COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 1-6
ARRÊT AU FOND
DU 13 AVRIL 2023
N° 2023/172
N° RG 22/00430
N° Portalis DBVB-V-B7G-BIVGZ
S.A. GMF ASSURANCES
C/
[S] [B]
Société MAE -
CPAM DES BOUCHES DU RHONE
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
-SELAS ALIAS AVOCATS ASSOCIES
-Me Matthieu LEHMAN
-SCP DRUJON D'ASTROS & ASSOCIES
Décision déférée à la Cour :
Jugement du TJ d'Aix-en-Provence en date du 02 Décembre 2021 enregistré (e) au répertoire général sous le n° 20/01302.
APPELANTE
S.A. GMF ASSURANCES
Société enregistrée au registre du commerce et des sociétés de Nanterre, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège,
demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Pascal ALIAS de la SELAS ALIAS AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE.
INTIMES
Monsieur [S] [B]
né le [Date naissance 4] 2001 à [Localité 5] (13),
demeurant [Adresse 2]
représenté et assisté par Me Matthieu LEHMAN, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, postulant et plaidant.
Société MAE - MUTUELLE ASSURANCE DE L'EDUCATION
Agissant poursuites et diligences de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège,
demeurant [Adresse 3]
représentée et assistée par Me Constance DRUJON D'ASTROS de la SCP DRUJON D'ASTROS & ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substituée par Me Nicolas MONTEIL, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE.
CAISSE PRIMAIRE CENTRALE D'ASSURANCE MALADIE DES BOUCHES-DU-RHONE
Prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège,
Signification le 17/03/2022, à personne habilitée,
demeurant [Adresse 6]
Défaillante.
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 01 Mars 2023 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Madame Fabienne ALLARD, Conseillère, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Monsieur Jean-Wilfrid NOEL, Président
Madame Anne VELLA, Conseillère
Madame Fabienne ALLARD, Conseillère
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Charlotte COMBARET.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 13 Avril 2023.
ARRÊT
Réputé contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 13 Avril 2023,
Signé par Monsieur Jean-Wilfrid NOEL, Président et Madame Charlotte COMBARET, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
Exposé des faits et de la procédure
Le 30 mai 2011, alors qu'il jouait dans la cour de récréation, M. [S] [B], alors âgé de 10 ans, a fait une chute causée par deux camarades, [X] [J] et [Y] [V].
Il a souffert d'un choc au visage ayant occasionné la luxation des deux incisives centrales supérieures, outre la rupture du frein de la lèvre supérieure et une plaie au niveau de la lèvre inférieure. Les deux incisives centrales ont été réimplantées.
Le 30 avril 2013, Mme [B] a transigé avec les sociétés d'assurances garantissant la responsabilité civile des parents de deux enfants en cause, à savoir la société mutuelle assurance de l'éducation (société MAE) pour [Y] [V] et la société Garantie mutuelle des fonctionnaires (société GMF) pour [X] [J], obtenant la somme totale de 1 700 € au titre des souffrances endurées et des frais médicaux restés à charge.
En 2016, les parents de [S] [B] ont fait état d'une aggravation de l'état des deux dents traumatisées lors de l'accident. Leur assureur, la société mutuelle assurance des instituteurs de France (société MAIF) a désigné un expert amiable.
Contestant les conclusions de celui-ci, Mme et M. [B] ont saisi le juge des référés qui, par ordonnance du 21 novembre 2017, a désigné le docteur [R] [W] [T] en qualité d'expert.
Le rapport d'expertise a été déposé le 26 décembre 2018.
Par acte du 20 février 2020, M. [S] [B], devenu majeur, a fait assigner les sociétés MAE et GMF devant le tribunal judiciaire d'Aix en Provence afin d'obtenir, au contradictoire de la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) des Bouches du Rhône, l'indemnisation de son préjudice.
Par jugement du 2 décembre 2021, assorti de droit de l'exécution provisoire, le tribunal judiciaire d'Aix en Provence a :
- évalué à 78 266,99 € le préjudice corporel de M. [B] ;
- condamné in solidum les sociétés GMF et MAE à payer à M. [B] les sommes de 78 266,99 € à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice corporel, avec intérêts au taux légal à compter du jugement et 1 800 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné les sociétés GMF et la MAE in solidum aux dépens ;
- dit que dans leurs rapports entre elles les sociétés GMF et MAE sont respectivement tenues à hauteur de 50 % de la dette.
Le tribunal a détaillé ainsi les différents chefs de dommage de la victime directe :
- dépenses de santé actuelles : 1 186 €
- frais divers : 500 €
- dépenses de santé futures : 25 555,59 €
- préjudice scolaire : 10 000 €
- déficit fonctionnel temporaire (840 €/mois) : 7 225,40 €
- souffrances endurées 3/7 : 8 000 €
- préjudice esthétique temporaire 2/7 : 8 000 €
- déficit fonctionnel permanent 4 % : 7 800 €
- préjudice d'agrément : 10 000 €.
Pour statuer ainsi, il a pris en considération les conclusions définitives de l'expert et non celles qui avaient été formulées dans son pré-rapport avant observations des parties et retenu que seule la luxation des dents 11 et 21 est en relation directe avec l'accident, à l'exclusion du problème occlusal nécessitant un traitement orthodontique et une chirurgie des maxillaires.
Par acte du 11 janvier 2022, dont la régularité et la recevabilité ne sont pas contestées, la société GMF a interjeté appel de cette décision en ce qu'elle l'a condamnée in solidum avec la société MAE à payer à M. [B] la somme de 78 266,99 € à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice corporel, avec intérêts au taux légal à compter du jugement, évaluant le préjudice scolaire à 10 000 €, le déficit fonctionnel temporaire à 7 225,40 €, les souffrances endurées à 8 000 €, le préjudice esthétique temporaire à 2 000 €, le déficit fonctionnel permanent à 7 800 €, le préjudice d'agrément à 10 000 €.
