COUR D'APPEL
D'AIX-EN-PROVENCE
20, Place Verdun
13616 AIX-EN-PROVENCE CEDEX
Chambre 1-6
N° RG 22/13508 - N° Portalis DBVB-V-B7G-BKETS
Ordonnance n° 2023/M69
Mme [C] [F]
Immatriculée à la sécurité sociale sous le numéro : [XXXXXXXXXXX01]
Représentée par Me Fabrice ANDRAC, avocat au barreau de MARSEILLE.
Appelante
S.A. SOGESSUR
Représentée et assistée par Me Patrice BIDAULT de la SELARL JURISBELAIR, avocat au barreau de MARSEILLE, postulant et plaidant.
CPAM DES BOUCHES DU RHONES,
Assignée le 13/12/2022 à personne habilitée
Mutuelle HENNER, assignée le 08/12/2022 à étude.
Défaillante.
S.A.S. ADHAP SERVICES,
Assignée le 13/12/2022 à personne habilitée.
Défaillante.
Intimées
ORDONNANCE D'INCIDENT
Nous, Fabienne ALLARD, magistrat de la mise en état de la Chambre 1-6 de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, assistée de Charlotte COMBARET, Greffier,
Après débats à l'audience du 12 Avril 2023, ayant indiqué à cette occasion aux parties que l'incident était mis en délibéré, avons rendu le 10 Mai 2023, l'ordonnance suivante :
FAITS ET PROCEDURE :
Le 21 décembre 2018, Mme [C] [F] a été victime d'un accident de la circulation impliquant un véhicule assuré auprès de la société Sogessur.
Par jugement du 12 avril 2022, le tribunal judiciaire de Marseille, liquidant son préjudice, a condamné la société Sogessur à lui payer la somme de 10 319,81 € en réparation de son préjudice corporel, déduction faite de la provision précédemment allouée, ainsi qu'une indemnité de 1 300 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Le tribunal a détaillé les chefs de préjudice ainsi :
- 944,70 € au titre du déficit fonctionnel temporaire,
- 4 700 € au titre des souffrances endurées,
- 4 830 € au titre du déficit fonctionnel permanent,
- 165 € au titre des dépenses de santé actuelles,
- 660 € au titre des frais divers,
- 192,31 € au titre de la perte de gains professionnels actuels.
Par déclaration du 11 octobre 2022, Mme [F] a relevé appel de ce jugement en ce qu'il l'a déboutée de sa demande au titre de l'incidence professionnelle et a sous-évalué le déficit fonctionnel temporaire et les souffrances endurées.
Par conclusions du 23 février 2023, la société Sogessur a saisi le conseiller de la mise en état d'un incident.
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Dans ses dernières conclusions sur incident en date du 30 mars 2023, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des moyens, la société Sogessur demande au conseiller de la mise en état de :
déclarer irrecevable la demande de Mme [F] aux fins de désignation d'un expert ;
déclarer irrecevable la demande tendant à obtenir la réformation du jugement entrepris sur l'évaluation de la perte de gains professionnels actuelle et du déficit fonctionnel permanent ;
condamner Mme [F] aux dépens.
Elle fait valoir que :
- la demande d'expertise formulée dans les conclusions au fond de Mme [F], qui est nouvelle devant la cour et, comme telle, irrecevable, tend à la remise en cause des postes perte de gains professionnels actuels et déficit fonctionnel permanent, dont la cour n'est pas saisie au regard des termes de la déclaration d'appel ;
- les demandes au fond afférentes à ces deux postes sont elles mêmes irrecevables dès lors qu'ils ne sont pas expressément critiqués dans la déclaration d'appel.
En défense sur incident, dans ses conclusions du 15 mars 2023, auxquelles il convient de renvoyer pour un exposé plus exhaustif des moyens, Mme [F] demande au conseiller de la mise en état de :
rejeter les demandes de la société Sogessur ;
condamner la société Sogessur à lui payer une indemnité de 1 500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle fait valoir qu'elle est en droit de solliciter une mesure d'expertise ; que le principe de la réparation intégrale fait obstacle à la notion de demandes nouvelles en cause d'appel et que les demandes relatives aux chefs de préjudice dont l'indemnisation n'a pas été demandée en première instance ou qui n'ont pas pas été évoqués au stade de la déclaration d'appel sont recevables en exécution de ce principe intangible.
La CPAM des Bouches du Rhône, assignée par Mme [F] par acte d'huissier du 13 décembre 2022, délivré à personne habilitée et contenant dénonce de l'appel, n'a pas constitué avocat.
La mutuelle Henner, assignée par Mme [F] par acte du 8 décembre 2022 remis à l'étude de l'huissier, et contenant dénonce de l'appel, n'a pas constitué avocat.
