La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

14/04/2023 | FRANCE | N°19/00194

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-3, 14 avril 2023, 19/00194


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-3



ARRÊT AU FOND



DU 14 AVRIL 2023



N° 2023/ 79





RG 19/00194

N° Portalis DBVB-V-B7D-BDSLG







SARL DEPHI





C/



[I] [V]

























Copie exécutoire délivrée

le 14 Avril 2023 à :



Me Catherine BERTHOLET, avocat au barreau de MARSEILLE



Me Michel KUHN, avocat au barreau de MARSEILLE<

br>
























Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de MARSEILLE en date du 13 Décembre 2019 enregistré au répertoire général sous le n° F17/01045.





APPELANTE



SARL DEPHI, demeurant [Adresse 2]



représentée pa...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-3

ARRÊT AU FOND

DU 14 AVRIL 2023

N° 2023/ 79

RG 19/00194

N° Portalis DBVB-V-B7D-BDSLG

SARL DEPHI

C/

[I] [V]

Copie exécutoire délivrée

le 14 Avril 2023 à :

Me Catherine BERTHOLET, avocat au barreau de MARSEILLE

Me Michel KUHN, avocat au barreau de MARSEILLE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de MARSEILLE en date du 13 Décembre 2019 enregistré au répertoire général sous le n° F17/01045.

APPELANTE

SARL DEPHI, demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Catherine BERTHOLET de la SELARL CAPSTAN - PYTHEAS, avocat au barreau de MARSEILLE substituée pour plaidoirie par Me Arnaud CERUTTI, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMEE

Madame [I] [V], demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Michel KUHN, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 24 Janvier 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Isabelle MARTI, Président de Chambre suppléant, chargée du rapport, qui a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre

Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller faisant fonction de Président

Madame Isabelle MARTI, Président de Chambre suppléant

Greffier lors des débats : Mme Agnès BAYLE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 24 Mars 2023, délibéré prorogé en raison de la survenance d'une difficulté dans la mise en oeuvre de la décision au 07 Avril 2023, puis au 14 Avril 2023.

ARRÊT

CONTRADICTOIRE

Prononcé par mise à disposition au greffe le 14 Avril 2023

Signé par Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre et Madame Florence ALLEMANN-FAGNI, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

* * *

FAITS ET PROCÉDURE

Mme [I] [V] a été engagée par la société Dephi, franchisée Quick, à compter du 19 octobre 2011 en qualité d'équipière, catégorie employée, niveau1, E2 par contrat à durée indéterminée à temps partiel pour une rémunération brute de 779,40 € et un horaire mensuel de 86,60 heures.

La convention collective nationale applicable était celle de la restauration rapide.

La salariée était placée en arrêt de travail suite à un vol à main armée le 1er octobre 2014 au restaurant Quick [Adresse 3] où elle exerçait.

Lors de la visite de reprise du 6 novembre 2015, le médecin du travail déclarait la salariée inapte au poste et le 23 novembre 2015 confirmait cet avis, précisant : « l'état de santé de la salariée ne lui permettant pas de reprendre une quelconque activité au sein de l'entreprise ».

Mme [I] [V] était convoquée le 30 novembre 2015 à un entretien préalable fixé au 10 décembre 2015. Elle était licenciée par courrier du 14 décembre 2015 remis en main propre le 28 décembre 2015.

Contestant la légitimité de la mesure prise à son encontre Mme [I] [V] saisissait le 26 avril 2017 le conseil de prud'hommes de Marseille en paiement d'indemnités diverses.

Par jugement du 13 décembre 2018 le conseil de prud'hommes de Marseille en sa formation de départage a statué comme suit :

« Dit que le licenciement pour inaptitude d'origine professionnelle de [I] [V] par la SARL Dephi est dépourvu de cause réelle et sérieuse pour manquement de l'employeur à son obligation de sécurité et à son obligation de reclassement ;

Condamne la SARL Dephi à verser à [I] [V] les sommes de nature indemnitaire suivantes :

- 12.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

- 3.000 euros à titre de dommages et intérêts pour violation de l'obligation de sécurité de résultat;

Dit que ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter du présent jugement, et ce jusqu'à parfait paiement ;

Ordonne la capitalisation des intérêts, sous réserve toutefois qu'i1s soient dus pour une année entière ;

Déboute [I] [V] de sa demande formée au titre de l'indemnité légale de licenciement;

Condamne d'office la SARL Dephi à rembourser à Pôle Emploi les indemnités de chômage perçues par [I] [V] dans la limite des six premiers mois indemnisés ;

Dit que 1e présent jugement sera notifié à la diligence du Greffe de notre juridiction, à Pôle Emploi ;

Condamne la SARL Dephi à verser à [I] [V] la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Condamne la SARL Dephi aux entiers dépens de la présente procédure ;

Dit n'y avoir lieu à ordonner l'exécution provisoire des dispositions du présent jugement qui ne seraient pas de plein droit exécutoires par application de l'article R. 1454-28 du Code du travail;

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ».

Par acte du 4 janvier 2019 le conseil de la société a interjeté appel de cette décision.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Aux termes de ses dernières conclusions communiquées par voie électronique au greffe le 12 septembre 2019 la Société Dephi demande à la cour de :

« Infirmer en toutes ses dispositions le jugement de départage du 13 décembre 2018 ;

Débouter Mme [I] [V] de l'ensemble de ses demandes ;

Condamner Mme [I] [V] à verser à la société Dephi la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Condamner Mme [I] [V] aux entiers dépens ».

Dans ses dernières écritures communiquées par voie électronique au greffe le 5 décembre 2019 Mme [I] [V] demande à la cour de :

« Rejeter comme étant irrecevable l'exception d'incompétence matérielle,

Constater la violation de l'obligation de sécurité par la société Dephi,

Constater le manquement de l'employeur à son obligation de reclassement,

Confirmer le jugement en ce qu'il a dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse et lacondamnation au titre du manquement à l'obligation de sécurité,

En conséquence de quoi,

Condamner la société Dephi aux sommes suivantes :

- Indemnité de licenciement doublée : 1165,94 €

- Dommages et intérêts : 16.625 € pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

- Dommages et intérêts : 18.000 € pour violation de l'obligation de sécurité de résultat

Assortir ces condamnations des intérêts légaux capitalisés depuis le jour de la saisine de la juridiction.

Condamner la société à verser à Madame [V] en cause d'appel les entiers dépens et une somme 2500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ».

Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer à leurs écritures susvisées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la fin de non recevoir

La société soulève une fin de non recevoir tirée du défaut de pouvoir juridictionnel de la juridiction saisie et indique que la juridiction prud'homale ne dispose pas du pouvoir de statuer au principal sur une demande qui, sous couvert d'une action en responsabilité contre l'employeur pour manquement à son obligation de sécurité lui impose en réalité de statuer sur la réparation d'un préjudice né d'un accident du travail dont la salariée a été victime et qui relève du tribunal des affaires de sécurité sociale.

La salariée soutient l'irrecevabilité de cette demande s'agissant selon elle d'une exception d'incompétence qui doit être soulevée avant tout débat au fond et qui n'a pas été débattue devant les premiers juges.

Le défaut de pouvoir juridictionnel du tribunal saisi constitue une fin de non-recevoir, et non une exception d'incompétence.

En vertu des articles 123 et 124 du code de procédure civile les fins de non-recevoir peuvent être proposées en tout état de cause et elles doivent être accueillies sans que celui qui les invoque ait à justifier d'un grief, alors même que l'irrecevabilité ne résulterait d'aucune disposition expresse, et ne sont pas limitativement énumérées.

L'article L.1411-4 al.2 prévoit que le conseil des prud'hommes n'est pas compétent pour connaître des litiges attribués à une autre juridiction par la loi, notamment par le code de la Sécurité Sociale en matière d'accident du travail et maladies professionnelles.

Les dispositions des articles L.541-1 et L.142-1 du Code de la Sécurité Sociale prévoient que l'indemnisation des dommages résultant d'un accident du travail, qu'elle soit ou non la conséquence d'un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité, relève de la compétence exclusive du Tribunal des Affaires Sociales .

En l'espèce, la salariée a été victime le 1er octobre 2014 d'un accident du travail qu'elle attribue au vol à main armée intervenu à cette date en raison de la violation de l'obligation de sécurité de la part de son employeur qui n'aurait pas pris les mesures de protection nécessaires à la protection de ses salariés.

Sous couvert d'une demande à l'encontre de l'employeur pour manquement à son obligation de sécurité, la salariée réclame en réalité l'indemnisation de son préjudice qui a pour origine l'accident de travail et son inaptitude et qui relève de la compétence exclusive de la juridiction des affaires de sécurité sociale.

Le conseil des prud'hommes n'a pas le pouvoir de statuer sur cette demande, la salariée ne pouvant pas exercer à l'encontre de son employeur une action ayant la même fin que celle prévue par les articles L. 452-1 et suivants du code de la sécurité sociale.

Dès lors, la cour dit irrecevable la demande d'indemnisation de la salariée sur le fondement du manquement de l'employeur à son obligation de sécurité.

Sur la rupture du contrat de travail

En vertu des dispositions de l'article L.1232-6 du Code du travail, la lettre de licenciement comporte l'énoncé du ou des motifs invoqués par l'employeur ; la motivation de cette lettre fixe les limites du litige.
 

En l'espèce, la lettre de licenciement était libellée dans les termes suivants :

« Nous faisons suite à notre entretien et conformément à la décision de la médecine du travail(... inapte à tout poste dans l'entreprise...), nous sommes dans l'obligation de vous licencier. Nous avons contacté l'ensemble de la profession. Un reclassement, mais sans succès. En conséquence nous avons décidé de vous licencier pour motif réel et sérieux. Compte tenu de la décision médicale, vous n'avez pas de préavis à faire. Cette décision prend effet à la première présentation de et vous ne ferez plus partie de notre personnel à l'issue de cette date ».

La salariée fait valoir que la société n'établit pas avoir consulté les délégués du personnel après la déclaration d'inaptitude et avant toute proposition de reclassement.

L'employeur soutient que la société n'était pas tenue de procéder à une consultation des délégués du personnel du fait de la carence de candidats lors des dernières élections professionnelles et de l'absence de propositions de reclassement.

Il résulte de l'article L. 1226-10 du Code du Travail qu'en présence d'une inaptitude consécutive à un accident du travail ou une maladie professionnelle, l'employeur doit consulter les délégués du personnel avant de proposer au salarié un poste de reclassement.

L'employeur ne peut se soustraire à l'obligation liée à la consultation des délégués du personnel dès lors que les conditions prévues à l'article L 2312-2 du code du travail sont remplies dans l'établissement et qu'aucun procès verbal de carence n'a été établi.

La consultation des délégués du personnel ne peut intervenir que postérieurement à la constatation régulière de l'inaptitude mais antérieurement aux propositions de reclassement et à l'engagement de la procédure de licenciement.

Par ailleurs, l'employeur est tenu de recueillir l'avis des délégués du personnel même en cas d'impossibilité de reclassement.

La cour constate que le procès-verbal de carence de l'élection des délégués produit est daté du 15 décembre 2011 et transmis à la Direccte Paca Ut13 le 16 décembre 2011, soit antérieur de quatre années à la rupture.

L'employeur ne justifie pas d'un procès-verbal de carence conforme, ni de l'impossibilité d'organiser la consultation des délégués du personnel avant d'avoir engagé la procédure de licenciement de la salariée déclarée inapte, alors que la mise en place de délégués est obligatoire au regard de l'effectif de l'établissement.

Le licenciement prononcé en méconnaissance des dispositions des articles L. 1226-10 et L. 1226-12 du code du travail est privé de cause réelle et sérieuse, sans qu'il soit besoin d'aborder les autres moyens développés notamment le défaut de reclassement et et doit être sanctionné par une indemnité qui ne peut être inférieure à celle prévue par l'article L. 1226-15 alinéa 2 du même code.

Sur les conséquences financières du licenciement

- Sur l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

Le montant du salaire de référence de la salariée est fixé à 999,44 €.

La salariée n'établit pas un préjudice supérieur à celui fixé par le premier juge, de sorte que la cour confirme la somme retenue de 12'000 euros.

- Sur l'indemnité spéciale de licenciement

La salariée a droit en vertu des dispositions de l'article L. 1226 -14 du code du travail à une indemnité spéciale de licenciement qui sauf dispositions conventionnelles plus favorables est égale au double de l'indemnité prévue par l'article L. 1234-9 du code du travail.

En l'espèce, la cour ayant recalculé le montant de cette indemnité tenant compte du versement par l'employeur de la somme de 1 665,94 euros visé au solde de tout compte du 31 décembre 2015 fixe par voie d'infirmation à la somme de 66,42 euros le solde dû au titre de l'indemnité spéciale de licenciement.

Le jugement entrepris est confirmé sur les intérêts et leur capitalisation ainsi que la sanction d'office de l'article L.1235-4 du code du travail.

Sur les frais et dépens

La société qui succombe au principal doit s'acquitter des dépens, être déboutée de sa demande faite en application de l'article 700 du code de procédure civile, et à ce titre, condamnée à payer à Mme [V] la somme de 2 000 €.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, en matière prud'homale,

Confirme le jugement entrepris SAUF s'agissant du manquement à l'obligation de sécurité et du rejet de l'indemnité de licenciement,

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

Déclarre irrecevable la demande d'indemnisation au titre du manquement à l'obligation de sécurité,

Condamne la société Dephi à payer à Mme [I] [V] les sommes suivantes :

- 66,42 euros au titre du complément de l'indemnité de licenciement,

- 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société Dephi aux dépens d'appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-3
Numéro d'arrêt : 19/00194
Date de la décision : 14/04/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-04-14;19.00194 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award