La procédure a été clôturée par ordonnance en date du 14 février 2023.
Prétentions et moyens des parties
Dans ses dernières conclusions, régulièrement notifiées le 9 août 2022, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des moyens, la société GMF demande à la cour de :
' réformer la décision en ce qu'elle a alloué à M. [B] la somme de 7 25,40 € au titre du déficit fonctionnel temporaire, 8 000 € au titre des souffrances endurées, 2 000 € au titre du préjudice esthétique temporaire, 7 800 € au titre du déficit fonctionnel permanent, 10 000 € au titre du préjudice scolaire, 10 000 € au titre du préjudice d'agrément, fixé à la somme de 78 266,99 € la réparation du dommage corporel de M. [B] et l'a condamnée, in solidum avec la société MAE à payer à ce dernier la somme de 78 266,99 € à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice corporel, avec intérêts au taux légal à compter du jugement ;
Statuant à nouveau,
' fixer à la somme de 51 591,59 € la réparation du dommage corporel de M. [B] du fait de l'aggravation de son préjudice ;
' confirmer la décision dont appel pour le surplus ;
' condamner les parties succombantes au paiement de la somme de 3 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens d'instance.
Elle chiffre le préjudice comme suit :
- dépenses de santé actuelles : 1 186 €
- frais divers : 500 €
- dépenses de santé futures : 25 555,59 €
- préjudice scolaire : 6 000 €
- déficit fonctionnel temporaire (25 €/jour) : 5 000 €
- souffrances endurées : 5 500 €
- préjudice esthétique temporaire : 2 000 €
- déficit fonctionnel permanent : 5 850 €
- préjudice d'agrément : rejet.
Au soutien de son appel et de ses prétentions, elle fait valoir que :
- les postes de préjudice ont été surévalués par le tribunal ;
- aucun préjudice d'agrément n'est démontré, à défaut de produire les justificatifs d'une licence attestant de la pratique d'une activité sportive et en tout état de cause, ce préjudice doit être postérieur à la consolidation, or M. [B] se plaint de ne pas avoir pu pratiquer la moindre activité sportive durant son enfance ;
- sur le plan scolaire, selon l'expert, seul le fléchissement en CM1 CM2 est synchrone du traumatisme, à l'exclusion des difficultés rencontrées au lycée ;
- les frais de conseil exposés durant la phase amiable ne consacrent pas un préjudice indemnisable.
Dans ses dernières conclusions d'intimé et d'appel incident, régulièrement notifiées le 18 novembre 2022, auxquelles il convient de renvoyer pour un exposé plus exhaustif des moyens, M. [B] demande à la cour de :
' confirmer le jugement du 2 décembre 2021 en ce qu'il a jugé que les sociétés GMF et MAE sont respectivement tenues à réparer son préjudice à hauteur de 50 % de la dette chacune, et lui allouant 1 186 € au titre des dépenses de santé actuelles, 500 € au titre des frais divers et 8 000 € au titre du préjudice esthétique temporaire, outre 1 800 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
' condamner in solidum les sociétés GMF et MAE à titre principal au paiement de la somme de 133 527,82 € en deniers et quittance et à titre subsidiaire la somme de 131 992,82 €, toujours en deniers et quittance avec intérêts au taux légal à compter du 10 octobre 2019 ;
' condamner la société GMF au paiement de la somme de 3 000 € au titre des frais irrépétibles outre entiers dépens relatifs à l'instance d'appel ou à titre subsidiaire, si les frais de conseil lors de la tentative de règlement amiable ne sont pas indemnisés comme un préjudice autonome, la somme de 5 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Il chiffre son préjudice de la façon suivante :
- dépenses de santé actuelles : 1 186 €
- frais divers restés à charge : 500 €
- dépenses de santé futures : 36 638,65 € ou subsidiairement 33 103,65 €
- préjudice scolaire : 21 000 €
- déficit fonctionnel temporaire : 15 603,17 €
- souffrances endurées : 20 000 €
- préjudice esthétique temporaire : 8 000 €
- déficit fonctionnel permanent : 8 600 €
- préjudice d'agrément : 20 000 €
- frais de conseil pendant la phase amiable : 2 000 €.
Il fait valoir que :
- l'expert a fixé la date de consolidation au jour de l'accedit alors même qu'il reconnaît que les soins dentaires ne pourront avoir lieu avant l'âge de 21 ans ; ce faisant, il le prive de l'indemnisation d'un déficit fonctionnel temporaire à 15 % jusqu'à la date réelle de consolidation et s'il ne sollicite pas le report de cette dernière, il n'entend pas renoncer à l'indemnisation de cette période de déficit fonctionnel temporaire ;
- plus généralement, l'expert a révisé l'évaluation des préjudices à la baisse sans aucun motif légitime, de sorte que l'évaluation doit être opérée au vu des conclusions du pré-rapport ;
- les conséquences de la perte de ses deux incisives dépassent le cadre esthétique, entamant sa capacité à mener une vie sociale ;
- les deux dents impactées par l'accident, à savoir les incisives centrales supérieures sont les dents principales de la vie et des relations, les plus visibles lors de toute prise de parole et du sourire et ce préjudice, très long, a été d'autant plus difficile à vivre qu'il était en pleine croissance et en construction de son image sociale ;
- au titre des dépenses de santé futures, l'expert retient la nécessité d'un remplacement tous les dix ans de la partie prothétique des implants ; il produit une évaluation actualisée au 3 octobre 2022 du coût de ces soins auxquels son chirurgien dentiste a ajouté des frais de greffe et de prothèse transitoire indispensables ;
- avant l'accident, il pratiquait des activités sportives et de loisir hors club et n'a pu continuer de jouer au ballon ou pratiquer d'autres sports tels que la boxe, le karaté, le football ; l'appréciation du préjudice d'agrément chez un enfant est singulière et ne nécessite pas la preuve de la pratique d'activités particulières, les activités d'agrément étant inhérentes à la vie d'un enfant ; si la cour estime que ce préjudice est antérieur à la consolidation, l'indemnisation du déficit fonctionnel temporaire doit être majorée à 150 € par jour ;
- l'accident a eu un impact sur deux années scolaires au primaire et quatre années au collège ;
- il a été dans l'obligation de saisir un avocat pendant la phase amiable afin d'être assisté pendant ses négociations avec les assureurs et durant les opérations d'expertise médicale et ces frais consacrent un préjudice financier qui doit être indemnisé.
Dans ses dernières conclusions, régulièrement notifiées le 10 février 2023, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des moyens, la société MAE demande à la cour de :
' réformer la décision en ce qu'elle a alloué à M. [B] les sommes de 7 225,40 € au titre du déficit fonctionnel temporaire, 8 000 € au titre des souffrances endurées, 2 000 € au titre du préjudice esthétique temporaire, 7 800 € au titre du déficit fonctionnel permanent, 10 000 € au titre du préjudice d'agrément, 10 000 € au titre du préjudice scolaire, 25 555,59 € au titre des dépenses de santé futures, en ce qu'elle a fixé à la somme de 78 266,99 € la réparation du dommage corporel de M. [B] du fait de l'aggravation de son préjudice, l'a condamnée in solidum avec la société GMF à payer à M. [B] les sommes de 78 266,99 € à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice corporel, avec intérêts au taux légal à compter du jugement ;
' faire droit à l'appel de la société GMF concernant les postes déficit fonctionnel temporaire, déficit fonctionnel permanent, souffrances endurées, préjudice esthétique temporaire et préjudice scolaire et au sien concernant les dépenses de santé futures ;
' fixer les dépenses de santé futures à10 300 € sous réserve de justifier du refus de prise en charge de l'assurance maladie et de la mutuelle ;
' fixer à la somme de 36 336 € comprenant aussi les sommes de 1 186 € au titre des dépenses de santé actuelles et de 500 € au titre des frais divers la réparation du dommage corporel de M. [B] du fait de l'aggravation de son préjudice ;
' confirmer la décision dont appel pour le surplus ;
' débouter M. [B] de son appel incident, notamment de sa demande de majoration de l'indemnisation du déficit fonctionnel temporaire à150 € par mois pendant les dix années avant consolidation au titre d'un préjudice d'agrément exceptionnel et d'intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure, soit à compter du 10 octobre 2019 ;
' débouter M. [B] et la société GMF de leur demande d'indemnité en application de l'article 700 du code de procédure civile à son encontre ;
' dans l'hypothèse où la cour ne ferait pas droit à l'appel incident de la société GMF, réformer le jugement en ce qu'il a alloué à M. [B] les sommes de 7 225,40 € au titre du déficit fonctionnel temporaire, 8 000 € au titre des souffrances endurées, 2 000 € au titre du préjudice esthétique temporaire, 7 800 € au titre du déficit fonctionnel permanent, 10 000 € au titre du préjudice d'agrément, 10 000 € au titre du préjudice scolaire, 25 555,59 € au titre des dépenses de santé futures, en ce qu'elle a fixé à la somme de 78 266,99 € la réparation du dommage corporel de M. [B] du fait de l'aggravation de son préjudice, l'a condamnée in solidum avec la société GMF à payer à M. [B] les sommes de 78 266,99 € à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice corporel, avec intérêts au taux légal à compter du jugement ;
' allouer à M. [B] pour ces postes 124 € au titre du déficit fonctionnel temporaire à 15 % et 6 335 € au titre du déficit fonctionnel temporaire à 10 %, 5 500 € au titre des souffrances endurées, 5 850 € au titre du déficit fonctionnel permanent, 3 000 € au titre du préjudice esthétique temporaire, 5 000 € au titre du préjudice d'agrément et 6 000 € au titre du préjudice scolaire, outre 10 300 € au titre des dépenses de santé futures (sous réserve de justifier du refus de prise en charge de l'assurance maladie et de la mutuelle) ;
' fixer à la somme de 43 795 € comprenant les sommes de 1 186 € au titre des dépenses de santé actuelles et de 500 € au titre des frais divers ;
' confirmer la décision pour le surplus ;
' débouter M. [B] de son appel incident, de sa demande de majoration de l'indemnisation du déficit fonctionnel temporaire à hauteur de 150 € par mois pendant les dix années avant consolidation au titre d'une préjudice d'agrément exceptionnel et d'intérêt au taux légal à compter de la mise en demeure, soit à compter du 10 octobre 2019 ;
' débouter M. [B] et la société GMF de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile à son encontre ;
' condamner les parties succombantes à lui verser 3 000 € au titre de l'article 700 outre les dépens de la procédure d'appel.
Elle chiffre le préjudice ainsi :
- dépenses de santé actuelles : 1 186 €
- frais divers : 500 €
- dépenses de santé futures : 10 300 €
- préjudice scolaire : 6 000 €
- déficit fonctionnel temporaire (25 €/jour) : 5 000 €
- souffrances endurées : 5 500 €
- préjudice esthétique temporaire : 2 000 €
- déficit fonctionnel permanent : 5 850 €
- préjudice d'agrément : rejet
Au soutien de ses prétentions, elle fait valoir
- les préjudices ont été surévalués ;
- l'expert a retenu deux périodes de déficit fonctionnel temporaire à 15 et 10 % seulement ;
- les souffrances endurées sont chiffrés à 3/7 et non 4/7 ;
- l'expert retient au titre des dépenses de santé futures un remplacement des prothèses si nécessaire, ce qui représente deux remplacements sur la base du devis produit devant l'expert, sous réserve de justifier des remboursement de la CPAM et de la mutuelle ;
- le déficit fonctionnel permanent est de seulement 3 % ;
- le préjudice d'agrément suppose la production de justificatifs qui font défaut et il n'existe aucun motif pour majorer le déficit fonctionnel temporaire qui intègre déjà la privation des activités d'agrément ;
- le préjudice scolaire ne concerne que deux années d'école primaire ;
- les frais d'avocat durant la phase amiable ne constituent pas un préjudice indemnisable.
La CPAM des Bouches du Rhône, assignée par M. [B] par acte d'huissier du 17 mars 2022, délivré à personne habilitée et contenant dénonce de l'appel et des conclusions et par la société GMF par acte du 16 août 2022 délivré à personne habilité, contenant dénonce des conclusions d'appel incident, n'a pas constitué avocat.
Par courrier adressé au greffe de la cour d'appel le 11 février 2022 elle a fait connaître le montant définitif de ses débours pour 531,57 €, correspondant à des prestations en nature (282,53 € au titre des dépenses de santé actuelles et 249,04 € au titre des dépenses de santé futures ).
*****
L'arrêt sera réputé contradictoire conformément aux dispositions de l'article 474 du code de procédure civile.
Motifs de la décision
L'appel est circonscrit aux dispositions du jugement qui ont évalué le préjudice corporel. Aucune des parties n'a saisi la cour du chef du dispositif du jugement qui a réparti la dette d'indemnisation entre les sociétés MAE et GMF à hauteur de 50 % chacune.
Sur la recevabilité de la pièce 2-26
En cours de délibéré, après clôture des débats, M. [B] a transmis à la cour une pièce numérotée 2-26.
La société GMF demande à la cour de l'écarter des débats au motif que cette pièce, produite après clôture des débats, est d'office irrecevable en application de l'article 445 du code de procédure civile à défaut pour la cour d'avoir autorisé sa production en cours de délibéré.
Selon l'article 445 du code de procédure civile, après la clôture des débats, les parties ne peuvent déposer aucune note en délibéré à l'appui de leurs observations si ce n'est à la demande du président dans les cas prévus aux articles 442 à 444 du même code.
S'agissant des pièces, l'article 802 du code de procédure civile, applicable devant la cour, interdit la production de nouvelle pièce après l'ordonnance de clôture, à peine d'irrecevabilité prononcée d'office.
Cependant, en l'espèce, la pièce 2-26, qui correspond à un devis établi le 27 février 2018 par le docteur [Z], a été régulièrement produite avant la clôture de l'instruction. Le bordereau de communication de pièces n°3 de M. [B], notifié par le RPVA à la société GMF et à la société MAE comporte bien cette pièce 2-26, qui a donc été régulièrement communiquée aux parties avant clôture de la procédure.
Il résulte des explications de son conseil que, bien qu'ayant régulièrement communiqué cette pièce avant la clôture aux autres parties, il a omis de la joindre à son dossier de plaidoirie, afin de ne pas alourdir celui-ci, la pièce étant en tout état de cause annexée au rapport d'expertise qui y fait référence.
Au regard de ces explications, la pièce litigieuse ayant été régulièrement communiquée avant la clôture, est recevable.
Quant au courrier du conseil de M. [B] en date du 1er mars 2023, il ne peut être analysé comme une note en délibéré non autorisée par la cour puisqu'il se contente d'assurer la transmission de cette pièce régulièrement communiquée mais omise dans le dossier de plaidoirie déposé à la cour.
Il n'y a donc pas lieu de déclarer la pièce n°2-26 du dossier de plaidoirie de M. [B] irrecevable.
Sur le préjudice corporel
Le docteur [W] [T], expert, indique que M. [B], victime en 2011 d'une luxation complète des dents 11 et 21, a souffert d'une aggravation de son préjudice dentaire à compter de 2016, la réimplantation des dents n'ayant pas permis d'obtenir le résultat escompté.
En revanche, il exclut du champs du préjudice le problème occlusal, classe II squelettique, considérant que celui-ci est indépendant du traumatisme, même s'il tient compte dans l'évaluation du dommage, du fait que la contention des dents 11 et 21 a retardé le démarrage du traitement orthodontique.
Des lésions imputables au traumatisme, M. [B] conserve comme séquelles la perte de deux incisives et une perte de capacité masticatoire en dépit de la compensation susceptible d'être opérée par des implants.
Dans son rapport définitif, l'expert conclut à :
- un déficit fonctionnel temporaire partiel à 15 % du 30 mai 2011 au 30 juin 2011 ;
- un déficit fonctionnel temporaire partiel au taux de 10 % du 30 juin 2011 au 8 juin 2018 ;
- une consolidation au 8 juin 2018 ;
- des souffrances endurées de 3/7
- un préjudice esthétique temporaire de 2/7 du 30 mai 2011 au 8 juin 2016
- un déficit fonctionnel permanent de 3 %
- un préjudice d'agrément par privation de jeux et de sports
- un préjudice scolaire
- des dépenses de santé actuelles au titre des implants ;
- des dépenses de santé futures au titre des implants à renouveler tous les dix ans pour la partie prothétique.
M. [B] demande à la cour d'évaluer son préjudice au regard des conclusions retenues par l'expert dans le pré-rapport établi avant réception des dires des parties.
Cependant, la mission confiée à l'expert lui impose, non seulement d'évaluer les préjudices de la victime au regard de l'examen auquel il procède et des éléments du dossier médical, mais également de répondre aux dires des parties et, s'il estime ceux-ci pertinents d'en tenir compte dans son évaluation. L'établissement d'un pré-rapport a donc pour vocation de circulariser auprès des parties les conclusions provisoires de l'expert, qui peuvent ensuite être modifiées au regard des éléments soumis à son appréciation par les parties.
Ce pré-rapport ne saurait donc, sauf circonstances particulières qui seront appréhendées ci-après, prévaloir par principe sur le rapport définitif déposé après réponse aux observations des parties.
Sous ces réserves, les travaux de l'expert constituent une base valable d'évaluation du préjudice corporel subi par M. [B], à déterminer au vu des diverses pièces justificatives produites, de l'âge de la victime, née le [Date naissance 4] 2001, de son statut d'écolier et de la date de consolidation, afin d'assurer sa réparation intégrale et en tenant compte, conformément aux articles 29 et 31 de la loi du 5 juillet 1985, de ce que le recours subrogatoire des tiers payeurs s'exerce poste par poste sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu'ils ont pris en charge, à l'exclusion de ceux à caractère personnel sauf s'ils ont effectivement et préalablement versé à la victime une prestation indemnisant de manière incontestable un tel chef de dommage.
M. [B] était âgé de 10 ans au moment de l'accident et de 17 ans au moment de la consolidation. Il est à ce jour âgé de 22 ans.
Préjudices patrimoniaux
temporaires (avant consolidation)
- Dépenses de santé actuelles 1 468,53 €
Ce poste correspond aux :
- frais d'hospitalisation, frais médicaux et pharmaceutiques, actes de radiologie, massages pris en charge par la CPAM, soit la somme de 282,53 € ;
- frais restés à la charge de la victime soit la somme de 1 186 €, non contestée par les sociétés MAE et GMF.
- Frais divers 500 €
Ils sont représentés par les honoraires d'assistance à expertise par le docteur [H], médecin conseil.
Cette dépense supportée par la victime, née directement et exclusivement de l'accident, sont par la même indemnisables. M. [B] verse aux débats la facture de ce médecin, qui n'est discutée par les sociétés GMF et MAE ni dans son principe ni dans son montant, soit une somme de 500 € lui revenant.
M. [B] réclame également une somme de 2 000 € au titre de la dépense engendrée lors du processus amiable d'indemnisation par l'assistance de son avocat.
L'indemnisation du préjudice corporel intègre les frais d'assistance à expertise, soit ceux que la victime débourse afin de s'attacher l'assistance technique d'un médecin lors des opérations d'expertise médicale.
Cette dépense lui permet, dès lors qu'elle n'est pas familière de la science médicale, d'être en mesure d'assurer la défense de ses intérêts au plan strictement médical.
L'assistance d'un avocat lors de la phase amiable d'indemnisation, si elle n'est pas obligatoire, permet, de même, à la victime d'être conseillée sur le plan juridique, dans ses aspects procéduraux et médico-légaux. Le processus amiable, à laquelle les victimes sont encouragées, a pour vocation d'éviter autant que faire se peut, une procédure judiciaire. Les frais que la victime engage afin d'être conseillée dans les meilleures conditions par un professionnel du droit, de la même manière que ceux engagés dans le cadre d'une expertise destinée à éclairer l'aspect médical du litige, peuvent, dans ces conditions, constituer un préjudice indemnisable en ce qu'ils sont nés directement et exclusivement de l'accident.
Cependant, en l'espèce, il n'est produit aucune pièce démontrant l'intervention d'un avocat dans les intérêts de M. [B] avant l'ordonnance de référé qui a désigné l'expert judiciaire, ou d'un mandat donné par M. [B] avant la procédure judiciaire à un avocat, pas plus que d'une note d'honoraires afférente à cette phase d'indemnisation amiable.
Les courriers postérieurs à 2013, contemporains de l'aggravation ou ultérieurs, avant judiciarisation du litige sont tous échangés entre la mère de M. [B] et les assureurs. Il n'est pas fait mention dans le rapport d'expertise amiable de la présence ou l'intervention d'un avocat dans les intérêts de M. [B]. Les courriers contestant les conclusions de l'expert amiable sont rédigés par les parents de M. [B].
En l'absence de pièces justifiant la réalité de la dépense, M. [B] sera débouté de sa demande à ce titre.
Préjudices patrimoniaux
permanents (après consolidation)
- Dépenses de santé futures 24 980,91 €
Ce poste vise les frais hospitaliers, médicaux, paramédicaux, pharmaceutiques et assimilés, même occasionnels mais médicalement prévisibles, rendus nécessaires par l'état pathologique de la victime après la consolidation et incluent les frais liés soit à l'installation de prothèses soit à la pose d'appareillages spécifiques nécessaires afin de suppléer le handicap physiologique.
Il est constitué des frais futurs prévus par l'organisme social à hauteur de 249,04 €.
M. [B] réclame l'indemnisation des frais qui demeureront à sa charge au titre des prothèses implanto-portées pour un montant de 4 285,48 € après remboursement de la part prise en charge par la CPAM et sa mutuelle, à renouveler tous les dix ans, auquel s'ajoutent, pour la première intervention, la somme de 1 535 € après déduction de la part prise en charge par la CPAM et sa mutuelle.
Dans son rapport, l'expert expose que le problème des deux incisives, luxées lors de l'accident, n'était toujours pas réglé au jour de son examen. Il précise que, bien que conservées, elles sont anormales et non fonctionnelles, de sorte qu'elles doivent être extraites car aucune solidité ne sera obtenue.
Selon lui, la durée de vie des dents réimplantées n'excède pas dix ans.
Il conclut en indiquant qu'après extraction, la seule indication correcte est la pose de deux implants au niveau des dents 11 et 21.
Les sociétés GMF et MAE ne contestent ni devoir indemniser des frais d'implants dentaires, ni le chiffrage retenu par l'expert à hauteur de 5 150 €, observation étant faite cependant que M. [B] a revu cette somme à la baisse afin de tenir compte des prises en charge de la CPAM et de sa mutuelle.
Les parties sont, en revanche, en désaccord, d'une part sur les frais supplémentaires dont M. [B] demande l'indemnisation au titre d'une greffe et d'une prothèse transitoire, d'autre part sur la fréquence de renouvellement de ces soins dentaires, la société MAE soutenant que seul un renouvellement doit être indemnisé, portant l'indemnité à allouer à M. [B] à la somme de 10 300 € (5 150 x 2).
Sur le premier point, le devis sur lequel l'expert a chiffré la dépense a été établi le 27 février 2018, soit il y a désormais plus de cinq ans.
M. [B] produit un devis plus récent, objet de sa pièce 2-33, réactualisant au 3 octobre 2022 le chiffrage des implants considérés comme indispensables par l'expert.
Selon ce devis, établi par le même praticien que celui ayant établi le premier, les frais se décomposent comme suit :
- 660 € pour une prothèse amovible transitoire,
- 1 182,49 € au titre de la greffe ;
- 2 300 € au titre des implants
- 2 580 € au titre des coiffes sur implants (infrastructure et pose de couronne sur implants).
Il résulte d'une simulation des remboursements par la mutuelle de M. [B] que sur 6 062,49 € (correspondant aux soins hors prothèse transitoire), M. [B] sera remboursé à hauteur de 173,24 € par la CPAM et 453,77 € par sa mutuelle et que sur les 660 € de prothèse transitoire, la prise en charge sera de 45,15 € par la CPAM et 229,85 € par la mutuelle.
En conséquence, le reste à charge s'élève à 5 435 € pour les soins hors prothèse transitoire et de 385 € pour la prothèse transitoire.
La société MAE s'oppose à ce que ce devis soit pris en considération au motif qu'il n'a pas été soumis à l'appréciation de l'expert.
Cependant, la cour doit évaluer le préjudice au jour où elle statue. En l'espèce, le besoin n'est pas contestable puisque la réalisation des implants est indispensable selon l'expert. Les soins n'ayant pas encore été réalisés, le chiffrage du besoin impose de prendre en considération le devis le plus récent afin que la réparation du dommage soit réellement intégrale.
Les soins inclus dans ce devis réactualisé ne sont pas strictement identiques à ceux retenus par l'expert, le docteur [Z] y ayant ajouté des soins de parodontologie ostéoplastie additive et de régénération parodontale et des frais de prothèse transitoire.
S'agissant des premiers, le docteur [Z] ne les avait pas prévus dans son devis de 2018 au regard de l'état bucco-dentaire de M. [B] à cette époque.
La réalisation d'une greffe a pour objectif de renforcer la gencive dans laquelle sont positionnés les implants. La nécessité d'une greffe s'apprécie, comme tout acte chirurgical, après un examen réalisé au plus près de la date de l'intervention. L'intégration de ces frais de greffe au devis témoigne nécessairement de leur intérêt pour la réussite de l'opération d'implantologie puisqu'à défaut le chirurgien dentiste ne les aurait pas ajoutés. La société MAE n'explique d'ailleurs pas en quoi ces frais, qui sont relatifs à des soins de chirurgie, par définition à risque d'infection, seraient de simple confort.
Il convient donc de les retenir au titre des frais dentaires initiaux indispensables dans le cadre de l'actualisation de la dépense.
Il en va de même des frais de prothèse transitoire. La durée moyenne d'ostéo-intégration est de quatre à six mois. Les dents concernées sont les deux incisives. Il ne peut être exigé d'une personne âgée de seulement 22 ans qu'elle demeure édentée, et plus particulièrement privée de deux incisives pendant plusieurs mois. En conséquence, l'installation de cette prothèse transitoire doit être considérée comme indispensable et, de ce fait, indemnisable.
En ce qui concerne la fréquence de renouvellement de la dépense, la durée de vie d'un implant ne peut être prédite puisqu'elle dépend de multiples facteurs. Cependant, les règles de l'art à ce jour, fixées au vu des statistiques établies depuis le développement de cette technique dentaire, retiennent une fréquence moyenne de renouvellement de dix ans.
Le chiffrage du besoin qui sera éprouvé à compter de la décision suppose nécessairement, toute autre méthode étant prohibée s'agissant d'un préjudice futur, de multiplier le besoin annuel par l'euro de rente d'un barème de capitalisation choisi, correspondant au sexe et à l'âge de la victime au jour de la décision, et ce de manière viagère.
L'expert, qui se prononce au vu des bonnes pratiques et règles de l'art en matière d'implantologie, confirme que la partie prothétique des implants doit être renouvelée dans l'avenir selon une fréquence moyenne de dix ans.
La société MAE ne produit aucun élément permettant à la cour de ne pas retenir cette fréquence de renouvellement, étant précisé qu'il s'agit d'une moyenne tenant compte des variations d'un individu à l'autre.
M. [B] distingue les frais qui ne seront engagés qu'une fois, lors de la première intervention, de ceux qui doivent être renouvelés, qu'il chiffre à 4 912,49 €.
Les frais supplémentaires, considérés par la cour comme nécessaires et indemnisables s'élèvent, après déduction de la part prise en charge par la CPAM et la mutuelle, à 1 535 €.
En considération de ces éléments les dépenses de santé futures sont calculées ainsi :
- dépense initiale : 5 820,48 €
- coût annuel de la dépense à renouveler : 428,54 €(4 285,48/10)
- arrérages à échoir : né le [Date naissance 4] 2001, M. [B] est âgé à ce jour de 22 ans ; la dépense annuelle doit donc être capitalisée selon l'euro de rente viagère pour un homme qui sera âgé de 32 ans lors du premier renouvellement puisqu'à ce jour les implants n'ont pas encore été réalisés ; l'évaluation du dommage devant être faite au moment où la cour statue, le barème de capitalisation utilisé sera celui publié à la Gazette du palais du 15 septembre 2020, taux d'intérêt 0,3 %, qui est le plus approprié eu égard aux données démographiques et économiques actuelles, soit en l'espèce 44,130 ; les dépenses de santé futures à échoir s'élèvent donc à 18 911,47 €.
Au total, la somme due à la victime au titre des dépenses de santé futures s'élève à 24 731,87 €.
- Préjudice scolaire 10 000 €
Ce poste correspond à la perte d'années d'études, au retard scolaire ou de formation, ou à la modification de l'orientation professionnelle, la renonciation à une formation etc...
Il s'apprécie concrètement en fonction de la durée de l'incapacité temporaire et de sa situation dans le temps (limitée à la période des vacances ou au contraire pendant la période des examens), des résultats scolaires antérieurs à l'accident (tout redoublement n'est pas imputable à un accident), du niveau des études poursuivies, de la chance de terminer la formation entreprise...
En l'espèce, l'expert a retenu comme directement imputable à l'accident un fléchissement en classes de CM1 et CM2. Selon lui, il n'est pas démontré que les autres difficultés scolaires de M. [B] sont imputables au traumatisme dentaire.
Les bulletins scolaires produits aux débats font état d'une année de CE2 avec de très bon résultats et un fléchissement de ceux-ci à compter de la classe de CM1. Les appréciations des professeurs font état de problèmes de concentration. Au collège, les résultats sont qualifiés au travers des appréciations portées sur les bulletins scolaires, de très moyens, voire insuffisants, de même qu'au lycée.
L'expert a analysé les résultats à l'aune de l'agression et des lésions objectives et, s'il concède que le mal-être et l'image détériorée de soi, alliés à un vécu douloureux du regard des autres, de même que la colère et la frustration de ne pouvoir pratiquer certaines activités ont pu jouer un rôle. Cependant, il ajoute que l'apparition des complexes physiques à l'adolescence liés à l'esthétique des dents doit être relativisée car le trouble de croissance dont M. [B] souffre par ailleurs a pris une place prépondérante dans cette période.
Il en résulte que seul le fléchissement des résultats en classes de CM1 et CM2 est en lien de causalité direct, certain et exclusif avec l'accident. Les difficultés scolaires ultérieures ne peuvent y être rattachées de manière directe, certaine et exclusive.
En considération de ces éléments, l'évaluation par le premier juge de ce préjudice à hauteur de 10 000 € est confirmée.
Préjudices extra-patrimoniaux
temporaires (avant consolidation)
- Déficit fonctionnel temporaire 8 265,60 €
Ce poste inclut la perte de la qualité de la vie et des joies usuelles de l'existence, le préjudice d'agrément et le préjudice sexuel pendant l'incapacité temporaire.
M. [B] était âgé de 10 ans lors de l'accident et n'a été consolidé qu'à l'âge de 17 ans.
S'agissant d'un enfant, le déficit fonctionnel doit être évalué en tenant compte des répercussions particulières que les privations induites entraînent sur la qualité de vie.
En effet, l'enfance est une période de la vie où la privation des joies usuelles de l'existence, des activités d'agrément et, lors de l'adolescence, de la sexualité ou à tout le moins des interactions de séduction, revêt une tonalité différente de celle qu'elle peut avoir pour un adulte plus enclin par sa maturité à se projeter dans l'avenir et à supporter, dans l'attente d'une amélioration de son état de santé, la frustration qu'entraîne une telle privation.
En l'espèce, l'expert retient que durant toute son enfance, M. [B] a été privé des activités sportives et ludiques susceptibles de porter atteinte à l'intégrité de ses deux incisives auxquelles il devait porter un attention constante et soutenue.
M. [B] justifie qu'il était inscrit en club de football avant l'accident.
En conséquence, ce préjudice sera réparé sur la base de 32 € par jour, soit environ 960 € par mois, eu égard à la nature des troubles et de la gêne subie.
M. [B] demande que les périodes indemnisées soient celles retenues par l'expert dans son pré-rapport et non celles retenues dans le rapport définitif, soit du 30 mai 2011 au 30 juin 2011, du 31 mai 2011 au 8 juin 2016 et du 8 juin 2016 au 8 juin 2021.
Or, le pré-rapport de l'expert n'est destiné qu'à circulariser ses conclusions auprès des parties qui ont la possibilité d'en discuter la pertinence. Les conclusions provisoires peuvent donc être modifiées afin de tenir compte des dires des parties et des éléments soumis à son appréciation par celles-ci.
Le pré-rapport n'a donc pas vocation, sauf circonstance particulière, à prévaloir sur le rapport définitif déposé par l'expert après réponse aux observations des parties.
En l'espèce, l'expert a fixé la consolidation au 8 juin 2018 considérant que l'état de santé de la victime n'était plus susceptible d'évolution après cette date quand bien même des implants dentaires étaient à prévoir. M. [B] ne conteste pas cette date de consolidation.
Dès lors qu'il est consolidé au 8 juin 2018, M. [B] ne peut revendiquer l'indemnisation d'un déficit fonctionnel temporaire au delà de cette date.
Quant aux taux retenus, M. [B] ne produit aucun élément médico-légal pertinent justifiant de ne pas retenir les conclusions de l'expert qui les a évalués à 15 % pour la première période et 10 % pour la seconde, étant observé que sur la première le déficit est retenu au titre des interventions bucco-dentaires et de la nécessité d'une alimentation mixée et que, sur la seconde, il l'est au titre de deux dents centrales non fonctionnelles.
Cette évaluation est donc motivée et en l'absence d'élément médical objectif permettant de la combattre, les taux retenus seront de 15 % pour la période allant jusqu'au 30 juin 2011 et 10 % pour la période allant jusqu'à la consolidation, soit :
- un déficit fonctionnel temporaire partiel à 15 % du 30 mai 2011 au 30 juin 2011: 153,60 €
- un déficit fonctionnel temporaire partiel au taux de 15 % du 30 juin 2011 au 8 juin 2018 : 8 112 €,
et au total la somme de 8 265,60 €.
- Souffrances endurées 8 000 €
Ce poste prend en considération les souffrances physiques et psychiques et les troubles associés supportés par la victime en raison de l'accident et des soins dentaires ; évalué à 3/7 par l'expert, il justifie l'octroi d'une indemnité de 8 000 €.
- Préjudice esthétique temporaire 4 000 €
Ce poste de dommage cherche à réparer les atteintes physiques et plus généralement les éléments de nature à altérer l'apparence physique. Chiffré par l'expert à 2/7 du 30 mai 2011 au 8 juin 2016, soit plus de cinq ans, il justifie une indemnisation de 4 000 €.
Préjudices extra-patrimoniaux
permanents (après consolidation)
- Déficit fonctionnel permanent 8 600 €
Ce poste de dommage vise à indemniser la réduction définitive du potentiel physique, psychosensoriel ou intellectuel résultant de l'atteinte anatomo-physiologique à laquelle s'ajoutent les phénomènes douloureux et les répercussions psychologiques et notamment le préjudice moral et les troubles dans les conditions d'existence personnelles, familiales et sociales.
Selon l'expert, le déficit fonctionnel permanent est caractérisé par un simple trouble masticatoire chiffrée à 3 % au motif que les implants ne peuvent avoir une fonction masticatoire identique à celle de dents saines et nécessitent une prudence particulière. Il ajoute que la perte dentaire n'a pas à être chiffrée car la réparation par implant est prévue.
La perte de la fonction masticatoire n'est ni contestable ni contestée.
En revanche, quand bien même la pose d'implants est prévue, M. [B] a perdu à la faveur de l'accident ses deux incisives centrales. Certes, elles ont été immédiatement repositionnées mais sont considérées depuis comme non fonctionnelles.
M. [B] a donc droit à l'indemnisation de la perte fonctionnelle de ces deux dents et des troubles dans ses conditions d'existence que cette perte entraîne après consolidation, ce quand bien même il est en mesure de procéder à leur remplacement par des prothèses et de remédier partiellement à cette perte, puisque les implants ne restaureront pas la capacité masticatoire à 100 %.
S'agissant de deux incisives dont la fonction est de prendre et couper les aliments, soutenir les tissus des lèvres et des joues et faciliter la prononciation de mots, leur perte doit être chiffrée comme l'expert l'avait initialement fait, à hauteur de 4 %.
Ainsi caractérisé, il justifie une indemnité de 8 600 € pour un homme âgé de 17 ans à la consolidation.
- Préjudice d'agrément Rejet
Ce poste de dommage vise exclusivement l'impossibilité ou la difficulté pour la victime à poursuivre la pratique d'une activité spécifique sportive ou de loisir.
L'expert retient un préjudice d'agrément qu'il relie cependant à l'enfance, considérant que M. [B] a été privé des sports et activités à risque pour ses deux incisives qui, bien que réimplantées, n'étaient plus fonctionnelles, de sorte qu'il devait les protéger de tout traumatisme.
M. [B] justifie qu'il était inscrit en club de football avant l'accident.
Cependant, le rapport d'expertise ne permet pas de retenir, au titre des préjudices définitifs un quelconque préjudice d'agrément puisqu'aucun élément médico-légal ne permet de retenir une contre-indication aux activités sportives après consolidation.
Le préjudice d'agrément à ce titre durant l'enfance est indemnisé au titre du déficit fonctionnel temporaire.
La demande au titre du préjudice d'agrément est donc rejetée sans qu'il soit nécessaire d'entrer plus avant dans le détail de l'argumentation des parties.
Récapitulatif
Postes
Préjudice total
Part victime
Part CPAM
Dépenses de santé actuelles
1 468,53 €
1 186 €
282,53 €
Frais divers
500 €
500 €
-
Préjudice scolaire
10 000 €
10 000 €
-
Dépenses de santé futures
24 980,91 €
24 731,87 €
249,04 €
Déficit fonctionnel temporaire
8 265,60 €
8 265,60 €
-
Souffrances endurées
8 000 €
8 000 €
-
Préjudice esthétique temporaire
4 000 €
4 000 €
-
Déficit fonctionnel permanent
8 600 €
8 600 €
-
Préjudice d'agrément
Rejet
-
-
Total
65 815,04 €
65 283,47 €
531,57 €
Le préjudice corporel global subi par M. [B] s'élève ainsi à la somme de 65 815,04 € soit, après imputation des débours de la CPAM (531,57 €), une somme de 65 283,47 € lui revenant, qui, en application de l'article 1231-7 du code civil, porte intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement, soit le 2 décembre 2021.
Sur les demandes annexes
Les frais d'assistance par avocat dans le cadre du processus amiable d'indemnisation ne sont démontrés par aucune pièce.
Le jugement de première instance est donc confirmé en ce qu'il a condamné les sociétés MAE et GMF à payer à M. [B] une indemnité1 800 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Les sociétés MAE et GMF, qui succombent partiellement dans leurs prétentions et qui sont tenues à indemnisation, supporteront la charge des entiers dépens d'appel. La partie qui doit supporter l'intégralité des dépens n'est pas fondée à obtenir une indemnité pour frais irrépétibles.
L'équité justifie d'allouer à M. [B] une indemnité 2 500 € au titre des frais irrépétibles exposés devant la cour.
Par ces motifs
La Cour,
Statuant dans les limites de sa saisine,
Dit n'y avoir lieu d'écarter des débats la pièce 2-26 communiquée par M. [B] ;
Infirme le jugement en ce qu'il a évalué à 78 266,99 € le dommage corporel de M. [B] du fait de l'aggravation de son préjudice et condamné in solidum les sociétés GMF et MAE à payer à M. [B] la somme de 78 266,99 € à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice corporel ;
Le confirme pour le surplus ;
Statuant à nouveau sur les points infirmés et y ajoutant,
Condamne in solidum la société GMF et la société MAE à payer à M. [S] [B] les sommes suivantes :
- 1 186 € au titre des dépenses de santé actuelles
- 500 € au titre des frais divers
- 10 000 € au titre du préjudice scolaire
- 24 980,91 € au titre des dépenses de santé futures
- 8 265,60 € au titre du déficit fonctionnel temporaire
- 8 000 € au titre des souffrances endurées
- 4 000 € au titre du préjudice esthétique temporaire
- 8 600 € au titre du déficit fonctionnel permanent
le tout sauf à déduire les provisions versées et avec intérêts au taux légal à compter du 2 décembre 2021,
- une indemnité de 2 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en appel ;
Déboute M. [B] de ses demandes au titre du préjudice d'agrément et des frais d'assistance par avocat durant le processus amiable d'indemnisation ;
Déboute les sociétés MAE et GMF de leur demande au titre des frais irrépétibles exposés en appel ;
Condamne in solidum les sociétés MAE et GMF aux entiers dépens d'appel et accorde aux avocats qui en ont fait la demande, le bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile.
La greffière Le président