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05/05/2023 | FRANCE | N°19/08307

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-3, 05 mai 2023, 19/08307


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-3



ARRÊT AU FOND



DU 05 MAI 2023



N° 2023/ 89



RG 19/08307

N° Portalis DBVB-V-B7D-BEJ7J







[J] [N]





C/



SARL GROUPE RESEAU COMMUTATION SECURITE (G.R.C.S.)

















Copie exécutoire délivrée le 5 Mai 2023 à :



-Me David ZIMMERMANN, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

V377



- Me Johan DADOUN, avocat au barreau de MARS

EILLE

































Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE en date du 23 Avril 2019 enregistré au répertoire général sous le n° 18/01871.





APPELANT



Monsieur [J] [N...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-3

ARRÊT AU FOND

DU 05 MAI 2023

N° 2023/ 89

RG 19/08307

N° Portalis DBVB-V-B7D-BEJ7J

[J] [N]

C/

SARL GROUPE RESEAU COMMUTATION SECURITE (G.R.C.S.)

Copie exécutoire délivrée le 5 Mai 2023 à :

-Me David ZIMMERMANN, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

V377

- Me Johan DADOUN, avocat au barreau de MARSEILLE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE en date du 23 Avril 2019 enregistré au répertoire général sous le n° 18/01871.

APPELANT

Monsieur [J] [N], demeurant [Adresse 2]

représenté par Me David ZIMMERMANN, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

INTIMEE

SARL GROUPE RESEAU COMMUTATION SECURITE (G.R.C.S.), demeurant [Adresse 1] / France

représentée par Me Johan DADOUN, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 21 Février 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre

Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller faisant fonction de Président

Madame Isabelle MARTI, Président de Chambre suppléant

Greffier lors des débats : Madame Florence ALLEMANN-FAGNI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 05 Mai 2023.

ARRÊT

CONTRADICTOIRE

Prononcé par mise à disposition au greffe le 05 Mai 2023

Signé par Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre et Madame Florence ALLEMANN-FAGNI, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS- PROCEDURE-PRETENTIONS DES PARTIES

La société Groupe Réseau Communication Sécurité dite GRCS créée en avril 2006 et ayant pour gérants MM. [S] [X] et [Z], et pour siège social [Localité 3], a pour activité «installateur en téléphone en alarme en informatique et encourants faibles l'achat la vente la location la représentation de téléphone alarme informatique».

Cette société a embauché le 1er mai 2012 M. [J] [N] né le 5 janvier 1954, en qualité d'employé coefficient 145 de la convention collective de la métallurgie des Bouches du Rhône.

Le 21 mai 2015, le salarié a crée à son domicile de Sanary s/Mer une société par actions simplifiée à associé unique dénommée [J] [N] Telecom, ayant pour objet «l'audit et le conseil en téléphonie, la vente et l'achats de produits de la téléphonie fixe et mobile, les réseaux informatiques».

Le salarié a pris sa retraite à la fin de l'année 2015 et a été embauché à nouveau par la société GRCS à compter du 1er janvier 2016 dans les mêmes fonctions, à temps partiel de 134,33 heures par mois, pour un salaire brut de 1 313,39 euros.

Le salarié a été convoqué le 7 septembre 2016 à un entretien préalable au licenciement prévu le 16 septembre suivant, avec une mise à pied à titre conservatoire et une interdiction d'utiliser le véhicule de fonction outre une demande de restitution de celui-ci.

Par lettre recommandée du 1er octobre 2016, M. [N] a été licencié pour faute lourde.

Selon requête du 23 février 2017, le salarié a saisi le conseil de prud'hommes de Marseille aux fins notamment de contester son licenciement.

L'affaire a été radiée le 26 juin 2017 et réinscrite au rôle le 14 septembre 2018.

Selon jugement du 23 avril 2019 le conseil de prud'hommes a statué comme suit :

Dit ne pas avoir lieu à sursis à statuer.

Déboute M. [N] de l'ensemble de ses demandes.

Déboute la société GRCS de sa demande reconventionnelle au paiement de la somme de 78 089,61 euros au titre de son préjudice économique lié aux agissements fautifs de M. [N].

Condamne M. [N] à payer la somme de 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

Le conseil de M. [N] a interjeté appel par déclaration du 21 mai 2019.

Aux termes de ses dernières conclusions transmises au greffe par voie électronique le 27 janvier 2023, M. [N] demande à la cour de :

«Réformer le jugement du Conseil de Prud'hommes de Marseille du 23 avril 2019

Statuer à nouveau et,

I. Constater que la mise en retraite est illégale

II. Constater la prescription des faits reprochés qui sont connus depuis plus de deux mois

III. Constater que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse

IV. Constater l'exécution fautive et déloyale du contrat de travail

V. Constater l'absence de paiement des primes dues

VI. Constater l'embauche à temps complet et les 5 ans d'ancienneté

En conséquence :

Condamner l'employeur au paiement des sommes de :

- 2 520 € au titre d'indemnité de mise à la retraite

- 18 000 € à titre de dommage et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

- 1 482,89 € au titre du préavis + CP y afférents

- 5 000 € à titre de comportement déloyal et préjudices distincts lié à la brutalité de la rupture

- 89 612.30 € a titre de primes impayés

- 1 695 € au titre de la qualification du 2 ème contrat de travail à temps complet

- 1 400 € au titre du paiement de la mise à pied

Fixer le salaire pour 151.67h à 1 482 €/brut par mois hors primes.

Ordonner la remise des bulletins de salaire et de fin de contrat rectifiés des fonctions exercées sous astreinte de 200 euros par jour

Le tout avec intérêts légaux à compter du jour de la demande

Condamner l'employeur en tous les dépens et condamner l'employeur au paiement de la somme de 2 000€ au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.»

Dans ses dernières écritures transmises au greffe par voie électronique le 14 novembre 2019, la société demande à la cour de :

«In Limine Litis et à titre principal

ORDONNER le sursis à statuer dans l'attente de l'issue de la procédure pénale actuellement en cours ;

STATUER ce que de droit en matière de dépens.

A titre subsidiaire et au fond

CONSTATER que Monsieur [J] [N] a fait un usage abusif et personnel de la carte bancaire mise à sa disposition par la Société GRCS ;

CONSTATER que Monsieur [J] [N] a procédé à un détournement massif et personnel de la clientèle de la Société GRCS ;

CONSTATER que Monsieur [J] [N] a persisté à utiliser le véhicule mis à sa disposition par la Société GRCS à des fins personnels après la notification de la mise à pied à titre conservatoire et encore après la tenue de l'entretien préalable ;

CONSTATER que Monsieur [J] [N] a manifesté une réelle intention de nuire dans le détournement massif et personnel de la clientèle de la Société GRCS ;

CONSTATER que les commissions sollicitées par Monsieur [J] [N] pour la période comprise entre le mois de juin 2012 et le mois d'octobre 2013 sont manifestement prescrites ;

CONSTATER que Monsieur [J] [N] ne justifie nullement du fondement contractuel des commissions sollicitées c'est-à-dire de l'accord des parties dans leur principe et encore dans la détermination de leur modalité de calcul ;

CONSTATER que Monsieur [J] [N] ne justifie nullement de la réalité du travail commercial prétendument accompli au bénéfice des commissions sollicitées ;

EN CONSEQUENCE,

CONFIRMER le jugement rendu par le Conseil des prud'hommes de Marseille le 23 avril 2019 en ce qu'il a dit et jugé la mesure de licenciement prononcée à l'encontre de Monsieur [J] [N] fondée sur une faute lourde ;

DIRE ET JUGER la mesure de licenciement prononcée à l'encontre de Monsieur [J] [N] fondée sur une faute lourde ;

DEBOUTER purement et simplement Monsieur [J] [N] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;

CONDAMNER Monsieur [J] [N] au paiement de la somme de 78.089,61 euros au titre de son préjudice économique lié aux agissements fautifs de Monsieur [N] par réformation du jugement rendu par le Conseil des prud'hommes de Marseille le 23 avril 2019 ;

CONDAMNER Monsieur [J] [N] au paiement de la somme de 3.500 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure civile ;

CONDAMNER Monsieur [J] [N] au paiement des entiers dépens.»

Pour l'exposé plus détaillé des prétentions et moyens des parties, il sera renvoyé, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, aux conclusions des parties sus-visées.

MOTIFS DE L'ARRÊT

A titre liminaire, la cour rappelle qu'en application des dispositions de l'article 954 du code de procédure civile , elle ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et que les «dire et juger» et les «constater» ainsi que les «donner acte» ne sont pas des prétentions en ce que ces demandes ne confèrent pas de droit à la partie qui les requiert hormis les cas prévus par la loi; en conséquence, la cour ne statuera pas sur celles-ci, qui ne sont en réalité que le rappel des moyens invoqués.

Sur la demande de sursis à statuer

La société, au visa des articles 378 & suivants du code de procédure civile et de l'article 4 du code de procédure pénale demande dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, un sursis à statuer dans l'attente de l'issue de la procédure pénale.

Elle indique avoir déposé plainte pour des faits d'abus de confiance le 29 novembre 2016 soit avant la saisine du conseil de prud'hommes mais avoir reçu une décision de classement sans suite prise le 6 août 2018.

Estimant l'enquête préliminaire lacunaire, elle a déposé une plainte avec constitution de partie civile auprès du juge d'instruction le 31 janvier 2019 et a payé la consignation mise à sa charge le 30 août 2019.

Compte tenu du délai déjà écoulé depuis ces actes, il serait déraisonnable d'ordonner un sursis à statuer alors même que M. [N] n'a pas même été mis en examen voire auditionné, de sorte que la cour confirme la décision entreprise qui a refusé le sursis à statuer.

Sur la mise en retraite

Le salarié indique qu'il a été mis en retraite par son employeur sans respect de la procédure ni du préavis, ce qui s'analyse selon lui, en un licenciement abusif.

Comme l'indique la société, il résulte du courrier daté du 1er octobre 2015 émanant de M. [N] que celui-ci a confirmé sa demande de mise à la retraite, précisant un numéro de dossier auprès de la Carsat et il résulte des échanges subséquents de courriels entre les parties notamment celui du 19 décembre 2015 que le salarié demandait à cumuler sa pension de retraite et un salaire net d'environ «1 100 à 1 200 net».

En conséquence, c'est en toute mauvaise foi que le salarié prétend que sa mise en retraite serait illégale et dès lors, il doit être débouté de sa demande d'indemnité.

Sur le contrat de travail à temps partiel

L'appelant reproche au conseil de prud'hommes de n'avoir pas répondu à sa demande, arguant que le contrat de travail à temps partiel doit mentionner la durée hebdomadaire ou mensuelle du travail prévue ainsi que la répartition de cette durée entre les jours de la semaine ou les semaines du mois et qu'à défaut, il doit être requalifié à temps complet.

La société n'a pas répondu sur ce chef de deamnde.

Il résulte des échanges de courriels de fin décembre 2015 que le salarié s'est vu proposer, d'abord un temps partiel de 25,5h et sur sa demande, le gérant a demandé à son comptable le 22 décembre 2015 de lui calculer un salaire proche de 1 200 euros avec les charges mais le contrat de travail à temps partiel transmis le 10 février 2016 par le comptable n'a jamais été signé par les parties.

En l'absence de contrat écrit et celui présenté aux débats en pièce n°42 par la société ne comportant pas les mentions obligatoires prévues aux articles L.3123-6 & suivants du code du travail, la requalification du contrat à temps complet s'impose.

L'appelant réclame à ce titre dans son dispositif la somme de 1 695 euros sans qu'il soit possible de déterminer s'il s'agit d'une indemnité ou d'un rappel de salaire mais dans ce cas, il n'opère aucun calcul et en tout état de cause, il ne démontre pas avoir accompli plus d'heures que celles figurant sur ses bulletins de salaire.

En conséquence, il doit être débouté de cette demande.

Sur les primes impayées

Sous ce vocable, M. [N] indique qu'il avait droit à des commissions comme il résulte des mails produits mais «que ces primes n'ont jamais été payées», ne figurant sur aucun bulletin de salaire. Il s'appuie sur ses pièces n°15 et 24 à 49 pour solliciter 89 612,30 euros de commissions.

La société relève que la demande salariale non listée année par année et non détaillée mois par mois est prescrite pour la période antérieure au 1er octobre 2013.

Elle indique que M. [N] ne justifie nullement du fondement contractuel des commissions, de leur détermination (base de calcul ou pourcentage agrée) et avoir réalisé personnellement les opérations visées, se servant des tableaux établis par le cabinet comptable pour la société, pour calculer la marge brute de chaque opération.

La cour constate que les parties n'ont pas présenté le contrat initial les liant et il ne résulte d'aucun écrit formalisé chaque année que des objectifs commerciaux étaient fixés au salarié ou qu'une rémunération variable était prévue.

Il ressort des mails échangés du 26 mars 2013 au 13 juin 2016 entre la société et le salarié (pièces n°25 à 49) pour les premiers émanant de la société, demandant par exemple le 20 septembre 2013 au salarié «ajoute toi en commission pour septembre 732,5 €» ou encore le 16 janvier 2014 «il faut que tu te mette 29 € de commission pour le déménagement des postes à espace», que la société acceptait de verser à M. [N] des commissions.

Cependant, ce dernier ne produit qu'un seul tableau daté du mois de mars 2013 (pièce n°24) et il est manifeste que certaines ont été payées par compensation avec des achats, M. [N] y procédant lui-même (pièce n°22).

La pièce n°15 produite par ce dernier est sa réponse au gérant [X] [S], lui réclamant le 3 février 2015, ses tableaux mensuels et le salarié a transmis en plusieurs envois, des fichiers pdf intitulés «commissions» pour les périodes de juin à décembre 2012, de janvier à juin 2013, d'avril à décembre 2014 et un tableau provisoire pour janvier 2015.

Pour autant, le salarié ne produit auprès de la cour aucun de ces fichiers sous format papier pour démontrer la matérialité des commissions et leur chiffrage, et en tout état de cause, il n'existe aucune pièce de cette nature postérieure à janvier 2015.

En pièce n°15, il est également produit un tableau informatique sous trois feuillets intitulé «Etat des consommations clients du mois de décembre 2014», avec des colonnes correspondant aux achats et ventes de l'ensemble des clients puis une colonne marge dont le sous-total du mois est 9 253,62 euros. Il existe un total de 89 612,30 euros, étant précisé que le report du mois précédent dans cette même colonne s'élevait à 88 049,88 euros.

Ainsi que le souligne la société, ce tableau correspond à celui généré par la société et dans l'attestation de l'expert comptable produite en pièce n°43, il est précisé qu'il ne s'agit pas d'une marge nette par client.

Au-delà de cette analyse, la cour constate donc qu'au mépris de toute crédibilité, l'appelant, pour réclamer la somme de 89 612,30 euros qui correspondrait selon lui aux commissions qui ne lui ont pas été payées sur plusieurs années, utilise une seule pièce de la société datée de décembre 2014 et ne fournit aucune autre explication, ne procédant notamment à aucun calcul en lien avec les mails produits par lui.

En conséquence, en l'absence de pièces probantes, il y a lieu de confirmer la décision entreprise qui a rejeté la demande de M. [N].

Sur la procédure de licenciement

Le salarié se prévaut d'une irrégularité dans la procédure tenant à une adresse erronée pour la mairie indiquée mais la cour constate que lors de l'entretien préalable au licenciement du 16 septembre 2016, le salarié était assisté, de sorte qu'il n'existe aucun préjudice en lien avec l'irrégularité constatée.

Sur le bien fondé du licenciement

En vertu des dispositions de l'article L.1232-6 du code du travail, la lettre de licenciement, comporte l'énoncé du ou des motifs invoqués par l'employeur ; la motivation de cette lettre fixe les limites du litige.
 

Aux termes de la lettre de licenciement, il est reproché à M. [N] des faits témoignant d'une intention de nuire et mettant en cause la bonne marche de l'entreprise, à savoir :

- des achats importants de téléphone GSM au nom de la société sans justifier de leur destination ou d'une commande de la part de clients, empêchant leur refacturation à ceux-ci,

- des achats personnel avec la carte bancaire de la société,

- une absence de chiffre d'affaire généré depuis le debut de l'année,

- un défaut d'information quant au véhicule de fonction accidenté et sa réparation.

L'appelant indique que ces faits résultent d'un fonctionnement de l'entreprise connu de tous depuis fort longtemps, ne constituant pas des fautes au demeurant prescrites pour avoir été avalisées notamment debut 2015.

Il produit les pièces suivantes :

- un mail du 10/01/2014 du salarié indiquant que l'achat de cartes Sim est à déduire de ses commissions,

- un mail personnel du gérant [X] [S] du 26/08/2016 indiquant au salarié que ses choix de gestion sont discutés par les associés,

- des notes de frais sur le 1er trimestre 2015.

Ces éléments ne sont pas de nature à démontrer que les fautes reprochées sont atteintes par la prescription.

1- sur le premier grief

Le salarié a déclaré lors de l'entretien préalable au licenciement retranscrit par le conseiller du salarié :«la plupart de ces téléphones ont été donnés aux clients ou au personnel GRCS, le salarié doit faire des recherches, la remise des bordereaux de factures a été envoyée à la secrétaire».

Or, il est constant que malgré le délai laissé au salarié après le courrier du 7 septembre 2016 réitérant la demande de justificatifs, M. [N] n'a donné aucune liste de noms correspondant à ses achats et c'est en toute mauvaise foi qu'il prétend à une mesure d'instruction soit un audit comptable de la société, alors que d'une part, il n'établit d'aucune façon un usage de cadeaux et que d'autre part, les achats en nombre constatés par le gérant en août 2016 se situaient sur la période de janvier à juillet 2016 et que dans le cadre de l'exécution loyale de son contrat de travail, le salarié avait l'obligation de rendre compte des opérations effectuées au nom de la société.

En conséquence, le premier grief est constitué.

2- sur le deuxième grief

Le salarié explique qu'il s'agit de cadeaux clients ou d'achats effectivement personnels de très faible importance, autorisés par l'autre co-gérant et venant en déduction de ses primes qui ne lui étaient pas payées.

La production de notes de frais pour des achats personnels début 2015 ne saurait avoir pour effet d'exonérer le salarié de justifier des dépenses effectuées par lui avec la carte bancaire de la société sur la période du 1er semestre 2016, selon la liste fournie par la société.

S'il a pu exister une dérive issue de la relation de confiance entre l'un des gérants et M. [N], ce dernier étant lui-même dirigeant d'une société, savait que la carte bancaire lui avait été remise pour des frais professionnels et ne pouvait s'étendre à «des achats de bouteilles de vins en grande quantité, des articles de sport, de bricolage, des matériaux de construction, des produits de jardinage et des achats Itunes» comme relevé dans la lettre de licenciement.

Le salarié n'a apporté aucune explication crédible sur ce point et ne peut arguer d'achats de faible importance, la société ayant établi sur une période de six mois un total de dépenses de 8 089,61 euros, sans rapport avec l'objet social de l'entreprise, étant précisé que le salarié n'a pas démontré que la société lui était redevable de commissions sur cette période ou même antérieurement.

En conséquence, ce deuxième grief doit être retenu.

3- sur le troisième grief

La société apporte la preuve par la pièce n°18 soit un audit fait le 25 octobre 2016 par l'expert comptable que depuis le début de l'année 2016, M. [N] n'a fait souscrire aucun nouveau contrat et que sa facturation avait chuté sur les six derniers mois de 55%.

Elle reproche au salarié une absence de chiffre d'affaire généré et l'absence de réponse à l'interrogation faite lors de l'entretien préalable au licenciement quant au départ de clients vers la société [J] [N] Telecom.

Ce grief ne peut s'apparenter à de l'insuffisance professionnelle simple et constitue une faute résultant notamment des pièces 30 & 31, soit un mail de la société Adi indiquant avoir été sollicité par M. [N] pour résilier son contrat avec la société GRCS et la réponse de la gérante de l'Hôtel de la Tour à une sommation interpellative confirmée dans son audition par la gendarmerie, précisant avoir donné un formulaire SEPA de prélèvement à M. [N] au profit de la société [J] [N] Telecom, sous un prétexte fallacieux, ce qui a entraîné la résiliation de son contrat avec la société GRCS.

En revanche, la société ne peut arguer valablement d'un détournement de clientèle, ces termes n'ayant pas été indiqués dans la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige.

4- sur le quatrième grief

Contrairement à ce que dénonce le salarié dans ses conclusions, il ne lui a pas été reproché l'usage du véhicule pendant la mise à pied mais l'absence d'information donnée à la société, locataire du véhicule BMW au titre d'un contrat de LOA de février 2013 (pièce n°39) sur un accident survenu à une date inconnue et sur l'ordre de réparation qu'il a donné à un garagiste ayant occasionné une facture de 2 947,64 euros datée du 10 septembre 2016 et remise lors de l'entretien préalable au licenciement.

Ce grief est fondé, les affirmations faites par M. [N] à la gendarmerie quant au fait qu'il aurait acheté ce véhicule, étant dénuées de toute crédibilité.

En conséquence, le licenciement est fondé sur des fautes graves justifiant la mise à pied mais la société échoue à démontrer une intention de nuire, des pratiques indélicates ou malignes ne pouvant caractériser à elles seules la volonté de porter préjudice à l'entreprise ou à l'employeur dans la commission des faits fautifs.

La décision doit être toutefois confirmée en ce qu'elle a rejeté les demandes de M. [N] au titre du paiement de la mise à pied, d'un préavis et de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, la demande de remise de documents rectifiés, étant devenue sans objet.

Sur les autres demandes du salarié

Aux termes de son dispositif, M. [N] sollicite des dommages et intérêts «à titre du comportement déloyal et de préjudices distincts lié à la brutalité de la rupture».

L'appelant ne présente aucun moyen au titre de la discussion concernant un préjudice distinct.

Quant à l'exécution déloyale, il reprend le moyen tiré de l'absence de paiement des commissions, pour lequel la cour a dit qu'il ne produisait pas de pièce probante justifiant de sa demande chiffrée et allègue que son ancienneté réelle est de 5 ans pour être dans l'entreprise depuis 2011 mais sur ce point, il n'apporte également aucun document à l'appui alors que l'expert comptable atteste d'une entrée en mai 2012, et en tout état de cause, n'établit pas de préjudice.

Dès lors, la décision doit être confirmée en ce qu'elle a rejeté ces chefs de demandes.

Sur la demande reconventionnelle

Dans le cadre prud'homal, la société n'est pas fondée à solliciter un préjudice économique issu notamment d'une perte de marge, le seul rapport de l'expert comptable étant insuffisant à démontrer un préjudice de 70 000 euros et la responsabilité éventuelle de cette perte incombant à la société créée par M. [N], laquelle n'a pas été appelée en la cause.

En revanche, il convient de faire droit uniquement à la demande en remboursement de la somme de 8 089,61 euros, liée à des achats dont le salarié n'est pas parvenu à démontrer qu'ils avaient été faits dans l'intérêt de la société.

Sur les frais et dépens

L'appelant qui succombe totalement doit supporter les dépens d'appel, être débouté de sa demande faite sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et à ce titre payer en cause d'appel à la société la somme de 2 500 euros.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, en matière prud'homale,

Confirme le jugement déféré SAUF dans ses dispositions relatives à la qualification du licenciement et au rejet de la demande reconventionnelle,

Statuant à nouveau des chefs infirmés et Y ajoutant,

Requalifie le licenciement pour faute lourde en licenciement pour fautes graves,

Déboute M. [N] de l'ensemble de ses demandes,

Condamne M. [J] [N] à payer à la société Groupe Réseau Communication Sécurité dite GRCS les sommes suivantes

- 8 089,61 euros à titre de préjudice économique lié aux agissements fautifs du salarié,

- 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne M. [N] aux dépens d'appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-3
Numéro d'arrêt : 19/08307
Date de la décision : 05/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-05;19.08307 ?
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