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14/04/2023 | FRANCE | N°19/00120

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-3, 14 avril 2023, 19/00120


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-3



ARRÊT AU FOND



DU 14 AVRIL 2023



N° 2023/ 78



RG 19/00120

N° Portalis DBVB-V-B7D-BDSEY







SARL RENOV'MAISON





C/



[Y] [N]

























Copie exécutoire délivrée

le 14 Avril 2023 à :



- Me Michel REYNE, avocat au barreau de MARSEILLE



- Me Adrienne MICHEL-CORSO, avocat au barreau de MARS

EILLE

























Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE en date du 11 Décembre 2018 enregistré au répertoire général sous le n° 17/02906.





APPELANTE



SARL RENOV'MAISON, demeurant [Adresse 3]


...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-3

ARRÊT AU FOND

DU 14 AVRIL 2023

N° 2023/ 78

RG 19/00120

N° Portalis DBVB-V-B7D-BDSEY

SARL RENOV'MAISON

C/

[Y] [N]

Copie exécutoire délivrée

le 14 Avril 2023 à :

- Me Michel REYNE, avocat au barreau de MARSEILLE

- Me Adrienne MICHEL-CORSO, avocat au barreau de MARSEILLE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE en date du 11 Décembre 2018 enregistré au répertoire général sous le n° 17/02906.

APPELANTE

SARL RENOV'MAISON, demeurant [Adresse 3]

représentée par Me Michel REYNE de la SCP REYNE AVOCATS, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIME

Monsieur [Y] [N], demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Adrienne MICHEL-CORSO, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 24 Janvier 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Isabelle MARTI, Président de Chambre suppléant, chargée du rapport, qui a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre

Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller faisant fonction de Président

Madame Isabelle MARTI, Président de Chambre suppléant

Greffier lors des débats : Mme Agnès BAYLE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 24 Mars 2023, délibéré prorogé en raison de la survenance d'une difficulté dans la mise en oeuvre de la décision au 07 Avril 2023, puis au 14 Avril 2023.

ARRÊT

CONTRADICTOIRE

Prononcé par mise à disposition au greffe le 14 Avril 2023

Signé par Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre et Madame Florence ALLEMANN-FAGNI, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

* * *

FAITS ET PROCÉDURE

M. [Y] [N] a été engagé à compter du 23 avril 2008 en qualité de maçon selon contrat à durée indéterminée à temps complet, par la société Renov'Maison avec une rémunération mensuelle de 1500 €.

La convention collective nationale applicable était celle des ouvriers du bâtiment pour les sociétés employant plus de 10 salariés.

M. [N] était convoqué le 28 février 2017 à un entretien préalable fixé au10 mars 2017. Il était licencié pour faute grave par courrier du 15 mars 2017.

Contestant la légitimité de la mesure prise à son encontre M. [N] saisissait le 20 juin 2017 le conseil de prud'hommes de Marseille en contestation du licenciement et en paiement d'indemnités.

Par jugement du 11 décembre 2018 le conseil de prud'hommes de Marseille a statué comme suit:

« Dit que le licenciement de M. [N] est dépourvu de cause réelle et sérieuse et condamne la SARL Rénov'Maison à verser à M. [Y] [N] les sommes de :

- 9.840 € au titre de licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,

- 3.449 € au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement ;

- 3.280 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis ;

- 328 € au titre des congés payés y afférents ;

- 2 000 € au titre du préjudice moral ;

- 1 500 € au titre des frais irrépétibles de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

Dit que la moyenne des trois derniers mois de salaire de M. [N] s'élève à la somme de 1.640 euros bruts.

Ordonne à la SARL Rénov'Maison la délivrance à M. [N] de tous les documents sociaux en concordance avec le présent jugement,

Déboute le salarié du surplus de ses demandes soit l'indemnité à titre de dommages-intérêts pour manquement de son employeur à son obligation de santé et de sécurité au travail,

Déboute la SARL Rénov'Maison de sa demande reconventionnelle au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la SARL Rénov'Maison aux entiers dépens».

Par acte du 18 décembre 2018 le conseil de la société Renov'Maison a interjeté appel de cette décision.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Aux termes de ses dernières conclusions communiquées au greffe par voie électronique le 28 avril 2020 la société Renov'Maison demande à la cour de :

« Infirmer le jugement du Conseil de Prud'hommes de Marseille, en date du 11 décembre 2018, en ce qu'il a dit que le licenciement de Monsieur [Y] [N] n'était pas fondé sur une cause réelle et sérieuse.

Dire et Juger que le licenciement de Monsieur [Y] [N] est fondé sur une faute grave.

Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a retenu le salaire moyen de Monsieur [N] à la somme de 1.640 euros.

Débouter en conséquence Monsieur [Y] [N] de toutes ses demandes.

Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a dit que l'employeur avait respecté son obligation de santé et de sécurité au travail.

Condamner Monsieur [Y] [N] à une somme de 2.000 euros, au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Le condamner aux entiers dépens distraits au profit de Maître Michel REYNE de la SCP REYNE RICHARD, sur son affirmation de droit ».

Dans ses dernières écritures communiquées au greffe par voie électronique le 28 février 2020, M. [N] demande à la cour de :

«Déclarer la Société à responsabilité limitée Rénov'Maison irrecevable et mal fondée en toutes ses demandes et l'en débouter ;

Confirmer la décision entreprise, à savoir le jugement du Conseil de Prud'hommes de Marseille en date du 11/12/2018 sous le numéro RG 17/02906 en ce qu'il a :

o Dit que le licenciement de M. [N] est dépourvu de cause réelle et sérieuse et condamné la SARL Rénov'Maison à verser à M. [N] les sommes de :

- 3 449 euros au titre de l'indemnité de licenciement,

- 2 000 euros au titre du préjudice moral,

- 1 500 euros au titre des frais irrépétibles,

et aux entiers dépens,

o Ordonné à la SARL Rénov'Maison la délivrance à M. [N] de tous les documents sociaux en concordance avec le présent jugement,

o Débouté la SARL Rénov'Maison de sa demande reconventionnelle au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Réformer simplement dans son quantum les condamnations suivantes et statuant à nouveau condamner la SARL Rénov'Maison à verser à M. [N] les sommes suivantes :

o 22 800 euros au titre d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse,

o 3 800 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

o 380 euros à titre de congés payés sur préavis,

Déclarer M. [N] recevable et bien fondé en son appel incident et ainsi :

Infirmer la décision déférée en ce qu'elle a :

o Dit que la moyenne des trois derniers mois de salaire de M. [N] s'élève à la somme de 1640 euros bruts,

o Débouté le salarié du surplus de ses demandes soit l'indemnité à titre dommages -intérêts pour manquement de son employeur à son obligation de santé et de sécurité au travail,

Et Statuant à Nouveau :

Fixer à la somme de 1 900 euros bruts la moyenne de la rémunération mensuelle de M. [N] ,

Dire et Juger que la Société à responsabilité limitée Rénov'Maison a manqué à son obligation de santé et de sécurité au travail,

Condamner la Société à responsabilité limitée Rénov'Maison à lui payer la somme de 10 000 euros à titre de dommages-et-intérêts pour manquement de 1'employeur à son obligation de santé et de sécurité au travail,

En tout état de cause :

Condamner la Société à responsabilité limitée Rénov'Maison à payer la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Condamner la Société à responsabilité limitée Rénov'Maison aux entiers dépens ».

Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer à leurs écritures susvisées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur l'obligation de santé et de sécurité au travail

Le salarié soutient que la société n'a pas mis en place dans le cadre du chantier du 162 Boulevard national une aire de stockage du matériel et des vestiaires pour les salariés, des cabinets d'aisance ou urinoir et un réfectoire, en contradiction avec les dispositions de l'article 9-1 la convention collective pour les entreprises de plus de 10 salariés et au visa des articles R 4534-139, R 4534-141, R 4534-142, R 4228-10 et suivants du code du travail, rendant les conditions de travail inadmissibles et constituant un manquement de l'employeur à son obligation de santé de sécurité et que s'agissant des parties communes accessibles à tous il était impensable de stocker du matériel de chantier au sein de ces dernières.

Le salarié produit notamment les pièces suivantes :

- la convention collective bâtiment -ouvrier, entreprise occupant de plus de 10 salariés (pièce 12)

- des photographies de la cour extérieure et de l'escalier y amenant (pièce 17-1 et 17-3), d'un lieu ouvert sur l'extérieur avec un espace avec des tables, des chaises et un parasol (17-2), d'une cave et son couloir d'accès (17-4 et 17-8), d'un couloir des parties communes (pièce 17-5 et 17-6)

- des photographies montrant notamment un homme en train de se changer sur un balcon (pièce 13).

La société fait valoir que les salariés disposaient des parties communes au sous sol de l'immeuble principal ou de la partie commune de la cour intérieure pour stocker les matériaux ainsi que les toilettes du bar situées au rez-de-chaussée de l'immeuble en accord avec celui-ci.

Elle souligne que les évacuations et approvisionnements des matériaux étaient réalisés journellement par le chef de chantier et que le stock ne consistait qu'en une dizaine de sacs de restructurant pierre, du petit matériel et d'une auge de maçon. Elle précise que les salariés arrivaient la plupart du temps en tenue de travail et avaient la possibilité de se changer dans les caves de l'immeuble.

La société produit en particulier les éléments suivants :

- l'attestation du 5 septembre 2018 de [G] [C] gérant de la société Renov'Maison rappelant «De convention commune avec le syndic de l'immeuble Casal Immobilier il a été mis à disposition de l'entreprise des salariés et ce pendant la durée du chantier des caves inutilisées permettant le changement de tenue des salariés, stockage et entreposage des matériels matériaux nécessaires à la réalisation des ouvrages. Les WC du bar situé au rez-de-chaussée de l'immeuble étant gracieusement mis à disposition par l'exploitant » (pièce 13)

- le courrier du 30 janvier 2019 du syndic de copropriété Casal Immobilier (pièce 19).

La convention collective bâtiment ouvrier prévoit en son article 9-1 « les règles générales relatives à l'hygiène, à la sécurité, à la prévention des risques professionnels et aux conditions de travail sont constitués par les dispositions législatives et réglementaires en vigueur (...) ».

En vertu des dispositions de l'article L4121-1 du code du travail « L'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.

Ces mesures comprennent :

1º Des actions de prévention des risques professionnels et de la pénibilité au travail ;

2º Des actions d'information et de formation ;

3º La mise en place d'une organisation et de moyens adaptés.

L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes ».

En l'espèce, il résulte des pièces du dossier que le syndic de la copropriété Casal Immobilier représenté par M. [H] a donné l'autorisation à la société Renov'Maison « d'utiliser les parties communes du sous-sol de l'immeuble principal ou la partie commune de la cour extérieure située entre le bâtiment principal et la maison du fond pour le stockage du matériel et des matériaux nécessaires à la réalisation des travaux », de sorte que contrairement à ce qui est allégué par l'intimé, la société disposait bien d'une aire de stockage du matériel pour le chantier ainsi que d'un lieu pour se changer, la photographie en pièce 13 de l'intimé, non datée, ne pouvant être retenue.

Par ailleurs, les dispositions de l'article R 4534-137 du code du travail permettent dans les chantiers dont la durée n'excède pas quatre mois de déroger aux obligations relatives aux installations sanitaires et à la restauration et pour les chantiers de plus de quatre mois l'article R 4534-145 du code du travail autorise l'employeur, lorsque la disposition des lieux ne permet pas de mettre en place les véhicules de chantier, le local réfectoire et les cabinets d'aisance prévus, de rechercher à proximité du chantier un local ou un emplacement offrant des conditions au moins équivalentes.

En l'absence d'éléments concernant la durée du chantier la cour relève que la société Renov'Maison avait prévu que les salariés puissent accéder au cabinet d'aisance du bar situé au rez-de-chaussée de l'immeuble ( pièce 17-3 de l'intimé) et dès lors que la société a satisfait à son obligation de santé et de sécurité au travail, le salarié doit être débouté de sa demande d'indemnisation à ce titre.

La cour confirme la décision déférée sur ce point.

Sur le licenciement

La lettre de licenciement qui fixe les limites du litige en application des dispositions de l'article L.1235-2, alinéa 2 est libellée dans les termes suivants :

« Par lettre du 28 février 2017, nous vous avons convoqué à un entretien préalable qui s'est tenu le 10 mars 2017 à 16h30 auquel vous avez assisté.

Lors de cet entretien, nous vous avons exposé les motifs qui nous conduisaient à envisager votre licenciement, et nous avons recueilli vos explications.

Après réflexion, nous vous informons que nous avons décidé de procéder à votre licenciement, pour les motif suivants :

Vous êtes en charge d'effectuer des travaux de maçonnerie sur la façade d'un immeuble sis au [Adresse 1]. Lundi 27 février 2017, vers 8h30, vous avez pénétré, par la fenêtre l'aide de l'échafaudage, de façon totalement illégale, sans aucune autorisation, dans l'appartement du 2ème étage de M. [A] [M].

Ce dernier vous a surpris dans son appartement et m'a immédiatement prévenu. Il était furieux.

Je me suis aussitôt rendu sur les lieux et j'ai pu constater les faits.

Je vous avais pourtant demandé de ne rentrer, de cette façon, dans aucun appartement de l'immeuble.

Votre chef de chantier, Monsieur [L], vous l'avait également indiqué à plusieurs reprises.

Ces agissements sont constitutifs d'une faute grave et rendent impossible votre maintien dans l'entreprise.

En conséquence, nous vous notifions par la présente votre licenciement pour faute grave, immédiat, sans préavis, ni indemnité.

Ce licenciement sera effectif à la date d'envoi du présent courrier ».

La société reproche au salarié dans le cadre de la rénovation de la façade de l'immeuble [Adresse 4] de s'être introduit sans aucune autorisation et de manière illégale dans le domicile de M. [A] [M] pour y entreposer du matériel.

La société souligne que les témoignages produits par l'intimé sont irréguliers en la forme et inopérants sur le fond et que M. [N] en sa qualité de supérieur hiérarchique de M. [R], simple man'uvre, était le seul responsable des faits graves.

Elle produit les éléments suivants :

- un constat d'huissier du 27 février 2017 à 11h42 de l'étude Galy-Golbert-Escudier« (...) il existe une porte fenêtre ouvrant sur l'appartement de M. [A] [M]. Un carreau de celle-ci est manquant, il repose au sol (...) . M. [A] [M] précise que les ouvriers n'avaient pas son autorisation pour pénétrer dans son appartement ni pour entreposer des matériaux et du matériel. Je constate que sont entreposés dans la cuisine des matériaux de type ciment, cordes, plâtre (...) M. [C] me précise que les identités de ses employés ayant pris l'initiative d'utiliser cet appartement comme entrepôt sont M. [Y] [N] et M. [W] [R]». (Pièce 10)

- le témoignage du 6 juillet 2017 de M. [L], chef de chantier, qui atteste qu'« à de multiples reprise il a signifié aux salariés de l'entreprise, M. [Y] [N], maçon, et M. [W] [R], man'uvre, l'interdiction de pénétrer et d'utiliser comme zone de stockage quelque appartement que ce soit. Cette interdiction a été mainte fois renouvelée lors des réunions de chantier et en présence de l'architecte, Mme [P], ainsi que du gérant de l'immeuble Casal Immobilier représenté par M. [H]. M. [Y] [N] a pris l'initiative de pénétrer malgré cette interdiction dans un des appartements brisant pour cela une vitre. Le propriétaire constatant l'intrusion des salariés de l'entreprise dans son appartement par une des fenêtres en ayant brisé une vitre a littéralement séquestré les salariés présents(...) les retenant jusqu'à l'arrivée du responsable de l'entreprise, M. [C] qui pour sortir de cette situation lui proposa la venue d'un huissier(...) ». (pièce 11)

- l'attestation du 5 juillet 2017 de Mme [P], architecte, indiquant « avoir signifié à plusieurs reprises au salarié de l'entreprise Rénov' Maison, M. [F] [L], chef de chantier, M. [Y] [N], maçon, M. [W] [R], man'uvre, l'interdiction de pénétrer ou d'utiliser quatre appartements de la copropriété, interdiction renouvelée à chaque réunion de chantier » (pièce 12)

-plusieurs avertissements entre le 18 février 2010 et le 3 février 2014 relatifs au comportement de M. [Y] [N] sur les chantiers (manque de sérieux, conduite dilettante, retards, improductivité, absences sur les chantiers, défaut de justification du permis de conduire) (pièces 14 à 19)

- l'attestation du 5 septembre 2018 de [G] [C] gérant de la société Renov'Maison rappelant « (...)l'interdiction de pénétrer et d'utiliser comme zone de stockage quelque appartement que ce soit ainsi que les parties communes de circulation de ce même immeuble mainte fois renouvelé à chaque réunion de chantier (...) »

Le salarié indique qu'il n'a pas d'autre choix que d'entreposer le matériel à cet endroit du seul et unique effet de leur employeur qui ne lui a pas donné les moyens et l'organisation nécessaire pour travailler dans de bonnes conditions et que ce sont les habitants de l'immeuble qui ont dû pallier la carence de ce dernier en acceptant que le matériel de chantier les effets personnels des salariés soient stockés au sein de leur propre appartement.

Il relève qu'aucune mesure disciplinaire n'a été pris à l'encontre de M. [R] alors que les faits reprochés étaient identiques.

Le salarié produit notamment les pièces suivantes :

- le témoignage du 19 mars 2017 de M. [B] [E] résidant au [Adresse 1], sans pièce d'identité, qui atteste « qu'à la demande de M. [Y] [N] employé par la société Rénov' Maison avoir autorisé par mesure de sécurité de cordialité à déposer ses affaires personnelles et outils de travail à mon domicile, celui-ci ne disposant pas de structure fournie par son entreprise». (Pièce 8)

- le témoignage du 29 mai 2017 de Mme [O], sans pièce d'identité, qui affirme « que lors de l'installation et du début à la fin de la rénovation de la façade, l'appartement situé au deuxième étage côté rue au-dessus de chez elle était inoccupé depuis novembre 2016 » (pièce 9)

- le témoignage de Mme [I] qui indique « avoir vu M. [Y] [N] seul sur la façade [Adresse 1], il n'y avait aucun emplacement pour y ranger son matériel de chantier, donc aucun bungalow sur les lieux de chantier, il déposait ses affaires dans l'appartement du deuxième étage qui était ouvert sans quelqu'un dedans donc inhabité » (Pièce 14).

La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise même pendant la durée du préavis.

L'employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit en rapporter la preuve.

En l'espèce, les pièces produites par l'employeur démontrent que le salarié n'a pas respecté les consignes qui lui avaient été données par le chef de chantier, par le gérant de la société et par l'architecte titulaire du contrat de maîtrise d''uvre des travaux de ravalement de la façade de la copropriété lui faisant interdiction de pénétrer ou d'utiliser un quelconque appartement de la copropriété. Contrairement à ceque soutient l'intimé, les témoignages produits par l'employeur ne sauraient être considérés comme des attestations de convenance dans la mesure ou le chef de chantier et l'architecte ont été amenés à travailler directement avec le salarié.

Quand bien même il n'y aurait pas eu de bris de vitre de la part des salariés comme indiqué par M. [N], la porte non verrouillée et l'appartement inoccupé ne permettaient pas aux salariés d'entreposer les matériaux et leurs outils de travail sans l'autorisation du propriétaire, ces faits constituant une intrusion dans un domicile privé alors que les matériaux pouvaient être stockés dans les parties communes du sous-sol de l'immeuble principal ou dans la partie commune de la cour extérieure de l'immeuble.

Les témoignages produits à cet égard par l'intimé, outre le défaut de régularité pour certains, sont totalement inopérants dans la mesure où le salarié ne peut s'exonérer de sa faute en invoquant le caractère inoccupé de l'appartement et l'absence de mise à disposition d'une aire de stockage du matériel.

Enfin, le fait que le second employé de la société M. [R] n'ait pas fait l'objet d'un licenciement ne peut être opposé à la société car relevant du pouvoir de direction du gérant de la société, M. [C] gérant ayant considéré que ce dernier, simple man'uvre, était sous les ordres directs du salarié.

Les précédents avertissements produits par la société, non mentionnés dans la lettre de licenciement, ne peuvent être pris en compte à l'encontre du salarié pour caractériser la faute grave, et ce, même s'ils donnent des indications sur l'attitude du salarié, de sorte que la cour requalifie la faute grave en faute simple.

En conséquence, la cour infirme la décision déférée qui a dit le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Sur les conséquences financières de la rupture

- Sur l'indemnité compensatrice de préavis

En application de l'article 10-1 de la convention collective, le préavis est de deux mois pour les salariés de plus de deux ans d'ancienneté dans l'entreprise, ce qui est le cas du salarié.

Le salaire mensuel brut de référence doit être fixé à la somme demandée de 1 900 € bruts conformes aux bulletins de salaire.

La cour par voie d'infirmation fixe à la somme de 3 800 € bruts le montant de l'indemnité de préavis et à la somme de 380 € bruts les congés payés y afférents.

- Sur l'indemnité légale de licenciement

Le salarié demande l'indemnit légale de licenciement, plus favorable salarié, et c'est à tort que le conseil des prud'hommes a fixé une indemnité conventionnelle de licenciement.

En vertu des dispositions de l'article R. 1234-2 du code de travail applicable au litige, l'indemnité de licenciement ne peut être inférieure à un cinquième de mois de salaire par année d'ancienneté, auquel s'ajoutent deux quinzièmes de mois par année au-delà de dix ans d'ancienneté.

Compte tenu du salaire mensuel brut de référence de 1900 € et de l'ancienneté du salarié de 9 ans, le salarié est en droit d'obtenir la somme de 3 420 €.

La décision doit être infirmée de ce chef.

- Sur le préjudice moral

Il n'est pas démontré des circonstances vexatoires, ni de préjudice distinct de celui résultant de la rupture, susceptible d'indemnisation et la décision déférée doit être infirmée de ce chef.

- Sur la remise des documents

La société devra remettre au salarié un bulletin de paie récapitulatif des sommes allouées conformes au présent arrêt.

Sur les frais et dépens

Le salarié qui succombe au principal doit s'acquitter des dépens d'appel qui ne peuvent être distraits au profit de Me Reyne, être débouté de sa demande faite en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Les circonstances de la cause justifient de voir écarter la demande de la société faite sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile .

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, en matière prud'homale,

Infirme le jugement déféré SAUF s'agissant du rejet de l'indemnité pour manquement à l'obligation de santé et de sécurité au travail,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Requalifie le licenciement pour faute grave en licenciement pour faute simple,

Condamne la société Renov'Maison à payer à M. [Y] [N] les sommes suivantes:

- 3 800 € bruts à titre d'indemnité de préavis,

- 380 € bruts à titre de congés payés y afférents,

- 3 420 € bruts au titre de l'indemnité légale de licenciement,

Dit que la société devra remettre au salarié un bulletin de paie récapitulatif des sommes allouées conformes au présent arrêt,

Condamne M. [Y] [N] aux dépens d'appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-3
Numéro d'arrêt : 19/00120
Date de la décision : 14/04/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-04-14;19.00120 ?
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