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11/05/2023 | FRANCE | N°22/01890

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-2, 11 mai 2023, 22/01890


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-2



ARRÊT

DU 11 MAI 2023



N° 2023/ 354













Rôle N° RG 22/01890 - N° Portalis DBVB-V-B7G-BI2OK







S.A.S. FARLEDIS





C/



[U] [I] [K] ÉPOUSE [G] épouse [G]



























Copie exécutoire délivrée

le :

à :



Me Didier CAPOROSSI



Me Thomas MEULIEN

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Décision déférée à la Cour :



Ordonnance de référé rendue par le Président du tribunal judiciaire de TOULON en date du 25 janvier 2022 enregistrée au répertoire général sous le n° 21/01813.





APPELANTE



S.A.S. FARLEDIS

exerce son activité sous l'enseigne INTERMARCHE [Localité 4]

dont l...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-2

ARRÊT

DU 11 MAI 2023

N° 2023/ 354

Rôle N° RG 22/01890 - N° Portalis DBVB-V-B7G-BI2OK

S.A.S. FARLEDIS

C/

[U] [I] [K] ÉPOUSE [G] épouse [G]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Didier CAPOROSSI

Me Thomas MEULIEN

Décision déférée à la Cour :

Ordonnance de référé rendue par le Président du tribunal judiciaire de TOULON en date du 25 janvier 2022 enregistrée au répertoire général sous le n° 21/01813.

APPELANTE

S.A.S. FARLEDIS

exerce son activité sous l'enseigne INTERMARCHE [Localité 4]

dont le siège social est situé [Adresse 6]

représentée par Me Didier CAPOROSSI de l'ASSOCIATION FAURE MARCELLE ET CAPOROSSI DIDIER, avocat au barreau de TOULON

INTIMEE

Madame [U] [I] [K] épouse [G]

née le [Date naissance 1] 1954 à [Localité 5] (PEROU), demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Thomas MEULIEN de l'ASSOCIATION COUTELIER, avocat au barreau de TOULON substitué par Me Jérôme COUTELIER-TAFANI, avocat au barreau de DRAGUIGNAN

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 20 mars 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Angélique NETO, Présidente, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Angélique NETO, Présidente

Mme Catherine OUVREL, Conseillère

Madame Myriam GINOUX, Conseillère

Greffier lors des débats : Mme Julie DESHAYE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 11 mai 2023.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 11 mai 2023

Signé par Mme Angélique NETO, Présidente et Mme Julie DESHAYE, greffière auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSE DU LITIGE

Soutenant avoir chuté le 19 décembre 2020 au sein du magasin Intermarché [Localité 4] au niveau d'une flaque d'eau présente au sol, Mme [U] [I] [G] née [K] a, par acte d'huissier en date du 31 août 2021, assigné la société par actions simplifiée (SAS) Farledis - Intermarché [Localité 4] devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Toulon aux fins de voir ordonner la mise en 'uvre d'une expertise médicale et obtenir une provision de 5 000 euros à valoir sur l'indemnisation de son préjudice corporel.

Par ordonnance en date du 25 janvier 2022, ce magistrat a :

ordonné la mise en 'uvre d'une expertise médicale judiciaire sur la personne de Mme [G] née [P] en désignant pour y procéder M. [C] ;

condamné la société Farledis - Intermarché [Localité 4] à verser à Mme [G] née [K] la somme de 1 500 euros à titre de provision à valoir sur la réparation de son préjudice corporel ;

condamné la société Farledis - Intermarché [Localité 4] à verser à Mme [G] née [K] la somme de 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

condamné la société Farledis - Intermarché [Localité 4] aux entiers dépens du référé.

Selon déclaration reçue au greffe le 8 février 2022, la société Farledis - Intermarché [Localité 4] a interjeté appel de cette ordonnance en toutes ses dispositions dûment reprises.

Par dernières conclusions transmises le 7 juin 2022, auxquelles il est renvoyé pour un plus ample exposé des prétentions et moyens, elle sollicite de la cour qu'elle :

infirme l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions ;

déboute Mme [G] née [K] de ses demandes ;

la condamne à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

la condamne aux dépens.

Par dernières conclusions transmises le 13 mai 2022, auxquelles il est renvoyé pour un plus ample exposé des prétentions et moyens, Mme [G] née [K] sollicite de la cour qu'elle :

confirme l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions ;

condamne la société Farledis - Intermarché [Localité 4] à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

la condamne aux dépens.

La clôture de l'instruction a été prononcée le 6 mars 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande d'expertise judiciaire

Aux termes de l'article 145 du code de procédure civile, s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve des faits dont pourrait dépendre la solution du litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé.

Pour que le motif de l'action soit légitime, il faut et il suffit que la mesure soit pertinente et qu'elle ait pour but d'établir une preuve dont la production est susceptible d'influer sur la solution d'un litige futur ayant un objet et un fondement précis et non manifestement voué à l'échec.

Dès lors, le demandeur à la mesure doit justifier d'une action en justice future, sans avoir à établir l'existence d'une urgence. Il suffit que le demandeur justifie de la potentialité d'une action pouvant être conduite sur la base d'un fondement juridique suffisamment déterminé et dont la solution peut dépendre de la mesure d'instruction sollicitée, à condition que cette mesure soit possible. Il ne lui est pas demandé de faire connaître ses intentions procédurales futures. Il lui faut uniquement établir la pertinence de sa demande en démontrant que les faits invoqués doivent pouvoir l'être dans un litige éventuel susceptible de l'opposer au défendeur, étant rappelé qu'au stade d'un référé probatoire, il n'a pas à les établir de manière certaine.

Il existe un motif légitime dès lors qu'il n'est pas démontré que la mesure sollicitée serait manifestement insusceptible d'être utile lors d'un litige ou que l'action au fond n'apparaît manifestement pas vouée à l'échec.

En l'espèce, les pièces versées aux débats font ressortir que Mme [G] née [K], âgée de 69 ans, a été admise au service des urgences de l'hôpital de [Localité 8] [Adresse 7] le 19 décembre 2020 après y avoir été conduite par les sapeurs-pompiers du Var suite à une demande d'intervention le même jour à 16h34 dans le magasin Intermarché, [Adresse 3], à [Localité 4], pour une chute à l'intérieur du supermarché.

Le certificat médical initial dressé le 28 décembre 2020 relève que Mme [G] née [K] sera prise en charge par le services des urgences le 19 décembre 2020 à 17h19 pour traumatisme du poignet droit et des deux genoux suite à une chute par glissade, à la suite de quoi elle a souffert d'une gonalgie invalidante gauche avec boiterie pendant au moins un mois et de douleurs au niveau du poignet droit sachant qu'elle venait de subir une ostéosynthèse le 30 octobre 2020 suite à une fracture. Elle sera arrêtée jusqu'au 28 février 2021 et il lui sera prescrit une aide ménagère pendant 2 mois ainsi que des séances de rééducation.

Le fait pour Mme [G] née [K] d'avoir chuté au sein du magasin Intermarché situé à [Localité 4] le 19 décembre 2020 est donc suffisamment établi.

Mme [G] née [K], qui soutient avoir chuté sur une flaque d'eau, se prévaut d'une attestation dressée par Mme [V] [E] qui, en tant que témoin des faits, indique, qu'alors qu'elle se trouvait à l'intérieur du magasin, elle a vu Mme [I] [G] glisser dans une flaque d'eau et tomber. Elle précise que l'agent de sécurité est tout de suite intervenu et que Mme [G] a été prise en charge par les pompiers.

Il en résulte que l'action en responsabilité que Mme [G] née [K] entend exercer à l'encontre de la société Farledis - Intermarché [Localité 4], et notamment du fait de la chose qu'elle a sous sa garde, n'est pas manifestement vouée à l'échec, et ce, indépendamment de la question de savoir si la preuve est rapportée d'une position anormale de la chose par la présence d'une flaque d'eau au sol insuffisamment signalée.

De plus, le propre de l'action indemnitaire est de rétablir aussi exactement que possible l'équilibre détruit par le dommage et replacer la victime dans la situation où elle se serait trouvée si l'acte dommageable n'avait pas eu lieu.

Ceci impose au juge, en vue de la réparation intégrale du dommage de la victime dans le cadre de l'instance au fond qui pourra être diligentée, d'évaluer précisément ce dommage poste par poste selon la nature des préjudices subis et la date de consolidation après un examen de la victime et des pièces médicales, et ce, conformément à la nomenclature Dintilhac.

Dès lors que l'expertise médicale, qui est sollicitée, est nécessaire à la solution d'un litige portant sur l'indemnisation du préjudice corporel de Mme [G] née [K], l'ordonnance déférée sera confirmée en ce qu'elle a ordonné la mise en 'uvre d'une expertise médicale judiciaire sur la personne de Mme [G] née [J] [N].

Sur la demande de provision

Par application de l'article 835 alinéa 2 du code de procédure civile, dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, le président du tribunal judiciaire ou le juge du contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.

Il appartient au demandeur d'établir l'existence de l'obligation qui fonde sa demande de provision tant en son principe qu'en son montant et la condamnation provisionnelle, que peut prononcer le juge des référés sans excéder ses pouvoirs, n'a d'autre limite que le montant non sérieusement contestable de la créance alléguée.

Une contestation sérieuse survient lorsque l'un des moyens de défense opposé aux prétentions du demandeur n'apparaît pas immédiatement vain et laisse subsister un doute sur le sens de la décision au fond qui pourrait éventuellement intervenir par la suite sur ce point si les parties entendaient saisir les juges du fond.

Enfin, c'est au moment où la cour statue qu'elle doit apprécier l'existence d'une contestation sérieuse, le litige n'étant pas figé par les positions initiale ou antérieures des parties dans l'articulation de ce moyen.

En l'espèce, me [G] née [K] fonde sa demande de provision sur les dispositions, d'une part, de l'article L 421-3 du code la consommation qui énonce que le professionnel doit penser l'organisation et l'accès aux locaux commerciaux, ainsi que la circulation à l'intérieur et aux abords desdits locaux, afin de préserver la santé et l'intégrité physique des consommateurs, de sorte que le distributeur est responsable du dommage causé par un défaut de son produit et de son service, qu'il soit ou non lié par un contrat avec le consommateur victime, et, d'autre part, de l'article 1242 alinéa 1 du code civil qui énonce qu'on est responsable non seulement du dommage que l'on cause par son propre fait, mais encore de celui qui est causé par le fait des personnes dont on doit répondre, ou des choses que l'on a sous sa garde.

Or, dès lors qu'il est admis que la responsabilité découlant de l'article L 421-3 du code de la consommation, qui édicte au profit des consommateurs une obligation générale de sécurité des produits et services, ne soumet pas l'exploitant d'un magasin dans lequel une chute est survenue à une obligation de sécurité de résultat à l'égard de la clientèle, Mme [G] née [K] ne peut, avec l'évidence requise devant le juge des référés, rechercher la responsabilité de la société Farledis - Intermarché [Localité 4] sur ce fondement.

En revanche, elle peut, à l'évidence, rechercher sa responsabilité du fait de la chose qu'elle a sous sa garde, laquelle suppose d'établir qu'elle occupait une position anormale ou qu'elle était en mauvais état dès lors qu'une chose inerte ne peut être l'instrument d'un dommage.

S'agissant de l'anormalité du sol sur lequel elle a chuté, Mme [G] née [K] se prévaut de l'attestation de Mme [V] [E] qui certifie l'avoir vu glisser dans une flaque d'eau et tomber.

Aucun élément objectif, même avec l'évidence requise en référé, ne permet de douter de la sincérité de la déclaration de ce témoin.

Cela est d'autant plus vrai que l'appelante elle-même reconnaît la présence d'une flaque d'eau à l'endroit où Mme [G] née [K] a chuté.

En revanche, affirmant que la chose n'occupait pas pour autant une position anormale, la société Farledis - Intermarché [Localité 4] verse aux débats des attestations des deux agents de sécurité qui étaient présents au moment des faits. M. [Z] [Y] certifie avoir remarqué une flaque d'eau dans l'allée centrale le samedi 19 décembre 2020 qui était signalée par un panneau de signalisation indiquant le risque de chute avec la mention « attention-caution ». M. [A] [X] atteste, quant à lui, avoir pu constater le samedi 19/12/2020 une flaque d'eau au niveau de l'allée centrale du magasin [qui] était signalée par une affiche et par un panneau jaune posé au sol près de la flaque indiquant le risque potentiel de glissage et la mention caution.

En attestant que la flaque d'eau, présente au niveau de l'allée centrale du magasin, était signalée par un panneau et une affiche, ces agents de sécurité reconnaissant que les clients du magasin pouvaient toujours emprunter la zone en question avec un risque de glissade. Ainsi, même à supposer que Mme [G] née [K] se soit trop approchée de cette zone, rien ne le lui interdisait. De plus, la signalétique, telle que décrite par les agents de sécurité, ne lui permettait manifestement pas de déterminer le rayonnement du risque de glissage. Enfin, s'agissant d'une flaque d'eau et non d'un simple sol mouillé, cette dernière s'est, à l'évidence, étendue au fur et à mesure des passages des autres clients.

Alors même qu'il est acquis que Mme [G] née [K] a chuté au niveau d'une flaque d'eau, il ne ressort pas des attestations versées aux débats que cette chute s'explique par un manque d'attention de sa part au regard de la signalétique.

Il s'évince donc de ces éléments que le fait pour Mme [G] née [K] d'avoir chuté sur une flaque d'eau, soit sur une chose qui occupait une position anormale, ne se heurte à aucune contestation sérieuse.

Dans ces conditions, la demande de provision formée par Mme [G] née [K] est fondée en son principe.

Les éléments médicaux versés aux débats, et en particulier le certificat médical initial qui fixe l'incapacité totale de travail à 5 jours, conduisent à considérer que la provision à valoir sur les différents postes de préjudice corporel de Mme [G] née [K], et en particulier sur les souffrances endurées, ne peut être sérieusement contestée à hauteur de 1 500 euros.

Il y a donc lieu de confirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a condamné la société Farledis - Intermarché [Localité 4] à verser à Mme [G] née [K] une provision de 1 500 euros à valoir sur l'indemnisation de son préjudice corporel.

Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens avec distraction.

Dès lors qu'il a été fait droit à la demande de me [G] née [K] d'ordonner une mesure d'expertise judiciaire mais également de lui allouer une provision, l'ordonnance entreprise doit être confirmée en ce qu'elle a condamné la société Farledis - Intermarché [Localité 4] à lui verser la somme de 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en première instance et aux dépens.

La société Farledis - Intermarché [Localité 4], succombant en appel, sera condamnée aux dépens de la procédure de référé.

En outre, l'équité et la situation économique respective des parties commandent de la condamner à verser à Mme [G] née [K] une indemnité de 1 500 euros pour les frais exposés en appel non compris dans les dépens sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

En tant que partie perdante, elle sera déboutée de sa demande formulée sur le même fondement.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant ;

Condamne la SAS Farledis - Intermarché [Localité 4] à verser à Mme [U] [I] [G] née [K] la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en appel non compris dans les dépens ;

Déboute la SAS Farledis - Intermarché [Localité 4] de sa demande formulée sur le même fondement ;

Condamne la SAS Farledis - Intermarché [Localité 4] aux entiers dépens de la procédure d'appel.

La Greffière La Présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-2
Numéro d'arrêt : 22/01890
Date de la décision : 11/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-11;22.01890 ?
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