La société Adhap services assignée par Mme [F] par acte du 13 décembre 2022, délivré à personne habilitée et contenant dénonce de l'appel, n'a pas constitué avocat.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la recevabilité de la demande d'expertise
Selon un avis rendu par la cour de cassation le 11 octobre 2022 :
- si le juge de la mise en état est, jusqu'à son dessaisissement, seul compétent, à l'exclusion de toute autre formation du tribunal, pour statuer sur les fins de non-recevoir et que, par renvoi de l'article 907 du code de procédure civile, ce texte est applicable devant le conseiller de la mise en état, sans que l'article 914 du même code n'en restreigne l'étendue, le conseiller de la mise en état est un magistrat de la cour d'appel chargé de l'instruction de l'appel, tandis que, conformément à l'article L. 311-1 du code de l'organisation judiciaire, la cour d'appel est, quant à elle, compétente pour connaître des décisions rendues en premier ressort et statuer souverainement sur le fond des affaires ;
- il en résulte que la cour d'appel est compétente pour statuer sur les fins de non-recevoir relevant de l'appel, celles touchant à la procédure d'appel étant de la compétence du conseiller de la mise en état ;
- l'examen de la fin de non-recevoir édictée à l'articles 564 du code de procédure civile, relative à l'interdiction de soumettre des prétentions nouvelles en appel relève de l'appel et non de la procédure d'appel.
En conséquence, seule la cour d'appel est compétente pour connaître de la fin de non-recevoir tirée de l'article 564 du code de procédure civile.
A titre surabondant, il sera rappelé que l'expertise constitue une mesure d'administration de la preuve et qu'elle peut être ordonnée, et par conséquent, demandée en tout état de cause.
Sur la recevabilité des demandes relatives à la perte de gains professionnels actuels et au déficit fonctionnel permanent :
Dans ses conclusions au fond notifiées le 5 décembre 2022, Mme [F] demande à la cour de condamner la société Sogessur à lui payer, notamment, 5 700 € au titre du déficit fonctionnel permanent et 2 629 € au titre de la perte de gains professionnels actuels.
Ces demandes sont reprises dans ses conclusions ultérieures en date du 16 mars 2023.
Le dispositif de la décision du premier juge est ainsi rédigé : 'condamne la société Sogessur à payer à Mme [C] [F] avec intérêts au taux légal à compter du jugement la somme de 10 319,81 € en réparation de son préjudice corporel, déduction faite de la provision précédemment allouée et 1 300 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
L'objet de l'appel, tel qu'il figure dans la déclaration d'appel est le suivant : 'appel limité aux chefs de jugement expressément critiqués en ce que le tribunal a débouté Mme [F] de sa demande formulée au titre de l'incidence professionnelle et en ce que le tribunal a sous-évalué le poste de préjudice correspondant au déficit fonctionnel temporaire et les souffrances endurées'.
La société Sogessur conclut à l'irrecevabilité des demandes au titre du déficit fonctionnel permanent et de la perte de gains professionnels actuels au motif que la cour n'est pas saisie par la déclaration d'appel de ces deux postes de préjudice.
En application de l'article 562 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n°2017-891 du 6 mai 2017, l'appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent. La dévolution ne s'opère pour le tout que lorsque l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible.
Il ne résulte aucune fin de non-recevoir de l'article 562, alinéa 1, du code de procédure civile.
La difficulté soulevée est afférente à l'étendue de la saisine de la cour.
Or, les pouvoirs du conseiller de la mise en état, tels que définis par l'article 914 du code de procédure civile, ne l'autorisent pas à statuer sur les effets et le périmètre de saisine de la cour par l'acte d'appel.
L'article 562 du code de procédure civile est inséré dans la section II « les effets de l'appel » et dans la sous-section 1 intitulée « l'effet dévolutif ».
Or, l'effet dévolutif opère au profit de la cour et non du conseiller de la mise en état.
Il ne relève donc pas des pouvoirs du conseiller de la mise en état de statuer sur la difficulté soulevée par la société Sogessur, laquelle est afférente à l'étendue de la saisine de la cour.
Sur les demandes annexes
Succombant sur l'incident, la société Sogessur sera condamnée aux dépens et à payer à Mme [F] une indemnité de 1 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, par ordonnance réputée contradictoire et susceptible de déféré,
Disons qu'il relève des seuls pouvoirs de la cour de se prononcer sur la recevabilité d'une demande au regard de l'article 564 du code de procédure civile et sur l'étendue de la saisine de la cour par la déclaration d'appel ;
Condamnons la société Sogessur aux dépens de l'incident et à payer à Mme [C] [F] une indemnité de 1 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Fait à Aix-en-Provence, le 10 Mai 2023
La greffière Le magistrat de la mise en état
Copie délivrée aux avocats des parties ce jour.
Le greffier