COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 1-9
ARRÊT AVANT DIRE DROIT
DU 04 MAI 2023
N° 2023/ 340
N° RG 22/07931 - N° Portalis DBVB-V-B7G-BJQAH
[F] [M]
[Y] [U] épouse [M]
C/
[A] [P]
[J] [B] ÉPOUSE [P] épouse [P]
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me CHERFILS
Me ROUILLOT
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Juge de l'exécution de GRASSE en date du 17 Mai 2022 enregistré (e) au répertoire général sous le n° 20/00090.
APPELANTS
Monsieur [F] [M]
né le 29 Avril 1947, demeurant [Adresse 6]
représenté par Me Romain CHERFILS de la SELARL LEXAVOUE BOULAN CHERFILS IMPERATORE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, assisté de Me Myriam DUBURCQ de la SCP DONNET - DUBURCQ, avocat au barreau de GRASSE, plaidant
Madame [Y] [U] épouse [M]
née le 13 Janvier 1948 à NANCY (54), demeurant [Adresse 6]
représentée par Me Romain CHERFILS de la SELARL LEXAVOUE BOULAN CHERFILS IMPERATORE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, assisté de Me Myriam DUBURCQ de la SCP DONNET - DUBURCQ, avocat au barreau de GRASSE, plaidant
INTIMES
Monsieur [A] [P]
né le 06 Septembre 1968 à LE RAINCY, demeurant [Adresse 4]
représenté par Me Maxime ROUILLOT de la SELARL SELARL D'AVOCATS MAXIME ROUILLOT- FRANCK GAMBINI, avocat au barreau de NICE, plaidant
Madame [J] [B] épouse [P]
née le 20 Mars 1967 à ENGHIEN LES BAINS, demeurant [Adresse 4]
représentée par Me Maxime ROUILLOT de la SELARL SELARL D'AVOCATS MAXIME ROUILLOT- FRANCK GAMBINI, avocat au barreau de NICE, plaidant
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 804, 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 09 Mars 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Ambroise CATTEAU, Conseiller, qui a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Evelyne THOMASSIN, Présidente
Madame Pascale POCHIC, Conseiller
Monsieur Ambroise CATTEAU, Conseiller
Greffier lors des débats : Madame Ingrid LAVALLEE.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 04 Mai 2023.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 04 Mai 2023
Signé par Madame Evelyne THOMASSIN, Présidente et Madame Ingrid LAVALLEE, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
Faits, procédure, prétentions des parties :
Les époux [M] sont propriétaires à Mandelieu, de parcelles cadastrées section BV n°[Cadastre 7], [Cadastre 8], [Cadastre 10] et [Cadastre 11]. Les époux [P] sont propriétaires des parcelles contiguës cadastrées section BV n°[Cadastre 12] et [Cadastre 9] situées en contrebas avec servitude de passage au profit de la parcelle n°[Cadastre 12] sur la parcelle n°[Cadastre 7].
Dans le projet de construction de leur villa, les époux [P] faisaient exécuter des travaux de terrassement. Après des intempéries en novembre 2011, un éboulement entraînait l'effondrement du chemin de servitude, des réseaux situés en dessous du mur de soutènement végétalisé de type Betoflor et d'une partie du jardin des époux [M] qu'il soutenait. Il fragilisait leur maison sur laquelle des fissures apparaissaient.
Suite au dépôt du rapport d'expertise judiciaire de monsieur [C] du 13 novembre 2013, un arrêt du 10 mars 2016 confirmait l'ordonnance de référé déférée en ce qu'elle :
- condamnait in solidum les époux [P], leur assureur, différents intervenants à l'acte de construire et leurs assureurs, à payer aux époux [M] une somme provisionnelle de 360 501,74 € à valoir sur les travaux de remise en état,
- condamnait in solidum les intervenants à l'acte de construire et leurs assureurs à payer aux époux [P], la somme provisionnelle de 252 482,16 €,
- déboutait les époux [P] de leur demande de condamnation des époux [M] à faire réaliser les travaux des phases 1 et 3 du rapport d'expertise judiciaire.
Dans le cadre d'une instance distincte ayant donné lieu à un rapport d'expertise judiciaire du 27 mars 2017, un arrêt du 10 octobre 2019 :
- confirmait un jugement du 6 décembre 2017 en ce qu'il a condamné les époux [P] à faire cesser les empiétements constatés par l'expert judiciaire dans un délai de six mois,
- l'infirmait pour le surplus et, statuant à nouveau :
- disait que la condamnation des époux [P] à faire cesser les empiétements constatés sur la propriété [M] devait être exécutée dans le délai de six mois, commençant à courir à compter de la notification de l'arrêt et passé ce délai, sous astreinte de 1 000 € par mois de retard pendant une période de douze mois,
- disait que les servitudes de passage consenties par l'acte du 27 novembre 1992 au profit de la parcelle cadastrée BV n°254, devenue BV n°[Cadastre 12] s'exerçaient :
- Première servitude : sur la longueur Est de la parcelle cadastrée BV n°[Cadastre 7] et sur la bande de terrain d'un mètre de la parcelle cadastrée aujourd'hui BV n°[Cadastre 10] et sur une largeur de quatre mètres mesurée à partir de la ligne divisoire avec la parcelle BV n°[Cadastre 12],
- Deuxième servitude : dans le prolongement de cette première servitude, sur une longueur de vingt mètres sur la parcelle cadastrée BV n°[Cadastre 10] et sur une largeur de deux mètres cinquante mesurée à partir de la ligne divisoire avec la parcelle BV n°[Cadastre 12],
- déboutait les époux [M] de leurs demandes de déplacement de l'assiette de la servitude, d'interdiction aux époux [P] d'implanter l'aire de retournement pompiers sur l'assiette de la servitude de passage sous astreinte, de condamnation des époux [P] à remettre les servitudes dans leur état antérieur, et de leur demande de dommages et intérêts,
- enjoignait aux époux [M] de procéder aux travaux de remise en état des servitudes en respectant leur assiette, notamment leur largeur ainsi que les cotes altimétriques, dans le délai de six mois à compter de la signification de l'arrêt et passé ce délai, sous astreinte de 1 000 € par mois de retard, passé le délai d'un an,
- condamnait les époux [P] à réaliser les travaux de confortement de leurs terres dans un délai de six mois à compter de la fin des travaux de remise en état de la servitude par les époux [M] et passé ce délai, sous astreinte de 1 000 € par mois de retard pendant une période d'un an.
L'arrêt précité était signifié, le 4 novembre 2019, aux époux [P], et le 21 novembre 2019 aux époux [M].
Le 30 décembre 2019, les époux [M] faisaient assigner les époux [P] devant le juge de l'exécution de Grasse aux fins, de modifier l'ordre des travaux ordonnés par l'arrêt du 10 octobre 2019 et d'octroi d'un délai supplémentaire de six mois pour faire exécuter les travaux mis à leur charge, et de condamnation à leur payer une indemnité de 4 000 € pour frais irrépétibles.
Aux termes d'un jugement du 17 mai 2022, le juge de l'exécution de Grasse :
- déboutait les époux [M] de l'intégralité de leurs demandes,
- liquidait l'astreinte prononcée par l'arrêt du 10 octobre 2019 à la somme de 6 000 € pour la période du 2 septembre 2020 au 2 mars 2021,
- assortissait l'injonction faite aux époux [M] par l'arrêt du 10 octobre 2019 de procéder aux travaux de remise en état des servitudes en respectant leur assiette, notamment leur largeur ainsi que les côtes altimétriques, d'une astreinte provisoire de 1 000 € par mois de retard,
- disait que cette astreinte commencerait à courir deux mois après la signification du jugement à la diligence des parties et ce pendant une durée de douze mois,
- déboutait les époux [P] de leur demande indemnitaire,
- condamnait les époux [M] à payer aux époux [P] une indemnité de 2 000 € pour frais irrépétibles ainsi qu'aux entiers dépens.
Le premier juge retenait que :
- l'ordre des travaux fixé par l'arrêt du 10 octobre 2019 (remise en état de la servitude, reconstruction du mur Betoflor, confortement du talus, puis reconstruction du mur de soutènement définitif) est conforme à celui préconisé par l'expertise judiciaire,
- la décision est exempte de toute ambiguïté et non susceptible d'interprétation de sorte qu'elle s'impose au juge de l'exécution, alors de plus, les époux [M] ne produisent aucune étude technique et ne peuvent se contenter d'un message électronique d'un professionnel se contentant d'affirmer, sans démonstration, la nécessité de réaliser préalablement le mur de soutènement, - la demande de délai supplémentaire n'est pas fondée au motif que le message du 18 novembre 2019 sur l'indisponibilité de l'entreprise avant mars 2020 est sans incidence sur la possibilité de faire les travaux avant le 1er septembre 2020 suite à la suspension du délai pour cause de crise sanitaire,
- le juge de l'exécution n'a pas le pouvoir d'ordonner des travaux et ne peut constater l'exécution de travaux de suppression de la semelle ensevelie sous le mur, en l'état d'une discordance entre le devis de travaux de 9 600 € de mai 2018 et la facture du 17 septembre suivant de 4 620 €,
- le défaut d'exécution de travaux de remise en état des servitudes, mis à la charge des époux [M], dans le délai de six mois de la signification de l'arrêt du 21 novembre 2019, commande de liquider l'astreinte à 6 000 € pour la période du 2 septembre 2020 au 2 mars 2021, après application de la suspension pour cause de crise sanitaire,
- la nécessité de fixer une nouvelle astreinte, à l'expiration du délai de deux mois à compter de la signification du jugement pendant une période de 12 mois,
- l'absence de preuve du préjudice allégué par les époux [P].
Par déclaration reçue le 1er juin 2022 au greffe de la cour, les époux [M] formaient appel du jugement précité.
Aux termes de leurs dernières écritures notifiées le 6 février 2023, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de leurs moyens, les époux [M] demandent à la cour de :
- infirmer le jugement déféré dans toutes ses dispositions,
- statuant à nouveau, débouter les époux [P] de toutes leurs demandes,
- juger que l'ordre des travaux ordonné par l'arrêt du 10 octobre 2019 doit être la suppression des semelles du mur enseveli, puis le confortement des terres par un mur de soutènement, puis la remise en état des servitudes dans les six mois à compter des travaux prescrits,
- déclarer recevable leur demande additionnelle de liquidation d'astreinte et condamner les époux [P] au paiement de la somme de 12 000 € au titre de l'inexécution du retrait des empiétements,
- condamner les époux [P] au paiement d'une indemnité de 5 000 € pour frais irrépétibles et des entiers dépens dont ceux d'appel distraits au profit de la Selarl Lexavoué Aix en Provence.
Ils affirment que les époux [P] n'ont pas exécuté les travaux qui leur incombent de faire cesser les empiétements et pas seulement les semelles visibles au motif que la facture acquittée de 4 620 € ne correspond pas au devis initial de 9 680 €. Dès lors que les empiétements subsistent, ils demandent la liquidation de l'astreinte à 12 000 €.
Sur l'ordre des travaux, l'avis d'un technicien a été jugé insuffisant par le premier juge, ils produisent en appel l'avis de l'expert judiciaire [S] selon lequel le premier ouvrage à réaliser est l'édification du mur en limite de terrain avec suppression d'une partie des semelles du mur puis le rétablissement du chemin de servitude et l'ordonnancement des travaux préconisé par le premier juge est très difficilement réalisable et peu compatible avec un terrain fragilisé et en équilibre précaire.
Ils contestent solliciter une modification du titre exécutoire dès lors que l'arrêt du 10 octobre 2019 fixe les obligations des parties mais qu'ils sont en droit de demander au juge de l'exécution sur la base d'un avis d'expert judiciaire et d'une potentielle dangerosité, de prendre les mesures pour éviter tout risque d'éboulement. Ils rappellent que le rapport de l'expert [C] préconisait l'exécution des travaux de sécurisation du talus, puis ceux de terrassement et de construction des infrastructures de blocage enfin, la reconstruction du mur de soutènement.
Ils affirment avoir exécuté les travaux de sécurisation du talus selon facture versée au débat et contestent toute non conformité aux règles de l'art du mur reconstruit en bétoflor, lequel n'est pas l'objet d'une mesure ordonnée par l'arrêt dont l'exécution est contestée. En tout état de cause, ils relèvent que l'expert [S] le considère conforme aux préconisations de l'expert [C] ainsi qu'aux règles de l'art et exclut une quelconque dangerosité.
Ils concluent qu'ils justifient de l'exécution de travaux de sécurisation du talus et du mur en bétoflor sans attendre la reprise par les époux [P] des travaux de construction des infrastructures de leur villa.
Aux termes de leurs dernières écritures notifiées le 1er février 2023, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé du litige, les époux [P] demandent à la cour de :
- débouter les époux [M] de leurs demandes,
- confirmer le jugement déféré sauf sur le montant de l'astreinte liquidée à l'encontre des époux [M] et celui de la nouvelle astreinte ainsi que sur le débouté de leur demande de dommages et intérêts,
- faisant droit à leur appel incident, liquider l'astreinte à la somme de 12 000 €,
- condamner les époux [M] à exécuter les travaux de remise en état des servitudes dans les deux mois de la signification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 20 000 € par mois de retard sans limitation de durée,
- condamner les époux [M] au paiement de la somme de 30 000 € de dommages et intérêts et une indemnité de 7 000 € pour frais irrépétibles outre les entiers dépens.
Les époux [P] invoquent l'impossibilité pour le juge de l'exécution de modifier le dispositif de l'arrêt de condamnation, lequel reprend l'avis de l'expert judiciaire sur l'ordre à respecter : travaux de sécurisation du talus puis reprise des travaux de soutènement et de terrassement par les époux [P] puis construction d'un nouvel ouvrage de soutènement de la propriété [M].
Ils contestent la conformité aux règles de l'art de la construction du mur en bétoflor pour un coût de 20 000 € alors que l'évaluation de l'expert était de 142 140 € ttc, l'expert [X] ayant qualifié le mur réalisé de dangereux.
Ils affirment avoir procédé à la suppression de la semelle ensevelie sous le mur selon facture du 17 septembre 2018 de l'entreprise Hustin dès lors que la condamnation ne porte que sur les parties visibles non enterrées. Ils précisent que les travaux sur la semelle enterrée sous l'éboulement présentent un fort risque de déstabilisation des terres des époux [M] et de déchaussement de la paroi berlinoise à réaliser.
Ils invoquent l'absence de démarche des époux [M] pour rétablir la servitude pour fonder leur appel incident sur le montant de l'astreinte à liquider.
Ils relèvent en début de chemin un mur en Z de 20 cm d'épaisseur puis une largeur de 3,10 m au lieu de 4 m sur la première moitié de la longueur du chemin, un ancien mur en bétoflor toujours présent sur l'assiette de la servitude, et une bande complémentaire de 20 m sur 2,50 m de large bloquée par un enrochement et un tronc d'arbre. En outre, ils affirment que les époux [M] n'ont pas rétabli l'altimétrie de la servitude.
Enfin, ils considèrent que l'astreinte de 1 000 € par mois n'est pas assez contraignante et que la présente procédure a un caractère vexatoire au motif que les appelants ne pouvaient ignorer le défaut de pouvoir du juge de l'exécution de modifier l'ordre des travaux.
L'instruction de la procédure était clôturée par ordonnance du 7 février 2023.
Aux termes de conclusions notifiées le 22 février 2023, les époux [P] demandaient le rabat de l'ordonnance de clôture et réitérait leurs demandes formées par conclusions du 1er février 2023.
Aux termes de conclusions notifiées le 1er mars 2023, les époux [M] demandaient le rejet de la demande de rabat de l'ordonnance de clôture et réitéraient leurs demandes notifiées par conclusions du 6 février 2023.
Aux termes de conclusions notifiées le 7 mars 2023, les époux [P] demandaient le rabat de l'ordonnance de clôture du 7 février 2023 et à titre subsidiaire le rejet des débats des conclusions des époux [M] notifiées le 6 février 2023. Sur le fond, ils réitéraient leurs demandes notifiées par conclusions du 1er février 2023.
Aux termes de conclusions notifiées le 7 mars 2023, les époux [M] demandaient le rejet de la demande de rabat de l'ordonnance de clôture et celui de la demande de voir écarter des débats leurs conclusions du 6 février 2023. Sur le fond, ils réitéraient leurs demandes notifiées le 6 février 2023.
Aux termes de conclusions de procédure notifiées le 9 mars 2023, les époux [M] réitéraient leurs demandes du 7 mars 2023.
A l'audience du 9 mars 2022, la cour mettait au débat la question de la désignation d'un expert pour nouvel avis sur le phasage des travaux et autorisait les parties à lui adresser une note en délibéré sous quinzaine.
Dans une note du 15 mars 2023, le conseil des époux [M] donnait un avis favorable à la désignation d'un nouvel expert, malgré le retard pris par la présente procédure, avec consignation des frais à la charge des époux [P].
Dans une note du 15 mars 2022, le conseil des époux [P] considérait que l'expertise n'est pas nécessaire aux motifs juridique, que l'inversion des travaux demandée excède la compétence du juge de l'exécution et technique, que deux experts ont donné un avis conforme sur le phasage des travaux retenu par le juge du fond. En tout état de cause, ils demandaient qu'en cas de désignation d'un nouvel expert, l'analyse de l'ouvrage nouveau constitué par le mur bétoflor soit inclus dans la mission de l'expert.
MOTIVATION DE LA DÉCISION :
- Sur les demandes de rabat de l'ordonnance de clôture et de rejet des débats des conclusions notifiées le 6 février 2023,
Selon les dispositions de l'article 784 du code de procédure civile, l'ordonnance de clôture ne peut être révoquée que s'il se révèle une cause grave depuis qu'elle a été rendue.
Selon les dispositions de l'article 16 du code de procédure civile, le juge doit en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction. Il ne peut retenir, dans sa décision, les moyens, les explications et les documents invoqués ou produits par les parties que si celles-ci ont été à même d'en débattre contradictoirement.
En l'espèce, les parties sont informées depuis l'avis de fixation du 30 juin 2022 de la fixation de la clôture de la procédure au 7 février 2023.
Alors que les éléments techniques et juridiques de ce contentieux désormais très ancien sont connus depuis la notification du 20 septembre 2022 des écritures en réplique et pièces des appelants, les époux [P] utilisaient un délai de plus de quatre mois pour notifier de nouvelles écritures, le mercredi 1er février 2023. Dès lors, ils s'exposaient au risque, en raison notamment de la fin de semaine des 4 et 5 février 2023, de se voir notifier des écritures en réplique la veille de la clôture de l'instruction. De plus, les écritures du 6 février 2023 des époux [M] se limitaient à répliquer aux observations des intimés. Elles ne formulaient pas de nouvelles demandes et ne visaient pas de nouvelles pièces. Les époux [P] ne peuvent donc se prévaloir d'un non-respect du principe du contradictoire.
Dans ce contexte procédural, les époux [P] ne justifient d'aucune cause grave de nature à fonder la révocation de l'ordonnance de clôture.
Par conséquent, la demande de rabat de l'ordonnance de clôture sera rejetée et les conclusions des époux [M] notifiées le 6 février 2023 seront admises au débat. Par contre, les écritures notifiées après la clôture du 7 février 2023 seront écartées comme irrecevables des débats.
- Sur la demande de liquidation de l'astreinte inhérente à la suppression de la semelle ensevelie sous le mur,
Selon les dispositions de l'article 566 du code de procédure civile, les parties peuvent aussi expliciter les prétentions comprises dans les demandes et défenses soumises au premier juge et ajouter à celles-ci toutes les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément.
Selon celles de l'article L 131-4 du code précité, le montant de l'astreinte provisoire est liquidé en tenant compte du comportement de celui à qui l'injonction a été adressée et des difficultés qu'il a rencontrées pour l'exécuter. L'astreinte définitive ou provisoire est supprimée en tout ou partie s'il est établi que l'inexécution ou le retard dans l'exécution de l'injonction du juge provient, en tout ou partie, d'une cause étrangère.
En l'espèce, si le premier juge était saisi d'une demande d'injonction de suppression de la semelle et qu'il a justement retenu son défaut de pouvoir pour prononcer une condamnation à ce titre, les époux [M] sont recevables en cause d'appel à saisir la cour d'une demande additionnelle de liquidation de l'astreinte provisoire prononcée par le juge du fond.
L'arrêt du 16 octobre 2019 rappelle les empiétements constatés par l'expert judiciaire [D] dans son rapport du 27 mars 2017 :
- la semelle du mur n°1 d'au moins 26 cm se situe sur la parcelle BV [Cadastre 3] des époux [M],
- la semelle de la première partie du mur n°2 d'une largeur d'environ 60 cm se situe sur la propriété [M] comme celle de la seconde partie du mur,
- le voile extérieur du mur n°2 dépasse de 1 cm sur une longueur de 6,55 m,
- la semelle des fondations de la construction empiète d'environ 30 cm sur la propriété [M].
Il confirme le jugement déféré en ce qu'il a condamné les époux [P] à mettre un terme aux empiétements constatés par l'expert judiciaire [H] [D], dans un délai de six mois à compter de la notification de l'arrêt, et passé ce délai, sous astreinte de 1000 € par mois de retard, astreinte qui courra pour une durée de 12 mois, à l'issue de laquelle il pourra être à nouveau statué.
L'arrêt du 16 octobre 2019 ne statue pas sur la chronologie des travaux de retrait des semelles visibles et enterrées par rapport aux travaux de remise en état des servitudes et de confortement.
L'arrêt du 16 octobre 2019 ne limite pas la suppression des empiétements aux semelles visibles de sorte que la demande des époux [P] de limitation de leur obligation aux semelles non enterrées ne relève pas des pouvoirs du juge de l'exécution.
Si les époux [P] ont fait établir un devis détaillé des travaux de mai 2018 pour un montant de 9 660 € ttc selon mention du jugement déféré, mais volontairement occulté devant la cour (p 10), ils ne justifient pas d'une facture conforme puisque la facture du 17 septembre 2018 d'un montant de 4 620 € ne détaille pas les travaux exécutés.
Les parties s'accordent pour expliquer la différence précitée par l'absence de retrait des semelles enterrées, les époux [P] invoquent un risque de déstabilisation des terres des époux [M] généré par le fait de creuser à 6 m de profondeur pour les localiser. En effet, le rapport du 22 mai 2020, de l'expert [O], mandaté par les époux [P], mentionne un risque trop important de glissement des terres (pièce n°15).
L'expert [S], mandaté par les époux [M], n'en disconvient pas puisqu'il préconise le retrait de la partie de semelle du mur située dans l'emprise du fond [M] au moment de l'exécution du mur de soutènement en limite Ouest du terrain des époux [P] (p 5 du rapport du 22 juillet 2022). Ainsi, la difficulté technique soulevée par les époux [P] relève des critères de la liquidation d'astreinte de l'article L 131-4 du code précité et nécessite à tout le moins un avis d'expert.
Il s'en déduit qu'il est nécessaire de surseoir à statuer sur la demande additionnelle de liquidation d'astreinte relative à la suppression des empiétements constitués par les semelles enterrées et de désigner un expert pour avis sur l'existence d'un risque d'effondrement des terres en cas d'exécution préalable des travaux de retrait des semelles enterrées.
- Sur la demande de modification de l'ordre des travaux prescrits par l'arrêt du 10 octobre 2019,
Selon les dispositions de l'article 213-6 du code de l'organisation judiciaire, le juge de l'exécution ne connaît que des contestations qui s'élèvent à l'occasion de l'exécution forcée.
En application des dispositions de l'article R 121-1 alinéa 2 du code des procédures civiles d'exécution, le juge de l'exécution ne peut, ni modifier le dispositif de la décision de justice qui sert de fondement aux poursuites, ni en suspendre l'exécution.
Cependant, il a le pouvoir d'interpréter la décision afin d'assurer son exécution effective, laquelle constitue la finalité de l'astreinte. La modification de l'ordre des mesures ordonnées ne modifie pas le sens de la décision rendue si elle a pour finalité l'exécution effective des travaux et de prévenir un risque d'atteinte à la sécurité des biens et des personnes.
En l'espèce, l'arrêt du 10 octobre 2019, signifié le 4 novembre suivant, a notamment :
- enjoint aux époux [M] de procéder aux travaux de remise en état des servitudes en respectant leur assiette, notamment leur largeur ainsi que les côtes altimétriques, dans le délai de six mois à compter de la signification de l'arrêt et passé ce délai, sous astreinte de 1 000 € par mois de retard pendant le délai d'un an au terme duquel il pourrait être à nouveau statué,
- condamné les époux [P] à réaliser les travaux de confortement de leurs terres dans le délai de six mois à compter de la fin des travaux de remise en état de la servitude par les époux [M] et passé ce délai, sous astreinte de 1 000 € par mois de retard pendant le délai d'un an au terme duquel il pourrait être à nouveau statué.
Ainsi, la cour ordonne l'exécution des travaux de remise en état de la servitude avant celle des travaux de confortement des terres des époux [P], sur la base du rapport d'expertise judiciaire de monsieur [C] lequel :
- constate l'éboulement du mur Bétoflor et d'une partie du jardin de la zone Est de la propriété [M] consécutif aux travaux de terrassement de déblais de grande amplitude, entrepris en immédiat contrebas de cette zone pour la construction d'une villa sur le fond [P],
- décrit les désordres constitués par l'effondrement partiel du mur Bétoflor sur une longueur de près de 30 m et un glissement de terrain situé à l'arrière de cet ouvrage,
- détermine les travaux de reprise des désordres précités, lesquels reposent essentiellement sur la sécurisation préalable des talus éboulés au niveau de la propriété [M], au moyen d'ancrages passifs associés à une géo-membrane armée, suivi de la reprise des travaux de construction des infrastructures de la villa [P] selon un plan de phasage strict,
- précise qu'après reconstruction de la zone de servitude de passage, un ouvrage de soutènement définitif de la propriété [M] pourra être entrepris, pouvant par exemple être constitué d'un mur en béton armé, stabilisé par des tirants d'ancrage, reposant sur un mode de fondation profond de type micro pieux adapté à la présence de remblai en épaisseur importante dans cette zone.
Cependant, les époux [M] produisent en cause d'appel, le rapport non contradictoire du 22 juillet 2022 de l'expert [S], inscrit sur la liste des experts judiciaires de la cour d'appel d'Aix en Provence et consulté pour avis, lequel constate l'équilibre précaire, susceptible d'être rompu par une intervention inadaptée, du terrain constitutif de l'emprise de la servitude à rétablir.
A partir d'un croquis schématique de la position de la servitude le long de la limite Est du terrain des époux [M], il affirme qu'il paraît évident et logique d'édifier, à titre liminaire, le mur en limite Ouest du terrain des époux [P] par une entreprise spécialisée avec la maîtrise d'oeuvre d'un géotechnicien, ledit mur devant être en mesure de supporter les charges propres de l'ouvrage et les efforts induits par le soutènement de la servitude et des terrains en amont. Il soutient que le rétablissement préalable de la servitude aurait pour effet de créer un ouvrage sur une base provisoire fragilisée à la stabilité précaire.
Son rapport conclut que l'ordonnancement des travaux imposé par le jugement déféré est très difficilement réalisable et peu compatible avec un terrain déjà fragilisé et en équilibre précaire suite à des travaux réalisés sans les précautions nécessaires et sans l'aval d'un géotechnicien.
Pour reconstituer la servitude de passage en limite Est du fond [M], il soutient que l'ordre logique des travaux, et au risque moindre pour les environnants, est :
- 1ère phase : la réalisation après études nécessaires du mur en limite ouest du terrain, des époux [P] sous le contrôle d'un géotechnicien, avec suppression de la partie de semelle du mur à reprendre située dans la parcelle des époux [M],
- 2ème phase : après exécution complète de l'ouvrage ci-avant, la réalisation du chemin de servitude prévu en prenant les précautions nécessaires aux fins de ne pas fragiliser le mur en bétoflor supportant le terrain des époux [M] en amont de la voie de servitude.
Il s'en déduit que l'avis de l'expert [S] est contraire à celui de l'expert [C] désigné par décision de justice, dont les préconisations suivies par l'arrêt du 10 octobre 2019 sont établies par voie d'affirmation mais ne reposent pas sur une démonstration technique. Or, les modalités d'exécution dans le temps des travaux prescrits présentent un enjeu de sécurité pour les personnes et les biens en raison d'un risque d'effondrement d'une partie du terrain.
Cette exigence de sécurité est impérative, pour assurer l'effectivité des travaux ordonnés, et justifie une mesure d'instruction.
Il s'en déduit qu'il est nécessaire, de solliciter l'avis d'un autre expert, au contradictoire des parties, sur l'ordre des travaux prescrits par l'arrêt du 10 octobre 2019 selon les modalités prévues au dispositif du présent arrêt et dans l'attente, de surseoir à statuer sur les mérites de l'appel des époux [M]. Ces derniers sont appelants et contestent les conclusions de l'expert judiciaire et les mesures prononcées par l'arrêt au fond; ils feront donc l'avance des frais d'expertise sous peine de caducité de la mesure expertale ordonnée.
Par voie de conséquence, il sera aussi sursis à statuer sur les mérites de l'appel relatif à la liquidation d'astreinte provisoire inhérente à l'obligation d'exécuter les travaux de remise en état de la servitude et à la fixation d'une nouvelle astreinte.
- Sur l'incidence du mur en Bétoflor construit en juin 2021 sur l'exécution des travaux prescrits par l'arrêt du 10 octobre 2019,
Les époux [M] ont fait procéder à l'édification d'un nouveau mur en Bétofor selon facture du 6 juillet 2021 de l'entreprise B.A Constructions. Il constitue un élément nouveau non soumis au juge du fond mais peut créer une difficulté d'exécution des travaux prescrits par l'arrêt du 10 octobre 2019.
Les époux [P] invoquent sa dangerosité potentielle et l'impossibilité de terrasser le talus au pied du nouveau mur en Bétoflor sous peine de provoquer un nouvel effondrement.
Ils se fondent sur sa hauteur de 3,50 m incompatible avec le procédé Bétoflor d'une hauteur maximale de 2,40 m selon avis de l'expert [O] et de la direction de la société Bétoconcept, concepteur du Bétoflor (cf courrier du 26 octobre 2020). Si l'expert [S] conclut que le mur Bétoflor réalisé au cours de l'année 2021 est conforme aux préconisations de l'expert judiciaire et aux normes et règles de l'art, son rapport non contradictoire ne mentionne, ni sa hauteur, ni la norme applicable ainsi que le cas échéant, ses incidences sur la bonne fin des autres travaux prescrits par l'arrêt précité.
Il s'en déduit qu'il est nécessaire d'obtenir un avis d'expert sur la conformité aux règles de l'art du mur Bétoflor, objet de la facture du 6 juillet 2021, et son incidence éventuelle sur les travaux mis à la charge des parties.
- Sur les demandes accessoires,
Les demandes présentées au titre de l'article 700 du code de procédure civile seront réservées.
Chacune des parties gardera provisoirement à sa charge les dépens qu'elle a exposés dans le cadre de la présente instance.
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant après débats en audience publique et après en avoir délibéré, conformément à la loi, par arrêt contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe,
REJETTE la demande de révocation de l'ordonnance de clôture du 7 février 2023 et DIT que les conclusions des époux [M] notifiées le 6 février 2023 sont admises au débat,
ECARTE comme irrecevables les conclusions des parties notifiées postérieurement à la clôture du 7 février 2023 de l'instruction de la procédure,
SURSEOIT à statuer sur les mérites de l'appel, sur les demandes de liquidation d'astreinte au titre, des travaux de retrait des semelles enterrées, des travaux de remise en état des servitudes ainsi que sur la demande de modification de la chronologie des travaux prescrits,
Ordonne une expertise et désigne monsieur [W] [I], demeurant Laboratoire Géoazur, [Adresse 14] ([XXXXXXXX01] ), et à défaut monsieur [N] [E] demeurant [Adresse 13] ( [XXXXXXXX02] ) en qualité d'expert, avec mission, après avoir dûment convoqué les parties et avisé leurs conseils, de :
1- se rendre sur les lieux situés [Adresse 5],
2- recueillir et consigner les explications des parties, prendre connaissance des documents de la cause, se faire remettre par les parties ou par des tiers tous autres documents utiles, entendre tous sachants à charge de reproduire leur dires et leur identité, s'entourer de tous renseignements à charge d'en indiquer la source, faire appel, si nécessaire, à un technicien d'une spécialité différente de la sienne, établir et communiquer aux parties une note après chaque réunion,
3- donner son avis sur le risque d'effondrement des terres des époux [M] en cas d'exécution des travaux de suppression des semelles enterrées avant celle des travaux de remise en état des servitudes et de confortement des terres des époux [P],
donner son avis sur la chronologie des travaux à réaliser entre les travaux de remise en état des servitudes et les travaux de confortement des terres des époux [P], plus amplement désignés par l'arrêt du 10 octobre 2019,
donner son avis sur la conformité aux règles de l'art du mur en Bétoflor, objet de la facture du 6 juillet 2021 et son incidence éventuelle sur l'exécution des travaux prescrits par l'arrêt du 10 octobre 2019,
Désigne la présidente de la chambre 1-9 de la cour d'appel d'Aix en Provence aux fins d'assurer le suivi et le contrôle des opérations d'expertise,
Dit que l'expert nous fera connaître sans délai son acceptation et qu'en cas de refus ou d'empêchement légitime, il sera pourvu aussitôt à son remplacement sur simple requête de la partie la plus diligente par ordonnance de la présidente de la chambre 1-9 de la cour d'appel d'Aix en Provence,
Dit que l'expert commencera ses opérations dès qu'il aura été avisé par le greffe de la consignation par les parties de la provision mise à leur charge ou du versement de la première échéance,
Dit que les époux [M] devront consigner une somme de 3 000 € à valoir sur les frais d'expertise avant le 4 juin 2023,
Rappelle qu'à défaut de consignation dans le délai imparti, la désignation de l'expert est caduque,
Dit qu'à l'issue de la première, et au plus tard de la deuxième réunion des parties, l'expert soumettra au juge chargé du contrôle des expertises et communiquera aux parties un état prévisionnel détaillé de ses frais et honoraires, et, en cas d'insuffisance de la provision allouée, demandera la consignation d'une provision supplémentaire,
Dit que l'expert devra déposer son rapport au Greffe en double exemplaire avant le 15 décembre 2023 sauf prorogation qui lui serait accordée par le magistrat chargé du suivi de l'expertise, sur requête à cet effet,
Rappelle que l'article 173 du code de procédure civile à l'expert d'adresser une copie de son rapport à chacune des parties ou, pour elles, à leur avocat,
RENVOIE l'examen de la procédure à l'audience du mercredi 27 mars 2024 à14h15 de la chambre 1-9 de la cour d'appel d'Aix en Provence, salle 4 Palais Monclar ,
DIT que la clôture sera prononcée le 27 Février 2024.
RESERVE les demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
DIT que chacune des parties gardera provisoirement à sa charge les dépens qu'elle a exposés dans le cadre de la présente instance.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE