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14/04/2023 | FRANCE | N°19/00207

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-3, 14 avril 2023, 19/00207


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-3



ARRÊT AU FOND



DU 14 AVRIL 2023



N° 2023/



RG 19/00207

N° Portalis DBVB-V-B7D-BDSME







SARL DEPHI





C/



[E] [P]

























Copie exécutoire délivrée

le 14 Avril 2023 à :

- Me Catherine BERTHOLET, avocat au barreau de MARSEILLE



- Me Michel KUHN, avocat au barreau de MARSEILLE


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Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de MARSEILLE en date du 13 Décembre 2018 enregistré au répertoire général sous le n° F17/01044.





APPELANTE



SARL DEPHI, demeurant [Adresse 2]



représentée pa...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-3

ARRÊT AU FOND

DU 14 AVRIL 2023

N° 2023/

RG 19/00207

N° Portalis DBVB-V-B7D-BDSME

SARL DEPHI

C/

[E] [P]

Copie exécutoire délivrée

le 14 Avril 2023 à :

- Me Catherine BERTHOLET, avocat au barreau de MARSEILLE

- Me Michel KUHN, avocat au barreau de MARSEILLE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de MARSEILLE en date du 13 Décembre 2018 enregistré au répertoire général sous le n° F17/01044.

APPELANTE

SARL DEPHI, demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Catherine BERTHOLET de la SELARL CAPSTAN - PYTHEAS, avocat au barreau de MARSEILLE substituée par Me Arnaud CERUTTI, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIME

Monsieur [E] [P], demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Michel KUHN, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 24 Janvier 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Isabelle MARTI, Président de Chambre suppléant, chargée du rapport, qui a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre

Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller faisant fonction de Président

Madame Isabelle MARTI, Président de Chambre suppléant

Greffier lors des débats : Mme Agnès BAYLE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 24 Mars 2023, délibéré prorogé en raison de la survenance d'une difficulté dans la mise en oeuvre de la décision au 07 Avril 2023, puis au 14 Avril 2023.

ARRÊT

CONTRADICTOIRE

Prononcé par mise à disposition au greffe le 14 Avril 2023

Signé par Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre et Madame Florence ALLEMANN-FAGNI, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

* * *

FAITS ET PROCÉDURE

M. [E] [P] a été engagé par la SARL Dephi, franchisée Quick, à compter du 7 juillet 2012 en qualité d'équipier catégorie employé, niveau N1 E2, par contrat à durée indéterminée à temps partiel pour une rémunération brute de 814,04 euros pour un horaire mensuel de 86,60 heures.

La convention collective nationale applicable était celle de la restauration rapide .

Le salarié était placé en arrêt de travail suite à un vol à main armée le 1er octobre 2004 au restaurant Quick route de [Localité 3] à [Localité 4] où il exerçait.

Lors de la première visite de reprise le 9 novembre 2015, le médecin du travail déclarait le salarié inapte au poste et lors de la deuxième visite le 26 novembre 2015 inapte au poste avec cette précision « l'état de santé du salarié ne permet pas de proposer des tâches ou poste au sein de l'entreprise que le salarié pourrait exercer ».

M. [P] était convoqué le 30 novembre 2015 à un entretien préalable fixé au 10 décembre 2015. Il était licencié par courrier du 14 décembre 2015.

Contestant la légitimité de la mesure prise à son encontre M. [P] saisissait le conseil de prud'hommes de Marseille en et en paiement d'indemnités.

Par jugement du 13 décembre 2018 le conseil de prud'hommes de Marseille en la forme de départage a statué comme suit :

« Dit que le licenciement pour inaptitude d'origine professionnelle de [E] [P] par la SARL Dephi est dépourvu de cause réelle et sérieuse pour manquement de 1'employeur à son obligation de sécurite et à son obligation de reclassement ;

Condamne la SARL Dephi à verser à [E] [P] les sonnnes de nature indemnitaire suivantes :

- 11.500 euros à titre de dommages et intérets pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,

- 2.000 euros à titre de dommages et intérets pour violation de l'obligation de sécurité de résultat,

Dit que ces sommes porteront intérets au taux légal à compter du présent jugement, et ce jusqu'à parfait paiement ;

Ordonne la capitalisation des intérets, sous reserve toutefois qu'i1s soient dus pour une année entière ;

Déboute [E] [P] de sa demande formée au titre de l'indemnité légale de licenciement;

Condamne d'office la SARL Dephi à rembourser à Pôle Emploi les indemnités de chômage perçues par [E] [P] dans la lirnite des six premiers mois indemnisés ;

Dit que le présent jugement sera notifié, à la diligence du Greffe de cette juridiction, à Pôle Emploi ;

Condamne la SARL Dephi à verser à [E] [P] la somme cle 1.500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Condamne la SARL Dephi aux entiers dépens de la présente procédure ;

Dit n'y avoir lieu à ordonner 1'exécution provisoire des dispositions du présent jugement qui ne seraient pas de plein droit exécutoires par application do Particle R. 1454-28 du Code du travail;

Déboute lesparties de leurs demandes plus amples ou contraires»

Par acte du 4 janvier 2019 le conseil de la SARL Dephi a interjeté appel de cette décision.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Aux termes de ses dernières conclusions communiquées au greffe par voie électronique le 12 septembre 2019 la SARL Dephi demande à la cour de :

« Infirmer en toutes ses dispositions le jugement de départage du 13 décembre 2018 ;

Débouter M. [P] de l'ensemble de ses demandes ;

Condamner M. [P] à verser à la société DEPHI la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Condamner M. [P] aux entiers dépens».

Dans ses dernières écritures communiquées au greffe par voie électronique 5 décembre 2019 M. [P] demande à la cour de :

« Rejeter comme étant irrecevable l'exception d'incompétence matérielle,

Constater la violation de l'obligation de sécurité par la société Dephi.

Constater le manquement de l'employeur à son obligation de reclassement

Confirmer le jugement en ce qu'il a dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse et la condamnation au titre du manquement à l'obligation de sécurité.

En conséquence de quoi,

Condamner la société Dephi aux sommes suivantes :

- Indemnité de licenciement doublée : 1252.03 €

- Dommages et intérêts : 14.175€ pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

- Dommages et intérêts : 15.000 € pour violation de l'obligation de sécurité de résultat

Assortir ces condamnations des intérêts légaux capitalisés depuis le jour de la saisine de la juridiction.

Condamner la société Dephi à verser à M. [E] [P] en cause d'appel les entiers dépens et une somme de 2500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ».

Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer à leurs écritures susvisées.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la fin de non recevoir

La société soulève une fin de non recevoir tirée du défaut de pouvoir juridictionnel de la juridiction saisie et indique que la juridiction prud'homale ne dispose pas du pouvoir de statuer au principal sur une demande qui sous couvert d'une action en responsabilité contre l'employeur pour manquement à son obligation de sécurité lui impose en réalité de statuer sur la réparation d'un préjudice né d'un accident du travail dont la salariée a été victime et qui relève du tribunal des affaires de sécurité sociale.

Le salarié soutient l'irrecevabilité de cette demande s'agissant selon lui d'une exception d'incompétence qui doit être soulevée avant tout débats au fond et qui n'a pas été débattue devant les premiers juges.

Les dispositions de l'article 122 du code de procédure civile prévoient que « constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.»

En vertu de l'article 123 et 124 du code de procédure civile les fins de non-recevoir peuvent être proposées en tout état de cause et elles doivent être accueillies sans que celui qui les invoque ait à justifier d'un grief, alors même que l'irrecevabilité ne résulterait d'aucune disposition expresse, et ne sont pas limitativement énumérées.

L'article L. 1411-4 al.2 dispose que le conseil des prud'hommes n'est pas compétent pour connaître des litiges attribués à une autre juridictionpar la loi, notamment par le code de la Sécurité Sociale en matière d'accident duu travail et maladies professionnelles.

Les dispositions des articles L. 541-1 et L. 142-1 du Code de la Sécurité Sociale prévoient que l'indemnisation des dommages résultant d'un accident du travail, qu'elle soit ou non la conséquence d'un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité, relève de la compétence exclusive du Tribunal des Affaires Sociales.

Le défaut de pouvoir juridictionnel du tribunal saisi constitue une fin de non-recevoir, et non une exception d'incompétence.

En l'espèce, le salarié a été victime le 1er octobre 2014 d'un accident du travail qu'il attribue au vol à main armée intervenu à cette date en raison de la violation de l'obligation de sécurité de la part de son employeur qui n'aurait pas pris les mesures de protection nécessaires à la protection de ses salariés.

Sous couvert de la demande à l'encontre de l'employeur pour manquement à son obligation de sécurité, le salarié réclame l'indemnisation de son préjudice qui a pour origine l'accident de travail et son inaptitude et qui relève de la compétence exclusive de la juridiction des affaires de sécurité sociale.

Le conseil des prud'hommes n'a pas le pouvoir de statuer sur cette demande, le salarié ne pouvant pas exercer à l'encontre de son employeur une action ayant la même fin que celle prévue par les articles L.452-1 et suivants du code de la sécurité sociale.

Dès lors, la cour dit irrecevable la demande d'indemnisation du salarié sur le fondement du manquement de l'employeur à son obligation de sécurité.

Sur la rupture du contrat de travail

En vertu des dispositions de l'article L.1232-6 du Code du travail, la lettre de licenciement comporte l'énoncé du ou des motifs invoqués par l'employeur ; la motivation de cette lettre fixe les limites du litige.
 

En l'espèce, la lettre de licenciement était libellée dans les termes suivants :

« Conformément à la décision de la médecine du travail (... inapte à tout poste dans l'entreprise...), nous sommes dans l'obligation de vous licencier. Nous avons contacté l'ensemble de la profession, mais sans succès. En conséquence nous avons décidé de vous licencier pour motif réel et sérieux. Compte tenu de la décision médicale, vous n'avez pas de préavis à faire. Cette décision prend effet à la première présentation de ce courrier et vous ne ferez plus partie de notre personnel à l'issue de cette date ».

Le salarié indique que la société n'établit pas avoir consulté les délégués du personnel après la déclaration d'inaptitude et avant toute proposition de reclassement.

L'employeur soutient que la société n'était pas tenue de procéder à une consultation des délégués du personnel du fait de la carence de candidats lors des dernières élections professionnelles et de l'absence de propositions de reclassement.

Il résulte de l'article L. 1226-10 du Code du Travail qu'en présence d'une inaptitude consécutive à un accident du travail ou une maladie professionnelle, l'employeur doit consulter les délégués du personnel avant de proposer au salarié un poste de reclassement.

L'employeur ne peut se soustraire à l'obligation liée à la consultation des délégués du personnel dès lors que les conditions prévues à l'article L 2312-2 du code du travail sont remplies dans l'établissement et qu'aucun procès verbal de carence n'a été établi.

La consultation des délégués du personnel ne peut intervenir que postérieurement à la constatation régulière de l'inaptitude mais antérieurement aux propositions de reclassement et à l'engagement de la procédure de licenciement.

Par ailleurs, l'employeur est tenu de recueillir l'avis des délégués du personnel même en cas d'impossibilité de reclassement.

La cour constate que le procès-verbal de carence de l'élection des délégués produit est daté du 15 décembre 2011 et transmis à la Direccte Paca Ut13 le 16 décembre 2011, soit à une date antérieure de quatre années à la rupture.

L'employeur ne justifie pas d'un procès-verbal de carence conforme, ni de l'impossibilité d'organiser la consultation des délégués du personnel avant d'avoir engagé la procédure de licenciement du salarié déclaré à l'eau inapte, alors que la mise en place de délégués est obligatoire au regard de l'effectif de l'établissement.

Le licenciement prononcé en méconnaissance des dispositions des articles L. 1226-10 et L. 1226-12 du code du travail est privé de cause réelle et sérieuse, sans qu'il soit besoin d'aborder les autres moyens développés notament le défaut de reclassement et doit être sanctionné par une indemnité qui ne peut être inférieure à celle prévue par l'article L. 1226-15 alinéa 2 du même code.

Sur les conséquences financières du licenciement

- Sur l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

Le montant du salaire de référence du salarié est fixé à 916,12 €.

Le salarié n'établit pas un préjudice supérieur à celui fixé par le premier juge, de sorte que la cour confirme la somme retenue de 11'500 euros.

- Sur l'indemnité spéciale de licenciement :

La salariée a droit en vertu des dispositions de l'article L. 1226 -14 du code du travail à une indemnité spéciale de licenciement qui sauf dispositions conventionnelles plus favorables est égale au double de l'indemnité prévue par l'article L. 1234-9 du code du travail.

En l'espèce, la cour ayant recalculé le montant de cette indemnité tenant compte du versement par l'employeur de la somme de 1252,03 euros visée au solde de tout compte du 8 janvier 2016 fixe par voie d'infirmation à la somme de 61,04 euros le solde dû au titre de l'indemnité spéciale de licenciement.

Le jugement entrepris est confirmé sur les intérêts et leur capitalisation ainsi que la sanction d'office de l'article L.1235-4 du Code du Travail.

Sur les frais et dépens

La société qui succombe au principal doit s'acquitter des dépens, être déboutée de sa demande faite en application de l'article 700 du code de procédure civile, et à ce titre, condamnée à payer à M. [P] la somme de 2000 €.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, en matière prud'homale,

Confirme le jugement entrepris SAUFs'agissant du manquement à l'obligation de sécurité et du rejet de l'indemnité de licenciement,

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

Déclare irrecevable la demande d'indemnisation au titre du manquement à l'obligation de sécurité,

Condamne la Société Dephi à payer à M. [E] [P] les sommes suivantes :

- 61, 04 euros au titre du complément de l'indemnité de licenciement,

- 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la Société Dephi aux dépens d'appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-3
Numéro d'arrêt : 19/00207
Date de la décision : 14/04/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-04-14;19.00207 ?
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