COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 1-6
ARRÊT AU FOND
DU 11 MAI 2023
N° 2023/197
N° RG 20/02539
N° Portalis DBVB-V-B7E-BFT5Z
[S] [Z] épouse [N]
C/
Société MGEN
Société PRIMAIRE CENTRALED'ASSURANCE MALADIE DES HAUTES ALPES
S.A. MAIF
Organisme FONDS DE GARANTIE DES ASSURANCES OBLIGATOIRES DE DOMMAGES
Mutuelle EOVI
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
-SELARL CABINET LIBERAS-FICI & ASSOCIÉS
-SCP COHEN GUEDJ - MONTERO - DAVAL GUEDJ
- SELAS ALIAS AVOCATS ASSOCIES
Décision déférée à la Cour :
Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de MARSEILLE en date du 07 Janvier 2020 enregistré (e) au répertoire général sous le n° 17/01271.
APPELANTE
Madame [S] [Z] épouse [N]
Immatriculée à la CPCAM des Hautes Alpes sous le n° 2 64 04 84 087 047.
née le [Date naissance 2] 1964 à [Localité 11] ([Localité 11])
de nationalité Française,
demeurant [Adresse 12]
représentée par Me Isabelle FICI de la SELARL CABINET LIBERAS-FICI & ASSOCIÉS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, postulant et assistée par Me Virgile REYNAUD, avocat au barreau de MARSEILLE.
INTIMEES
MGEN,
Signification DA + CONCLUSIONS le 24.03.20 à étude d'huissier. Signification conclusions le 26/06/2020 (de Me FICI) à personne habilitée,
demeurant [Adresse 7]
Défaillante.
Caisse PRIMAIRE CENTRALED'ASSURANCE MALADIE DES HAUTES ALPES,
Signification DA + CONCLUSIONS le 23.03.20 à étude d'huissier. Significations le 30/07/2020 à personne habilitée,
demeurant [Adresse 1]
Défaillante.
S.A. MAIF
Poursuites et diligences de son représentant légal en exercice domicilié ès qualité au siège social sis,
demeurant [Adresse 4]
représentée par Me Paul GUEDJ de la SCP COHEN GUEDJ - MONTERO - DAVAL GUEDJ, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, postulant et assistée par Me Anne-laure ROUSSET, avocat au barreau de MARSEILLE.
Organisme FONDS DE GARANTIE DES ASSURANCES OBLIGATOIRES DE DOMMAGES
(Article L. 421-1 du Code des assurances), dont le siège social est sis au [Adresse 6]), pris en la personne de son Directeur Général élisant domicile en sa délégation sis au [Adresse 5],
demeurant [Adresse 10]
représenté et assisté par Me Pascal ALIAS de la SELAS ALIAS AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE.
MUTUELLE EOVI,
Signification DA + CONCLUSION le 23.03.20 à étude d'huissier. Signification de conclusions en date du 24/06/2020 à personne habilitée,
demeurant [Adresse 3]
Défaillante.
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 15 Mars 2023 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Monsieur Jean-Wilfrid NOEL, Président, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Monsieur Jean-Wilfrid NOEL, Président
Madame Anne VELLA, Conseillère
Madame Fabienne ALLARD, Conseillère
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Charlotte COMBARET.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 11 Mai 2023.
ARRÊT
Réputé contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 11 Mai 2023,
Signé par Monsieur Jean-Wilfrid NOEL, Président et Madame Charlotte COMBARET, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
FAITS & PROCÉDURE
Mme [N] expose avoir perdu le contrôle de son véhicule, le 27/06/2010 à [Localité 9] (Vaucluse), en tentant d'éviter le chat de M. [P] qui traversait la route. Elle a percuté un poteau téléphonique et a subi un traumatisme majeur du membre supérieur gauche'; elle a été médicalisée au centre hospitalier de [Localité 8].
Par courrier du 16/09/2010, la MAIF, assureur responsabilité civile de M. [P], a refusé sa garantie, motif tiré de l'absence de preuve de la responsabilité encourue par son assuré.
Par ordonnance du 11/01/2013, le juge des référés de Marseille a rejeté une demande de provision de Mme [N], en raison d'une contestation sérieuse élevée par la MAIF quant au fait que le chat serait celui de M. [P]. Le juge des référés a néanmoins commis le docteur [T] aux fins d'expertise médicale. Le rapport a été déposé le 06/05/2016.
Par acte d'huissier de justice du 06/01/2017, Mme [N] a saisi le tribunal judiciaire de Marseille d'une action en réparation de son préjudice corporel dirigée contre la MAIF en qualité d'assureur responsabilité civile de M. [P] et ' dans l'hypothèse où le chat serait un animal errant ' le fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages. La procédure a été dénoncée à la Mutuelle Générale de l'Éducation Nationale et à la mutuelle EOVI-MCD. La caisse primaire d'assurance-maladie des Alpes de Haute-Provence est volontairement intervenue à l'instance.
Par jugement réputé contradictoire du 07/01/2020, le tribunal judiciaire de Marseille statuant au visa de l'article 1385 devenu 1243 du code civil a':
- mis la MGEN hors de cause,
- débouté Mme [N] de toutes ses demandes contre la MAIF et le fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages,
- rejeté la demande de la MAIF au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- déclaré le jugement commun et opposable à la mutuelle EOVI-MCD, et
- en ce qu'il l'a condamnée aux dépens de l'instance.
Pour statuer ainsi, le premier juge a estimé que Mme [N] ne rapportait pas la preuve de ce que l'accident advenu à Mme [N] était dû à la présence d'un animal sur la route.
Par déclaration du 18/02/2020 dont la régularité et la recevabilité ne sont pas contestées, Mme [N] a interjeté appel de tous les chefs du jugement du tribunal judiciaire de Marseille.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Aux termes de ses dernières conclusions d'appel n°2 notifiées par RPVA le 09/06/2020, auxquelles il est renvoyé par application de l'article 455 du code de procédure civile pour un plus ample exposé des moyens et sur l'évaluation des préjudices, Mme [N] demande à la cour de':
- voir la caisse primaire d'assurance-maladie des Hautes-Alpes et la mutuelle EOVI-MCD telles conclusions qu'il appartiendra,
- réformer ou annuler le jugement entrepris en ce qu'il l'a déboutée de l'ensemble de ses demandes formulées à l'encontre de la MAIF et du fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages,
- réformer ou annuler le jugement entrepris en ce qu'il l'a condamnée aux entiers dépens,
À titre principal,
- juger que son droit à indemnisation est entier,
- juger que M. [P] et son assureur, la MAIF, sont tenus à indemnisation,
À titre subsidiaire,
- juger que le fonds de garantie est débiteur de l'indemnisation,
En tout état de cause,
- condamner tout succombant à la dédommager de l'intégralité des séquelles imputables à l'accident, soit un montant de 53.633,88 € ventilé comme suit :
* dépenses actuelles': réserver ce poste de préjudice
* frais de médecin-conseil': 480,00 €
* perte de gains professionnels actuels': 6.495,55 €
* déficit fonctionnel temporaire 100'%': 1.067,00 €
* déficit fonctionnel temporaire'50 %': 500,00 €
* déficit fonctionnel temporaire'30'% : 600,00 €
* déficit fonctionnel temporaire 20 % : 1.413,33 €
* déficit fonctionnel temporaire 15%': 710,00 €
* souffrances endurées': 10.000,00 €
* préjudice esthétique temporaire': 4.000,00 €
* assistance tierce personne':1.368,00 €
* déficit fonctionnel permanent': 18.000,00 €
* préjudice esthétique permanent': 4.000,00 €
* préjudice d'agrément': 5.000,00 €
- condamner tout succombant à lui régler la somme de 2.000,00 € au titre de ses frais irrépétibles,
- condamner tout succombant au paiement des entiers dépens, avec application de l'article 699 du code de procédure civile,
- ordonner l'exécution provisoire (sic).
Mme [N] fait valoir que :
- la responsabilité de la MAIF est incontestable': elle a signé un constat amiable d'accident avec M. [P], un voisin, propriétaire présumé du chat'; M. [F], voisin lui aussi de Mme [N], prévenu les secours et a précisé qu'« en voulant éviter un chat qui traversait la route, Mme [N] est partie contre le poteau »'; le rôle actif du chat est certain nonobstant l'absence de contact avec le véhicule';
- à titre subsidiaire, l'incertitude concernant le propriétaire est sans conséquence sur le rôle actif de l'animal dans la survenance de l'accident'; le fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages est tenu à réparation sur le fondement de l'article L.421-1 § II du code des assurances.
* * *
Aux termes de ses dernières conclusions d'intimée notifiées par RPVA le 11/06/2020, auxquelles il est renvoyé par application de l'article 455 du code de procédure civile pour un plus ample exposé des moyens et sur l'évaluation des préjudices, la MAIF demande à la cour de':
- juger que Mme [N] ne rapporte pas la preuve de l'implication du chat de M. [P] dans la survenance de l'accident du 27/06/2010,
- confirmer en tous points le jugement entrepris en ce qu'il a débouté Mme [N] de l'ensemble de ses demandes,
- condamner Mme [N] à verser à la MAIF la somme de 2.500,00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens, distraits au profit de la SCP Cohen-Guedj-Montero, Avocats à la cour.
La MAIF refuse sa garantie aux motifs que':
- l'incertitude porte tant sur l'implication du chat de M. [P] que sur l'implication même d'un chat dans l'accident de Mme [N]';
- l'attestation de M. [F] a été rédigée le 21 juin 2018, 8 ans après les faits, et ne précise pas qu'il a vu Mme [N] perdre le contrôle du véhicule à cause d'un chat et encore moins du chat de M. [P]'; M. [F] indique simplement qu'il est arrivé après l'accident et que Mme [N] aurait voulu éviter un chat';
- M. [P] a précisé au bas du constat amiable d'accident ne pouvoir affirmer si ce chat était le sien ou non.
* * *
Aux termes de ses dernières conclusions d'intimée notifiées par RPVA le 20/05/2020, auxquelles il est renvoyé par application de l'article 455 du code de procédure civile pour un plus ample exposé des moyens et sur l'évaluation des préjudices, le fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages demande à la cour de':
- confirmer la décision dont appel en toutes ses dispositions,
- juger qu'il ne peut être condamné aux frais irrépétibles et aux dépens.
Le fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages fait valoir que :
- l'attestant [F] n'a pas été un témoin oculaire de l'accident';
- l'existence d'un chat à l'origine de l'accident ne repose que sur les déclarations de Mme [N].
* * *
Assignée à personne habilitée le 03/07/2020 par acte d'huissier contenant dénonce de l'appel, la mutuelle EOVI-MCD n'a pas constitué avocat. Elle a communiqué le montant de ses débours définitifs, soit une somme de 1.248,50 € ventilée comme suit':
- frais hospitaliers : 669,00 €,
- frais médicaux': 82,38 €,
- frais pharmaceutiques : 309,21 €
- frais de transport :162,97 €
- biologie': 24,94 €.
* * *
Assignée à personne habilitée le 03/07/2020 par acte d'huissier contenant dénonce de l'appel, la caisse primaire d'assurance-maladie des Hautes-Alpes n'a pas constitué avocat. Elle a communiqué le montant de ses débours définitifs, soit la somme de 12.939,44 € correspondant à des frais hospitaliers.
* * *
Assignée à personne habilitée le 26/06/2020 par acte d'huissier contenant dénonce de l'appel, la Mutuelle Générale de l'Éducation Nationale n'a pas constitué avocat. Elle a communiqué le montant de ses débours définitifs, soit la somme de 12.939,44 € correspondant à des frais hospitaliers.
* * *
La clôture a été prononcée le 28/02/2023.
Le dossier a été plaidé le 15/03/2023 et mis en délibéré au 11/05/2023.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la nature de la décision rendue':
L'arrêt rendu sera réputé contradictoire, conformément à l'article 474 du code de procédure civile.
Sur le droit à indemnisation':
Aux termes de l'article L.421-1 du code des assurances, le fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages est chargé, lorsque le responsable des dommages demeure inconnu ou n'est pas assuré, d'indemniser les victimes des dommages résultant des atteintes à leur personne nés d'un accident survenu en France dans lequel est impliqué un véhicule terrestre à moteur en circulation. Le fonds de garantie indemnise aussi les dommages résultant d'une atteinte à la personne subis par les victimes ou leurs ayants droit, lorsque ces dommages ont été causés accidentellement par des animaux qui n'ont pas de propriétaire ou dont le propriétaire demeure inconnu ou n'est pas assuré, dans des lieux ouverts à la circulation publique et lorsqu'ils résultent d'un accident de circulation sur le sol. Le fonds de garantie paie les indemnités qui ne peuvent être prises en charge à aucun autre titre.
Mme [N] soutient qu'un chat a traversé la route juste devant son véhicule dont elle a perdu le contrôle en voulant l'éviter. Il lui incombe de rapporter la preuve de l'intervention du chat de M. [P] dans l'espace-temps de l'accident, et de démontrer le lien de cause à effet entre le surgissement du chat et l'accident de voiture dont elle a été victime.
Le constat amiable d'accident établi par M. [P] mentionne en toutes lettres qu'il n'est pas en mesure d'affirmer si le chat incriminé par Mme [N] est le sien ou non. L'établissement du constat fait suite en réalité à une demande exprimée par le conjoint de Mme [N]': «'le lendemain matin, le mari de la conductrice accidentée est venu me trouver et m'a informé que son épouse avait donné un coup de volant pour éviter un chat. Un voisin arrivé sur place au bruit de l'accident a signalé que ce chat était sans doute le mien, qui vagabondait sur la route. Il n'envisage pas de porter plainte ou de demander des dommages-intérêts mais souhaite que je contacte mon assurance pour la participation aux frais matériels. Le véhicule accidenté était à la MATMUT. Aussitôt après, j'ai contacté la MAIF par téléphone pour savoir quelle était la démarche à suivre. Mme [V] [M] a pris ma déposition par téléphone et m'a demandé de confirmer par écrit, ce que je fais'». Par suite, la valeur probatoire de ce constat amiable d'accident est incertaine, pour le moins.
Par courrier du 28/10/2010 adressé à la MAIF, l'assureur AMF de Mme [N] a évoqué le fait que M. [P] aurait admis l'implication de son chat au cours d'une conversation téléphonique. Ce point a été catégoriquement réfuté par M. [P] par courrier électronique du 03/11/2010, aux termes duquel «'je vous confirme que je n'ai jamais reconnu que mon chat avait provoqué l'accident. J'ai simplement reconnu avoir un chat'» ' ce qui ne peut suffir à en caractériser le rôle actif ou l'implication.
Aucune valeur probatoire ne peut davantage être accordée à l'attestation souscrite par M. [F], l'intéressé indiquant expressément qu'il était se trouvait à son domicile lorsqu'il a entendu appeler au secours. Quoiqu'il précise être aussitôt accouru et avoir coupé le contact du véhicule de Mme [N], il ne mentionne ni le rôle ni même la présence d'un chat sur les lieux de l'accident. La mention finale de l'attestation aux termes de laquelle «'en voulant éviter un chat qui courait sur la route, Mme [N] est partie contre le poteau'» ne vaut que comme ouï dire et ne peut être admise comme un témoignage oculaire direct.
Au regard de ces éléments, l'action de Mme [N] ne peut qu'être rejetée, tant à l'encontre de M. [P] et de la MAIF qu'à l'encontre du fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages.
Le jugement entrepris sera confirmé dans toutes ses dispositions.
Sur les demandes annexes':
Mme [N] succombe dans ses prétentions et sera condamnée aux entiers dépens de l'appel.
L'équité ne justifie pas l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Confirme le jugement entrepris dans toutes ses dispositions.
Y ajoutant,
Dit n'y avoir lieu à faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Condamne Mme [N] aux dépens de l'appel, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT