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04/05/2023 | FRANCE | N°19/01794

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 3-2, 04 mai 2023, 19/01794


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-2



ARRÊT MIXTE

DU 04 MAI 2023



N° 2023/151













Rôle N° RG 19/01794 - N° Portalis DBVB-V-B7D-BDWYZ







EURL HOLDING DG





C/



SCP [Y]

Société ITC SRL

SELARL BG ET ASSOCIES













Copie exécutoire délivrée

le :

à :





Me Isabelle FICI



Me Rachel COURT-MENIGOZ



Me Patr

ick LEROUX





Décision déférée à la Cour :



Ordonnance du Tribunal de Commerce d'ANTIBES en date du 09 Janvier 2019 enregistré (e) au répertoire général sous le n° 1202.





APPELANTE



EURL HOLDING DG

au capital de 275.000 € immatriculée au RCS de Cannes sous le n° B 481 950 525 dont le ...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-2

ARRÊT MIXTE

DU 04 MAI 2023

N° 2023/151

Rôle N° RG 19/01794 - N° Portalis DBVB-V-B7D-BDWYZ

EURL HOLDING DG

C/

SCP [Y]

Société ITC SRL

SELARL BG ET ASSOCIES

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Isabelle FICI

Me Rachel COURT-MENIGOZ

Me Patrick LEROUX

Décision déférée à la Cour :

Ordonnance du Tribunal de Commerce d'ANTIBES en date du 09 Janvier 2019 enregistré (e) au répertoire général sous le n° 1202.

APPELANTE

EURL HOLDING DG

au capital de 275.000 € immatriculée au RCS de Cannes sous le n° B 481 950 525 dont le siège social est sis [Adresse 3], prise en la personne de son représentant légal domicilié ès qualité audit siège

représentée par Me Isabelle FICI de la SELARL LIBERAS FICI & ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

INTIMEES

SCP EZAVIN-THOMAS

représentée par Maître [J] [I], Administrateur judiciaire, agissant en qualité de commissaire à l'exécution du plan de sauvegarde de l'EURL HOLDING DG, demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Rachel COURT-MENIGOZ de la SCP FRANCOIS DUFLOT COURT-MENIGOZ, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

Société ITC Srl

Société de droit Italien immatriculée au RCS de Milan sous le n° 07348700696 à l'Enseigne commerciale 'GIANFRANCO FERRE', demeurant [Adresse 7]

représentée par Me Patrick LEROUX de la SELARL LEROUX PATRICK, avocat au barreau de GRASSE

assistée de Me Emmanuel MOULIN avocat au barreau de PARIS substitué par Me Charlotte PROUTEAU, avocat au barreau de PARIS, plaidant

SELARL BG ET ASSOCIES

prise en la personne de Maître [N] [T], agissant en sa qualité de Mandataire Judiciaire, dont le siège social est sis [Adresse 5]

défaillante

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 22 Février 2023 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Madame Gwenael KEROMES, Présidente a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Madame Gwenael KEROMES, Président de chambre

Madame Muriel VASSAIL, Conseiller

Madame Agnès VADROT, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Chantal DESSI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 04 Mai 2023.

ARRÊT

Défaut,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 04 Mai 2023,

Signé par Madame Gwenael KEROMES, Président de chambre et Madame Chantal DESSI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSE DU LITIGE

L'Eurl Holding DG constituée en mai 2005 afin d'acquérir des fonds de commerce de vente de vêtements de luxe, a acquis en 2006 d'une société Codeva, un fonds de commerce situé à [Localité 6] et un autre situé [Adresse 2]. Elle a signé un contrat de franchise sous l'enseigne 'Gianfranco Ferre' le 1er janvier 2007 avec la société Gianfranco Ferre Spa de droit italien et un contrat d'approvisionnement avec la société ITC Srl, ces contrats ayant été modifiés par avenants des 3 avril 2008 et 1er mars 2008.

L'Eurl Holding DG a rencontré d'importantes difficultés commerciales avec le franchiseur et avec son fournisseur, qui l'ont conduit à demander son placement sous sauvegarde, procédure ouverte par jugement du tribunal de commerce d'Antibes du 9 décembre 2011.

La société ITC Srl, postérieurement à l'ouverture de la sauvegarde, a porté le contentieux commercial l'opposant à l'Eurl Holding DG devant le tribunal de commerce de Paris, par assignation du 16 décembre 2011, aux fins d'obtenir la condamnation de cette dernière au paiement de la somme de 707 226,60 euros, majorée des intérêts au taux légal, et aux fins de validation du nantissement pris le 26 novembre 2011 sur le fonds de commerce de la débitrice.

Le 20 janvier 2012, la société ITC Srl a déclaré sa créance à la procédure collective de l'Eurl Holding DG pour un montant de 800 000 euros.

L'état des créances a été déposé au greffe du tribunal de commerce et a été publié au Bodacc le 29 août 2012.

Par un jugement du 12 octobre 2012, le tribunal de commerce a arrêté le plan de sauvegarde de l'Eurl Holding DG.

Le tribunal de commerce de Paris, par jugement du 6 mars 2013, a fait droit aux demandes de la société ITC Srl et condamné l'Eurl Holding DG notamment à payer à la société ITC Srl la somme de 707 226,60 euros, jugement qui a été frappé d'appel.

La cour d'appel de Paris, par arrêt infirmatif en date du 25 juin 2014, a déclaré irrecevable la demande de condamnation formée par la société ITC Srl contre l'Eurl Holding DG, comme la demande d'inscription à titre définitif du nantissement sur les éléments corporels et incorporels du fonds de commerce de la Sarl Holding DG et ordonné le sursis à statuer sur la demande de répétition de l'indu formée par la société Holding DG jusqu'à la décision sur l'admission de la créance déclarée par la société ITC Srl, au passif de la procédure collective de la Sarl Holding DG. La cour d'appel a par ailleurs débouté la société Holding DG et Me [P] ès qualités de leurs demandes de dommages et intérêts.

La société ITC Srl s'est pourvue en cassation pour se désister ensuite de son pourvoi, désistement constaté par ordonnance du 3 septembre 2015.

C'est dans ce contexte que la société ITC Srl a saisi une première fois le juge commissaire d'[Localité 4] afin qu'il soit statué sur l'admission de sa créance au passif de la procédure de sauvegarde de l'Eurl Holding DG.

Par ordonnance du 08 avril 2015, le juge commissaire constatant qu'était indiqué de manière erronée l'existence d'une instance en cours s'agissant de la créance de la société ITC Srl, a ordonné que cette mention soit radiée de l'état des créances, s'est déclaré valablement saisi de la demande de fixation de la créance déclarée par la société ITC Srl au passif de la procédure collective et a ordonné la réouverture des débats à l'audience du 13 mai 2015. La société Holding DG a interjeté un appel-nullité, suivant déclaration du 8 septembre 2015.

Par un arrêt du 1er décembre 2016, la cour d'appel d'Aix-en-Provence, rejetant les fins de non-recevoir soulevées par la société ITC Srl, a considéré que la décision rendue par le juge commissaire le 8 avril 2015 n'était entachée d'aucun excès de pouvoir et déclaré en conséquence, irrecevable l'appel-nullité interjeté par la société Holding DG.

Cet arrêt est définitif en raison d'un arrêt du 4 juillet 2018 de la cour de cassation déclarant le pourvoi de l'Eurl Holding DG irrecevable au visa des articles 606 à 608 du code de procédure civile.

A la suite de cet arrêt, les parties ont été convoquées devant le juge commissaire d'[Localité 4] qui, aux termes d'une ordonnance n° 1202 du 9 janvier 2019 s'estimant habilité à statuer, a :

- rejeté la demande de sursis à statuer de l'Eurl Holding DG ;

- déclaré le commissaire à l'exécution du plan compétent pour poursuivre la procédure de vérification des créances ;

- déclaré recevable la demande d'admission de la créance de la société ITC Srl ;

- ordonné l'admission de la créance de la société ITC Srl à hauteur de la somme de 707 226,60 euros au passif de l'Eurl Holding DG ;

- rejeté le surplus des demandes relatives aux intérêts de retard,

- condamné l'Eurl Holding DG à verser à la société ITC Srl la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.

L'Eurl Holding DG a fait appel de l'ordonnance le 30 janvier 2019. Cet appel tend à obtenir la réformation de l'ordonnance du juge commissaire en ce qu'il :

- s'est déclaré habilité à statuer,

- a rejeté la demande de sursis à statuer,

- a déclaré le commissaire à l'exécution du plan compétent pour poursuivre la procédure de vérification des créances ;

- a déclaré recevable la demande d'admission de la créance de la société ITC Srl,

- ordonné l'admission de la créance de la société ITC Srl au passif de la société Holding DG pour un montant de 707 226,60 euros,

- rejeté le surplus des demandes relatives aux intérêts de retard,

- condamné la société Holding DG à verser à la société ITC Srl la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.

La société ITC Srl a par conclusions déposées et notifiées par RPVA le 19 juillet 2019 a fait appel incident concernant le rejet des intérêts de retard.

***

Par conclusions d'appelante récapitulatives déposées et notifiées le 10 octobre 2022, auxquelles la cour entend se référer expressément conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, l'Eurl Holding DG demande à la cour de :

- 'recevoir la société Holding DG en son appel et le déclarer bien fondé,

A titre principal,

- dire et juger que le juge-commissaire a, dans le cadre de la procédure de vérification des créances, opéré le constat d'une instance en cours portant sur la créance de la société ITC Srl,

- dire et juger que, quand bien même aucune instance n'était en cours, ce constat a dessaisi le

juge-commissaire de la contestation portant sur l'admission de la créance de la société ITC Srl, - dire et juger que par suite, le juge-commissaire ne peut plus recevoir la demande d'admission de la créance de la société ITC Srl,

En conséquence,

- infirmer l'ordonnance dont appel rendue par le juge-commissaire le 9 janvier 2019 en toutes

ses dispositions,

- débouter la société ITC Srl de la demande d'admission de sa créance au passif de la société

Holding DG,

A titre subsidiaire,

- dire et juger que l'état des créances publié au Bodacc le 29 août 2012 est revêtu de l'autorité de chose jugée s'opposant à toute modification,

- dire et juger que l'admission de la créance revendiquée par la société ITC Srl au passif de la société Holding DG à hauteur de la somme de 707.226,60 euros suivant ordonnance en date du 9 janvier 2019 a pour effet de modifier l'état des créances pourtant devenu définitif,

- infirmer, par voie de conséquence, l'ordonnance dont appel rendue par le juge-commissaire le 9 janvier 2019 en toutes ses dispositions,

- débouter la société ITC Srl de la demande d'admission de sa créance au passif de la société Holding DG,

A titre très subsidiaire,

- dire et juger que le mandataire judiciaire n'étant pas partie à la procédure de vérification des

créances, le commissaire à l'exécution ne peut la poursuivre seul,

- infirmer l'ordonnance rendue par le juge-commissaire le 9 janvier 2019 en toutes ses

dispositions,

- débouter la société ITC Srl de la demande d'admission de sa créance au passif de l'Eurl Holding DG ;

A titre infiniment subsidiaire,

- infirmer l'ordonnance rendue par le juge-commissaire le 9 janvier 2019 en toutes ses

dispositions,

- dire et juger que la créance de la société ITC Srl ne saurait aucunement être supérieure à la somme de 559.946,40 euros,

En toutes hypothèses,

- condamner la société ITC Srl au paiement d'une somme de 5.000 euros au bénéfice de l'Eurl Holding DG par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens de première instance et d'appel.

Elle fait valoir principalement que le juge commissaire a, dans le cadre de la procédure de vérification des créances, opéré le constat d'une instance en cours concernant la créance de la société ITC Srl et se trouve de ce fait dessaisi de la contestation portant sur la créance de la société ITC Srl ; que par suite, il ne peut plus statuer sur la demande d'admission de la créance de cette société.

A titre subsidiaire elle oppose l'autorité de la chose jugée attachée à l'état des créances déposé.

En ordonnant l'admission de la créance de la société ITC Srl, au passif de la Sarl Holding DG le juge commissaire a modifié l'état des créances en méconnaissance de R 642-2 code de commerce qui prévoit que seul le greffier en chef agissant à la demande du mandataire judiciaire ou du créancier intéressé, peut la compléter par l'inscription des créances définitivement fixées à l'issue d'une instance judiciaire ou administrative et de celles admises à la suite d'un relevé de forclusion intervenu après le dépôt de l'état des créances.

A titre très subsidiaire, elle soulève l'irrecevabilité des demandes de la société ITC Srl hors la présence du mandataire judiciaire (R 626-38 du code de commerce), organe de la procédure habilité à procéder à la vérification des créances, étant relevé que l'achèvement de la mission du mandataire judiciaire a été constaté par le juge commissaire suivant ordonnance du 31 octobre 2012.

A titre infiniment subsidiaire, sur le fond, elle fait valoir que la société ITC Srl a déclaré une créance en principal évaluée à 800 000 euros, or, cette admission de créance ne saurait excéder 707 226,60 euros au titre des factures émises entre le 15 février 2010 et le 28 janvier 2011.La Sarl Holding DG reste créancière, après retour de marchandises invendues, d'un avoir de 147 280,20 euros qu'elle n'a jamais reçu et qu'en conséquence, la créance de la société ITC devra être diminuée d'autant, et ne représenter que la somme de 559 946,40 euros.

**

Par conclusions récapitulatives déposées et notifiées par RPVA le 13 octobre 2022, la SCP [P]-[I] ès qualités de commissaire à l'exécution du plan de sauvegarde de l'Eurl Holding DG demande à la cour :

- de statuer ce que de droit sur la recevabilité de l'appel,

- de déclarer irrecevables les moyens d'appels tirés du dessaisissement du juge et de l'autorité de la chose jugée comme se heurtant à l'autorité de la chose jugée attachée à l'arrêt confirmatif de la cour du 1er décembre 2016,

Subsidiairement,

-de confirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a jugé que la procédure d'admission de la créance déclarée par la société ITC Srl pouvait être poursuivie par le commissaire à l'exécution du plan,

Sur le fond,

-statuer sur ce que de droit sur la demande d'admission de la créance de la Srl ITC et les contestations soulevées par l'Eurl Holding DG dans la limite de la somme de 707 226,60 euros en principal, outre intérêts légaux de la mise en demeure du 7 novembre 2011 au jugement d'ouverture de la procédure de sauvegarde du 9 décembre 2011,

- condamner l'Eurl Holding DG à payer à la SCP [P]-[I] ès qualités la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

La SCP [P]-[I] représentée par Me [J] [I], ès qualités, fait valoir pour l'essentiel :

- à la suite de la vente du droit au bail de l'Eurl Holding DG, la SCP [P]-[I] ès qualités déclare détenir une somme de 843 000 euros, garantissant le paiement de la créance de la société ITC Srl en cas d'admission définitive ;

- s'agissant du dessaisissement du juge et l'autorité de chose jugée, que l'argumentaire développé par l'Eurl Holding DG est identique à celui qu'elle avait précédemment développé devant la cour d'appel qui l'a rejeté par son arrêt confirmatif du 1er décembre 2016 et ne pourront qu'être jugés irrecevables en raison de l'autorité de la chose jugée.

A titre subsidiaire sur le fond, elle soutient que le juge commissaire n'a commis aucun excès de pouvoir ni violation de l'autorité de la chose jugée,

- sur la cessation des fonctions du mandataire judiciaire, que selon l'article L 626-24 du code de commerce, en cas de plan de sauvegarde, le mandataire judiciaire demeure en fonction pendant le temps nécessaire à l'achèvement de la vérification et à l'établissement définitif de l'état des créances et l'article R 626-38, prévoit que le juge commissaire met fin à la mission du mandataire après avoir constaté l'achèvement de la vérification des créances et le versement des sommes dues aux salariés en application de l'article L 143-11-7 du code du travail ; qu'il y a lieu de considérer qu'il a été mis fin prématurément à la mission du mandataire judiciaire alors qu'il restait au moins la créance d'ITC à fixer et qu'en ce cas, l'article L 626-25 alinéa 2 prévoit que le commissaire à l'exécution du plan poursuit les actions introduites avant le jugement qui arrête le plan et auxquelles l'administrateur ou le mandataire judiciaire est partie, ou si celui-ci n'est plus en fonction, par un mandataire de justice désigné spécialement à cet effet par le tribunal.

- sur le quantum de la créance, l'admission éventuelle de la créance de la société ITC Srl ne saurait excéder la somme de 707 226,60 euros en principal, outre intérêts légaux de la mise en demeure du 7 novembre 2011 au jugement d'ouverture de la sauvegarde du 9 décembre 2011 et elle conclut au rejet du surplus de la demande.

**

Aux termes de ses conclusions d'intimée comportant appel incident déposées et notifiées par RPVA le 19 juillet 2019, la société ITC Srl demande à la cour :

A titre liminaire, de déclarer la société ITC Srl recevable en son appel incident ;

A titre principal, de :

- dire et juger irrecevables les moyens de la société Holding DG tirés du dessaisissement du juge et de l'autorité de la chose jugée comme se heurtant à l'autorité de la chose de l'arrêt confirmatif de la Cour de céans du 1er décembre 2016 et subsidiairement les juger non fondés,

- confirmer l'ordonnance attaquée en ce qu'elle a jugé que la procédure d'admission de la créance déclarée par la société ITC Srl pouvait être poursuivie par le commissaire à l'exécution du plan et en ce qu'elle a rejeté toutes exceptions ou fins de non-recevoir invoquées par la société Holding DG ;

En conséquence,

- confirmer l'ordonnance attaquée en ce qu'elle a ordonné l'admission de la créance de la société ITC Srl au passif de la société Holding DG pour un montant en principal de 707.226,60 euros ;

- l'infirmer en ce qu'elle a rejeté le surplus des demandes relatives aux intérêts de retard ;

Et statuant de nouveau,

- ordonner l'admission de la créance de la société ITC Srl au passif de la société Holding DG pour un montant total de 722.104,81 euros, et à titre subsidiaire, pour un montant total de 711.826,24 euros, en ce compris les intérêts de retard ayant couru depuis la date d'exigibilité de chacune des factures demeurées impayées jusqu'au 9 décembre 2011, date du jugement d'ouverture de la procédure de sauvegarde dont a fait l'objet la société Holding DG ;

En tout état de cause,

- débouter la société Holding DG de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions ; - condamner la société Holding DG à payer à la société ITC Srl la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du Code de la procédure civile ;

- condamner la société Holding DG aux entiers dépens.

Elle considère, en ce qui concerne le dessaisissement du juge commissaire et l'autorité de la chose jugée tirées des constatations de la cour d'appel d'Aix-en-Provence dans son arrêt du 1er décembre 2016 que les moyens invoqués par l'appelante se heurtent à l'autorité de la chose jugée tirée de l'arrêt confirmatif du 1er décembre 2013 et demande en conséquence qu'ils soient rejetés.

Subsidiairement, elle fait valoir l'absence de caractère juridictionnel de l'acte du juge commissaire qui a apposé sa signature sur la liste des créanciers établie par le mandataire judiciaire, sans avoir été saisi d'aucune contestation, qui s'apparente davantage à une mesure d'administration judiciaire qu'à une décision .

A titre infiniment subsidiaire, l'acte signé par le juge commissaire peut faire l'objet d'une interprétation ou d'une rectification, l'article 462 ouvrant la possibilité pour le juge de rectifier les erreurs ou omissions matérielles affectant le jugement, s'agissant en l'occurrence d'une erreur d'inattention ou d'une négligence, ce qui est le cas en l'espèce, le juge ayant commis une erreur en considérant que la date de délivrance de l'assignation devant le tribunal de commerce de Paris, le 16 décembre 2011 était antérieure à la date d'ouverture de la procédure de sauvegarde intervenue le 9 décembre 2011.

Sur le quantum de la créance, elle considère que la somme de 147 280,20 euros contestée par l'Eurl Holding DG au titre d'un retour de marchandise ayant fait l'objet d'un bon d'enlèvement par la société Transport 2000 du 21 avril 2011 n'est pas établi et que l'Eurl Holding DG ne justifie aucunement devoir réduire la créance à hauteur d'un tel montant. La créance devra donc être admise à hauteur de 707 226,60 euros.

Elle invoque par ailleurs l'application du taux d'intérêts italien compte tenu de l'application de la loi italienne au contrat de franchise, qui porte le montant des intérêts à 14 878,21 euros.

Subsidiairement, si la loi française devait s'appliquer aux intérêts de retard, ceux-ci représenteraient une sommd e 4 599,64 euros.

SUR CE,

A titre liminaire, dans le dernier état des conclusions des parties, aucun moyen de contestation de la recevabilité de l'appel ou de l'appel incident n'a été soulevé. Dans ces conditions, il est sans objet de statuer sur les demandes formées par les parties tendant à ce que l'appel et l'appel incident soient déclarés recevables.

- Sur l'étendue du pouvoir juridictionnel du juge commissaire concernant la créance de la société ITC Srl

1) L'Eurl Holding DG soutient que le juge commissaire ne pouvant poursuivre la procédure de vérification des créances en l'absence du mandataire judiciaire, conformément à l'article R 624.2 du code de commerce, lequel n'est plus en fonction depuis le 31 octobre 2012, la société Holding DG est par conséquent irrecevable à poursuivre la demande d'admission de sa créance devant le juge commissaire.

Aux termes de l'article L 626-24 alinéa 2 du code de commerce dans sa rédaction applicable au cas d'espèce, relatif au plan de sauvegarde, le mandataire demeure en fonction pendant le temps nécessaire à la vérification et à l'établissement définitif de l'état des créances.

L'article L 626-25 alinéa 2 dispose que les actions introduites avant le jugement qui arrête le plan et auxquelles l'administrateur ou le mandataire judiciaire est partie, sont poursuivies par le commissaire à l'exécution du plan, ou si celui-ci n'est plus en fonction, par un mandataire de justice désigné spécialement à cet effet par le tribunal.

En l'espèce, il ressort de l'ordonnance attaquée, que la SCP [P]-[I] prise en la personne de Me [J] [I], désignée en qualité de commissaire à l'exécution du plan de la société Holding DG était bien mise en cause dans la procédure de vérification des créances devant le juge commissaire, de sorte que la procédure ayant abouti à l'ordonnance du 9 décembre 2019 est parfaitement régulière.

2) L'Eurl Holding DG soutient ensuite que le juge commissaire ayant, dans le cadre de la vérification des créances, fait le constat d'une instance en cours portant sur la créance de la société ITC Srl, cette indication fut-elle erronée en ce qu'aucune instance n'était en cours, a été dessaisi par ce simple constant et, dès lors ne peut plus statuer sur la demande d'admission de la créance de la société ITC Srl, laquelle est irrecevable ; par ailleurs, la signature du juge commissaire au pied de l'état des créances déposé par le mandataire de justice et publié au Bodacc le 29 août 2012 confère à cet acte le caractère d'une décision de justice revêtu de l'autorité de la chose jugée s'opposant à toute modification.

Il lui est opposé l'autorité de la chose jugée tenant à l'arrêt de la cour d'appel du 16 décembre 2016

En application de l'article L 624-2 du code de commerce dans sa rédaction issue de la loi du 26 juillet 2015 applicable à la cause, dispose qu'au vu des propositions du mandataire judiciaire, le juge commissaire décide de l'admission ou du rejet des créances ou constate soit qu'une instance est en cours, soit que la contestation ne relève pas de sa compétence.

L'apposition par le juge commissaire de sa signature au bas de la liste des créances établie par le mandataire judiciaire comportant ses propositions d'admission, de rejets et de renvois, a valeur d'un acte juridictionnel et vaut, à cet égard, décision d'admission pour les créances non contestées.

Il y a lieu de considérer que la mention de l'existence d'une instance en cours concernant la créance de la société ITC Srl, a la même valeur nonobstant le fait qu'elle résulte d'une observation portée par le mandataire judiciaire, que le juge commissaire, dans le cadre de la vérification des créances, a repris à son compte en signant l'état des créances définitif.

Conformément aux dispositions de l'article 480 du code de procédure civile et de la jurisprudence constante en la matière, la constatation de l'existence d'une instance en cours a pour effet de dessaisir le juge commissaire.

Toutefois, comme l'a relevé à juste titre la partie intimée, le juge peut interpréter ou rectifier une erreur matérielle contenue dans la décision qu'il a rendue, conformément aux dispositions de l'alinéa 3 de l'article 480 et de l'article 462 du code de procédure civile.

Aux termes de l'ordonnance rendue le 8 avril 2015 le juge commissaire avait constaté que l'indication 'instance en cours' concernant la créance de la société ITC Srl portée sur l'état des créances signé par lui le 18 juillet 2012, était erronée, qu'il s'agissait d'une 'erreur matérielle évidente puisqu'il n'existait pas d'instance en cours à la date d'ouverture de la procédure collective, soit le 9 décembre 2011, l'assignation ayant été délivrée à la société Holding DG le 16 décembre 2011" et, usant de la faculté de rectification ouverte à l'article 462 du code de procédure civile, avait ordonné la radiation de cette mention de l'état des créances et s'était déclaré valablement saisi de la demande d'admission à la procédure collective de la société Holding DG par la société ITC Srl de sa créance et ordonné la réouverture des débats (à l'issue de laquelle sera prise l'ordonnance du 9 janvier 2019).

La cour précédemment saisie d'un appel-nullité contre cette ordonnance a, par son arrêt du 1er décembre 2016, dit que la décision rendue par le juge commissaire le 8 avril 2015 n'était entachée d'aucun excès de pouvoir et, par un arrêt rendu le 4 juillet 2018, la cour de cassation a déclaré irrecevable le pourvoi au visa des articles 606 à 608 du code de procédure civile, au motif que, dirigé contre une décision qui n'est pas entachée d'excès de pouvoir et qui n'a pas consacré un excès de pouvoir, dès lors que l'ordonnance du juge commissaire 'qui se bourne, dans son dispositif, constater le caractère erroné de l'indication d'une instance en cour, à ordonner la radiation de cette mention, à déclarer ce juge valablement saisi d'une demande de fixation de créance et à ordonner la réouverture des débats', ne tranche pas une partie du principal et ne met pas fin à l'instance, de sorte que le pourvoi n'est pas immédiatement recevable.

Ceci étant rappelé, la fin de non-recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée découlant de ces décisions, invoquée par la SCP [P]-[I] ès qualités de commissaire à l'exécution du plan de sauvegarde de l'Eurl Holding DG et par la société ITC Srl, ne peut toutefois être opposée à l'appelante, dès lors que l'appel-nullité voie de recours exceptionnelle ouverte en cas d'excès de pouvoir ou de violation d'un principe fondamental de la procédure formé contre l'ordonnance du 8 avril 2015 n'a pas le même objet que l'appel-réformation ou annulation dirigé contre l'ordonnance rendue le 9 janvier 2019.

Ainsi, le juge commissaire considérant que la mention d'une instance en cours concernant la créance de la société ITC Srl constituait une 'erreur matérielle évidente puisqu'il n'existait pas d'instance en cours à la date d'ouverture de la procédure collective, soit le 9 décembre 2011, l'assignation ayant été délivrée à la société Holding DG le 16 décembre 2011", a dans son ordonnance du 8 avril 2015, rectifié l'erreur matérielle par radiation de cette mention sur l'état des créances signé le 18 juillet 2012 et publié au Bodacc le 29 août 2012, et ce sans méconnaître l'article R 642-2 code de commerce.

Cette rectification a donc permis au juge commissaire de retrouver sa compétence en matière d'admission de créance et de recevoir la demande d'admission de la créance de la société ITC Srl.

La cour observe que cette ordonnance aujourd'hui définitive, est revêtue de la force de la chose jugée et ne peut donc être remise en cause par la société Holding DG, la cour n'étant saisie aux termes de la déclaration d'appel de la société Holding DG et de l'appel incident de la société ITC Srl, que de la seule ordonnance du juge commissaire rendue le 9 décembre 2019.

- Sur l'existence d'une contestation portant sur la créance de la société ITC Srl et sur l'appel incident de la société ITC Srl :

La jurisprudence antérieure à l'ordonnance du 12 mars 2014 et au décret du 30 juin 2014, a posé de manière constante le principe suivant lequel la procédure de vérification et d'admission des créances tend à la détermination de l'existence, du montant et de la nature de la créance déclarée et le juge commissaire commet un excès de pouvoir s'il tranche une contestation échappant à ses pouvoirs et relevant du seul pouvoir du juge du fond.

En pareil cas, le juge commissaire doit constater son absence de pouvoir, surseoir à statuer sur l'admission de la créance et inviter les parties à saisir le juge compétent.

En l'espèce, il ressort des écritures des parties que la contestation revêt un caractère sérieux dans la mesure où d'une part la cour d'appel de Paris a sursis à statuer sur les demandes reconventionnelles de la société Holding DG qui, si elles étaient admises, auraient pour effet de réduire d'autant le montant de la créance en principal de la société ITC Srl, compte tenu de la contestation portant sur un retour de marchandises d'une valeur totale de 147 280,20 euros.

De même la société ITC Srl fait grief à l'ordonnance d'avoir rejeté la demande au titre des intérêts de retard estimés à 92 773,40 euros.

Elle revendique à titre principal qu'il soit fait application du taux d'intérêt légal italien, faisant valoir que la loi italienne s'applique au contrat de franchise et subsidiairement sollicite l'application du taux d'intérêt légal français, caractérisant ainsi une contestation qu'il n'entre pas dans la compétence de la cour d'appel, saisie en matière d'admission de créance, d'apprécier.

La créance au titre des intérêts de retard étant liée au principal, sur lequel une contestation sérieuse oppose les parties, le sursis à statuer s'impose dans l'attente d'une décision définitive sur la créance de la société ITC Srl, les parties étant invitées à saisir la juridiction compétente, dans le délai d'un mois à compter de la notification ou de la réceptio de l'avis délivré conformément aux dispositions de l'article R 624-5 du code de commerce dans sa rédaction applicable à l'espèce, à peine de forclusion.

Le sort des dépens et l'examen des prétentions formulées au titre des frais irrépétibles seront réservés.

Le dossier sera renvoyé à l'audience d'incident Jeudi 07 MARS 2024 à 08 h 35, en salle 7 au palais Monclar, pour faire le point sur la situation.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt mixte, mis à disposition des parties au greffe ;

Déclare sans objet de statuer sur les demandes formées par les parties tendant à ce que l'appel et l'appel incident soient déclarés recevables ;

Rejette les fins de non recevoir soulevées par les parties ;

Infirme l'ordonnance n° 1202 rendue le 9 janvier 2019 par le juge commissaire du tribunal de commerce d'Antibes en ce qu'il a retenu sa compétence pour trancher le litige ;

Décline la compétence du juge commissaire pour trancher le litige en raison de la contestation sérieuse sur la créance de la société ITC Srl ;

Invite les parties à saisir la juridiction compétente dans le délai d'un mois à compter de la notification ou de la réception de l'avis délivré conformément à l'article R 624-5, à peine de forclusion et à en justifier auprès du greffe de la juridiction de céans;

Sursoit à statuer sur le fond du dossier dans l'attente de la solution définitive qui sera rendue par la juridiction saisie ;

Renvoie la cause et les parties à l'audience d'incident du Jeudi 07 MARS 2024 à 08 h 35, en salle 7 au palais Monclar, pour examen de la situation ;

Réserve le sort des dépens et l'examen des prétentions formulées au titre des frais irrépétibles.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 3-2
Numéro d'arrêt : 19/01794
Date de la décision : 04/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-04;19.01794 ?
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