COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 1-6
ARRÊT AU FOND
(Saisine sur renvoi après cassation)
DU 11 MAI 2023
N° 2023/206
N° RG 22/04823
N° Portalis DBVB-V-B7G-BJE7X
[A] [Y]
C/
[W] [G]
Société AREAS DOMMAGES
Société HD ASSURANCES
Association CARCEPT OCIRP
Organisme CPAM DE L'HERAULT
Société CARCEPT PRÉVOYANCE
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
-SCP CHARLES TOLLINCHI - CORINNE PERRET-VIGNERON
-SELARL BOULAN-CHERFILS-IMPERATORE
-SCP ERMENEUX - CAUCHI & ASSOCIES
Décision déférée à la Cour :
Le jugement du Tribunal de Grande Instance deNARBONNE en date du 19/06/2014 enregistré au répertoire général sous le n° 10/00187, a fait l'objet d'un appel devant la Cour d'appel de NÎMES, qui a rendu un arrêt le 18/04/2019, enregistré au répertoire général sous le n°18/02342.
Ce dernier a fait l'objet d'un pourvoi en cassation, pour lequel la Cour de cassation a rendu un arrêt en date du 09/12/2021, portant le N° de pourvoiB 19-18.937 (arrêt N°1163 F-B.).
APPELANT
Monsieur [A] [Y]
né le [Date naissance 1] 1967 à [Localité 9]
de nationalité Française,
demeurant [Adresse 10]
représenté par Me Charles TOLLINCHI de la SCP CHARLES TOLLINCHI - CORINNE PERRET-VIGNERON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, postulant et assisté Me Christophe BRINGER de la SCP AIMONETTI BLANC BRINGER MAZARS, avocat au barreau de l'AVEYRON, plaidant.
INTIMES
Monsieur [W] [G]
demeurant :
[Adresse 4]
Assignation en date du 22/06/2022 à étude. Signification le 05/12/2022, à étude. Notification de conclusions en date du 03/02/2023 à étude,
ou
[Adresse 2]
Défaillant.
Société AREAS DOMMAGES,
Assignation en date du 22/06/2022 à personne habilitée,
demeurant [Adresse 7]
représentée par Me Romain CHERFILS de la SELARL BOULAN-CHERFILS-IMPERATORE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, postulant et assistée par Me Lisa HAYERE de la SELEURL CABINET SELURL HAYERE, avocat au barreau de PARIS, plaidant.
Société HD ASSURANCES,
Assignation en date du 24/06/2022 à personne habilitée.
Signification le 02/12/2022, à personne habilitée.
Notification en date du 23/01/2023 à personne habilitée,
demeurant [Adresse 8]
Défaillante.
Association CARCEPT OCIRP,
Assignation en date du 22/06/2022 à personne habilitée,
demeurant [Adresse 3]
représentée par Me Agnès ERMENEUX de la SCP ERMENEUX - CAUCHI & ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, postulant et par Me Vianney FERAUD, avocat au barreau de PARIS.
Organisme CPAM DE L'HERAULT,
Assignation en date du 22/06/2022 à personne habilitée. Signification le 02/12/2022, à personne habilitée. Notification de conclusions date du 23/01/2023 à personne habiltiée,
demeurant [Adresse 5]
Défaillante.
La CARCEPT PRÉVOYANCE
Institution de prévoyance régie par les dispositions des articles L 931 et suivants du Code de la Sécurité Sociale,
Assignation en date du 22/06/2022 à personne habilitée,
demeurant [Adresse 6]
représentée par Me Agnès ERMENEUX de la SCP ERMENEUX - CAUCHI & ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, postulant et par Me Vianney FERAUD, avocat au barreau de PARIS.
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 14 Mars 2023 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Monsieur Jean-Wilfrid NOEL, Président, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Monsieur Jean-Wilfrid NOEL, Président
Madame Anne VELLA, Conseillère
Madame Fabienne ALLARD, Conseillère
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Charlotte COMBARET.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 11 Mai 2023.
ARRÊT
Par défaut,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 11 Mai 2023,
Signé par Monsieur Jean-Wilfrid NOEL, Président et Madame Charlotte COMBARET, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
FAITS & PROCÉDURE
Le 12/10/2007 à [Localité 11] (Aude), M. [Y] circulant au guidon de sa motocyclette a été victime d'un accident de la circulation routière dans lequel était impliqué un véhicule Seat Ibiza conduit par M. [G], assuré auprès de la compagnie Areas Assurances. M. [Y] a été amputé de la jambe droite en septembre 2009 à la suite de complications post-opératoires. Son droit à la réparation intégrale de son préjudice n'a jamais été contesté.
Par ordonnances des 01/04/2008 et 07/07/2009, le juge des référés de Narbonne a commis le docteur [I] aux fins d'expertise médicale. Le rapport a été déposé le 03/09/2009, assorti d'un complément du 05/10/2009.
Le 09/10/2009, la compagnie Areas Assurances a soumis à M. [Y] une offre d'indemnisation définitive de son préjudice corporel pour un montant total de 37.619,00 €, dans l'attente de la communication de la créance définitive des tiers payeurs. M. [Y] a perçu un total de 30.000,00 € à valoir sur la réparation future de son préjudice corporel.
Par acte d'huissier de justice des 11/01 et 19/01/2010, M. [Y] a saisi le tribunal de grande instance de Narbonne d'une action en réparation de son préjudice corporel dirigée contre M. [G] et la compagnie Areas Assurances, au contradictoire de la caisse primaire d'assurance-maladie de l'Hérault ' ainsi que de la SAS HD Assurances Tranquillité Santé et de la caisse de prévoyance CARCEPT, deux organismes de mutuelle et de prévoyance auxquels M. [Y] était également affilié.
Par jugement réputé contradictoire du 19/06/2014, le tribunal de grande instance de Narbonne a':
- rejeté la demande de sursis à statuer de la compagnie Areas Assurances dans l'attente des débours de la SAS HD Assurances,
- dit que le droit à indemnisation de M. [Y] est entier,
- constaté que la pension versée par la CPAM n'est pas mentionnée sur son relevé définitif et dit que son recours subrogatoire ne peut s'exercer qu'à concurrence de son relevé définitif,
- ordonné la capitalisation des intérêts au taux légal échus pour une année entière, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil,
- condamné solidairement M. [G] et la compagnie Areas Assurances à payer la somme de 4.000,00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile à M. [Y],
- condamné solidairement M. [G] et la compagnie Areas Assurances aux entiers dépens en ce compris les frais d'expertise judiciaire en vertu de l'article 699 du code de procédure civile,
- reçu le recours de la SAS HD Assurances, tiers payeur, au titre des frais médicaux avancés par cette dernière à M. [Y],
- reçu le recours subrogatoire de la CARCEPT Prévoyance,
- condamné solidairement M. [G] et la compagnie Areas Assurances à payer la somme de 246.188,32 € à M. [Y], ventilée comme suit':
' frais divers': 540,00 €
' frais de véhicule adapté': 31.959,55 €
' formation pour régularisation du permis de conduire': 780,00 €
' renouvellement des pieds prothétiques': 31.137,44 €
' incidence professionnelle': 20.000,00 €
' déficit fonctionnel temporaire': 4.608,00 €
' souffrances endurées': 22.000,00 €
' déficit fonctionnel permanent : 92.400,00 €
' préjudice d'agrément': 6.000,00 €
' préjudice esthétique': 6.000,00 €
' préjudice sexuel': 9.000,00 €
- condamné solidairement M. [G] et la compagnie Areas Assurances à payer à la SAS HD Assurances la somme de 4.331,88 €,
- condamné solidairement M. [G] et la compagnie Areas Assurances à payer à la CARCEPT Prévoyance la somme de 79.381,78 € au titre des prestations incapacité et invalidité échues,
- condamné solidairement M. [G] et la compagnie Areas Assurances à payer à la CARCEPT Prévoyance la somme de 275.212,80 € au titre des prestations invalidité à échoir,
- condamné solidairement M. [G] et la compagnie Areas Assurances à payer à CARCEPT Prévoyance la somme de 1.500,00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné M. [G] et la compagnie Areas Assurances à payer à la SAS HD Assurances la somme de 1.000,00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- rejeté toute demande contraire ou plus ample.
La compagnie Areas Assurances a interjeté appel de la plupart des chefs du jugement du tribunal judiciaire de Narbonne.
Par arrêt du 24/01/2017, la cour d'appel de Montpellier a'confirmé pour l'essentiel le jugement entrepris, notamment en ce qu'il estimé que le recours subrogatoire de la CPAM ne peut s'exercer que dans la limite du montant figurant sur son relevé dé'nitif et que, dès lors que la pension d'invalidité n'était pas mentionnée dans les débours de la CPAM quoiqu'elle ait été servie à l'assuré, elle n'avait pas à être déduite de l'indemnisation de ce dernier. La cour d'appel a réévalué de 20.000,00 € à 50.000,00 € l'incidence professionnelle.
La compagnie Areas Assurances s'est pourvue en cassation.
Par arrêt du 29/03/2018, la deuxième chambre civile de la cour de cassation a cassé l'arrêt de la cour d'appel de Montpellier, mais uniquement en ce qu'il a condamné solidairement la compagnie Areas Assurances et M. [G] à payer à M. [Y] la somme de 246.388,32 € et à CARCEPT Prévoyance qui lui avait versé des indemnités, celles de 79.381,78 € et de 275.212,80 €. La deuxième chambre a jugé qu'en statuant ainsi, et en réparant le préjudice soumis à recours de M. [Y] sans déduire la pension d'invalidité servie par la CPAM qui s'impute, même si celle-ci n'exerce pas son recours, sur les pertes de gains professionnels futurs, l'incidence professionnelle et, en cas de reliquat, sur le déficit fonctionnel permanent, la cour d'appel a violé les textes et le principe susvisé. Ainsi, la pension d'invalidité s'impute sur la perte de gains professionnels futurs, 1'incidence professionnelle et, en cas de reliquat, sur le déficit fonctionnel permanent, même si la caisse n'exerce pas son recours. La cour de cassation a renvoyé les parties devant la cour d'appel de Nîmes.
Par arrêt du 18/04/2019, la cour d'appel de Nîmes a considéré que la cour de cassation n'avait visé que l'imputation des créances des tiers payeurs sur les préjudices soumis à recours du fait de la non prise en compte des prestations versées par la CPAM au titre de la pension d'invalidité. Elle a estimé qu'il n'y avait pas lieu de procéder à une nouvelle liquidation du préjudice corporel de M. [Y], et que la cour de cassation n'avait pas entendu remettre en cause le principe du recours subrogatoire admis par le premier juge concernant tant la CARCEPT que la SAS HD Assurances Tranquillité Santé.
M. [Y] s'est pourvu en cassation.
Par arrêt du 09/12/2021, la deuxième chambre civile de la cour de cassation a jugé que la cour d'appel de renvoi était saisie de l'ensemble de la liquidation du préjudice corporel, sans limitation à la seule imputation de la créance reconstituée arbitrairement de la CPAM. En effet, par l'annulation du chef du dispositif de l'arrêt qui avait annulé tous les postes de préjudice, les parties avaient été remises, de ce chef tout entier, dans l'état où elles se trouvaient avant l'arrêt cassé, de sorte qu'était recevable la demande de M. [Y] de procéder à la liquidation de l'entier préjudice.
Par déclaration enregistrée au greffe le 05/04/2022, M. [Y] a saisi la cour d'appel d'Aix-en-Provence aux fins de liquidation de son entier préjudice corporel.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Aux termes de ses dernières conclusions récapitulatives n°3 sur renvoi après deuxième cassation notifiées par RPVA le 24/02/2023, auxquelles il est renvoyé par application de l'article 455 du code de procédure civile pour un plus ample exposé des moyens et sur l'évaluation des préjudices, M. [Y] demande à la cour de':
- confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a :
* rejeté la demande de sursis à statuer,
* dit que son droit à indemnisation est entier,
* constaté que la pension versée par la CPAM n'est pas mentionnée sur son relevé définitif et dit que son recours subrogatoire ne peut s'exercer qu'à due concurrence de son relevé définitif,
* ordonné la capitalisation des intéréts légaux échus dus pour une année entière,
* condamné solidairement M. [G] et la compagnie Areas Assurances à lui payer la somme de 4.000,00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
* condamné solidairement M. [G] et la compagnie Areas Assurances aux entiers dépens, en ce compris les frais d'expertise judiciaire, avec application de l'article 699 du code de procédure civile,
- réformer pour le surplus le jugement dont appel,
Statuant à nouveau,
- juger que la compagnie Areas Assurances ne peut déduire des sommes qu'elle lui doit, en qualité d'assureur du véhicule du responsable de l'accident, le capital représentatif de la rente que lui verse la CPAM, en l'absence de recours de la CPAM au titre de ladite rente,
- juger que la compagnie Areas Assurances ne peut déduire des sommes qu'elle lui doit, en qualité d'assureur du véhicule du responsable de l'accident, le capital représentatif de la rente versée à lui par la CPAM dans la mesure où la la compagnie Areas Assurances ne justifie pas avoir versé ce même capital à la CPAM,
- rejeter en conséquence la demande de la compagnie AREAS tendant à voir juger que la CPAM de l'Hérault est intégralement désintéressée de sa créance post-consolidation,
- rejeter l'ensemble des demandes de la compagnie Areas Assurances,
- juger que les prestations versées par la CARCEPT trouvent leur source dans le contrat d'assurance conclu avec l'employeur et non dans le contrat de travail de la victime et présentent un caractère forfaitaire et non inderrmitaire,
- rejeter en conséquence les demandes de la CARCEPT,
- condamner solidairement M. [G] et la compagnie Areas Assurances à lui payer les sommes suivantes en réparation de son préjudice corporel':
* dépenses de santé actuelles': 127.496,88 €
* frais divers': 12.730,69 €
* perte de gains professionnels actuels': 60.317,96 €
* dépenses de santé futures : 67.610,40 €
* perte de gains professionnels futurs': 1.201.313,40 € (subsidiairement, 868.782,91 €)
* incidence professionnelle': 100.000,00 €
* déficit fonctionnel temporaire': 16.100,00 €
* souffrances endurées': 22.000,00 €
* déficit fonctionnel permanent : 105.000,00 €
* préjudice d'agrément': 12.000,00 €
* préjudice esthétique : 6.000,00 €
* préjudice sexuel': 10.000,00 €
* frais irrépétibles': 8.000,00 €
- condamner solidairement M. [G] et la compagnie Areas Assurances aux entiers dépens en ce compris l'expertise judiciaire, avec application de l'article 699 du code de procédure civile.
M. [Y] fait valoir les éléments suivants :
' CARCEPT Prévoyance'n'a aucun recours subrogatoire':
- l'assureur qui sert des prestations au titre d'un régime de prévoyance volontaire, n'est pas subrogé aux droits de l'employeur pour en obtenir le remboursement, car ces prestations trouvant leur source dans le contrat d'assurance conclu avec l'employeur et non dans le contrat de travail de la victime'; ces prestations ont un caractère forfaitaire et non indemnitaire même si elles visent à réparer le préjudice économique subi par la victime et à reconstituer une rémunération professionnelle amoindrie du fait de l'accident';
- CARCEPT Prévoyance ne produit pas les conditions générales du contrat souscrit par M. [Y], qui seules peuvent permettre de vérifier la recevabilité de son recours subrogatoire quant au caractère prétendument indemnitaire des prestations';
- dans l'hypothése ou la cour prendrait en compte au titre des déductions à effectuer à la fois le capital représentatif de la rente versée par la CPAM et l'intégralité des inderrmités journalières, des arrérages échus et des arrérages a échoir de la CARCEPT, il ne serait pas possible pour la cour d'accueillir le recours de ces deux organismes dans leur intégralité en vertu du principe selon lequel le recours des organismes tiers payeurs ne saurait excéder le montant des indemnités allouées à la victime'; la loi du 21/12/2006 dispose en effet que les tiers payeurs ne sont plus admis a recourir sur les indemnités allouées au blessé que dans la limite d'un solde éventuellement disponible après droit préférentiel de la victime'; le premier juge ne pouvait donc pas considérer que, s'agissant de chacun des organismes tiers payeurs, leur recours respectif serait accepté à hauteur du montant de leurs débours définitifs';
' la caisse primaire d'assurance-maladie de l'Hérault produit une créance de 237.564,13 €, compte arrêté au 29/11/2022, qui n'intègre pas la pension d'invalidité car les règles du protocole d'accord de 1983 entre assureurs et organisames sociaux ne lui permettent pas de présenter la pension d'invalidité':
- il est donc illégal de prétendre déduire des postes de dommage de M. [Y] une créance majorée de la CPAM';
- le montant capitalisé de la pension d'invalidité n'étant pas intégré dans la créance de Ia CPAM après l'accident, il ne saurait étre imputé sur les postes de préjudice patrimonial';
' la SAS HD Assurances Tranquillité Santé a communiqué (piece 70) un relevé qui se substitue au précédent (pièce 64) pour une créance assez modique de 8.679,39 €'; ces nouvelles pièces sont complètes et font apparaitre les dates, la nature et le montant des sommes engagées';
' postes de préjudice corporel':
- perte de gains professionnels actuels : il convient de prendre en compte la rémunération brute de 2.622,59 € (et non pas nette) qu'il percevait en septembre 2007, calculée sur 23 mois, soit un total de 60.317,96 €';
- frais de véhicule adapté': M. [Y] étant amputé de la jambe droite, il y a lieu de changer le véhicule comportant une boîte automatique et une pédale adaptée au pied gauche, soit 31.959,55 €, montant devisé par Renault pour l'achat d'un véhicule Laguna'- sauf à y ajouter le montant du prix de la formation et la valeur capitalisée du véhicule';
- le coût du renouvellement des pieds prothétiques n'est pas totalement inclus dans les débours définitifs de la caisse primaire d'assurance-maladie'; le devis 77696 du prothésiste'mentionne en effet un reste à charge de 6.346,55 €, soit un montant capitalisé de 48.453,37 €';
- perte de gains professionnels futurs': son incapacité absolue à reprendre l'exercice de son ancien métier justifie une capitalisation de son salaire de référence de 2.622,59 € x 12 x 100'% x 38,173 (prix de l'euro de rente viagère selon barème GP 2020) = 1.201.313,40 €';
- perte de droits à retraite': sur la base d'un salaire de référence de 2.622,59 €, le simulateur info-retraite déduit une perte mensuelle de 472,29 € ;
- incidence professionnelle': M. [Y] a quitté le collège sans obtenir son brevet à l'issue de sa 3ème, il se voit interdire le porte de charges lourdes et la station debout, il est confronté à une détresse morale qui compromet largement toute possibilité de reconversion professionnelle';
- déficit fonctionnel temporaire': la distinction qu'établit l'expert entre déficit fonctionnel temporaire total et partiel avant la consolidation du 09/09/2009 est très contestable.
* * *
Aux termes de ses dernières conclusions récapitulatives n°2 sur renvoi après deuxième cassation notifiées par RPVA le 22/02/2023, auxquelles il est renvoyé par application de l'article 455 du code de procédure civile pour un plus ample exposé des moyens et sur l'évaluation des préjudices, la compagnie Areas Assurances demande à la cour de':
- juger qu'après recours subrogatoire de la CARCEPT Prévoyance et l'association CARCEPT OCIRP, et de la caisse primaire d'assurance-maladie de l'Hérault d'autre part, il ne revient aucune indemnité à M. [Y] au titre de la perte de gains professionnels actuels,
- débouter M. [Y] de sa demande au titre du surcoût d'acquisition d'un véhicule aménagé et, subsidiairement, fixer à 14.216,35 € l'indemnité à ce titre,
- fixer à la somme de 29.049,07 €, après déduction de la créance des tiers payeurs, l'indemnité allouée à M. [Y] au titre des frais liés à l'acquisition et au renouvellement du matériel prothétique,
- fixer à 313.355,86 € l'indemnité allouée à M. [Y] au titre de la perte de gains professionnels futurs, avant déduction des créances des tiers payeurs,
- juger qu'après recours subrogatoire de la CARCEPT Prévoyance et l'association CARCEPT OCIRP, et de la CPAM l'Hérault d'autre part, il ne revient aucune indemnité à M. [Y] au titre de la perte de gains professionnels futurs,
- fixer à la somme de 20.000,00 € l'incidence professionnelle,
- juger qu'après recours subrogatoire de la CARCEPT Prévoyance et l'association CARCEPT OCIRP, et de la caisse primaire d'assurance-maladie de l'Hérault, d'autre part, il ne revient aucune indemnité à M. [Y] au titre de l'incidence professionnelle,
- fixer à 4.479,36 € le déficit fonctionnel temporaire total,
- fixer à 4 747,65 € le déficit fonctionnel temporaire partiel,
- fixer à 92.400,00 € le déficit fonctionnel permanent,
- dire, à titre principal, qu'après imputation du reliquat de la créance des tiers payeurs, il ne revient aucune indemnité à M. [Y] au titre du déficit fonctionnel permanent,
- subsidiairement, dire qu'il revient à M. [Y] la somme de 63.731,79 €,
- fixer à 20.000,00 € les souffrances endurées,
- fixer à 4.500,00 € le préjudice esthétique,
- fixer à 8.000,00 € l'indemnité allouée au titre du préjudice sexuel,
- fixer à 4.000,00 € l'indemnité allouée au titre du préjudice d'agrément,
- juger que l'ensemble des indemnités allouées à M. [Y] le sera en deniers ou quittances, provisions non déduites,
- juger que le recours subrogatoire de la CARCEPT Prévoyance et l'association CARCEPT OCIRP et de la CPAM, s'agissant des prestations post-consolidation, s'effectuera par répartition au marc l'euro à hauteur de 359.753,15 €, s'agissant de la CARCEPT et de 153 154,10 € s'agissant de la CPAM,
- réduire à de plus justes proportions la demande d'article 700 de M. [Y],
- condamner tout succombant aux dépens, ceux d'appel distraits au profit de Maître Romain Cherfils, membre de la SELARL Lexavoué Aix-en-Provence, avocat associé, aux offres de droit.
La compagnie Areas Assurances fait valoir les éléments suivants :
' sur la nature exacte des prestations servies par les tiers payeurs':
- la SAS HD Assurances Tranquillité Santé a produit un document intitulé « soins accident M. [Y] [A] » mentionnant une créance globale de 4331,88 €'; le premier juge a cru pouvoir condamner la compagnie Areas Assurances à rembourser cette somme alors qu'aucune précision n'était apportée concernant l'affectation de cette somme, de sorte que l'imputabilité des prestations à l'accident n'était pas démontrée ; c'est bien à la SAS HD Assurances, demanderesse au recours, qu'il revenait d'établir la réalité de la créance dont elle allègue l'existence'; à défaut, son recours ne peut prospérer';
- CARCEPT Prévoyance soutient à juste titre que la recevabilité de son recours subrogatoire n'est pas subordonnée à la démonstration que les prestations servies au blessé revêtaient un caractère indemnitaire et non forfaitaire, mais à la condition que l'organisme demandeur ait été amené à servir des prestations d'incapacité et d'invalidité au titre d'une police d'assurance dont les conditions générales et particulières prévoient l'hypothèse d'un recours subrogatoire l'autorisant à agir contre l'auteur du fait dommageable'; toutefois, les tiers payeurs ne peuvent recourir sur les indemnités allouées au blessé que dans la limite d'un solde éventuellement disponible après application du droit de préférence reconnu à la victime'; CARCEPT Prévoyance demande à la cour de condamner M. [G] et la compagnie Areas Assurances à lui verser les sommes réactualisées de 239.106,67 € au titre des arrérages échus au 31/12/2022 et de 116.379,72 € au titre des prestations invalidité à échoir après le 01/01/2023, soit une créance s'élevant à un montant global de 355.486,39 € au titre de la pension d'invalidité'; en réalité, ce montant excède celui ayant été alloué à M. [Y] au titre de la perte de gains professionnels ; il y a lieu par conséquent de procéder à une répartition au marc l'euro entre la caisse primaire d'assurance-maladie de l'Hérault et CARCEPT Prévoyance';
- la caisse primaire d'assurance-maladie de l'Hérault sert une pension d'invalidité à M. [Y]'; il y a lieu de capitaliser son montant annuel de 8.004,63 €, en fonction de l'euro de rente temporaire selon application du barème Gazette du Palais 2004, ce qui correspond à un capital représentatif de 167.608,95 €, montant à déduire du montant de la perte de gains professionnels futurs, de l'incidence professionnelle et du déficit fonctionnel permanent, postes soumis à recours'; ce recours, simulé ou non, n'est pas une simple faculté, il est d'ordre public et s'applique même lorsque les parties s'y opposent'; il conviendra de procéder à une répartition au marc l'euro entre la CPAM de l'Hérault et CARCEPT Prévoyance, dans la mesure où le montant du recours des organismes sociaux excède le montant des indemnités allouées';
' sur l'indemnisation des préjudices de M. [Y]':
- perte de gains professionnels actuels': le salaire de référence s'entend du montant net perçu de 2.100,00 € et non du montant brut de 2.622,52 €, soit un montant de 48.300,00 € pour une période avant consolidation de 23 mois'' montant totalement absorbé par la créance respective de la caisse primaire d'assurance-maladie (38.653,29 €) et de CARCEPT Prévoyance (11.845,59 €) de sorte qu'aucune somme ne revient à M. [Y]'et que ' sous réserve de la créance de la SAS HD Assurances Tranquillité Santé ' la somme de 48.300,00 € ne peut qu'être répartie au marc l'euro entre la caisse primaire d'assurance-maladie de l'Hérault et CARCEPT Prévoyance ;
- frais de véhicule adapté': l'assureur ne saurait prendre en charge que le coût de l'aménagement d'un véhicule aux besoins de M. [Y]'; le surcoût d'une boîte automatique a par ailleurs fortement diminué ces dernières années';
- renouvellement des pieds prothétiques': le devis Marcenac-Ducros du 20/10/2009 porte sur l'acquisition de deux prothèses alors que l'expert judiciaire n'en prévoit qu'un';
- perte de gains professionnels futurs': il y a lieu de tenir compte du taux d'incapacité professionnelle de 66'% admis par la caisse primaire d'assurance-maladie de l'Hérault et de retenir une perte de chance de même ampleur, en capitalisant avec l'euro de rente temporaire puisque la pension d'invalidité prend fin à l'âge légal de départ en retraite, soit 62 ans'; sur ce montant s'imputent les indemnités journalières et le capital représentatif des arrérages à échoir des pensions d'invalidité servies par la caisse primaire d'assurance-maladie et par CARCEPT Prévoyance';
- la perte de droits à retraite invoquée par M. [Y] est contestable en ce qu'elle repose sur une simulation qui n'a pas été établie par la caisse de retraite';
- l'incidence professionnelle ne saurait être évaluée au maximum qu'à 50.000,00 € en cas de capitalisation de la perte de gains par l'euro de rente temporaire, et à 20.000,00 € en cas d'utilisation de l'euro de rente viagère.
* * *
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 17/01/2023, auxquelles il est renvoyé par application de l'article 455 du code de procédure civile pour un plus ample exposé des moyens et sur l'évaluation des préjudices, CARCEPT Prévoyance et l'association CARCEPT OCIRP demandent à la cour de':
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a jugé recevable et bien fondée l'institution de prévoyance à exercer un recours subrogatoire, et en ce qu'il a condamné solidairement M. [G] et la compagnie Areas Assurances à verser à CARCEPT Prévoyance la somme de 1.500,00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers déepens,
Et, statuant de nouveau,
- réactualiser le jugement sur le quantum des sommes allouées à CARCEPT Prévoyance,
- condamner solidairement M. [G] et la compagnie Areas Assurances à leur verser :
* la somme de 239.106,67 € au titre des prestations incapacité / invalidité échues au 31/12/2022,
* la somme de 116.379,72 € au titre des prestations invalidité à échoir à compter du 01/01/2023,
* condamner solidairement toutes les parties succombantes au paiement de la somme de 3.000,00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
La CARCEPT Prévoyance et l'association CARCEPT OCIRP font valoir que :
- l'association CARCEPT OCIRP n'est pas concernée par le dossier de M. [Y]';
- CARCEPT Prévoyance est une institution de prévoyance auprès de laquelle la SARL TRANSMAVI, employeur de M. [Y], a souscrit un contrat au bénéfice de ce dernier'; à la suite de son accident, cette institution lui a versé des prestations au titre de son incapacité de travail puis de son invalidité, soit un total de 239.106,67 € depuis le 15/10/2017, compte arrêté au 31/12/2022';
- conformément aux articles 29 § 5 et 30 de la loi du 05/07/1985, CARCEPT Prévoyance est fondé à exercer son recours subrogatoire'; ce recours subrogatoire s'exerce aussi ad futurum compte tenu de ce que M. [Y] percevra cette rente invalidité pour un montant à échoir de 116.379,72 € et ce jusqu'à son 62e anniversaire, le 20/09/2029, date à laquelle il pourra liquider ses droits à retraite ' étant précisé que ce recours subrogatoire n'implique pas la démonstration que les prestations servies au titre de la prévoyance revêtent un caractère indemnitaire (Civ. 2, 12/07/2007, 06-16.084).
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Assignée à personne habilitée le 22/06/2022 par acte d'huissier contenant dénonce de l'appel, la caisse primaire d'assurance-maladie de l'Hérault n'a pas constitué avocat. Elle a communiqué le montant de ses débours définitifs, soit la somme de 237.564,43 €, ventilée comme suit':
- frais hospitaliers : 101.4414,06 €
- frais médicaux': 11.485,21 €
- frais d'appareillage': 74.116,27 €
- frais de transport': 5.808,20 €
- franchises': - 129,00 €
- indemnités journalières : 42.457,15 €
- dépenses de santé futures : 2.412,54 €
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Assignée à personne habilitée le 24/06/2022 par acte d'huissier contenant dénonce de l'appel, la SAS HD Assurances Tranquillité Santé n'a pas constitué avocat et n'a pas communiqué le montant de ses débours définitifs en dépit de trois relances par le greffe de la cour datées des 03/08/2022, 14/11/2022 et 10/01/2023.
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La clôture a été prononcée le 28/02/2023.
Le dossier a fixé au 14/03/2023, date à laquelle il a été plaidé et mis en délibéré au 11/05/2023.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la nature de la décision rendue':
L'arrêt sera rendu par défaut, conformément à l'article 474 du code de procédure civile.
Sur le droit à indemnisation':
Le droit à indemnisation intégrale de M. [Y] sur le fondement des dispositions de la loi du 05/07/1985 n'a jamais été contesté. Seule est discutée en cause d'appel l'évaluation de ce préjudice.
Sur l'étendue du préjudice corporel':
Données médico-légales':
Le rapport du docteur [I] constitue une base valable d'évaluation des préjudices subis par M. [Y]. Les conclusions médico-légales sont les suivantes':
- déficit fonctionnel temporaire'100'% : 12/10 au 07/12/2007, 13/02 au 16/02/2008, 11/03 au 15/03/2008'; 17/09 au 24/09/2008, 30/09 au 21/10/2008, 30/09 au 21/10/2008, 18/11 au 29/11/2008, 10/03 au 11/06/2009,
- déficit fonctionnel temporaire (impossibilité de prendre appui sur son membre inférieur droit, et contrainte de soins infirmiers quotidiens)': 08/12/2007 au 12/02/2008, 17/02 au 10/03/2008, 16/03 au 16/09/2008, 25/09 au 30/09/2008, 22/10 au 17/11/2008, 29/11/2008 au 09/03/2009, 12/06 au 09/09/2009,
- arrêt temporaire des activités professionnelles': 12/10/2007 au 09/09/2009
- consolidation': 09/09/2009
- déficit fonctionnel permanent : 35 %
- au jour de la consolidation, l'état de santé de M. [Y] ne nécessite pas d'assistance par une tierce personne pour les gestuelles courantes, l'hygiène et l'habillage,
- souffrances endurées : 5/7
- préjudice esthétique : 3,5/7
- préjudice d'agrément': importante difficulté médicalement justifiée à reprendre la moto. Cette reprise ne peut s'envisager qu'avec un important aménagement de l'engin. La reprise de la menuiserie et de la peinture est médicalement possible,
-préjudice sexuel': libido alléguée fortement diminuée,
- dépenses de santé futures': l'état de santé de M. [Y] après consolidation justifie l'éventuel changement du matériel prothétique pour l'amputation de sa jambe droite. Il ne nécessite pas l'assistance d'une tierce personne,
- au vu des données de l'examen clinique de ce jour, l'expert judiciaire considère que l'état de santé de M. [Y] est stable, non susceptible d'aggravation
- M. [Y] n'est pas apte sur le plan médical à reprendre l'activité professionnelle qu'il exerçait lors de l'accident, et ce de façon définitive.
Données chronologiques :
Date de naissance': [Date naissance 1]/1967
Date du fait générateur : 12/10/2007
Date de la consolidation': 09/09/2009
Date de la liquidation': 11/05/2023
Durée en années de la période avant consolidation : 1,911
Durée en années de la période consolidation / liquidation': 13,667
Age'lors du fait générateur : 40
Age'lors de la consolidation : 42
Age'lors de la liquidation : 55
Sur l'indemnisation du préjudice corporel':
Le propre de la responsabilité civile est de rétablir, aussi exactement que possible, l'équilibre détruit par le dommage et de replacer la victime dans la situation où elle se serait trouvée si l'acte dommageable ne s'était pas produit, sans qu'il n'en résulte pour elle ni perte ni profit.
L'évaluation doit intervenir au vu des diverses pièces justificatives produites, de l'âge de la victime au moment de l'accident (40 ans), de la consolidation (42 ans), de la présente décision (55 ans) et de son activité (chauffeur routier mécanicien), afin d'assurer la réparation intégrale du préjudice et en tenant compte, conformément aux articles 29 et 31 de la loi du 05/07/1985, de ce que le recours subrogatoire des tiers payeurs s'exerce poste par poste sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu'ils ont pris en charge, à l'exclusion de ceux à caractère personnel sauf s'ils ont effectivement et préalablement versé à la victime une prestation indemnisant de manière incontestable un tel chef de dommage.
Par ailleurs, conformément à l'article 31 de la loi du 05/07/1985 dans sa version issue de la loi du 21/12/2006, dès lors que le droit à indemnisation de la victime est limité dans une proportion donnée, son droit de préférence justifie que le préjudice corporel, évalué poste par poste, soit intégralement réparé pour chacun des ces postes dans la mesure de l'indemnité laissée à la charge du tiers responsable, le payeur n'exerçant son recours que sur le reliquat.
L'évaluation du dommage doit être faite au moment où la cour statue. Nécessaire au chiffrage des indemnités réparant des préjudices futurs, la capitalisation s'effectuera, selon des paramètres connus au jour de la liquidation et grâce au barème de capitalisation publié par la Gazette du Palais le 15/09/2020 (taux 0,30%), qui est le plus approprié au regard des données démographiques, économiques et monétaires les plus récentes, et dont l'application est sollicitée par M. [Y]. Il s'agit là d'une appréciation souveraine des juges du fond. Sous le bénéfice de ces observations, le préjudice corporel de M. [Y] doit être évalué comme suit.
I. PRÉJUDICES PATRIMONIAUX
a) préjudices patrimoniaux temporaires (avant consolidation)
Dépenses de santé actuelles (DSA)': 139.945,94 €
Ce poste est constitué des frais médicaux et pharmaceutiques, frais de transport, massages, appareillage respectivement pris en charge':
- par la caisse primaire d'assurance-maladie, soit 127.496,88 €, selon décompte de créance du 10/10/2022, et
- par la SAS HD Assurances Tranquillité Santé, soit 8.679,39 €, suivant décompte de créance du 15/10/2013 attestant de la nature des prestations servies entre l'accident et la consolidation, ainsi que de leur imputabilité directe et certaine à l'accident,
- la victime n'invoquant pour sa part aucun frais de cette nature restés à sa charge. En réalité, quoique le docteur [I] n'ait explicitement retenu la nécessité d'un matériel prothétique qu'au titre des dépenses de santé futures, elle doit être admise également avant consolidation, s'agissant des frais de prothèse endosquelettique que M. [Y] rattache de façon inexacte au poste frais divers. Soit une somme de 3.769,67 €, le surplus de 6.172,20 € ayant été réglé directement par la caisse primaire d'assurance-maladie à la SA Marcenac-Ducros dont la facture du 16/07/2009 s'élève à la somme de 9.941,87 €.
Soit un montant de 127.496,88 € + 8.679,39 € + 3.769,67 € = 139.945,94 €.
Frais divers (FD)': 7.323,30 €
Les frais de médecin-conseil engagés par M. [Y] à hauteur de 1.700,00 € ne sont pas contestés.
M. [Y] bénéficiait avant l'accident du confort que représente la jouissance d'une chambre individuelle et un libre accès à la télévision. Sa demande d'indemnisation à ce titre s'inscrit dans la logique du principe de réparation intégrale du préjudice corporel. Il lui sera alloué les sommes respectives de 360,00 € et 140,80 €.
Le docteur [I], expert judiciaire désigné, indique dans son rapport que M. [Y] venait d'apprendre le décès de son père lorsqu'il a été accidenté. La prise en charge des frais d'ambulance de 326,42 € pour se rendre au crématorium s'en trouve justifiée.
M. [Y] justifie avoir réglé de ses deniers les sommes de 17,49 € au titre d'une consultation externe et 85,10 € de frais de dossier médical, ni l'une ni l'autre n'étant prise en charge par la SAS HD Assurances Tranquillité Santé.
M. [Y] justifie également avoir réglé la somme de 24,40 € au titre de la visite médicale du permis de conduire subie le 19/10/2009.
Absolument indéniable, l'utilité d'un ordinateur portable pour communiquer avec l'extérieur se vérifie indépendamment de la survenance d'un dommage corporel. La demande de remboursement du coût d'acquisition de ce matériel informatique est rejetée.
M. [Y] produit le certificat d'immatriculation de son véhicule Renault Estate de 7 cv. La compagnie Areas Assurances ne conteste pas l'estimation à 9.544,00 kilomètres de la distance parcourue en automobile en rapport avec les soins prodigués. Au regard des valeurs admises par l'administration fiscale (bulletin officiel des impôts du 08/02/2008, produit par M. [Y]), le chiffrage retenu est de (9.544 km x 0,309 €) + 1.180,00 € = 4.129,09 €.
M. [Y] ne justifie pas de la valeur des effets personnels endommagés au cours de l'accident de sorte que la somme de 540,00 € proposée par la compagnie Areas Assurances sera considérée comme satisfactoire.
Soit un montant total d'indemnisation au titre de ce poste de 1.700,00 € + 360,00 € + 140,80 € + 326,42 € + 17,49 € + 85,10 € + 24,40 € + 4.129,09 € + 540,00 € = 7.323,30 €.
Perte de gains professionnels actuels (PGPA)': 48.300,00 €
Ce poste vise à compenser les répercussions du dommage sur la sphère professionnelle de la victime et doit être évalué au regard de la preuve d'une perte effective de revenus. La durée et l'importance, généralement décroissante, de l'indisponibilité temporaire professionnelle sont à apprécier depuis la date du dommage jusqu'à la date de la consolidation.
Il est constant que le salaire de référence correspond non pas au salaire brut mais au salaire net hors incidence fiscale à la date de l'accident. En l'occurrence, le bulletin de paie de M. [Y] édité par la SARL TRANSMAVI fait état d'un cumul annuel imposable de 17.640,25 €, soit un salaire de référence mensuel de 1.960,02 € et non de 2.622,52 € invoqué par M. [Y]. Toutefois, le montant du salaire de référence sera porté à 2.100,00 €, montant offert par la compagnie Areas Assurances.
Si M. [Y] avait travaillé pendant la période d'arrêt temporaire des activités professionnelles, il aurait gagné la somme de 2.100,00 € x 12 mois x 1,911 années = 48.157,20 €, somme portée à 48.300,00 €, montant offert par la compagnie Areas Assurances. Il convient de déduire de ce montant le montant total des indemnités journalières versées, soit 50.498,88 €, ventilé comme suit':
- par la caisse primaire d'assurance-maladie, soit 38.653,29 € et non 42.457,15 €, la compagnie Areas Assurances relevant à juste titre qu'aucun recours subrogatoire ne peut être exercé sur le montant des indemnités journalières perçu à compter de la consolidation du 09/09/2009 jusqu'au 31/01/2010, et
- par CARCEPT Prévoyance, soit 11.845,59 € et non 16.333,18 €, la compagnie Areas Assurances relevant là encore qu'aucun recours subrogatoire ne peut être exercé sur le montant des indemnités journalières perçu à compter de la consolidation du 09/09/2009 jusqu'au 31/01/2010.
Par suite, aucune somme ne revient à M. [Y]. La somme de 48.300,00 € doit être répartie au marc l'euro entre'la caisse primaire d'assurance-maladie et CARCEPT Prévoyance, soit':
- un montant d'indemnisation de 36.970,20 € revenant à la caisse primaire d'assurance-maladie (38.653,29 € x 48.300,00 / 50.498,88), et
- un montant d'indemnisation de 11.329,80 € revenant à CARCEPT Prévoyance (11.845,59 € x 48.300,00 / 50.498,88).
Précision étant faite que, par courrier du 15/10/2013, la SAS HD Assurances Tranquillité Santé a précisé n'être intervenue qu'au titre de la complémentaire santé, et n'avoir versé aucune prestation au titre de la prévoyance.
b) préjudices patrimoniaux permanents après consolidationbzw
Dépenses de santé futures (DSF)': 117.146,49 €
Ce poste vise les frais hospitaliers, médicaux, paramédicaux, pharmaceutiques et assimilés, même occasionnels mais médicalement prévisibles, rendus nécessaires par l'état pathologique de la victime après la consolidation et incluent les frais liés soit à l'installation de prothèses soit à la pose d'appareillages spécifiques nécessaires afin de suppléer le handicap physiologique.
La caisse primaire d'assurance maladie de l'Hérault produit des débours de 67.610,40 € correspondant pour l'essentiel à des frais d'appareillage (65.197,90 €). Précisément, le docteur [I] retient expressément la nécessité d'un matériel prothétique renouvelable pour l'amputation de la jambe droite. Le devis 77696 du 20/10/2009 de la SA Marcenac-Ducros porte sur un montant de 15.0969,77 € pris en charge par le tiers payeur à hauteur de 8.723,22 €. La ligne frais d'appareillage de 65.197,86 € de l'état des débours définitifs correspond ainsi au montant capitalisé de la part prise en charge par le tiers payeur et apparaît parfaitement compatible avec l'existence d'un reste à charge pour M. [Y] ' ce d'autant que la SAS HD Assurances Tranquillité Santé atteste par courrier du 28/09/2010 qu'elle ne prend pas en charge les frais de prothèse tibiale.
Il est donc acquis que les frais prothétiques sont partiellement à la charge personnelle et définitive de M. [Y]. Le chiffrage de ces frais bute sur une contradiction': le devis du 19/06/2009 et la facture du 20/10/2009 varient du simple (3.769,67 €) au double (6.346,55 €) alors que les deux chiffrages sont intervenus la même année dans un contexte d'inflation faible. La cour observe cependant que le certificat médical du docteur [S] du 14/12/2010 précise que le matériel s'entend de deux prothèses de vie avec pied carbone et amortisseur intégré. Ce qui conforte les termes du courrier de la SA Marcenac-Ducros du 20/10/2009 aux termes duquel la liste des produits et prestations remboursables (LPRR) par la CPAM prévoit l'attribution de deux prothèses de vie courante tous les cinq ans.
Par suite, le montant de l'arrérage annuel sera fixé à la somme de 1.269,31 € (6.346,55 € / 5 ans). Soit un montant d'indemnisation à la charge personnelle de M. [Y] de 49.536,09 €, ventilée comme suit':
- montant des arrérages échus': 1.269,31 € x 13,667 années = 17.347,66 €,
- montant des arrérages à échoir': 1.269,31 € x 25,359 (prix de l'euro de rente viagère pour un homme âgé de 55 ans à la date du 11/05/2023 suivant barème Gazette du Palais du 15/09/2020, taux 0,30%) = 32.188,43 €.
Soit un montant total de 67.610,40 € + 49.536,09 € = 117.146,49 €.
Frais de véhicule adapté (FVA) & frais assimilés': 36.296,15 €
M. [Y] justifie par la production d'un courrier de la société Renault du 17/09/2009 de l'impossibilité de substituer une boîte automatique à la boîte de vitesses mécanique dont était doté le véhicule Renault Estate qu'il possédait à la date de l'accident. Il produit un devis de 31.959,55 € pour un véhicule identique doté d'une boîte automatique et d'un adaptateur. L'absence de facture d'achat en bonne et due forme ne suffit pas à invalider sa demande dans la mesure où le poste correspond à un besoin et non à une dépense. L'argument de M. [Y] selon lequel son épouse ne sera pas en mesure de conduire le nouveau véhicule doté d'un pédalier inversé peut être retenu. Il n'y a donc pas lieu d'imputer la valeur argus de revente de l'ancien véhicule sur la valeur de remplacement du nouveau. Ce poste sera évalué à la somme demandée de 31.959,55 €.
La compagnie Areas Assurances ne conteste ni le principe ni le montant de la prise en charge du coût de formation pour la régularisation du permis de conduire. Une somme de 780,00 € sera allouée de ce chef à M. [Y].
La compagnie Areas Assurances observe à juste titre qu'elle ne saurait supporter le coût viager de l'achat d'un véhicule adapté, dans la mesure où M. [Y] aurait eu à faire face, même sans l'accident, au coût de renouvellement de son véhicule. Il s'ensuit que la dette de réparation incombant au responsable ne saurait porter, au terme d'un délai de renouvellement du véhicule que M. [Y] estime à dix ans, que sur : i) l'aménagement du pédalier, évalué par le devis du 16/09/2009 à la somme de 464,00 €, et ii) le surcoût inhérent à la boîte automatique, que la cour estime ne pas dépasser 1.500,00 €, dans un contexte d'augmentation tendancielle de la part de marché de la boîte automatique en France et d'abaissement corrélatif du coût de cette option.
Le montant de l'arrérage annuel retenu au titre du renouvellement du véhicule aménagé sera donc fixé à 196,40 € ([464,00 € + 1.500,00 € = 1964,00 €] / 10 ans). M. [Y] ne justifiant pas à ce jour être titulaire du permis de conduire concernant spécifiquement les véhicules aménagés, le point de départ du délai de renouvellement sera fixé à la date de la liquidation du préjudice, conformément à l'offre subsidiaire de la compagnie Areas Assurances. Soit un montant d'arrérages à échoir'de 196,40 € x 18,109 (prix de l'euro de rente viagère pour un homme âgé de 65 ans à la date du 11/05/2033 suivant barème Gazette du Palais du 15/09/2020, taux 0,30%) = 3.556,60 €.
Le montant total du poste frais de véhicule adapté et assimilés s'élève à la somme de 31.959,55 € + 780,00 € + 3.556,60 € = 36.296,15 €.
Perte de gains professionnels futurs (PGPF)': 505.266,30 €
Ce poste est destiné à indemniser la victime de la perte ou de la diminution directe de ses revenus à compter de la date de consolidation, consécutive à l'invalidité permanente à laquelle elle est désormais confrontée dans la sphère professionnelle à la suite du fait dommageable. Cette perte ou diminution des gains professionnels peut provenir soit de la perte de son emploi par la victime, soit de l'obligation pour elle d'exercer un emploi à temps partiel à la suite du dommage consolidé. Ce poste n'englobe pas les frais de reclassement professionnel, de formation ou de changement de poste qui ne sont que des conséquences indirectes du dommage.
Adossé au montant du revenu antérieur à l'accident, le chiffrage de la perte de revenus annuels doit permettre'le calcul des arrérages échus payables sous forme de capital jusqu'à la décision fixant l'indemnisation du préjudice, et le calcul des arrérages à échoir à compter de cette date, capitalisés selon un euro de rente variant selon l'âge de la victime.
L'expert judiciaire désigné, le docteur [I], retient que M. [Y] n'est pas apte sur le plan médical à reprendre l'activité professionnelle qu'il exerçait lors de l'accident, et ce de façon définitive. De fait, l'amputation de la jambe droite subie en 2009 ne lui laissait aucune chance de reprendre son métier de chauffeur routier.
S'agissant de la période échue depuis la consolidation, M. [Y] a été reconnu inapte définitivement au poste de chauffeur poids lourds par la médecine du travail le 16/02/2010, et a été licencié de ce chef le 15/03/2010. M. [Y] produit deux courriers de rejet de sa candidature de la part de la société JMC Transports et de la SA Irrifrance, courant juin 2010. Il n'a exercé aucune activité professionnelle depuis l'accident et a droit par conséquent à la réparation intégrale de sa perte de gains professionnels futurs, soit 2.100,00 € x 12 mois x 13,667 années = 344.408,40 €, sans qu'il y ait lieu de tirer de conséquences particulières, comme la compagnie Areas Assurances y invite la cour, de ce que la caisse primaire d'assurance-maladie n'a retenu qu'une réduction des deux tiers de sa capacité de travail.
S'agissant en revanche de la période à échoir courant à compter de la liquidation, la cour estime que l'amputation subie par M. [Y], si elle ne le rend pas manifestement inapte à l'exercice de tout emploi, lui fait perdre une chance de retrouver un emploi rémunéré à hauteur de 2.100,00 mensuels nets. Les séquelles physiques et l'importance du syndrome dépressif réactionnel justifient l'admission d'un coeficient de perte de chance de 0,75. Le préjudice peut donc être estimé à la somme de 160.857,90 €, soit 2.100,00 € x 12 mois x 0,75 x 8,511 (euro de rente temporaire pour un homme âgé de 55 ans à la liquidation jusqu'à l'âge de 64 ans suivant barème de la Gazette du Palais du 15/09/2020, taux 0,30'%).
Le total des arrérages échus et à échoir de la perte de gains professionnels futurs s'élève ainsi à la somme de 344.408,40 € + 160.867,90 € = 505.266,30 €, le préjudice invoqué au titre de la perte des droits à retraite étant examiné au titre du poste incidence professionnelle.
Sur ce montant vient s'imputer':
' le montant des indemnités journalières versées à compter de la consolidation du 09/09/2009 jusqu'au 31/01/2010 par la caisse primaire d'assurance-maladie, soit 42.457,15 € - 38.653,29 € = 3.803,86 €.
' le montant des indemnités journalières versées à compter de la consolidation du 09/09/2009 jusqu'au 31/01/2010 par la CARCEPT'Prévoyance, soit 16.333,18 € - 11.845,59 € = 4.487,59 €.
' la pension d'invalidité annuelle de 8.004,63 € versée par la caisse primaire d'assurance-maladie ' sans qu'il y ait lieu de tirer de conséquences particulières de ce que l'état des débours définitifs de la caisse ne la mentionne pas. Soit un montant total de 176.958,35 €, ventilé comme suit':
- arrérages échus': 8.004,63 € x 13,667 années = 109.399,28 €,
- arrérages à échoir': 8.004,63 € x 8,440 (prix de l'euro de rente temporaire pour un homme de 55 ans à la liquidation jusqu'à l'âge de 64 ans suivant barème annexé à l'arrêté du 27/12/2011 pris pour l'application de l'article R.376-1 du code de la sécurité sociale) = 67.559,07 €.
' la rente trimestrielle d'invalidité de 4.310,36 € versée par CARCEPT Prévoyance, conformément à l'article 29 § 5 de la loi du 05/07/1985 aux termes duquel sont indemnitaires de droit et ouvrent droit à recours les prestations versées par un organisme de prévoyance ' ce que confirme l'article 17 des conditions générales du contrat de prévoyance. pension d'invalidité annuelle servie par la CARCEPT Prévoyance, correspondant à un montant total de 339.153,21 € (arrérages échus': 222.773,49 € + arrérages à échoir': 116.379,72 €).
Soit un montant total imputable de 524.403,01 € (3.803,86 € + 4.487,59 € + 176.958,35 € + 339.153,21 €). Ce montant excède le montant de la perte de gains subie (505.266,30 €) de sorte qu'aucune somme ne revient à M. [Y].
Les tiers payeurs seront partiellement désintéressés et la somme de 505.266,30 € répartie au marc l'euro':
- un montant d'indemnisation de 174.165,77 € revenant à la caisse primaire d'assurance-maladie [180.762,21 € (3.803,86 € + 176.958,35 €) x 505.266,30 / 524.403,01)] et
- un montant d'indemnisation de 331.100,53 € revenant à CARCEPT Prévoyance [343.640,80 € (4.487,59 € + 339.153,21 €) x 505.266,30 / 524.403,01)].
Incidence professionnelle (IP)': 80.000,00 €
Ce chef de dommage a pour objet d'indemniser non la perte de revenus liée à l'invalidité permanente de la victime mais les incidences périphériques du dommage touchant à la sphère professionnelle en raison, notamment, de sa dévalorisation sur le marché du travail, de sa perte d'une chance professionnelle, de l'augmentation de la pénibilité de l'emploi qu'elle occupe imputable au dommage, ou de l'obligation de devoir abandonner la profession exercée au profit d'une autre en raison de la survenance de son handicap, de la perte des droits à retraite que la victime va devoir supporter en raison de son handicap, ou de la dévalorisation sociale ressentie par la victime du fait de son exclusion définitive du monde du travail.
L'incidence professionnelle est indemnisée en fonction de l'analyse de chacune des composantes de ce poste et non à compter d'une perte annuelle de revenus ou d'un taux donné de déficit fonctionnel permanent.
Âgé de 42 ans à la consolidation, M. [Y] avait encore la moitié de sa vie professionnelle devant lui. Les conclusions du docteur [I] confirment expressément que M. [Y], amputé de sa jambe droite, s'est trouvé contraint de devoir abandonner sa profession de chauffeur routier alors qu'il avait pour seul diplôme sa formation de chauffeur routier. Pour autant, il ne caractérise pas précisément avoir perdu une chance sérieuse de bénéficier d'une augmentation.
M. [Y] fait valoir par ailleurs la diminution de sa capacité physique, l'interdiction du port de charges lourdes et l'impossibilité de la station debout prolongée. Quelle que soit la profession de substitution dans laquelle M. [Y] pourra le cas échéant opérer une reconversion, il est fondé en effet à invoquer une pénibilité accrue des conditions d'exercice professionnel.
La perte alléguée de droits à retraite doit être objectivée par une comparaison entre le montant respectif de la retraite espérée et de la retraite obtenue au regard des conséquences de l'accident sur la moyenne des 25 meilleures années. Précision étant faite que, M. [Y] ayant fait l'objet d'un avis d'inaptitude reconnu par la médecine du travail, il est admis au bénéfice d'une retraite à taux plein. En l'occurrence, M. [Y] ne produit ni relevé de carrière ni simulation émanant de sa caisse de retraite. Le préjudice en termes de droits à retraite est insuffisamment caractérisé.
Ce poste de dommage sera évalué à la somme de 80.000,00 €.
Sur cette indemnité s'impute le reliquat de créance':
- de la caisse primaire d'assurance-maladie de l'Hérault, soit 180.762,21 € (3.803,86 € + 176.958,35 €) - 174.165,77 € = 6.596,44 €, et
- de Carcept Prévoyance, soit 343.640,80 € (4.487,59 € + 339.153,21 €) - 331.100,53 € = 12.540,27 €.
Ces tiers payeurs seront intégralement désintéressés et une indemnité de 60.863,29 € revient à ce titre à M. [Y].
II. PRÉJUDICES EXTRA-PATRIMONIAUX
a) préjudices extra-patrimoniaux temporaires (avant consolidation)
Déficit fonctionnel temporaire (DFT)': 11.865,00 €
Ce poste inclut la perte de la qualité de la vie et des joies usuelles de l'existence ainsi que le préjudice d'agrément et le préjudice sexuel pendant l'incapacité temporaire.
Il doit être réparé sur la base d'environ 900,00 € par mois de déficit fonctionnel temporaire total, soit 30,00 € par jour, sauf à proratiser en fonction du taux de déficit fonctionnel temporaire partiel, eu égard à la nature des troubles et de la gêne subie.
L'indemnisation du déficit fonctionnel temporaire sera évaluée à la somme de 11.865,00 €, ventilée comme suit':
- déficit fonctionnel temporaire total': 192 jours x 29,00 € x 100'% = 5.760,00 €,
- déficit fonctionnel temporaire partiel': 407 jours x 29,00 € x 50 % = 6.105,00 €.
Souffrances endurées (SE)': 22.000,00 €
Ce poste prend en considération les souffrances physiques et psychiques et les troubles associés supportés par la victime. Évalué à 5/7 par l'expert, il prend en compte la fracture initiale de la jambe et les complications subséquentes (pseudoarthrose, ostéite) ayant déterminé plusieurs interventions chirurgicales et conduit finalement à une amputation. L'importance des répercussions psychiques est soulignée. Ce poste de préjudice justifie l'octroi d'une indemnité de 22.000,00 €.
b) préjudices extra-patrimoniaux permanents (après consolidation)
Déficit fonctionnel permanent (DFP)': 101.675,00 €
Ce poste de dommage vise à indemniser la réduction définitive du potentiel physique, psychosensoriel ou intellectuel résultant de l'atteinte anatomo-physiologique à laquelle s'ajoutent les phénomènes douloureux et les répercussions psychologiques et notamment le préjudice moral et les troubles dans les conditions d'existence personnelle, familiale et sociale.
Les séquelles conservées, le taux d'incapacité et l'âge de la victime déterminent le quantum de l'évaluation du poste déficit fonctionnel permanent.
En l'occurrence, l'expert judiciaire, le docteur [I], souligne l'amputation de la jambe droite et l'importance d'un syndrome anxio-dépressif réactionnel, et conclut à un taux de déficit fonctionnel permanent de 35'% pour un homme âgé de 42 ans à la consolidation.
Ce poste de préjudice corporel sera évalué à la somme de 101.675,00 €.
Préjudice esthétique permanent (PEP)': 6.000,00 €
Ce poste de dommage cherche à réparer les atteintes physiques et plus généralement les éléments de nature à altérer l'apparence physique à compter de la consolidation. L'amputation de la jambe droite constitue une atteinte majeure à l'apparence et est évaluée à hauteur de 3,5/7 par le docteur [I]. Ce poste de dommage sera réparé par l'octroi d'une somme de 6.000,00 €,'conformément à la demande exprimée.
Préjudice d'agrément (PA)': 10.000,00 €
Ce poste de dommage vise exclusivement l'impossibilité ou la difficulté pour la victime à poursuivre la pratique d'une activité spécifique sportive ou de loisir.
Le préjudice d'agrément ne peut être indemnisé distinctement de la gêne dans les actes de la vie courante, déjà indemnisée au titre du déficit fonctionnel, que si la victime justifie de la pratique antérieure d'une activité sportive ou de loisir exercée régulièrement avant l'accident et dont elle a été privée des suites de celui-ci.
Il est constant que le préjudice d'agrément est constitué par l'impossibilité pour la victime de continuer à pratiquer une activité spécifique sportive ou de loisirs dans les mêmes conditions. Ce poste inclut en effet la limitation de la pratique antérieure.
M. [Y] justifie par la production de nombreuses attestations circonstanciées ([E], [P], [L], [F], [U], [Z], [J], [R]) de ce qu'il s'adonnait avec passion à la pratique de la motocyclette, qu'il conduisait d'ailleurs le jour de l'accident du 12/10/2007, et que la moto contribuait de façon déterminante à ses interactions sociales et amicales.
Ce poste de dommage sera évalué à la somme de 10.000,00 €.
Préjudice sexuel (PS)': 10.000,00 €
Ce poste comprend divers types de préjudices touchant à la sphère sexuelle et notamment celui lié à l'acte sexuel lui-même qui repose sur la perte du plaisir lié à l'accomplissement de l'acte sexuel.
L'expert retient une baisse de la libido. À quoi s'ajoute nécessairement une gêne positionnelle. Ce poste de préjudice sera réparé par l'octroi d'une indemnité de 10.000,00 €.
Récapitulatif de la réparation du préjudice corporel de M. [Y]':
Part
victime
Part
CPAM
Part Carcept
PartHD Assurances
Préjudice global
Dépenses de santé actuelles
3.769.67 €
127.496.88 €
8.679.39 €
139.135.94 €
Frais divers
7.723.30 €
Perte gains professionnels actuels
36.970.20 €
11.329.80 €
48.300.00 €
Dépenses de santé futures
49.536.09 €
67.610.40 €
117146,49 €
Frais de véhicule adapté
36.296.15 €
36.296.15 €
Perte gains professionnels futurs
174.165.77 €
331.100.53 €
505.2662,30 €
Incidence professionnelle
60.863.29 €
6.596.44 €
12.540.27 €
80.000.00 €
Déficit fonctionnel temporaire
11.865.00 €
11.865.00 €
Souffrances endurées
22.000.00 €
22.000.00 €
Déficit fonctionnel permanent
101.675.00 €
101.675.00 €
Préjudice esthétique permanent
6.000.00 €
6.000.00 €
Préjudice d'agrément
10.000.00 €
10.000.00 €
Préjudice sexuel
10.000.00 €
10.000.00 €
Préjudice global de la victime
1.095.818,18 €
Prestations des tiers payeurs
412.839.69 €
354.970.60 €
8.679.39 €
Montant restant dû à la victime
319.328.50 €
Le préjudice corporel global subi par M. [Y] s'établit ainsi à la somme de 1.095.818,18 €. Soit, après imputation des débours définitifs des tiers payeurs, un montant d'indemnisation revenant à la victime de 319.328,50 €.
Sur les demandes de CARCEPT Prévoyance':
Conformément aux articles 29 § 5 et 30 de la loi du 05/07/1985, la compagnie Areas Assurances sera condamnée à régler à CARCEPT Prévoyance la somme de 354.970,60 € ventilée comme suit':
- indemnités journalières avant consolidation': 11.329,80 €
- prestations incapacité / invalidité après consolidation': 343.640,80 €.
Sur les demandes annexes':
Les dispositions du jugement relatives aux dépens et aux frais irrépétibles alloués à la victime doivent être confirmées.
M. [G] et la compagnie Areas Assurances sont débiteurs de l'obligation d'indemnisation et supporteront la charge des entiers dépens d'appel.
L'équité ne justifie pas de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Confirme le jugement entrepris,
- hormis en ce qu'il a dit que le recours subrogatoire de la caisse primaire d'assurance-maladie ne peut s'exercer qu'à concurrence de son relevé définitif,
- hormis sur le montant de l'indemnisation de la victime et les sommes lui revenant.
Statuant sur les points infirmés, et y ajoutant,
Condamne in solidum M. [G] et la compagnie Areas Assurances à payer à M. [A] [Y] en réparation de son préjudice corporel les sommes suivantes':
- dépenses de santé actuelles': 3.769,67 € (trois mille sept cent soixante neuf euros et soixante sept cents),
- frais divers': 7.723,30 € (sept mille sept cent vingt trois euros et trente cents),
- perte de gains professionnels actuels': 0,00 € (après imputation de la créance des tiers payeurs),
- dépenses de santé futures': 49.536,09 € (quarante neuf mille cinq cent trente six euros et neuf cents),
- frais de véhicule adaptés & assimilés': 36.296,15 € (trente six mille deux cent quatre vingt seize euros et quinze cents),
- perte de gains professionnels futurs': 0,00 € (après imputation de la créance des tiers payeurs),
- incidence professionnelle': 60.863,29 € (après imputation de la créance des tiers payeurs),
- déficit fonctionnel temporaire': 11.865,00 € (onze mille huit cent soixante cinq euros),
- souffrances endurées': 22.000,00 € (vingt deux mille euros),
- déficit fonctionnel permanent': 101.675,00 € (cent un mille six cent soixante quinze euros),
- préjudice esthétique permanent': 6.000,00 € (six mille euros),
- préjudice d'agrément': 10.000,00 € (dix mille euros),
- préjudice sexuel': 10.000,00 € (dix mille euros).
Condamne in solidum M. [G] et la compagnie Areas Assurances à régler à CARCEPT Prévoyance la somme de 354.970,60 € (trois cent cinquante quatre mille neuf cent soixante dix euros et soixante cents) ventilée comme suit':
- indemnités journalières avant consolidation': 11.329,80 € (onze mille trois cent vingt neuf euros et quatre vingt cents),
- prestations incapacité / invalidité après consolidation': 343.640,80 € (trois cent quarante trois mille six cent quarante euros et quatre vingts cents).
Dit n'y avoir lieu à faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Condamne in solidum M. [G] et la compagnie Areas Assurances aux entiers dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT