COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 1-1
ARRÊT AU FOND
DU 9 MAI 2023
N° 2023/ 163
Rôle N° RG 22/09694 - N° Portalis DBVB-V-B7G-BJWGI
[X] [G]
C/
S.C.I. DOMAINE DU CANADEL
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me Guy AZZARI
Me Cédric CABANES
Décision déférée à la Cour :
Ordonnance du Juge de la mise en état de Draguignan en date du 27 Juin 2022 enregistré au répertoire général sous le n° 21/01449.
APPELANT
Monsieur [X] [G]
né le 06 Décembre 1971 à [Localité 3]
de nationalité Française,
demeurant [Adresse 1]
représenté par Me Guy AZZARI, avocat au barreau de NICE
INTIMÉE
S.C.I. DOMAINE DU CANADEL Prise en la personne de son représentant légal,
domicilié [Adresse 2]
représentée par Me Cédric CABANES de la SCP JEAN LECLERC,CEDRIC CABANES ET YVES-HENRI CANOVAS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, assisté et plaidé par Me Catherine PEULVE, avocat au barreau de PARIS
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COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 20 Mars 2023 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Danielle DEMONT, conseillère a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Monsieur Olivier BRUE, Président
Madame Danielle DEMONT, conseillère
Madame Louise DE BECHILLON, conseillère
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Monsieur Nicolas FAVARD.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 9 Mai 2023.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 9 Mai 2023,
Signé par Monsieur Olivier BRUE, Président et Monsieur Nicolas FAVARD, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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EXPOSÉ DU LITIGE
Par exploit en date du 3 juin 2021, M. [X] [G] a assigné la SCI Domaine du Canadel en vente forcée d'un bien immobilier à son profit.
Par conclusions d'incident du 17 septembre 2021, puis du 4 mars 2022, la SCI domaine du Canadel a élevé un incident au visa des articles 122, 789-6° du code de procédure civile et 28 et 30 du décret du 4 janvier 1955.
Par ordonnance en date du 27 juin 2022, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Draguignan a déclaré M. [X] [G] irrecevable en son action, l'a condamné aux dépens, rejeté les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
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Le juge de la mise en état retient, au visa de l'article 28-5° et 30 du décret du 4 janvier 1955, soulevé par le demandeur à l'incident qu'en application de l'article 789 du code de procédure civile, il est compétent pour statuer sur les fins de non-recevoir ; qu'il est constant que le demandeur à l'action, M. [G], n'a pas procédé à la publication au service de la publicité foncière d'une quelconque promesse de vente ; qu'il est en mesure de fournir seulement le courriel d'un tiers du 17 août 2020, évoquant un accord du vendeur sur l'offre de prix qu'il proposait et qu'aucun autre élément extérieur permettant de formaliser de manière non équivoque la rencontre des volontés, alors qu'une promesse de vente synallagmatique avec un tiers a été publiée le 9 février 2021, antérieurement à la délivrance de l'assignation du 3 mars 2021 ; qu' aucune promesse de vente au profit de M. [G] n'a été publiée, celui-ci ne disposant que de l'offre de prix qu'il avait proposée au vendeur, d'où il suit qu'il est irrecevable en son action.
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Le 6 juillet 2022, M. [X] [G] a relevé appel de cette décision.
Par conclusions 30 septembre 2022, il demande à la cour de réformer l'ordonnance entreprise, de dire qu'il a qualité et intérêt à agir, et de condamner la SCI Domaine du Canadel à lui payer la somme de 2000 €, au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.
Par conclusions du 21 octobre 2022, la SCI Domaine du Canadel demande à la cour de confirmer l'ordonnance déférée, sauf le rejet de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile, statuant à nouveau, de condamner l'appelant à lui payer la somme de 10'000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La cour renvoie aux écritures précitées pour l'exposé exhaustif des prétentions et moyens des parties.
MOTIFS
Attendu que l'appelant expose qu'il a répondu à une annonce publiée par M. [N], agent immobilier, concernant la vente au prix de 6 millions d'euros d'un bien immobilier de luxe d'une superficie habitable de 940 m² comportant 18 pièces sur 171 ha dont un vignoble, avec piscine ; que les propriétaires ont donné leur accord verbal ; que le notaire de M. [X] [G], Me [L] a transmis de nouveau au notaire des vendeurs, Me [U], le 8 septembre 2020 les éléments d'état civil concernant l'appelant qui avaient déjà été transmis le 25 août 2020 ; que l'époux de la gérante de la SCI venderesse a demandé au notaire chargé de la vente de mettre en place une offre écrite avec des conditions précises, et que le demandeur prouve la détention des fonds avant d'établir toute promesse ; que M. [G] a fourni des lettres de garantie bancaire le 12 octobre 2020 ; que Me [U] a adressé un projet de promesse de vente à Me [L] ; que Me [U] a indiqué par la suite que le dossier avait été classé sans suite, ses clients n'ayant pas donné leur accord à la vente ; et que le notaire de M. [G], Me [L], a écrit à sa cons'ur pour s'en étonner, les parties s'étant déjà entendues sur la chose et sur le prix ;
Attendu que l'appelant fait valoir, sur l'incident de procédure, que la SCI Domaine du Canadel prétend qu'il serait dépourvu de droit agir sans préciser s'il s'agit d'un défaut de qualité ou d'intérêt ; que si la promesse de vente signée le 8 février 2021 avec un tiers a été publiée le 9 février 2021, M. [X] [G] a bien publié son assignation en vente forcée le 25 mai 2020 ; qu'en application de l'article 1198 alinéa 2 du code civil « Lorsque deux acquéreurs successifs de droits portant sur un même immeuble tiennent leur droits d'une même personne, celui qui a le premier publié son titre d'acquisition passé en forme authentique au fichier immobilier est préféré, même si son droit est postérieur, à condition qu'il soit de bonne foi » ; que l'acte authentique visé par la loi ne saurait être autre que l'acte de vente définitif, et non comme le soutient la partie adverse, la promesse de vente laquelle ne vaut pas transfert définitif de droit au bénéfice de l'acquéreur putatif ; que l'acte itératif a été signé avec une tierce personne après la publication de son assignation en vente forcée, et que dès lors le vendeur ne peut pas être considéré comme de bonne foi ; que l'intérêt à agir s'apprécie au moment de l'introduction de la demande en justice en application des articles 30, 31 et 32 du code de procédure civile ; et qu'il a en conséquence parfaitement intérêt et qualité à agir ;
Attendu que l'intimé répond que la promesse de vente synallagmatique conclue entre la SCI Domaine du Canadel et un tiers acquéreur en date du 8 février 2021 a été publiée le 9 février 2021, puis l'acte itératif de vente le 6 mai 2021 ; que par référence aux dispositions des articles 28 et 30 du décret du 4 janvier 1955, la vente est opposable aux tiers depuis depuis 19 février 2021, ce texte prévoyant que la publication de la vente par acte authentique rend la vente opposable aux tiers ; qu'en toute hypothèse l'appelant qui se dit titulaire d'un droit antérieur, a procédé à la publication de l'assignation en vente forcée, mais que la publication de l'assignation en vente forcée n'emporte pas mutation de propriété et ne peut pas être assimilée à la publication d'un acte authentique de vente, de sorte qu'elle n'a pas en elle-même les effets de l'opposabilité aux tiers prévue par l'article 30 du décret du 4 janvier 1955 ; que n'ayant pas eu pour effet de conférer à l'appelant des droits sur l'immeuble (cf. Cour de cassation arrêt de la 3ème chambre civile du 1er octobre 2020 ) M. [X] [G] n'a pas pu publier un titre d'acquisition passé en forme authentique, ni même avant la publication de l'acte itératif du 6 mai 2021 au profit d'un tiers ; qu'il ne peut dès lors se prévaloir des dispositions de l'article 1198 alinéa 2 du code civil aux termes desquelles « Lorsque deux acquéreurs successifs de droits portant sur un même immeuble tiennent leur droits d'une même personne, celui qui a le premier publié son titre d'acquisition passé en forme authentique au fichier immobilier est préféré, même si son droit est postérieur, à condition qu'il soit de bonne foi » ; et que la vente au profit de la SAS du Canadel, qui s'est substituée à M. [W], étant opposable à M. [G], celui-ci n'a pas qualité et intérêt à agir en vente forcée à son profit ;
Mais attendu que tous ces moyens relèvent de l'appréciation du bien-fondé de l'action engagée par M. [G] ; qu'ils excèdent la compétence du juge de la mise en état pour statuer sur les fins de non-recevoir prévues à l'article 789 -6° du code de procédure civile ;
Attendu qu'en effet M. [G], qui prétend avoir acquis le bien avant le tiers au profit duquel l'acte authentique a été dressé, dispose du 'droit étant l'auteur d'une prétention, d'être entendu sur le fond de celle-ci, afin que le juge la dise bien ou mal fondée' au sens de l'article 30 alinéa 1er du code de procédure civile ; qu'il justifie ainsi d'un intérêt légitime au sens de l'article 31 du code de procédure civile, l'existence de l'intérêt invoqué n'étant pas une condition de recevabilité de l'action, mais de son succès ;
Attendu qu'il s'ensuit la réformation de l'ordonnance déférée qui l'a déclaré irrecevable en son action ;
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,
Infirme l'ordonnance déférée en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau et y ajoutant
Rejette la fin de non-recevoir soulevée par la SCI Domaine du Canadel,
Déclare recevable l'action engagée par M. [X] [G],
Dit que chacune des parties supportera la charge de ses dépens de première instance et d'appel, et dit que ceux-ci pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,
Vu l'article 700 du code de procédure civile,
Dit n'y avoir lieu de faire quelque application de ce texte.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT