreau de NICE.
INTIMES
Monsieur [R] [Y] RCS
demeurant [Adresse 4]
représenté par Me Pierre-Alain RAVOT de la SAS RAVOT PIERRE- ALAIN, avocat au barreau de GRASSE.
S.A. MMA IARD
Prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié ès qualité audit siège,
demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Pierre-Alain RAVOT de la SAS RAVOT PIERRE- ALAIN, avocat au barreau de GRASSE.
Caisse CPAM DU VAR,
Signification DA en date du 29/10/2021 à personne habilitée,
demeurant [Adresse 7]
Défaillante.
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 22 Mars 2023 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Jean-Wilfrid NOEL, Président, et Madame Fabienne ALLARD, Conseillère, chargés du rapport.
Monsieur Jean-Wilfrid NOEL, Président, a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur Jean-Wilfrid NOEL, Président
Madame Anne VELLA, Conseillère
Madame Fabienne ALLARD, Conseillère
Greffier lors des débats : Madame Charlotte COMBARET.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 17 Mai 2023, prorogé au 25 Mai 2023.
ARRÊT
Réputé contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 25 Mai 2023,
Signé par Monsieur Jean-Wilfrid NOEL, Président et Madame Charlotte COMBARET, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS & PROCÉDURE
Le 12/08/2017, Mme [U] s'est blessée alors qu'elle avait emprunté un toboggan Big Gliss situé dans le parc d'attractions [Localité 6]-Land exploité par M. [Y], assuré auprès de la SA MMA IARD. Elle a été médicalisée au centre hospitalier de [Localité 9] qui a constaté une fracture de la main droite et délivré une ITT de 45 jours à Mme [U].
Par ordonnance du 31/07/2019, le juge des référés de Grasse a débouté Mme [U] de sa demande de provision eu égard à l'existence d'une contestation sérieuse, et a commis le docteur [D] aux fins d'expertise médicale. Le rapport a été déposé le 07/02/2020. Les conclusions médico-légales de l'expert sont les suivantes':
- Mme [U], selon les documents examinés, a présenté 1e 16/08/2017 une fracture plurifragmentaire du quatrième métacarpe à la main droite';
- une assistance par tierce personne a été nécessaire une heure par jour du 12/08/2017 au 15/08/2017, puis trois heures par semaine du 17/08/2017 au 30/09/2017';
- aucune perte de gains professionnels, aucune incidence professionnelle, aucun préjudice de formation
- déficit fonctionnel temporaire
* 50 % du 12/082017 au 15/08/2017
* 100'% le 16/08/2017
* 33 % du 17/082017 au 30/09/2017
* 10 % du 01/10/2017 au 12/02/2018
- il est à prévoir1'ablation des vis d'ostéosynthèse (une joumée de de'cit fonctionnel temporaire 100'% + 21 jours de déficit fonctionnel temporaire 25 %),
- souffrances endurées 2,5/7
- aucun préjudice esthétique temporaire
- déficit fonctionnel permanent 2'%
- préjudice esthétique permanent 1/7.
Par acte d'huissier de justice des 16, 17 et 29/04/2020, Mme [U] a saisi le tribunal judiciaire de Grasse d'une action aux fins de réparation de son préjudice corporel dirigée contre M. [Y] et la SA MMA IARD, au contradictoire de la caisse primaire d'assurance-maladie du Var.
Par jugement réputé contradictoire du 06/07/2021, le tribunal judiciaire de Grasse a':
- déclaré le jugement commun à la caisse primaire d'assurance-maladie du Var intervenant pour le compte de la caisse primaire d'assurance-maladie des Alpes-Maritimes,
- débouté Mme [U] de l'intégralité de ses demandes,
- débouté Mme [U] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné Mme [U] aux entiers dépens, comprenant les frais d'expertise, qui seront recouvrés comme en matière d'aide juridictionnelle (sic),
- dit n'y avoir lieu à ordonner l'exécution provisoire.
Pour statuer ainsi, le premier juge a estimé Mme [U] ne prouve pas que la fracture de sa main droite soit imputable à un accident survenu le 12/08/2017 sur le toboggan exploité par M. [Y].
Par déclaration du 07/09/2021 dont la régularité et la recevabilité ne sont pas contestées, Mme [U] a interjeté appel de tous les chefs du jugement du tribunal judiciaire de Grasse.
Par décision du 25/02/2023, le bureau de l'aide juridictionnelle du tribunal judiciaire d'Aix-en-Provence a accordé l'aide juridictionnelle totale à Mme [U].
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 04/11/2021, auxquelles il est renvoyé par application de l'article 455 du code de procédure civile pour un plus ample exposé des moyens et sur l'évaluation des préjudices, Mme [U] demande à la cour de':
- infirmer 1e jugement entrepris,
- déclarer M. [Y] entièrement responsable de l'accident dont Mme [U] a été victime,
- condamner solidairement la SA MMA IARD et M. [Y] à lui rég1er en réparation de son préjudice corporel la somme de 10.912,00 €, ventilée comme suit':
* déficit fonctionnel temporaire': 912,00 €
* souffrances endurées'2,5/7': 4.000,00 €
* déficit fonctionnel permanent'2'% : 4.000,00 €
* préjudice esthétique permanent'1/7 : 2.000,00 €
- les condamner solidairement a lui régler la somme de 3.000,00 € sur 1e fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- déclarer le jugement opposable à la caisse primaire d'assurance-maladie,
- les voir condamner solidairement aux entiers dépens de la procédure en application de l'article 696 du même code.
Mme [U] fait valoir que'l'exploitant d'un toboggan est, pendant la descente, tenu d'une obligation de résultat en ce qui concerne la sécurité de ses clients': ce n'est que dans le bassin de réception, lorsque le client retrouve une certaine autonomie, que l'exploitant n'est plus tenu que d'une obligation de sécurité de moyen. Mme [U] précise qu'en l'occurrence, sa main droite a été coincée sur le toboggan, ce dont son frère et sa belle-s'ur ont été témoins. Elle produit une vidéo de la descente et de l'accident, réalisée par son frère, qui montre l'espace vide entre le bord 'nal du toboggan et le tapis de réception. Elle indique que l'exploitant a corrigé cette anomalie.
* * *
Aux termes de ses dernières conclusions en réponse notifiées par RPVA le 10/01/2022, auxquelles il est renvoyé par application de l'article 455 du code de procédure civile pour un plus ample exposé des moyens et sur l'évaluation des préjudices, M. [Y] et la SA MMA IARD demandent à la cour de':
À titre principal,
- confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Grasse du 06/07/2021 en toutes ses dispositions,
Y ajoutant
- condamner Mme [U] à verser à M. [Y] et à la SA MMA IARD ensemble une indemnité de 3.500,00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et à supporter les dépens d'appel dont distraction au profit de Maître Ravot, avocat postulant, dans les conditions de l'article 699 dudit code,
À titre subsidiaire,
- fixer l'indemnisation des préjudices de Mme [U] à la charge de M. [Y] et de son assureur MMA IARD'à la somme de 7.712,00 €, ventilée comme suit :
* déficit fonctionnel temporaire : 912,00 €
* souffrances endurées : 3.000,00 €
* déficit fonctionnel permanent : 2.800,00 €
* préjudice esthétique permanent : 1.000,00 €
- débouter Mme [U] de ses prétentions plus amples ou contraires,
- dire n'y avoir lieu à faire application de l'article 700 du code de procédure civile,
- statuer sur les dépens et les frais d'expertise judiciaire médicale, dont distraction au profit des avocats postulants dans la cause pour ceux dont ils auraient fait l'avance sous leur offre de droit,
- déclarer le jugement commun à la caisse primaire d'assurance-maladie du Var gérant celle des Alpes-Maritimes.
M. [Y] et la SA MMA IARD font valoir que Mme [U] ne produit aucun témoignage extérieur au cercle familial, que ni les photos produites ni l'exploitation de la vidéo ne révèlent le moindre accident, que l'accident du 12/08/2017 n'a donné lieu à des constatations médicales que le 15/09/2017, soit plus d'un mois après, et enfin que le récit des circonstances de l'accident devant l'expert a varié.
* * *
Assignée à personne habilitée le 29/10/2021 par acte d'huissier contenant dénonce de l'appel, la caisse primaire d'assurance-maladie du Var n'a pas constitué avocat. Elle a communiqué le montant de ses débours définitifs, soit la somme de 3.021,65 €, ventilée comme suit':
- frais hospitaliers : 1.274,74 €,
- frais médicaux': 1.578,13 €,
- frais d'appareillage': 168,78 €.
* * *
La clôture a été prononcée le 07/03/2023.
Le dossier a été plaidé le 22/03/2023 et mis en délibéré au 17/05/2023, prorogé au 25/05/2023.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la nature de la décision rendue':
L'arrêt rendu sera réputé contradictoire, conformément à l'article 474 du code de procédure civile.
Sur la responsabilité de M. [Y] et de la SA MMA IARD :
La responsabilité de l'exploitant d'un toboggan vis-à-vis de sa clientèle est subordonnée à la preuve de la matérialité de l'accident invoqué. Le premier juge a rappelé exactement que la charge de cette preuve incombe à Mme [U].
L'intéressée verse aux débats deux attestations de sa belle-s'ur, Mme [X] [F] épouse [U], et de son frère, M. [N] [U], de nature à confirmer qu'elle s'est blessée le 12/08/2017 pendant la descente du toboggan qu'elle avait emprunté avec sa nièce. La circonstance que les attestants appartiennent au cercle familial de Mme [U] ne suffit pas en soi à leur dénier toute valeur probatoire.
Le premier juge a cependant relevé à juste titre que les deux attestations ont été manifestement rédigées de la même main, ce qui questionne nécessairement l'authenticité d'au moins l'une des deux. Par ailleurs, les faits relatés ne résultent nullement de la séquence vidéo horodatée du 12/08/2017 à 23 heures 39 que M. [N] [U] a enregistrée à l'aide de son téléphone mobile.
En effet, ce film, qui est supposé montrer en direct les circonstances de l'accident, a été visionné par un huissier de justice requis par M. [Y] qui a constaté que «'la descente ne présente aucune particularité ou anomalie laissant penser à la réalisation d'un dommage corporel. Les occupants du toboggan situé complètement à droite arrivent en premier. La femme porte un chemisier rose. Une fois sur le tapis, cette femme regarde l'arrivée des deux dernières personnes puis elle se met à genoux sur le tapis. Ensuite, la femme portant le chemisier rose commence à se relever et la petite fille se dirige vers un autre toboggan'».
En outre, aucune des photographies du toboggan extraites de la séquence vidéo ne vient caractériser une dangerosité particulière de la jointure du bas du toboggan et du tapis de réception.
Enfin, la cour ne peut que constater que Mme [U] a déclaré au docteur [D] s'être rendue immédiatement au centre hospitalier [10] avant tout retour au domicile, alors que son frère, M. [N] [U], atteste l'avoir d'abord emmenée à son domicile et conduite, seulement deux jours plus tard, au centre hospitalier [10].
Mme [U] ne rapporte donc pas la preuve des faits utiles au succès de ses prétentions. Le jugement entrepris est confirmé dans toutes ses dispositions.
Sur les demandes annexes':
Les dispositions du jugement relatives aux dépens et aux frais irrépétibles seront confirmées.
L'équité ne justifie pas l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Mme [U] étant admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale, les dépens seront laissés à la charge de l'État.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Confirme le jugement entrepris dans toutes ses dispositions.
Dit n'y avoir lieu à faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Laisse les dépens de l'appel à la charge de l'État.
LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT