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05/05/2023 | FRANCE | N°19/10485

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-1, 05 mai 2023, 19/10485


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-1



ARRÊT AU FOND

DU 05 MAI 2023



N° 2023/154



Rôle N° RG 19/10485 - N° Portalis DBVB-V-B7D-BEQLH







[Z] [F] divorcée [O]





C/





SASU SOCIETE MARSEILLAISE DE RESTAURATION ET SERVICES









Copie exécutoire délivrée

le :



05 MAI 2023



à :



Me Nadia DJENNAD, avocat au barreau de MARSEILLE



Me Danielle BEURNAUX, avocat au barr

eau de MARSEILLE

















Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE en date du 03 Juin 2019 enregistré au répertoire général sous le n° 18/02106 .





APPELANTE



Madame [Z] [F] d...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-1

ARRÊT AU FOND

DU 05 MAI 2023

N° 2023/154

Rôle N° RG 19/10485 - N° Portalis DBVB-V-B7D-BEQLH

[Z] [F] divorcée [O]

C/

SASU SOCIETE MARSEILLAISE DE RESTAURATION ET SERVICES

Copie exécutoire délivrée

le :

05 MAI 2023

à :

Me Nadia DJENNAD, avocat au barreau de MARSEILLE

Me Danielle BEURNAUX, avocat au barreau de MARSEILLE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE en date du 03 Juin 2019 enregistré au répertoire général sous le n° 18/02106 .

APPELANTE

Madame [Z] [F] divorcée [O], demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Nadia DJENNAD, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMEE

SASU SOCIETE MARSEILLAISE DE RESTAURATION ET SERVICES (SMRS), prise en la personne de son PDG Madame [M] [VU], demeurant SODEXO [Localité 4] [Adresse 1]

représentée par Me Danielle BEURNAUX, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 09 Janvier 2023 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller faisant fonction de Président , a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller faisant fonction de Président

Mme Stéphanie BOUZIGE, Conseiller

Mme Emmanuelle CASINI, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Monsieur Kamel BENKHIRA

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 14 Avril 2023 et prorogé au 05 Mai 2023.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 05 Mai 2023

Signé par Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller faisant fonction de Président et Monsieur Kamel BENKHIRA, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Madame [Z] [F] divorcée [O] a été embauchée en qualité d'employée de restauration le 16 novembre 2015 par la SOCIETE MARSEILLAISE DE RESTAURATION ET SERVICES (SMRS), exerçant sous l'enseigne SODEXO, dans le cadre d'un premier contrat de travail à durée déterminée du 16 novembre 2015 puis d'un deuxième contrat de travail à durée déterminée du 30 décembre 2015, suivi d'un contrat de travail à durée indéterminée intermittent à temps complet en date du 15 février 2016.

Elle a été en arrêt de travail à partir du 19 avril 2017.

Elle a déposé plainte auprès des services de police le 28 juin 2017 pour harcèlement moral contre sa supérieure hiérarchique, Madame [EF] [A], et a écrit le 5 juillet 2017 à son employeur pour dénoncer le harcèlement moral dont elle déclarait être victime de la part de sa supérieure.

Par requête du 23 mars 2018, Madame [Z] [F] a saisi la juridiction prud'homale de demandes en requalification de ses contrats de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée et en indemnisation pour harcèlement moral et exécution déloyale du contrat de travail. Cette procédure a fait l'objet d'une décision de radiation le 4 octobre 2018 et a été réenrôlée le 12 octobre 2018.

Par jugement du 3 juin 2019, le conseil de prud'hommes de Marseille a dit que la demande de requalification du contrat de Madame [Z] [F] divorcée [O] en CDI était prescrite, a débouté Madame [Z] [F] divorcée [O] de l'ensemble de ses demandes, a débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires et a mis les entiers dépens à la charge de Madame [Z] [F] divorcée [O].

Ayant relevé appel, Madame [Z] [F] divorcée [O] demande à la Cour, aux termes de ses conclusions notifiées par voie électronique le 30 septembre 2019, de :

RECEVOIR Madame [O] en son appel et le dire bien fondé,

INFIRMER le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Marseille le 3 juin 2019 en ce qu'il a :

- Débouté la salariée de sa demande de requalification de l'ensemble de la relation contractuelle en une relation de travail globale à durée indéterminée à temps plein à compter du 16 novembre 2015,

- Débouté la salariée de sa demande de reconnaissance d'un harcèlement moral,

- Débouté la salariée de sa demande tendant à faire dire et juger que l'employeur a manqué à son obligation de sécurité de résultat,

- Débouté la salariée de sa demande de reconnaissance de l'exécution déloyale du contrat par l'employeur,

- Débouté la salariée des demandes indemnitaires suivantes :

- 1714,67 euros à titre d'indemnité de requalification,

- 30'000 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral,

- 10'000 euros à titre de dommages et intérêts pour violation de l'obligation de sécurité,

- 5000 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat,

- 479,59 euros à titre de rappel de salaire sur primes de fin d'année / 13e mois,

- 47,96 euros au titre des congés payés sur rappel de salaire,

- Débouté la salariée de sa demande visant à dire que toute condamnation portera intérêts de droit au taux légal à compter de la demande en justice, outre capitalisation annuelle des intérêts échus depuis une année (art. 1154 Code civil),

- Débouté la salariée de sa demande de condamnation de l'employeur au paiement de la somme de 3000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Par conséquent et statuant à nouveau

FIXER le salaire brut mensuel moyen à la somme de 1714,67 euros,

REQUALIFIER l'ensemble de la relation contractuelle en contrat de travail à durée indéterminée à temps plein à compter du 16 novembre 2015,

DIRE ET JUGER que la salariée a été victime d'un harcèlement moral sur son lieu de travail,

DIRE ET JUGER que l'employeur a manqué à son obligation de sécurité de résultat,

DIRE ET JUGER que l'employeur a exécuté le contrat avec déloyauté,

CONDAMNER pour toutes ces raisons l'employeur au paiement des sommes suivantes :

- 1714,67 euros à titre d'indemnité de requalification,

- 30'000 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral,

- 10'000 euros à titre de dommages et intérêts pour violation de l'obligation de sécurité,

- 5000 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat,

- 479,59 euros à titre de rappel de salaire sur primes de fin d'année / 13e mois,

- 47,96 euros au titre des congés payés sur rappel de salaire,

DIRE que toute condamnation portera intérêts de droit au taux légal à compter de la demande en justice, outre capitalisation annuelle des intérêts échus depuis une année (art. 1154 Code civil),

CONDAMNER l'employeur au paiement de la somme de 3000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

La SASU SOCIETE MARSEILLAISE DE RESTAURATION ET SERVICES (SMRS) demande à la Cour, aux termes de ses conclusions notifiées par voie électronique le 28 octobre 2019, de :

Rejeter l'appel formé par Madame [F] [Z] divorcée [O], le dire infondé.

Vu l'article L.1471-1 du code du travail, issu de la loi du 14 juin 2013 (applicable jusqu'au 24 septembre 2017)

Déclarer prescrite la demande de requalification des deux CDD en date des 16 novembre 2015 et 30 décembre 2015, plus de deux ans s'étant écoulés entre la conclusion de ces contrats et la saisine du conseil de prud'hommes du 21 mars 2018 ou en tout état de cause entre le 30 décembre 2015 et le 21 mars 2018.

Confirmer le jugement dont appel.

Très subsidiairement sur le fond, au cas où par extraordinaire la prescription ne serait pas acquise :

Constater que le motif de recours à ces deux CDD était directement rattaché à la préparation de l'appel d'offres de la Ville de [Localité 4] pour le nouveau marché des cantines scolaires dont la date butoir du dépôt des candidatures était fixée au 10 mai 2017.

Constater que Madame [F] a bénéficié d'un contrat à durée indéterminée, immédiatement après les deux CDD portant le motif « poste en attente de mutation interne » qui n'ont duré que deux mois.

Débouter Madame [F] de sa demande de requalification et d'indemnité y afférente.

Débouter Madame [F] de sa demande tendant à faire reconnaître qu'elle aurait été victime de harcèlement moral de la part de Madame [A], chef de groupe, ainsi que de la demande d'indemnisation y afférente.

Confirmer le jugement dont appel.

Rejeter les attestations de Madame [L] et de Monsieur [B] [K] qui sont de pure complaisance, la première ne faisait plus partie de l'entreprise du temps de la salariée demanderesse, le second compagnon de la demanderesse était très souvent absent.

Constater que les dépôts de plainte et saisines prud'homales de Madame [U] et de Madame [S] n'avaient pas d'autre raison d'être que de tenter de conforter le dossier de Madame [F] et de tenter leur chance dans le cadre d'une procédure prud'homale et que ces salariées n'ont pas relevé appel des jugements qui les ont déboutées de leurs demandes relatives à harcèlement moral.

Constater et dire que l'enquête du CHSCT n'a pas permis de retenir que Madame [F] divorcée [O] ait été victime de harcèlement moral.

Constater qu'avant de déposer plainte auprès des services de police, Madame [O] n'a pas alerté la Direction de l'établissement ni le CHSCT, ni les délégués du personnel ni l'inspecteur du travail, ni le médecin du travail des problèmes qu'elle prétend avoir rencontrés avec Madame [A] sa supérieure hiérarchique mais a préféré rechercher une ligne purement contentieuse.

Constater que Madame [O] a passé le 14 octobre 2016 une visite chez le médecin du travail qui l'a déclarée apte sans aucune réserve, ce qui démontre qu'elle ne faisait pas l'objet de harcèlement de la part de Madame [A], alors qu'elle travaillait depuis 11 mois dans l'entreprise.

Constater diverses incohérences tant au niveau du comportement que des déclarations de Madame [O].

Dire qu'il n'y avait pas de lien entre les divers arrêts maladies constatés et le harcèlement prétendu.

Constater que Madame [F] a effectué une reprise du travail d'une dizaine de jours en septembre 2018.

Dire que Madame [F] n'a pas recherché de solution amiable, préférant le contentieux.

Dire que l'employeur n'a pas manqué à son obligation de sécurité de résultat et débouter Madame [F] de sa demande de dommages et intérêts.

Confirmer le jugement.

Dire que Madame [F] a été remplie de ses droits au titre de la prime de fin d'année puis du 13ème mois, en fonction de ses périodes de travail.

La débouter de sa demande de dommages et intérêts.

Confirmer le jugement.

La débouter de sa demande au titre de l'article 700 du CPC.

Condamner Madame [F] aux dépens.

La clôture de l'instruction de l'affaire a été prononcée par ordonnance du 15 décembre 2022.

SUR CE :

Sur la requalification de la relation contractuelle en contrat de travail à durée indéterminée :

Madame [Z] [F] fait valoir qu'elle a été employée dans le cadre de deux contrats de travail à durée déterminée des 16 novembre 2015 et 30 décembre 2015 qui font état du motif "poste en attente de mutation interne", motif qui n'entre aucunement dans le champ d'application de l'article L.1242-2 du code du travail ; que par ce seul fait, les contrats en cause doivent être requalifiés en contrat à durée indéterminée ; que l'employeur est bien incapable de rapporter la preuve de la réalité du motif ; que s'agissant de la prescription retenue par le Conseil, celui-ci a repris l'argumentation de la société SODEXO et retenu la position très récente de la Cour de Cassation, mais à la portée incertaine, quant au délai de prescription d'une action en requalification d'un contrat de travail à durée déterminée, fondée sur l'absence d'une mention au contrat, qui court à compter de la conclusion de ce contrat ; qu'en effet, cette solution extrêmement récente a une portée relative dans la mesure où elle ne vise que les actions fondées sur une absence de mention du recours au contrat de travail à durée déterminée ; il va de soi qu'une action en requalification fondée sur le défaut de justification, par l'employeur, de la réalité du motif lié à un surcroît d'activité ne saurait courir à compter du jour de la conclusion du contrat, dès lors qu'à cette date, le salarié ne disposait alors d'aucun moyen pour apprécier la réalité du motif ; que sur ce point justement, la Cour de cassation a rappelé dans un arrêt tout aussi récent du 8 novembre 2017 (Cass. soc, 08.11.2017, n° 16-17.499) que le délai de prescription ne court qu'à compter du terme du dernier contrat à durée déterminée, dès lors que le recours au CDD a pour objet ou pour effet de pourvoir un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise ; que partant, il est constant que l'action en requalification de Madame [O] n'est pas prescrite, de sorte qu'il conviendra de réformer la décision attaquée.

La SASU SOCIETE MARSEILLAISE DE RESTAURATION ET SERVICES (SMRS) invoque, à titre principal, que le délai de prescription de deux ans prévu par l'article L.1471-1 du code du travail, de l'action portant sur l'exécution ou la rupture du contrat de travail, se calcule à compter de la signature du contrat selon l'arrêt de la Cour de cassation du 3 mai 2018, n° 16-2643 ; que la salariée se prévaut d'un arrêt antérieur de la Cour de cassation du 8 novembre 2017, qui fait partir le délai de prescription de deux ans à compter du terme du dernier CDD ; qu'elle omet cependant de rappeler que le deuxième et dernier CDD a pris fin le 3 février 2016 et que la date de saisine du conseil de prud'hommes est du 21 mars 2018, soit plus de deux ans plus tard ; que la prescription est donc bien acquise quelle que soit l'interprétation du fondement de la demande de requalification et quel que soit l'arrêt de la Cour de cassation auquel on se réfère ; que c'est donc à bon droit que le conseil de prud'hommes a dit que l'action était prescrite et qu'il y a lieu de confirmer le jugement.

***

Madame [Z] [F] a été employée dans le cadre d'un premier contrat de travail à durée déterminée du 16 novembre 2015 jusqu'au 16 décembre 2015, puis dans le cadre d'un deuxième contrat de travail à durée déterminée du 30 décembre 2015 jusqu'au 3 février 2016. Elle a ensuite été employée dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée en date du 15 février 2016, à effet du 15 février 2016.

Elle a saisi la juridiction prud'homale d'une demande de requalification de ses contrats de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée par requête du 23 mars 2018, soit plus de deux ans après l'échéance du terme du deuxième contrat de travail à durée déterminée, ayant pris fin le 3 février 2016.

En conséquence, c'est à juste titre que le premier juge a dit que l'action en requalification de Madame [F] était prescrite.

Sur le harcèlement moral et le manquement de l'employeur à son obligation de sécurité :

Madame [Z] [F] soutient que ses conditions de travail se sont très rapidement dégradées en raison du comportement agressif et déstabilisant de sa responsable d'équipe, Madame [EF] [A]; que cette dernière a multiplié à son égard des brimades injustifiées, humiliations et autres critiques déstabilisantes devant le reste du personnel, de manière quasi quotidienne ; qu'elle lui adressait des consignes souvent décousues et incohérentes, ce qui empêchait une bonne exécution de ses tâches et conduisait à des critiques et moqueries de la part de Madame [A] ; que cette méthode de management était fréquente chez Madame [A], qui a rencontré des difficultés identiques avec d'autres salariées de la société, qui ont également porté plainte à son encontre pour le même motif de harcèlement moral ; que cette situation a entraîné une dégradation profonde des conditions de travail de Madame [F], mais aussi et surtout une grave détérioration de son état de santé ; qu'il convient par conséquent de condamner l'employeur au paiement de la somme de 30'000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral subi par la salariée.

La SASU SOCIETE MARSEILLAISE DE RESTAURATION ET SERVICES (SMRS) réplique que Madame [F], avant de déposer une plainte auprès des services de police, n'a pas alerté la Direction de l'établissement ni le CHSCT, ni les délégués du personnel, ni l'inspecteur du travail, ni le médecin du travail, des problèmes qu'elle prétend avoir rencontrés avec Madame [A], ce qui ne permet pas de présumer qu'elle ait été victime de harcèlement moral ; que dans le cadre de la plainte qu'elle a déposée le 28 juin 2017, Madame [F] fait référence au 2 avril 2017, date à laquelle elle aurait été rabaissée par Madame [A], sa responsable d'équipe ; que le 2 avril 2017 était un dimanche non travaillé, ce qui enlève toute crédibilité à la plainte de Madame [O] ; que l'appelante produit des attestations de salariés, Madame [L] et Monsieur [K], dont les pièces d'identité ne sont pas fournies et qui ne sont pas conformes à l'article 202 du code de procédure civile, et doivent donc être rejetées ; que l'appelante produit également les plaintes déposées le même jour auprès des services de police de deux collègues de travail, Madame [U] et Madame [S], qui ont saisi en même temps que Madame [F] le conseil de prud'hommes de demandes identiques et qui ont été déboutées par jugements du 3 juin 2019 de leurs demandes portant sur un prétendu harcèlement moral ; qu'elle produit également une plainte d'une autre salariée, Madame [W], qui emploie les mêmes mots que Madame [U] et qui n'a travaillé que 18 jours en qualité d'intérimaire pour le compte de la SOCIETE MARSEILLAISE DE RESTAURATION ET SERVICES ; que la réalité est toute autre : que Madame [EF] [A] a dû alerter le 3 juillet 2017 son supérieur hiérarchique, Monsieur [UU], par lettre remise en main propre, des insultes et menaces qu'elle recevait sur son portable de la part de certaines collaboratrices auprès desquelles elle avait dû intervenir auparavant en raison d'altercations ayant éclaté entre elles ; que par ailleurs, Madame [O] et Madame [A] étaient très amies et se fréquentaient dans la vie privée jusqu'au jour où elles se sont fâchées ; que Madame [A] entretenait également d'excellentes relations avec Madame [S] et Madame [U] ; que dès que la direction a eu connaissance de la plainte déposée par Madame [O], elle a demandé une enquête au CHSCT ; que le prétendu harcèlement exercé par Madame [A] à l'égard de Madame [O] n'a pas été retenu par les membres du CHSCT qui ont seulement constaté un peu trop de fermeté de la part de la première à l'égard des membres de son équipe ; que de plus, l'arrêt maladie initial du 19 avril 2017 n'a pas fait l'objet d'une prolongation à la date du 23 mai 2017 mais a fait l'objet d'un autre avis d'arrêt de travail initial, ce qui démontre que la cause était différente ; qu'il en sera de même le 26 juin 2017, date d'un nouvel avis d'arrêt de travail initial, tous les avis d'arrêt de travail émanant de médecins différents à des adresses différentes ; que la salariée a fait l'objet d'un nouvel avis d'arrêt de travail initial le 28 août 2017 ; qu'il s'agit à chaque fois d'un autre motif de maladie et non d'une prolongation du précédent arrêt maladie ; que la salariée ne peut donc faire le lien entre divers arrêts maladies et le harcèlement allégué ; que Madame [F], après une visite de reprise le 28 août 2018, a repris le travail et a été en arrêt de travail maladie à partir du 12 septembre 2018, l'intéressée étant enceinte depuis fin juillet 2018 ; qu'elle est en congé parental depuis le 15 septembre 2019 ; que l'appelante, qui n'a pas établi la matérialité de faits précis et concordants, doit être déboutée de sa prétention au titre d'un harcèlement moral.

***

À l'appui de sa revendication, Madame [Z] [F] produit les attestations de Madame [AE] [L] et de Monsieur [B] [K], auxquelles ne sont pas jointes les copies des pièces d'identité de leurs auteurs, de sorte qu'il n'est pas possible d'authentifier leurs signatures. Ces attestations sont donc écartées des débats.

Madame [F] verse par ailleurs les éléments suivants :

-une attestation de paiement des indemnités journalières de la sécurité sociale dont il résulte que la salariée a été en arrêt de travail pour maladie sur la période du 10 janvier au 20 janvier 2017 et à compter du 19 avril 2017 jusqu'au 20 mai 2017, puis à compter du 26 mai 2017 jusqu'au 10 juillet 2017 et à compter du 28 août 2017 jusqu'au 3 novembre 2017 ;

-une attestation de suivi individuel du 23 mai 2017 de la médecine de travail concluant, lors de la visite de reprise, à l' "incompatibilité temporaire avec le poste de travail. A revoir lors de la reprise " ;

-le procès-verbal de dépôt de plainte de Madame [Z] [F] le 28 juin 2017 devant le commissariat de [Localité 4], 8ème arrondissement, l'intéressée déclarant : « Ce jour du 02 avril 2017, Madame [A] [EF], ma responsable d'équipe, m'a à nouveau rabaissée devant tout le monde.

C'est une habitude pour elle depuis 2 ans que je travaille sous ses ordres.

Ce sont toujours de petites remarques qui, prises séparément ne sont pas trop méchantes, mais elles sont constantes, et au bout du compte, m'humilient, m'étouffent, finissent par me rendre folle.

Elle utilise des ordres et des contre ordres juste pour avoir une raison de me crier dessus, j'ai l'impression qu'elle prend du plaisir à ça et aussi à me rabaisser devant les autres.

Je ne suis pas la seule dans ce cas là, beaucoup d'autres ont déjà craqué' » ;

-le courrier recommandé du 5 juillet 2017 adressé par Madame [Z] [F] et réceptionné par la SOCIETE MARSEILLAISE DE RESTAURATION ET SERVICES le 10 juillet 2017, ayant pour "objet: signalement de propos et d'attitude de dénigrement de la part de la responsable des alergie-Régime", en ces termes [sic] :

« Je soussignée Mme [O] [Z] salariée de l'entreprise SODEXO depuis 2 ans au poste en tant qu'employer du Service du Régime.

Je suis au reglée de devoir vous informée que j'ai subie cotidiennements des arcèlement moral

rapaisement, discrimination raciale, pression, humiliations de la part de [EF] [A], Responsable du service Régime.

En effet actuellement en arrêt de travail qui ma était fait par le médecin de travaille suite à ma santé j'ai eu beaucoup de preciont par la suite je voyait que le suicide.

Extrêmement afecté par ces agissements répétés, je vous demande d'intervenir au plus vite afin de me permettre de poursuivre ma mission au sein de l'entreprise dans des conditions relationnelles normales.

Sans réponse ou action concrète de votre part, je m'en remettrai dans un premier temps au médecin du travail, avant le cas échéant, de saisire le tribunal compétent pour violation de l'article L.1152-1 du code du travail.

Je joint à mon courier une plainte déposé contre Mme [A] [EF] » ;

-le procès-verbal d'audition devant les services de police en date du 29 juin 2017 de Madame [V] [S], aide cuisinière, qui déclare : « Ce jour du 13 juin 2017, une fois de plus, Madame [A] [EF] m'a harcelée et humiliée au téléphone.

Elle a l'habitude de ces faits, mais cela peut aussi se dérouler devant les collègues.

Je sais qu'elle a quelques problèmes avec l'alcool.

Elle est toujours en train de me donner des ordres et des contre ordres pour pouvoir trouver une excuse pour me crier dessus.

J'ai l'impression qu'elle prend du plaisir à me crier dessus à moi et à mes collègues avec qui je travail sous ses ordres.

Elle tente par tous les moyens de nous monter les uns contre les autres en allant jusqu'à nous dire des mensonges et à nous téléphoner sur nos portables en dehors des heures de travail.

Elle a au début essayé de nouer des liens d'amitié avec nous, mais c'était pour mieux nous manipuler, je l'ai compris à présent.

Elle a continuellement des sautes d'humeur, on ne sait jamais sur quel pied danser et à quelle sauce elle va nous manger.

Il y a 2 semaines j'ai eu deux grosses crises d'angoisse, et je suis sûre que c'est par le stress qu'elle me transmet que c'est arrivé.

J'ai un certificat de mon médecin attestant de ma santé dégradée à cause d'elle.

Je ne dormais plus la nuit, je n'en pouvais plus.

J'ai pu tenir le coup jusque-là grâce à mon enfant que j'ai inscrit dans une école privée payante.

J'en veux énormément à l'entreprise SODEXO par rapport à leur silence alors que les dirigeants étaient au courant de ce que l'on subissait.

Je viens ici aujourd'hui pour ne plus qu'une autre personne ne subisse les mêmes traitements au sein de cette entreprise.

Je dépose plainte contre Madame [A] [EF] pour les faits ci-dessus relatés' » ;

-le procès-verbal d'audition du 28 juin 2017 de Madame [J] [U], qui déclare :

« Ce jour 23 mai 2017, Madame [A] [EF], ma responsable d'équipe m'a à nouveau rabaissée devant tout le monde.

C'est une habitude pour elle depuis 2 ans que je travaille sous ses ordres.

Ce sont toujours de petites remarques qui, prises séparément ne sont pas trop méchantes, mais elles sont constantes et au bout du compte m'humilient, m'étouffent, finissent par me rendre folle.

Elle utilise des ordres et des contre ordres justes pour avoir une raison de me crier dessus, j'ai l'impression qu'elle prend du plaisir à ça et aussi à me rabaisser devant les autres.

Je ne suis pas la seule dans ce cas là, beaucoup d'autres ont déjà craqué et soit changé de poste, soit carrément quitté l'entreprise.

Je ne suis d'ailleurs aujourd'hui pas la seule à venir déposer plainte pour harcèlement contre elle puisque j'ai deux collègues avec moi qui viennent pour les mêmes raisons et d'autres.

Je dépose plainte contre Madame [A] [EF] pour les faits ci-dessus relatés' » ;

-le procès-verbal d'audition devant les services de police en date du 28 juin 2017 de Madame [UR] [W] épouse [ZD], aide cuisinière, qui déclare : « Ce jour du 23 juin 2017, Madame [A] [EF], ma responsable d'équipe m'a à nouveau rabaissée devant tout le monde.

C'est une habitude pour elle depuis 2 mois et demi que je travaille sous ses ordres.

Ce sont toujours de petites remarques qui, prises séparément ne sont pas trop méchantes, mais elles sont constantes, et au bout du compte, m'humilient, m'étouffent, finissent par me rendre folle.

J'ai le sentiment qu'en plus, ce sont des remarques racistes.

Elle utilise des ordres et des contre ordres juste pour avoir une raison de me crier dessus, j'ai l'impression qu'elle prend du plaisir à ça et aussi à me rabaisser devant les autres.

Je ne suis pas la seule dans ce cas là, beaucoup d'autres ont déjà craqué et soit changé de poste, soit carrément quitté l'entreprise.

Je ne suis d'ailleurs aujourd'hui pas la seule à venir déposer plainte pour harcèlement contre elle puisque j'ai deux collègues avec moi qui viennent pour les mêmes raisons et d'autres.

Elle essaye de nous monter les uns contre les autres au niveau de mes collègues et moi.

Mais ce jour là, c'était la fois de trop.

Alors qu'elle me criait à nouveau dessus devant son chef, j'ai commencé à voir tout flou et je suis tombé en arrière.

C'était le trop-plein de stress qu'elle nous colle dessus constamment qui avait explosé.

Au lieu d'appeler les pompiers, elle m'a dit : "Lève-toi, lève-toi, ça ne sert à rien".

Mais moi j'étais vraiment mal.

C'est la grande responsable qui a fini par appeler les pompiers et mon mari.

Les pompiers sont arrivés et ont pris ma tension qui était à 6, 18!!!

Je vous remets leur rapport à annexer.

Le médecin de l'hôpital m'a délivré un arrêt maladie, mais mon médecin traitant lorsque je suis allé le voir le lundi me l'a changé en "accidents du travail".

Je dépose plainte contre Madame [A] [EF] pour les faits ci-dessus relatés' » ;

-le procès-verbal de la réunion des délégués du personnel, 1er collège, du 21 mars 2017, qui mentionne :

« Questions des Délégués du Personnel et réponses de la direction

Nous souhaitons revenir sur le mal-être ressenti par les salariés en production entraîné par une organisation et un management à revoir.

-$gt; La direction a besoin de plus de précisions pour pouvoir analyser la situation.

De quel mal-être parle-t-on ' Qui est concerné par cette question ' Quelle organisation ' Quel management'

Si il s'agit du conditionnement :

L'atelier conditionnement fait l'objet d'une réflexion organisationnelle'

S'il s'agit du management :

La direction a besoin de plus de précisions sur le terme 'management à revoir'.

Nos managers ont pour mission de superviser le travail des équipes. Ils donnent des consignes précises, suivant la progression au cours de la journée, et donne la cadence de travail pour atteindre des objectifs »;

-une prescription médicamenteuse du 3 octobre 2017 pour une durée de 15 jours ;

-un certificat du 12 octobre 2017 du Docteur [Y] [JS], médecin psychiatre, qui « certifie suivre Madame [Z] [O] pour des troubles psychologiques réactionnels en conflit professionnel, depuis le 3/10/17 ».

Madame [Z] [F] présente ainsi des éléments de fait qui laissent supposer l'existence d'un harcèlement. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

La SASU SOCIETE MARSEILLAISE DE RESTAURATION ET SERVICES produit les éléments suivants:

-les attestations en date du 10 juillet 2018 de Madame [EF] [A], chef de groupe, qui déclare :

« Avoir reçu amicalement à plusieurs reprises à mon domicile Madame [O] [Z] et ses trois filles pour déjeuner et dîner. Pendant les vacances d'été de 2016 j'ai invité Madame [O] et ses trois filles, à deux reprises, à venir se baigner dans ma piscine, dont une fois où étaient également présents mon neveu Mr [D] [CN] sa femme et leur fille. Les enfants de Madame [Z] [O] et la fille de mon neveu ont joué ensemble dans la piscine lorsque nous les adultes discutions tous ensemble dans la bonne humeur. J'ai également invité Madame [O] et son compagnon Mr [K] [B] à prendre un café à la maison.

Pour la rentrée scolaire 2016, j'ai pu accompagner Madame [O] faire les achats des fournitures scolaires de ses enfants, une autre fois je l'ai accompagné pour aller voir des frigos chez Électro Dépôt de la Valentine », de même qu'elle déclare « avoir reçu amicalement à plusieurs reprises à mon domicile Madame [U] [J], pour déjeuner ou boire un café après notre travail. Pour mes 48 ans, le 05/04/17 Madame [J] [U] et Madame [S] m'ont offert un parfum HERMES. J'entretenais avec Madame [U] une relation amicale, il nous est arrivé régulièrement de nous appeler le soir à notre domicile pour discuter » et enfin, elle déclare « avoir reçu amicalement à plusieurs reprises à mon domicile Madame [S] [V], pour déjeuner ou boire un café après notre travail. J'ai eu l'occasion de l'inviter chez moi pour manger des pizzas. De plus pour mon anniversaire le mercredi 5 avril 2017, j'ai été invitée chez Madame [V] [S] avec Madame [J] [U], [E] [I]. A cette occasion Mesdames [S] [V] et [J] [U] m'avaient offert un parfum Hermès. Nous avons eu également l'occasion d'aller faire des courses ensemble chez Truffaut [Localité 3] un samedi puis finir l'après-midi dans une brasserie d'Auchan nous avons pris un verre avec sa cousine qui nous avait rejoint » ;

-un courrier du 3 juillet 2017 de Madame [EF] [A] remis en main propre à Monsieur [X] [UU], en ces termes : « Par la présente, je souhaite vous signaler les propos et attitudes de dénigrements de la part de mes anciennes collaboratrices régime en effet, je subis depuis un certain temps via mon portable privé des insultes des menaces de la part de ces personnes. Je suis aujourd'hui très affecté par ces agissements à mon encontre. En sachant que, plusieurs altercations ont éclaté entre ces personnes d'où j'ai dû intervenir et prévenir ma hiérarchie. Dans l'attente d'une réponse et surtout d'une réaction rapide de votre part » ;

-l'attestation du 5 juillet 2018 de Monsieur [TN] [R], Directeur Technique de la cuisine centrale de [Localité 4], qui rapporte « avoir vu Madame [EF] [A], [V] [S] et [J] [U] un samedi à la terrasse d'une brasserie, se situant à la [Adresse 5] au centre commercial Auchan à [Localité 3].

Ces personnes étaient en train de prendre une consommation ensemble et l'ambiance était chaleureuse » ;

-un message de "[J]" : « Coucou [EF]. J'avais rien contre toi mais je pouvais plus continuer comme ça sinon j'allais péter les plombs alors j'ai préférer partir à tout qu a moi. J'ai bien cerner [N] et je peux te dire qu Elle est 2 fois plus dangereuse que [KV] fait attention à toi. tu t en rendras compte avec le temps. Sinon j'ai trouvé du travail' Biz peut-être à bientôt quand LA haine partira » ;

-le courrier du 13 juillet 2017 de [H] [T], Présidente du CHSCT Sud Est (également Directrice Adjointe - Affaires Sociales), à Madame [Z] [F] en réponse au courrier de cette dernière du 5 juillet 2017, lui annonçant qu'une enquête du CHSCT allait être diligentée et que Madame [YD], Responsable Ressources Humaines, prendrait contact avec la salariée dans les prochains jours ;

-un courriel du 25 août 2017 de Madame [H] [T] adressé aux membres du CHSCT pour leur annoncer le déclenchement de l'enquête qui sera diligentée le 13 septembre 2017 à 14h30 ;

-l'imprimé Cerfa de résumé de l'enquête du CHSCT effectuée les 13 et 25 septembre 2017, indiquant :

« Madame [Z] [O], Madame [EF] [A] et Monsieur [G] [TR], Responsable de la production ont été successivement entendus. Les auditions ont mis en exergue une amitié qui s'est dégradée entre Madame [Z] [O] et Madame [EF] [A], des relations conflictuelles entre Madame [Z] [O] et ses collègues de travail de l'atelier régime, des incohérences dans les accusations de Madame [Z] [O], et par le management très directif de Madame [EF] [A] » et proposant les mesures de prévention suivantes :

« -Organiser une visite médicale auprès du médecin du travail pour Madame [Z] [O]

- Accompagner et proposer une formation en "management" à Madame [EF] [A]

- Aménager la cohabitation entre Madame [Z] [O] qui s'est considérée comme harcelée et Madame [EF] [A] qui a été accusée à tort ; la direction devra être vigilant lors du retour de maladie de Madame [Z] [O].

- Ne plus faire travailler ensemble Madame [Z] [O] et Madame [EF] [A].

- Proposer aux deux collaboratrices une rencontre et un suivi avec un psychologue du travail des équipes de l'AISMT » ;

-des échanges de courriels avec validation du PV Cerfa de Monsieur [LY] [RK] le 8 novembre 2017 et de Monsieur [YA] [C] le 10 novembre 2017, tous deux membres du CHSCT ;

-la fiche d'aptitude médicale du 14 octobre 2016, le médecin du travail ayant déclaré Madame [Z] [F] apte au poste ;

-un courrier du 28 août 2017 de Monsieur [X] [UU], Directeur d'Exploitation, adressé à Madame [Z] [F] en ces termes : « Pour faire suite au courrier adressé par Madame [H] [T], présidente du CHSCT Sud Est, je vous ai adressé un courrier recommandé pour vous proposer de rencontrer Madame [P] [YD] le jour de votre reprise d'activité soit le 29 août 2017.

Cependant, vous n'avez pas accusé réception de ce courrier.

Dans ces conditions, nous vous invitons à vous présenter le mardi 05 septembre 2017 à 11h30.

En cas d'empêchement, je vous invite à prendre contact avec elle afin de déterminer d'un autre rendez-vous »;

-les avis d'arrêt de travail de Madame [Z] [F] des 19 avril 2017, 23 mai 2017, 26 juin 2017, 28 août 2017 jusqu'au 16 septembre 2017 et prolongé du 17 septembre 2017 jusqu'au 31 octobre 2017;

-les procès-verbaux de réunions des délégués du personnel des 16 mai 2017 et 27 juin 2017 ;

-le contrat temporaire Manpower concernant l'emploi de Madame [UR] [ZD] (née [W]) sur la période du 6 juin 2017 au 23 juin 2017 ; la déclaration d'accident de travail du 23 juin 2017 indiquant que « le responsable production debriefe la journée de travail avec Mme [ZD] [UR], lorsque celle-ci a fait un malaise et a chuté » ;

-les jugements du 3 juin 2019 du conseil de prud'hommes de Marseille ayant débouté Madame [J] [U] et Madame [V] [S] de leurs demandes au titre d'un harcèlement moral ;

-l'attestation de formation à laquelle a participé Madame [EF] [A] les 21 et 22 décembre 2017 sur le "management opérationnel" (manager avec bienveillance, anticiper les conflits, prendre du recul, analyser la situation').

*

Alors que la plainte déposée par Madame [Z] [F] le 28 juin 2017, outre qu'elle fait état d'un fait datant du 2 avril 2017 (dimanche 2 avril 2017, jour non travaillé), invoque de manière imprécise des événements non datés et non circonstanciés (des "petites remarques", des agissements humiliants de sa responsable d'équipe, des ordres et contre ordres) qui ne sont aucunement corroborés par les procès-verbaux de dépôt de plainte de Mesdame [V] [S], [J] [U] et [UR] [ZD], chacune de ces plaignantes relatant des faits la concernant et non des agissements dont aurait été victime Madame [F] et deux d'entre elles, Mesdames [U] et [S], ayant vu leur demande rejetée définitivement au titre d'un harcèlement moral, la SASU SOCIETE MARSEILLAISE DE RESTAURATION ET SERVICES produit des pièces contredisant les éléments versés par la salariée, notamment le résumé de l'enquête du CHSCT qui évoque des relations amicales entre les protagonistes en dehors du travail, qui se sont dégradées, des incohérences dans les accusations de Madame [Z] [F] et par ailleurs, un management "très directif" de Madame [EF] [A], sans pour autant que ne soit établie la réalité de propos blessants ou humiliants ou d'agissements de la responsable de service constitutifs d'un harcèlement moral.

Par ailleurs, la salariée a connu plusieurs arrêts de travail distincts, pour des motifs médicaux non justifiés, et le seul certificat de son médecin psychiatre rapportant les dires de Madame [O] est insuffisant à établir le lien entre ses "troubles psychologiques réactionnels" et des agissements de harcèlement.

Enfin, il résulte des éléments versés par l'employeur que ce dernier a immédiatement sollicité une enquête auprès du CHSCT et a proposé à Madame [F] une rencontre aux fins de préparer sa reprise de poste.

Ainsi, au vu des éléments versés par les parties, la Cour confirme le jugement en ce qu'il n'a pas retenu l'existence d'un harcèlement moral subi par Madame [F] et en ce qu'il a débouté celle-ci de ses demandes d'indemnisation au titre d'un harcèlement moral et au titre d'une violation par l'employeur de l'obligation de sécurité.

Sur l'exécution déloyale du contrat de travail :

Madame [Z] [F] soutient que l'employeur a gravement manqué à son obligation d'exécuter de bonne foi le contrat de travail en ne lui versant pas son 13e mois, prévu par l'article 16.3 de la convention collective du personnel des entreprises de restauration collective ; qu'en premier lieu, elle a été injustement privée de sa prime de 13e mois par le fait exclusif de l'employeur qui l'a maintenue pendant 3 mois dans une relation précaire, sans jamais reprendre son ancienneté ; que le point de départ du calcul de l'ancienneté d'un an, impérative pour bénéficier du versement de la prime de 13e mois, s'est retrouvé décalé illégitimement du fait que l'employeur a pris en compte son ancienneté au début du contrat à durée indéterminée, alors que sa présence dans les effectifs remontait au 16 novembre 2015 ; qu'il lui est dû un rappel de salaire de 479,59 euros outre les congés payés afférents au titre de rappel de primes de fin d'année sur la période comprise entre le 16 novembre 2015 et le 16 novembre 2016 ainsi qu'au titre du paiement de la prime de 13e mois à compter du 17 novembre 2016, au prorata du temps de présence.

Madame [Z] [F] réclame par ailleurs la réparation du préjudice subi du fait de l'exécution déloyale du contrat de travail par l'employeur à hauteur de 5000 euros à titre de dommages et intérêts.

La SASU SOCIETE MARSEILLAISE DE RESTAURATION ET SERVICES fait valoir que Madame [F] a bien perçu la prime de fin d'année à la fin du CDD du 16 novembre 2015 au 16 décembre 2015 pour un montant de 102,87 euros brut et la prime de fin d'année du CDD du 30 décembre 2015 au 3 février 2016 pour un montant de 106,40 euros brut ; que sur l'année 2016, le CDI ayant débuté le 15 février 2016, la salariée a perçu une prime de fin d'année d'un montant de 781,58 euros ; que sur l'année 2017, la salariée ayant acquis un an d'ancienneté à partir du 15 février 2017, elle a pu prétendre au paiement d'un 13e mois, mais la période de maladie qui a débuté le 14 avril 2017 jusqu'à la fin de l'année n'entre pas en compte pour le calcul de celui-ci ; que la salariée a perçu au titre du 13e mois la somme de 538,32 euros ; qu'elle a donc bien été remplie de ses droits et qu'elle doit être déboutée de ses demandes.

***

En l'absence de requalification des contrats de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée, il ressort des bulletins de salaire de Madame [F] que celle-ci a perçu, à l'échéance du premier contrat à durée déterminée, la prime de fin d'année d'un montant brut de 102,87 euros et, à l'échéance du deuxième contrat à durée déterminée, la prime de fin d'année d'un montant brut de 106,40 euros, dont il n'est pas discuté que ladite prime correspond à 80 % du salaire plancher du niveau 1, perçue au prorata du temps de présence de la salariée dans l'entreprise (sous déduction des absences pour maladie).

Dans le cadre du contrat de travail à durée indéterminée en date du 15 février 2016, n'ayant pas succédé immédiatement à l'échéance du deuxième CDD ayant pris fin le 3 février 2016, Madame [F] avait acquis une ancienneté d'un an à la date du 15 février 2017.

Alors que la prime de 13ème mois a été instaurée par les dispositions conventionnelles applicables à compter du 1er janvier 2017, Madame [Z] [F] a perçu, au titre de l'année 2016 au prorata de son temps de présence dans l'entreprise, la somme brute de 781,58 euros à titre de prime de fin d'année (selon bulletin de salaire de décembre 2016).

Au mois de décembre 2017, elle a bien perçu la prime de 13ème mois d'un montant brut de 538,32 euros au prorata de son temps de présence sur l'année 2017 (du 1er janvier au 19 avril 2017), étant observé que sur la période du 1er janvier au 14 février 2017, la salariée avait droit à la prime de fin d'année (80 % du salaire mensuel) et que, sur la période du 15 février 2017 au 19 avril 2017, la salariée avait droit au 13ème mois. Par conséquent, les calculs présentés par Madame [F] au titre d'un 13ème mois qui lui serait dû sur 2016 et sur 2017 (jusqu'au 14 février 2017 et au-delà) sont inexacts.

La Cour constate donc que Madame [F] a été remplie de ses droits au titre du versement de la prime de fin d'année et de la prime de 13ème mois. Il y a lieu de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la salariée de ses demandes en paiement d'un rappel de prime de fin d'année et de 13ème mois et de congés payés afférents, ainsi que de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail au titre du défaut du versement intégral des primes de fin d'année et de 13ème mois.

Sur l'article 700 du code de procédure civile :

L'équité n'impose pas qu'il soit fait application, au cas d'espèce, des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant par arrêt contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2ème alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et en matière prud'homale,

Confirme le jugement en toutes ses dispositions,

Condamne Madame [Z] [F] aux dépens d'appel et dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

Ghislaine POIRINE faisant fonction


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-1
Numéro d'arrêt : 19/10485
Date de la décision : 05/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-05;19.10485 ?
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