COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 3-3
ARRÊT AU FOND
DU 25 MAI 2023
N° 2023/75
Rôle N° RG 19/18924 - N° Portalis DBVB-V-B7D-BFJGE
Société VAN DER HOEVEN GREENHOUSEBUILDERS INTERNATIONAL B.V.
C/
S.C.P. [D] LAGEAT
Société GLOBAL ECOPOWER
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me Rachel SARAGA-BROSSAT
Me Sandra JUSTON
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Commerce d'AIX EN PROVENCE en date du 05 Décembre 2019 enregistrée au répertoire général sous le n° 2019000052.
APPELANTE
Société VAN DER HOEVEN GREENHOUSEBUILDERS INTERNATIONAL B.V., société de droit néerlandais, prise en la personne de son représentant légal,
dont le siège social est sis [Adresse 5] (PAYS BAS)
représentée par Me Rachel SARAGA-BROSSAT de la SELARL SARAGA-BROSSAT RACHEL, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,
assistée de Me Marinka SCHILLINGS, avocat au barreau de PARIS, plaidant
INTIMEE
SA GLOBAL ECOPOWER, prise en la personne de son représentant légal
dont le siège social est [Adresse 4]
représentée par Me Sandra JUSTON de la SCP BADIE, SIMON-THIBAUD, JUSTON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,
assistée de Me Geneviève MAILLET, avocat au barreau de MARSEILLE, plaidant
PARTIE(S) INTERVENANTE(S)
S.C.P. [D] LAGEAT, prise en la personne de Me [E] [D], intervenant volontairement es qualité de liquidateur judiciaire de la SA GLOBAL ECOPOWER,
dont le siège social est sis [Adresse 1]
représentée par Me Sandra JUSTON de la SCP BADIE, SIMON-THIBAUD, JUSTON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,
assistée de Me Geneviève MAILLET, avocat au barreau de MARSEILLE, plaidant
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 21 Mars 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Françoise PETEL, Conseillère, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Philippe DELMOTTE, Président
Madame Françoise PETEL, Conseillère
Madame Françoise FILLIOUX, Conseillère
Greffier lors des débats : Madame Laure METGE.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 25 Mai 2023.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 25 Mai 2023
Signé par Monsieur Philippe DELMOTTE, Président et Madame Laure METGE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
Le 20 avril 2010, la SA Global Ecopower et la société de droit néerlandais Van der Hoeven Greenhousebuilders BV ont conclu un protocole d'accord ayant pour objet de définir un partenariat pour développer conjointement une solution de serre avec toit photovoltaïque, et de créer ensuite une société commune en vue de développer et construire des serres photovoltaïques.
Cet accord prévoyait que la société Van der Hoeven Greenhousebuilders serait le fournisseur de la SA Global Ecopower en direct pour la construction « clé en main » de la première serre avec un toit photovoltaïque, si la société commune n'était pas encore créée.
Selon bon du 16 décembre 2010, la SA Global Ecopower a commandé à la société Van der Hoeven la fourniture et l'installation de trois serres Novi-sol et d'un hall technique de 1200 m2 selon un plan fourni par elle, pour un prix total de 3.934.840 euros.
La date de livraison souhaitée était «'début juin 2011'», la date de début des travaux «'1er mars 2011'», le lieu de livraison « lieu dit ''[Adresse 3]'», et, s'agissant des conditions de paiement, il était prévu un acompte de 25 % à payer le 31 décembre 2010, le solde réparti sur présentation de situation de travaux.
Invoquant des modifications dans la prestation intervenues sans son accord, la SA Global Ecopower a retenu le règlement du solde dû selon deux factures, respectivement, du 17 août 2011 pour un montant de 235.921,54 euros et du 20 septembre 2011 pour 224.586,06 euros, soit un total de 460.507,60 euros.
Par contrat du 1er juillet 2013, la société Vanderhoeven Greenhousebuilders B.V. a cédé sa créance sur la SA Global Ecopower à la société Van der Hoeven Greenhouse Builders International B.V.
Selon acte du 24 avril 2014, la société Van der Hoeven Greenhousebuilders International B.V. a fait assigner la SA Global Ecopower en paiement devant le tribunal de La Haye (Pays-Bas), lequel s'est déclaré incompétent par jugement du 25 février 2015, confirmé par arrêt de la cour d'appel de La Haye du 30 avril 2019, au profit de la juridiction française.
Entre-temps, par exploit du 21 décembre 2018, la société de droit néerlandais Van der Hoeven Greenhousebuilders International B.V. a fait assigner en paiement la SA Global Ecopower devant le tribunal de commerce d'Aix-en-Provence.
Par jugement du 5 décembre 2019, ce tribunal a :
- dit que la demande de la société de droit néerlandais Van der Hoeven Greenhousebuilders International B.V. est irrecevable pour défaut de qualité et d'intérêt à agir,
- débouté la société de droit néerlandais Van der Hoeven Greenhousebuilders International B.V. de toutes ses demandes,
- condamné la société de droit néerlandais Van der Hoeven Greenhousebuilders International B.V. à payer à la SA Global Ecopower une somme de 6.000 euros à titre d'indemnité sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'à supporter les dépens de l'instance.
Suivant déclaration du 12 décembre 2019, la société de droit néerlandais Van der Hoeven Greenhousebuilders International B.V. a interjeté appel de ce jugement.
Selon jugement du 11 janvier 2021, le tribunal de commerce de Marseille a étendu la procédure de liquidation judiciaire initialement ouverte à l'égard de la SAS Energies à la SA Global Ecopower, la SCP [E] [D] & A. Lageat, prise en la personne de Me [E] [D], étant désignée en qualité de liquidateur judiciaire.
Le 17 février 2021, la société de droit néerlandais Van der Hoeven Greenhousebuilders International B.V. a déclaré sa créance au passif de cette procédure collective, pour la somme totale, intérêts inclus, de 971.667 euros, à titre chirographaire.
La SCP [E] [D] & A. Lageat, en qualités de liquidateur judiciaire de la SA Global Ecopower, est intervenue volontairement à la procédure.
Aux termes de ses dernières conclusions récapitulatives notifiées et déposées le 3 mai 2021, auxquelles il est expressément référé en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la société Van der Hoeven Greenhousebuilders International B.V. demande à la cour de :
- infirmer en totalité le jugement rendu par le tribunal de commerce d'Aix-en-Provence le 5 décembre 2019 et statuant à nouveau :
à titre principal :
- débouter la SCP [D] Lageat, prise en la personne de Me [E] [D], agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société Global Ecopower SA, de ses moyens d'irrecevabilité et de prescription, et de l'intégralité de ses demandes,
- condamner la SCP [D] Lageat, prise en la personne de Me [E] [D], agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société Global Ecopower SA, à lui payer la somme principale de 460.507,60 euros, à augmenter des intérêts contractuels, de 1 % par mois, soit un intérêt annuel de 12 %, à compter de 30 jours après la date d'échéance des factures dues, avec application de l'article 1343-2 du code civil,
- rejeter la demande de la SCP [D] Lageat, prise en la personne de Me [E] [D], agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société Global Ecopower SA, tendant à la désignation d'un expert judiciaire,
à titre infiniment subsidiaire :
- modifier la mission demandée dans les termes suivants :
- désigner tout expert qu'il plaira au tribunal avec pour mission complète de :
- se rendre sur les lieux au chantier [Adresse 3],
- convoquer les parties,
- procéder à toute investigation utile et se faire remettre les documents et pièces techniques,
- recueillir au besoin les observations des sociétés Ginger et de Socotec et de tous autres sachants,
- recueillir les commentaires, si nécessaire, du sous-traitant de VDH, ou de tout autre intervenant,
- vérifier la solidité de l'ancrage de toutes les fondations et dire si ces ancrages sont conformes aux règles de l'art ; en particulier vérifier l'existence éventuelle de tassements, leur incidence éventuelle sur les panneaux photovoltaïques et leur cause,
- constater les tassements dus au non-respect de l'ancrage des fondations dans le bon sol,
- dire quelle est et quelle sera l'incidence sur les panneaux photovoltaïques très fragiles liés à la structure,
- dire si des travaux de renforcement sont nécessaires ; évaluer alors le coût des solutions techniques, en cas de nécessité d'intervention sur les ancrages,
- donner son avis sur les éventuels préjudices financiers liés à l'état des fondations,
- donner tous les éléments techniques ou de fait permettant de définir les responsabilités,
- établir un pré-rapport,
- répondre aux dires des parties,
- dire que les frais d'expertise seront avancés par la société Global Ecopower,
en tout état de cause :
- condamner sans attendre la SCP [D] Lageat, prise en la personne de Me [E] [D], agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société Global Ecopower SA, à lui payer la somme principale de 460.507,60 euros, à augmenter des intérêts contractuels, de 1 % par mois, soit un intérêt annuel de 12 %, à compter de 30 jours après la date d'échéance des factures dues, avec application de l'article 1343-2 du code civil,
- condamner la SCP [D] Lageat, prise en la personne de Me [E] [D], agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société Global Ecopower SA, à lui payer la somme de 8.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
Par conclusions notifiées et déposées le 9 avril 2021, auxquelles il est expressément référé en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la SA Global Ecopower et la SCP [D] Lageat, prise en la personne de Me [E] [D], ès qualités de liquidateur judiciaire de la SA Global Ecopower, demandent à la cour de :
- recevoir Me [E] [D] en son intervention volontaire en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Global Ecopower,
- confirmer le jugement du tribunal de commerce d'Aix-en-Provence du 5 décembre 2019 et,
à titre principal :
- déclarer l'action de la société Van der Hoeven Greenhousebuilders International B.V. irrecevable pour défaut de qualité et intérêt à agir,
subsidiairement :
- déclarer l'action de la société Van der Hoeven Greenhousebuilders International B.V. prescrite,
très subsidiairement :
- désigner tout expert qu'il plaira à la cour avec pour mission complète de :
- se rendre sur les lieux du chantier «'[Adresse 3],
- convoquer les parties,
- procéder à toute investigation utile et se faire remettre tous documents et pièces techniques,
- recueillir les observations de la société Ginger et de la société Socotec,
- recueillir les commentaires, si nécessaire, du sous-traitant de la société VDH ou de tout autre intervenant,
- vérifier que toutes les fondations ne sont pas ancrées dans le bon sol (au moins 50 cm),
- constater les tassements dus au non-respect de l'ancrage des fondations dans le bon sol,
- dire quelle est et quelle sera l'incidence sur les panneaux photovoltaïques très fragiles liés à la structure,
- prendre avis de tout sapiteur, si nécessaire, qu'il souhaitera,
- préconiser des solutions pour les fondations qui ne sont pas ancrées dans le bon sol,
- évaluer le coût des solutions techniques,
- dire si des défauts, dont est responsable la société VDH, ont occasionné un dommage direct ou indirect ou occasionneront à l'avenir un tel dommage,
- fixer les coûts de perte d'exploitation pendant les recherches d'ancrage et lors des travaux de remise en état,
- dire que les frais d'expertise seront intégralement à la charge du défendeur,
- condamner la société Van der Hoeven Greenhousebuilders International B.V. à payer à la société Global Ecopower la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, en appel,
- condamner la société Van der Hoeven Greenhousebuilders International B.V. aux entiers dépens y compris de première instance.
MOTIFS
Au visa de l'ancien article 1690 du code civil, dont elle fait valoir qu'il ne fait mention d'aucun formalisme particulier, l'appelante expose qu'à la suite de la cession intervenue le 1er juillet 2013, elle a assigné la SA Global Ecopower en paiement, sur la base des créances cédées, que, dans son assignation du 24 avril 2014, accompagnée notamment de l'acte de cession et des factures impayées, figurent tous les éléments permettant d'identifier sans équivoque la créance cédée, que, devant la juridiction néerlandaise, l'intimée s'est d'ailleurs défendue sans remettre en cause son intérêt et sa qualité à agir.
La société Van der Hoeven Greenhousebuilders International B.V. ajoute que, si besoin est, cette notification a été renouvelée par l'assignation ayant initié la présente procédure le 21 décembre 2018 devant le tribunal de commerce d'Aix-en-Provence, que, bien plus, la SA Global Ecopower l'a elle-même assignée en référé expertise devant le président dudit tribunal, sur le fondement de la cession de créance.
Elle soutient que cette cession a donc été valablement notifiée à l'intimée, de sorte qu'elle lui est opposable, et qu'elle a quant à elle intérêt à agir contre cette dernière, laquelle est malvenue dans son moyen d'irrecevabilité, qui doit être rejeté.
La SA Global Ecopower et la SCP [D] Lageat, ès qualités, répliquent que l'appelante n'est pas la personne morale avec laquelle la SA Global Ecopower a contracté, que l'acte de cession du 1er juillet 2013 n'a jamais été notifié à cette dernière.
Elles font valoir que, s'il a été admis qu'un acte de cession de créance puisse, au sens de l'article 1690 du code civil, être considéré comme valablement signifié par voie d'assignation, encore faut-il que celle-ci contienne tous les éléments d'information relatifs à cette cession, que tel n'est pas le cas en l'espèce puisque font défaut les conditions substantielles de la cession, en l'occurrence l'intitulé et le montant des créances cédées, qu'une communication en pièce n'est pas de nature à satisfaire au formalisme prévu par l'article 1690, que la signification ne peut donc être considérée comme régulière.
Elles concluent à ce que la cession de créance soit déclarée inopposable à la SA Global Ecopower, et, par application des articles 31 et 32 du code de procédure civile, la demande de la société Van der Hoeven Greenhousebuilders International B.V. irrecevable pour défaut de qualité et d'intérêt à agir.
Sur ce, il est constant que le contrat intitulé «'cession de créance'» conclu le 1er juillet 2013 à [Localité 2] entre la société à responsabilité limitée Vanderhoeven Greenhousebuilders B.V. et la société à responsabilité limitée Van der Hoeven Greenhouse Builders International B.V. n'a pas été signifié au débiteur cédé, Global Ecopower, antérieurement aux procédures opposant les parties.
Ceci étant, dans son assignation devant la juridiction néerlandaise, comme dans celle délivrée devant le tribunal français, ainsi que dans ses diverses conclusions, l'appelante fait état de la cession intervenue, l'acte portant transport de créance, dont certes seule l'existence, et non le contenu, figure dans lesdites écritures, étant annexé en son intégralité au titre des pièces communiquées à leur soutien.
Mais, si cette remise au débiteur d'une assignation mentionnant la cession de créance et comportant, au titre des pièces jointes, copie de l'acte de cession peut effectivement être considérée comme équivalant à une signification au débiteur, auquel la cession serait dès lors opposable au sens des articles 1689 et 1690 du code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016, encore faut-il que la créance cédée soit identifiée.
Or, aux termes du document produit comme emportant transfert de créance entre les deux sociétés néerlandaises, il est, sans plus de précision, indiqué, s'agissant des créances concernées, «'Tous droits et pouvoirs sur Global Ecopower'».
Ainsi, étant observé que dans ledit document, où n'est d'ailleurs pas même davantage évoqué le protocole signé le 20 avril 2010 entre la SA Global Ecopower et la société Van der Hoeven Greenhousebuilders BV, il n'est aucunement fait état de la commande conclue le 16 décembre 2010, ni de l'une quelconque des factures pourtant objet du litige, il doit être constaté que la signification du transport allégué, en l'absence de toute caractéristique des créances cédées, n'a pas été régulièrement faite à la débitrice.
Et l'argumentation, selon laquelle cette dernière aurait connu et accepté de façon certaine et non équivoque la cession intervenue au motif notamment qu'elle a elle-même assigné en référé la société Van der Hoeven Greenhousebuilders International B.V. devant le président du tribunal de commerce d'Aix-en-Provence, ne saurait être retenue quand il apparaît, à la seule lecture de cet acte, que ladite assignation aux fins d'expertise, qui ne fait nullement état d'une quelconque cession de créance, procède manifestement d'une confusion opérée entre les deux sociétés néerlandaises, dont il est à noter que, outre leurs proches dénominations, leur lieu d'établissement est identique.
En conséquence, l'appelante, qui ne peut se prévaloir à l'encontre de la SA Global Ecopower de sa qualité de cessionnaire au visa de l'article 1690 précité, doit, à défaut de justifier de son droit à agir dans le cadre de la présente instance, être déclarée irrecevable en ses demandes.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Statuant publiquement et contradictoirement,
Confirme le jugement entrepris,
Y ajoutant,
Condamne la société de droit néerlandais Van der Hoeven Greenhousebuilders International B.V. à payer à la SA Global Ecopower la somme de 4.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
La condamne aux dépens d'appel.
LE GREFFIER LE PRESIDENT