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13/04/2023 | FRANCE | N°21/00005

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-5, 13 avril 2023, 21/00005


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-5



ARRÊT AU FOND

DU 13 AVRIL 2023



N° 2023/



GM









Rôle N° RG 21/00005 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BGXCN.







[W] [O]





C/



S.A. ORPEA













Copie exécutoire délivrée

le : 13/04/23

à :



- Me Mireille DAMIANO, avocat au barreau de NICE



- Me Yves TALLENDIER, avocat au barreau de MARSEILLE


>





















Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de GRASSE en date du 03 Décembre 2020 enregistré(e) au répertoire général sous le n° F19/00003.





APPELANTE



Madame [W] [O], demeurant [Adresse 2]



représen...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-5

ARRÊT AU FOND

DU 13 AVRIL 2023

N° 2023/

GM

Rôle N° RG 21/00005 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BGXCN.

[W] [O]

C/

S.A. ORPEA

Copie exécutoire délivrée

le : 13/04/23

à :

- Me Mireille DAMIANO, avocat au barreau de NICE

- Me Yves TALLENDIER, avocat au barreau de MARSEILLE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de GRASSE en date du 03 Décembre 2020 enregistré(e) au répertoire général sous le n° F19/00003.

APPELANTE

Madame [W] [O], demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Mireille DAMIANO, avocat au barreau de NICE

INTIMEE

S.A. ORPEA, prise en son établissement secondaire sis [Adresse 3], demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Yves TALLENDIER, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Anne-charlotte VILLATIER, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 14 Février 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Gaëlle MARTIN, Conseiller, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Michelle SALVAN, Président de Chambre

Madame Gaëlle MARTIN, Conseiller

Madame Catherine MAILHES, Conseiller

Greffier lors des débats : Mme Karen VANNUCCI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 13 Avril 2023.

ARRÊT

contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 13 Avril 2023.

Signé par Madame Michelle SALVAN, Président de Chambre et Mme Karen VANNUCCI, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS ET PROCEDURE

Par contrat à durée indéterminée à temps plein, du 1er juillet 2015, Mme [W] [O] a été engagée par la société ORPEA, spécialisée dans l'hébergement médicalisé de personnes âgées,en qualité d'auxiliaire de vie, niveau E,coefficient 209 à temps plein.

En contrepartie de son activité, celle-ci percevait une rémunération brute mensuelle de 1.650 euros.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale de l'hospitalisation privée n° 3307 du 18 avril 2002 dans ses dispositions propres aux établissements d'hébergement des personnes âgées.

Le 29 novembre 2016, la salariée a subi un accident du travail, à la suite duquel elle a été en arrêt de travail jusqu'au 7 avril 2017.

Suite à la visite médicale de reprise, le médecin du travail a indiqué le 4 avril 2007 que la salariée était apte à la reprise du travail, tout en émettant la restriction suivante : ' La reprise peut être envisagée en mi-temps thérapeutique sans transfert manuel ».

Il indiquait le 11 avril 2017, dans une nouvelle fiche d'aptitude médicale que la salariée était :'apte à la reprise en mi-temps thérapeutique sans transfert manuel'.

Le 7 avril 2017, Mme [W] [O] reprenait le travail à mi-temps thérapeutique pour 20 heures hebdomadaires.

A compter du 1er juin 2017, la salariée était affectée sur un poste de travail à temps complet.

A compter du 28 juillet 2017, la salariée était à nouveau placée en arrêt de travail, lequel se poursuivra sans interruption jusqu'au 7 février 2018.

Suite à la nouvelle visite médicale de reprise, le médecin du travail a rendu l'avis d'inaptitude suivant le 8 février 2018 : « Inapte à tous les postes : dans l'entreprise. Apte à un autre poste de type administratif dans un autre environnement ».

Par courrier recommandé du 11 avril 2018, l'employeur a convoqué la salariée à un entretien préalable en vue de son éventuel licenciement.

Par courrier recommandé du 26 avril 2018, l'employeur a notifié à la salariée son licenciement pour impossibilité de reclassement suite à la déclaration de son inaptitude physique d'origine professionnelle.

Par requête enregistrée au greffe le 24 décembre 2018, Mme [W] [O] a saisi le conseil de prud'hommes de Grasse afin de voir son licenciement pour inaptitude d'origine professionnelle requalifié en licenciement sans cause réelle et sérieuse. Elle sollicitait également des sommes tant au titre de la rupture du contrat de travail que de son exécution.

Par un jugement du 3 décembre 2020, le conseil de prud'hommes de Grasse a :

- dit et jugé que l'inaptitude de la salariée n'est pas la conséquence d'un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité et de loyauté,

- dit et jugé que l'employeur a rempli son obligation de reclassement à l'égard de Mme [W] [O],

- dit et jugé que l'inaptitude de la salariée est légalement fondée et repose sur une cause réelle et sérieuse,

- débouté Mme [W] [O] de l'intégralité de ses demandes,

- rejeté toute autre demande,

- condamné Mme [W] [O] aux dépens.

Par déclaration du 4 janvier 2021, Mme [W] [O] a relevé appel des formes et délais qui ne sont pas critiqués.

Selon l'annexe à sa déclaration d'appel, Mme [W] [O] indique :

'Mme [W] [O] conteste le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Grasse du 03 décembre 2020 (RG F19/00003, minute n°20/105) des chefs suivants dont elle a été déboutée, savoir :

sur le licenciement sans cause réelle et sérieuse et pour défaut de recherche sérieuse de reclassement

- dire que le licenciement pour inaptitude de Mme [O] notifié par lettre recommandée avec accusé de réception du 26 avril 2018 produira les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, en raison du comportement fautif de l'employeur à l'origine de l'inaptitude et du défaut de recherche sérieuse de reclassement,

- requalifier le licenciement pour inaptitude de Mme [W] [O] en un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

sur l'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- condamner la Société ORPEA « Résidence Les Diamantines » à verser à Mme [W] [O] les sommes suivantes :

o 10.000 euros à titre de dommages-intérêts pour comportement fautif de l'employeur à l'origine de l'inaptitude,

o 20.000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et pour défaut de recherche sérieuse de reclassement,

à titre principal,

en écartant le barème en raison de son inconventionalité,

à titre subsidiaire, par application du principe de proportionnalité, l'application du barème portant une atteinte disproportionnée au droit à réparation du préjudice de la salariée.

- dire que l'intégralité des sommes prononcées sera productive de l'intérêt au taux légal à compter de la saisine du conseil de prud'hommes, et que ces intérêts seront même productifs d'intérêts par année entière conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil ;

- ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir.

- condamner la Société ORPEA aux entiers frais et dépens de l'instance et à payer à Mme [W] [O] la somme de 2.000 euros à titre de l'application de l'article 700 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 2 février 2023.

MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES

Par conclusions signifiées par voie électronique le 1er avril 2021, Mme [W] [O] demande à la cour de :

- déclarer recevable et bien fondé l'appel,

y faisant droit,

- infirmer la décision entreprise des chefs critiqués et statuant à nouveau,

- dire que le licenciement pour inaptitude de Mme [W] [O] notifié par lettre recommandée avec accusé de réception du 26 avril 2018 produira les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, en raison du comportement fautif de l'employeur à l'origine de l'inaptitude et du défaut de recherche sérieuse de reclassement,

- requalifier le licenciement pour inaptitude de Mme [W] [O] en un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- condamner l'employeur à lui verser :

o 10.000 euros à titre de dommages-intérêts pour comportement fautif de l'employeur à l'origine de l'inaptitude,

o 20.000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et pour défaut de recherche sérieuse de reclassement,

à titre principal,

en écartant le barème en raison de son inconventionnalité,

à titre subsidiaire, par application du principe de proportionnalité, l'application du barème

portant une atteinte disproportionnée au droit à réparation du préjudice de la salariée,

- condamner la société ORPEA à payer à Mme [W] [O] la somme de 2.000 euros au titre de l'application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers frais et dépens de l'instance.

Mme [W] [O] fait d'abord valoir que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse. En effet, le comportement de l'employeur est à l'origine de la dégradation de son état de santé ayant entrainé son inaptitude professionnelle prononcée le 8 février 2018 par le médecin du travail.

A la suite de son accident du travail en date du 29 novembre 2016, le comportement de

l'employeur à l'égard de sa salariée à été la cause directe de la dégradation de son état de santé et de la déclaration de son inaptitude.

Son licenciement est également sans cause réelle et sérieuse en raison d'un manquement de l'employeur à l'obligation préalable de reclassement.

Mme [O] a été déclarée inapte définitivement au poste d'auxiliaire de vie par le médecin du travail le 08 février 2018, en un seul examen. Dans ses conclusions le docteur [K] considérait Mme [O] : « Inapte à tous poste dans l'entreprise. Apte à un autre poste de type administratif dans un autre environnement ».

Sur les six postes proposés, cinq d'entre eux nécessitaient l'obtention d'un diplôme qui n'était pas en possession de la concluante, (assistante qualité, ingénieur génie électrique, adjointe de direction). Le poste de standardiste réceptionniste ne correspondait pas à ses compétences professionnelles et était trop éloigné de son domicile l'obligeant ainsi à déménager. En procédant de la sorte, l'employeur ne s'est pas livré à une recherche loyale de reclassement.

Sur sa demande de dommages intérêts de 20 000 euros pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, la salariée fait valoir que le barème d'indemnisation doit être écarté en raison de son inconventionalité. A titre subsidiaire, elle ajoute que par application du principe de proportionnalité, l'application du barème porte une atteinte disproportionnée au droit à réparation du préjudice de la salariée.

Sur l'inconventionnalité du barème d'indemnisation, Mme [W] [O] fait valoir que ce dernier doit être écarté car :

- deux textes internationaux garantissent aux salariés licenciés sans motif valable de recevoir une indemnité adéquate (article 10 de la convention n° 158 de l'organisation internationale du travail sur le licenciement et article 24 de la Charte sociale européenne du 3 mai 1996, ratifiée par la France le 7 mai1999),

- le contrôle de conventionnalité est dévolu au juge prud'homal, la cour de cassation estime en effet que l'office du juge du fond doit au préalable intervenir pour statuer sur la compatibilité des dispositions internes aux textes internationaux,

- il existe une invocabilité directe des deux textes internationaux garantissant un droit à une indemnité adéquate,

- des exigences sont posées pour la garantie d'une indemnisation adéquate,Il convient donc d'appliquer l'article 24 de la Charte sociale européenne en tenant compte de ces deux exigences cumulatives : l'indemnisation du salarié privé d'emploi sans motif valable'est adéquate qu'à la double condition d'être suffisamment élevée pour couvrir ses préjudices et de constituer une sanction dissuasive,

- l'article L.1235-3 plafonne le droit à indemnisation et ne permet plus de couvrir l'ensemble des préjudices

- il n'existe pas de voie alternative d'indemnisation,

- l'indemnité plafonnée perd son caractère dissuasif et prive d'effectivité l'interdiction de licencier sans motif valable,

- le mécanisme du plafond porte enfin atteinte à l'accès à juge de plein exercice et au droit à un procès équitable

Par conclusions signifiées par voie électronique le 29 juin 2021, la société ORPEA demande à la cour de :

- confirmer le jugement entrepris,

- dire que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse,

En conséquence :

' débouter Mme [W] [O] de l'intégralité de ses demandes,

' condamner Mme [W] [O] au paiement d'une somme de 2.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

L'employeur affirme que le licenciement a bien une cause réelle et sérieuse, car, contrairement à ce que prétend la salariée :

-il n'a pas commis de manquement dans le cadre de l'exécution du contrat de travail,

-il a sérieusement respecté son obligation de reclassement.

Sur son absence de manquements dans le cadre de l'exécution du contrat de travail, la société ORPEA précise que seule une affectation de la salariée au sein du bâtiment B permettait à l'employeur de satisfaire pleinement aux préconisations médicales émises par le médecin du travail, puisque l'appelante allait être en mesure :

- d'exercer son emploi à temps partiel,

- de ne pas effectuer de transferts manuels de résidents, dans la mesure où des dispositifs de lèves-malades ont été mis en place pour éviter précisément les transferts manuels de résidents.

La société ORPEA ajoute qu'elle avait acheté pour la résidence Les Diamantines des dispositifs de lèves-malades qui permettent de lever les résidents avec une dépendance élevée de sorte que le personnel soignant n'a aucune manutention à faire.

Le mi-temps thérapeutique a pris fin le 31 mai 2017 et l'appelante a réintégré l'unité protégée le 13 juin suivant.

L'employeur indique ensuite qu'il n'a pas contraint la salariée à reprendre le travail à temps complet. La période de temps partiel thérapeutique a été mise en 'uvre pour la durée où elle avait été prescrite, jusqu'au 31 mai 2017, sans difficulté aucune. Si cette modalité avait été prescrite pour une plus longue durée, elle aurait été également mise en 'uvre, aucun élément ne permettant d'affirmer que l'employeur avait manifesté la moindre opposition à cette organisation, bien au contraire. Par ailleurs et s'il en était besoin, il sera souligné que la prescription de cet aménagement de l'horaire de travail n'était que temporaire, puisqu'il devait s'appliquer jusqu'au 31 mai 2017.

Aucun renouvellement de cet aménagement n'avait été prévu, ni même envisagé d'ailleurs. Il suffira pour s'en convaincre de se rapporter à l'avis médical du médecin du travail émis le 11 avril 2017, pour constater que la prochaine visite médicale était programmée le 12 avril 2022. Il va sans dire que si le médecin du travail avait envisagé la poursuite du mi-temps thérapeutique ou qu'il avait ne serait-ce qu'estimé nécessaire de revoir la salariée à son issue, il l'aurait invitée à se présenter pour faire un point sur ses capacités à tenir son poste à temps plein.

Sur le manquement qui lui est imputé tenant au fait qu'aucune visite médicale auprès du médecin du travail n'aurait été organisée pour la reprise à temps plein du poste au 1 er juin 2017, l'employeur répond qu'il n'existe aucune règle exigeant l'organisation d'une telle visite, lorsque le mi-temps thérapeutique arrive à son terme. Il ne saurait donc être reproché à l'employeur d'avoir méconnu une « obligation » qui n'existe pas.

Sur le grief consistant en des pressions de la part de l'employeur sur la salariée, à son retour d'arrêt de travail le 7 février 2018, la société ORPEA réplique qu'il existe une carence probatoire de Mme [O] sur ce point. En outre, elle s'est présentée à son poste de travail le 7 février 2018 puis rencontrait le médecin du travail le lendemain, lequel la déclarait : « inapte à tous les postes dans l'entreprise mais apte à un autre poste de type administratif dans un autre environnement ».

Elle n'aura donc travaillé qu'une journée et demi avant d'être déclarée inapte à son poste, ce qui ne l'empêche manifestement pas de saisir à nouveau l'occasion d'accuser l'intimée de lui avoir fait subir de multiples brimades.

S'agissant de son prétendu manquement à son obligation de reclassement, la société ORPEA répond qu'elle a parfaitement rempli les obligations qui étaient les siennes consécutivement à l'avis d'inaptitude de Mme [O].

Dans le cas présent, l'avis rendu le 8 février 2018 était libellé dans les termes qui suivent : « Inapte à tous les postes dans l'entreprise. Apte au même poste de type administratif dans un autre environnement ».

Compte tenu de la jurisprudence rendue en la matière, c'est à l'aune des conditions posées par Mme [O], que doit s'apprécier la qualité de la recherche de reclassement. Ainsi, en conjuguant l'avis médical et les limitations exprimées par l'appelante, le reclassement ne pouvait intervenir :

- que sur un poste administratif,

- dans un autre établissement,

- et à [Localité 4] ou [Localité 5].

Seuls trois établissements étaient implantés dans le secteur précisé par l'appelante,

à savoir :

- la Clinique [6],

- la Résidence les mimosas,

- la Résidence les jardins de Grasse.

Pour finir de se convaincre de l'entière bonne foi de la concluante, la cour relèvera qu'alors même qu'elle n'y est nullement tenue, elle a procédé à une recherche de reclassement élargie au périmètre national, laquelle permettait d'identifier six postes qui ont naturellement été proposés à Mme [O], dont un poste de standardiste réceptionniste à temps partiel (30,33 heures), au sein de la commune de [Localité 7] dans le Val d'Oise.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur les demandes liées à l'exécution du contrat de travail

1-Sur la demande de dommages intérêts pour comportement fautif de l'employeur à l'origine de l'inaptitude

L'article L4121-1 du code de la sécurité sociale dispose :

L'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.

Ces mesures comprennent :

1° Des actions de prévention des risques professionnels et de la pénibilité au travail,

2° Des actions d'information et de formation,

3° La mise en place d'une organisation et de moyens adaptés.

L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes.

L'article L 4624-6 du code du travail dispose : L'employeur est tenu de prendre en considération l'avis et les indications ou les propositions émis par le médecin du travail en application des articles L. 4624-2 à L. 4624-4. En cas de refus, l'employeur fait connaître par écrit au travailleur et au médecin du travail les motifs qui s'opposent à ce qu'il y soit donné suite.

En l'espèce, la salariée présente une demande indemnitaire en lien avec le comportement de l'employeur qui serait à l'origine de la dégradation de son état de santé et de son inaptitude d'origine professionnelle. L'employeur n'aurait pas suivi les prescriptions du médecin du travail. Elle invoque trois périodes de temps distinctes durant lesquelles la société ORPEA a commis, selon elle, des manquements.

- sur la période d'avril à mai 2017

La salariée prétend en premier lieu que l'employeur a commis un autre manquement en ce qu'il n'aurait pas respecté les préconisations du médecin du travail concernant l'interdiction de 'transfert manuel'. Elle explique qu'il l'aurait en effet affectée sur un poste de travail à temps partiel au sein du bâtiment B, poste qui impliquait des transferts manuels (au moment des toilettes du matin et de la tournée mictionnelle des résidents du secteur ouvert et à mobilité réduite).

Cependant, l'employeur produit aux débats des pièces justifiant qu'il a mis en oeuvre des moyens adaptés pour éviter aux salariés de faire des transferts manuels de personnes au sein du service sur lequel il a affecté la salariée. Il verse en effet aux débats plusieurs factures d'achat de dispositifs de lèves-malades. Ces factures sont pour la plupart antérieures à la période durant laquelle la salariée était soumise à une restriction médicale portant sur les transferts manuels.

Ainsi, la salariée ne démontre pas suffisamment le manquement de l'employeur quant à la restriction du médecin du travail concernant les transferts manuels.

Pour étayer son affirmation selon laquelle l'employeur a commis des manquements durant cette période, la salariée prétend ensuite que l'employeur n'a pas respecté les préconisations de la CPAM et du médecin du travail quant à la nécessité de réduire son temps de travail.

La cour relève qu'en avril et mai 2017, l'employeur était soumis aux préconisations suivantes du médecin du travail concernant le poste de travail de Mme [W] [O] :

- le médecin du travail a indiqué le 4 avril 2007 que la salariée était apte à la reprise du travail, tout en émettant la restriction suivante : « La reprise peut être envisagée en mi-temps thérapeutique sans transfert manuel ».

-Il indiquait le 11 avril 2017, dans une nouvelle fiche d'aptitude médicale que la salariée était 'apte à la reprise en mi-temps thérapeutique sans transfert manuel'.

L'employeur était donc tenu, durant cette période,à une double obligation imposée par le médecin du travail : celle de faire travailler la salariée dans le cadre d'un mi-temps thérapeutique et celle également de ne pas la soumettre à des tâches de transferts manuels.

Or, s'agissant du respect des prescriptions du médecin du travail en termes de temps de travail réduit, l'employeur ne conteste pas qu'il a pourtant fait travailler la salariée davantage que le nombre d'heures prescrit par le médecin du travail, soit à hauteur de 20 heures par semaine.

Il existe donc un manquement de l'employeur aux préconisations du médecin du travail quant à la durée de travail à ne pas dépasser.

-sur la période de juin à juillet 2017

Sur cette période, la salariée reproche à l'employeur de lui avoir imposé de travailler à temps complet, de ne pas avoir organisé au préalable une visite de reprise à l'issue de son mi-temps thérapeutique afin de vérifier sa capacité à pouvoir travailler à temps complet et, enfin, de l'avoir affectée sur un poste impliquant des tâches professionnelles interdites par le médecin du travail.

Pour étayer son affirmation selon laquelle l'employeur était également tenu par des restrictions médiales à l'issue du mi-temps thérapeutique, entre juin et juillet 2017, qu'il n'a pas respectées, la salariée produit aux débats les pièces médicales suivantes :

-le certificat médical du 31 mai 2017 du médecin généraliste de Mme [W] [O] : 'éviter de porter lourd de tirer des charges lourdes',

-un courrier du 31 octobre 2017 de la CPAM adressé à la salariée :' En réponse la demande de reprise du travail léger à compter du 7 avril 2017 formulée par votre médecin, je vous informe qu'un avis favorable a été émis pour sa prise en charge au titre des risques professionnels. L'accord vous a été donné jusqu'au 1er août 2017 sauf avis contraire du médecin conseil. Pendant cette période, des indemnités journalières vous seront versées dés réception de l'attestation de salaire complétée par votre employeur'.

Cependant, en ce qui concerne la capacité de travail d'un salarié, l'employeur est seulement tenu de déférer aux préconisations du médecin du travail. A contrario, le salarié ne saurait se prévaloir d'un non-respect des restrictions prescrites par son médecin traitant, non confirmées par le médecin du travail.

Or, en l'espèce, le médecin du travail avait bien émis des restrictions en termes de temps de travail et de tâches professionnelles pour la salariée, restrictions qui continuaient à s'appliquer en juin et juillet 2017. L'employeur était tenu de suivre lesdites restrictions.

En effet, le médecin du travail avait rendu un avis médical le 11 avril 2017, lequel indiquait que la salariée était 'apte à la reprise en mi-temps thérapeutique sans transfert manuel'.

Cet avis, bien que rendu le 11 avril 2107 s'imposait à l'employeur même en juin et juillet 2017. En effet, sur ce formulaire d'aptitude médicale, le médecin du travail n'avait pas précisé que ses restrictions médicales étaient limitées dans le temps. De plus, le formulaire mentionnait que la salariée était 'à revoir' en avril 2022 seulement.

Ainsi, même en juin et juillet 2017, l'employeur était toujours tenu de respecter une double obligation concernant les conditions de travail de Mme [W] [O] : celle-ci devait travailler à mi-temps et elle ne devait pas être astreinte à des tâches impliquant des transferts manuels.

Or, l'employeur ne conteste pas que, malgré cette restriction du médecin du travail en termes de temps de travail, il a laissé la salariée reprendre le travail à temps complet en juin et juillet 2017.

Enfin, la cour relève également que, alors que l'avis médical du médecin du travail du 11 avril 2017 n'était pas limité dans le temps, l'employeur a fait reprendre la salariée à temps complet sans organiser de visite de reprise par le médecin du travail. Il ne justifie pas non plus avoir sollicité de celui-ci un nouvel avis sur la capacité de travail à temps plein de Mme [W] [O].

Il existe donc un manquement de l'employeur aux préconisations du médecin du travail quant à la durée de travail à ne pas dépasser.

- sur la période des 7 et 8 février 2018

Concernant les journées des 7 et 8 février 2018, la salariée allègue d'intenses pressions de la part de la direction. Celles-ci ne sont pas démontrées. Aucun manquement de l'employeur n'est relevé sur ce point.

Il résulte de ce qui précède que la salariée démontre un non-respect par l'employeur des prescriptions du médecin du travail entre avril et juillet 2017. Alors que la salariée a été victime d'un accident du travail le 29 novembre 2016 et d'un arrêt de travail jusqu'au 7 avril 2017,celui-ci a fait travailler la salariée pendant 20 heures par semaine au lieu de 17 heures et ce pendant deux mois en avril et mai 2017. Ensuite, à compter de juin 2017 et durant juillet 2017, l'employeur a fait reprendre la salariée à temps complet, alors qu'il était encore censé la faire travailler à mi-temps.

Postérieurement à ces fautes de l'employeur, la salariée a subi un nouvel arrêt de travail du 28 juillet 2017 au 3 novembre 2017. Le 3 novembre 2017, elle a été opérée de son épaule droite. Elle a bénéficié d'un nouvel arrêt de travail pour consolidation et rééducation du 3 novembre 2017 jusqu'au 3 février 2018. Ensuite, le 6 février 2018, le médecin généraliste de la salariée a conclu qu'elle pouvait reprendre le travail tout en excluant les efforts avec le bras droit. Le 8 février 2018, le médecin du travail l'a déclarée inapte à tous les postes dans l'entreprise en ces termes : 'Inapte à tous les postes : dans l'entreprise. Apte à un autre poste de type administratif dans un autre environnement ».

Ainsi, l'employeur a contribué par son manquement à son obligation de sécurité ci-dessus démontrée à créer l'inaptitude d'origine professionnelle de la salariée,

En conséquence, la cour infirme le jugement et condamne l'employeur à payer à la salariée la somme de 6. 000 euros à titre de dommages-intérêts.

Sur les demandes liées à la rupture du contrat du travail

La lettre de licenciement du 26 avril 2018 est ainsi rédigée : '[Adresse 3], le 26 avril 2018

Madame,

Bien que régulièrement convoquée, vous ne vous êtes pas présentée à l'entretien fixé préalablement au 23 avril 2018, ne nous permettant pas de vous exposer les motifs nous amenant à envisager votre licenciement.

En effet le 19 février 2018, dans le cadre de votre visite médicale de reprise le Médecin du Travail a émis, vous concernant, l'avis suivant :

- Inapte à tous postes : dans l'entreprise Diamantine de Châteauneuf. Reste apte au même poste dans un autre environnement.

Nous avons ainsi adressé au Médecin du travail, par télécopie et courrier recommandé en date du 22 février 2018, la liste des métiers répertoriés par la convention collective nationale de la Fédération de l'hospitalisation privée du 18 avril 2002, afin d'obtenir des précisions concernant les emplois susceptibles de correspondre in votre aptitude restreinte.

Nous vous avons également proposé en parallèle par courrier du 22 février 2018, de vous recevoir à un entretien afin de recueillir vos voeux de reclassement fixé au 08 mars 2018. A cette convocation, nous joignions un formulaire de souhaits dans le cas ou vous ne pouviez pas vous rendre à l'entretien.

Dans le cadre de notre obligation légale de reclassement, nous avons alors sollicité l'ensemble de nos établissements afin de rechercher un poste pouvant correspondre aux restrictions apportées par le médecin du travail.

Les délégués du personnel ont alors été convoqués à une réunion prévue le 26 mars 2018 afin qu'ils se prononcent sur les postes vacants ainsi identifiés et sur les adaptations, ou transformations de poste qui seraient nécessaires pour pourvoir à votre reclassement dans le cadre de votre inaptitude d'origine professionnelle.

Ces derniers ont estimé que l'ensemble des moyens de recherche avait été mis en oeuvre et ont alors émis un avis favorable.

Consulté également sur la compatibilité de votre état de santé avec l'ensemble des postes disponibles identifiés au sein du Groupe ORPEA-CLINEA, la médecin du travail nous répondait par courriel du 20 mars 2018 en réitérant son avis du 19 février 2018.

Nous vous avons alors proposé par courrier du 26 mars 2018 la liste des postes disponibles au sein du Groupe compatibles avec la restriction d'absence de port de charge et de manutention formulée par le médecin du travail dans ses avis médicaux.

Toutefois, alors que nous vous avions laissé jusqu'au 09 avril 2018 pour nous faire savoir par retour de courrier si vous acceptiez l'un des postes, vous n'avez pas répondu à notre courrier, cette absence de réponse valant refus des postes proposés.

En conséquence, et devant l'impossibilité de procéder à votre reclassement, nous sommes contraints de vous notifier par la présente la rupture de votre contrat de travail pour impossibilité de reclassement suite à la déclaration de votre inaptitude physique d'origine professionnelle.Vous cesserez de faire partie de nos effectifs à la date de première présentation de la présente'.

1-Sur la cause réelle et sérieuse du licenciement

- Sur la responsabilité de l'employeur quant à l'inaptitude de la salariée

Est dépourvu de cause réelle et sérieuse le licenciement pour inaptitude lorsqu'il est démontré que l'inaptitude était consécutive à un manquement préalable de l'employeur qui l'a provoquée.

En l'espèce, la cour a retenu, pour les raisons précédemment invoquées, que la société ORPEA avait commis une faute en manquant à son obligation de sécurité. Ces manquements imputables à l'employeur ont entraîné pour la salariée un préjudice, dans la mesure où ils ont concouru à créer son inaptitude d'origine professionnelle.

L'inaptitude d'origine professionnelle de la salariée étant consécutive à un manquement préalable de l'employeur, il y a lieu de dire que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

La cour infirme le jugement en ce qu'il dit que le licenciement pour inaptitude repose sur une cause réelle et sérieuse.

- Sur l'obligation de reclassement

L'article L1226-10 du code du travail, dans sa version en vigueur depuis le 01 janvier 2018, dispose : Lorsque le salarié victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle est déclaré inapte par le médecin du travail, en application de l'article L. 4624-4, à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités, au sein de l'entreprise ou des entreprises du groupe auquel elle appartient le cas échéant, situées sur le territoire national et dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel.

Cette proposition prend en compte, après avis du comité économique et social, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur les capacités du salarié à exercer l'une des tâches existant dans l'entreprise. Le médecin du travail formule également des indications sur l'aptitude du salarié à bénéficier d'une formation le préparant à occuper un poste adapté.

L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, aménagements, adaptations ou transformations de postes existants ou aménagement du temps de travail.

Pour l'application du présent article, la notion de groupe désigne le groupe formé par une entreprise appelée entreprise dominante et les entreprises qu'elle contrôle dans les conditions définies à l'article L. 233-1, aux I et II de l'article L. 233-3 et à l'article L. 233-16 du code de commerce.

L'article L1226-12, dans sa version en vigueur depuis le 1er janvier 2017, ajoute :Lorsque l'employeur est dans l'impossibilité de proposer un autre emploi au salarié, il lui fait connaître par écrit les motifs qui s'opposent au reclassement.L'employeur ne peut rompre le contrat de travail que s'il justifie soit de son impossibilité de proposer un emploi dans les conditions prévues à l'article L. 1226-10, soit du refus par le salarié de l'emploi proposé dans ces conditions, soit de la mention expresse dans l'avis du médecin du travail que tout maintien du salarié dans l'emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans l'emploi. L'obligation de reclassement est réputée satisfaite lorsque l'employeur a proposé un emploi, dans les conditions prévues à l'article L. 1226-10, en prenant en compte l'avis et les indications du médecin du travail. S'il prononce le licenciement, l'employeur respecte la procédure applicable au licenciement pour motif personnel prévue au chapitre II du titre III.

D'autre part, la charge de la preuve du reclassement incombe à l'employeur.

Le poste proposé au salarié doit « correspondre à ses capacités » et « prendre en compte les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur les capacités du salarié à exercer l'une des tâches existantes dans l'entreprise ».

En outre, l'emploi doit être aussi comparable que possible à celui précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutation, aménagement, adaptation ou transformation de postes existants ou aménagement du temps de travail.

La salariée estime que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse, en raison des manquements de l'employeur quant à son obligation de reclassement.

En l'espèce dans son avis médical d'inaptitude suite à la visite de reprise du 8 février 2018, le médecin du travail déclare la salariée : « inapte à tous poste dans l'entreprise. Apte à un autre poste de type administratif dans un autre environnement ».

Ainsi, en application de la déclaration d'inaptitude du médecin du travail du 8 février 2018, la salariée était inapte à tous postes dans l'entreprise et apte seulement à un autre poste de type administratif ailleurs.

Par ailleurs, celui-ci était tenu de respecter la volonté de la salariée quant à ses choix géographiques concernant son futur reclassement. En effet, l'employeur produit un formulaire de souhaits de reclassement rempli par la salariée le 17 février 2018, dont il résulte que celle-ci souhaitait être reclassée prioritairement sur des postes situés à [Localité 5] et [Localité 4] (Alpes-Maritimes).

La société ORPEA affirme que comme seuls trois établissements étaient implantés dans le secteur géographique souhaité par la salariée, il lui était difficile d'étudier les possibilités de reclassement.

Cependant, la société ORPEA ne démontre pas les démarche sérieuses pour tenter de reclasser la salariée sur des postes de type administratifs au sein des trois établissements correspondant au secteur géographique souhaité. L'employeur ne justifie pas avoir contacté ces trois établissements pour déterminer si des postes adaptés étaient disponibles pour la salariée. Il n'établit pas non plus, contrairement à ce qu'il prétend, qu'aucun poste de type administratif n'était disponible au sein des établissements situés dans le périmètre souhaité.

Il ne suffisait pas pour l'employeur de soutenir que les restrictions géographiques imposées par Mme [W] [O] rendaient particulièrement difficiles les possibilités de reclassement au sein des trois établissements existant correspondant aux préférences géographiques exprimées par la salariée. Encore aurait-il fallu que la société ORPEA le démontre.

Ensuite, il est exact que la société ORPEA a tout de même proposé à la salariée un reclassement sur six postes disponibles, situés en dehors de la zone géographique souhaitée prioritairement par Mme [W] [O], soit en Midi Pyrénées, Languedoc, Rhône Alpes Auvergne, dans les Hauts-de-Seine, dans le Val d'Oise.

Cependant, dès lors que l'employeur ne démontre pas le caractère sérieux de ses démarches pour tenter de reclasser la salariée sur la zone géographique prioritairement souhaitée (alors même qu'il existait trois établissements susceptibles d'accueillir celle-ci), ses propositions de postes à pourvoir situés en dehors de ladite zone ne sauraient suppléer le non-respect de son obligation de reclassement.

La cour relève en outre qu'une partie des postes proposés n'étaient pas comparables à l'emploi précédemment occupé par la salariée d'auxiliaire de vie. En effet, il n'est pas contesté par l'employeur que 5 des postes proposés (sur 6) nécessitaient l'obtention par la salariée d'un diplôme, qu'elle n'avait pas. Seul le poste de standardiste-réceptionniste ne nécessitait pas un autre diplôme et correspondait aux préconisations du médecin du travail. Cependant, ce poste était situé dans le Val d'Oise, soit en dehors du secteur géographique prioritaire de la salariée sur lequel l'employeur ne justifie pas de démarches sérieuses pour tenter de reclasser la salariée (alors même qu'il existait trois établissements susceptibles de proposer des postes conformes aux restrictions du médecin du travail).

L'employeur ne justifie pas suffisamment avoir satisfait à sa recherche de reclassement. Surabondamment, la cour infirme le jugement qui conclut à la cause réelle et sérieuse du licenciement.

- Sur les dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

La cour ayant estimé que le licenciement du 26 avril 2018 est dépourvu de cause réelle et sérieuse, Mme [W] [O] est en droit de prétendre au paiement des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

La salariée demande cependant d'écarter le barème d'indemnisation prévu par l'article L 1235-3 du code du travail dans sa version applicable depuis le 1er avril 2018, article applicable pour déterminer le montant des dommages intérêts auxquels la salariée peut normalement prétendre.

Au soutien de sa demande tendant à faire écarter des débats le barème d'indemnisation, la salariée invoque deux moyens : le barème est inconventionnel et il porte une atteinte disproportionnée au droit à réparation du préjudice de la salariée.

La cour se doit d'examiner ces deux moyens ce droit.

-Sur le moyen tiré de la prétendue inconventionnalité du barème

La salariée invoque d'abord l'article 10 de la convention n° 158 de l'OIT sur le licenciement, ratifiée par la France le 16 mars 1989. Elle ajoute que ce texte international garantit aux salariés licenciés sans motif valable de recevoir une indemnité adéquate, que le contrôle de conventionnalité est dévolu au juge prud'homal, que ce texte est directement invocable, qu'il pose des garanties d'une indemnisation adéquate, que l'article L 1235-3 du code du travail ne permet plus de couvrir l'ensemble des préjudices, qu'il n'existe pas de voie alternative d'indemnisation, que l'indemnité plafonnée perd son caractère dissuasif, que le plafond porte enfin atteinte à l'accès à un juge de plein exercice et au droit à un procès équitable.

En application de l'article L. 1235-3 du code du travail, si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant est compris entre des montants minimaux et maximaux fixés par ce texte. Pour déterminer le montant de l'indemnité, le juge peut tenir compte, le cas échéant, des indemnités de licenciement versées à l'occasion de la rupture, à l'exception de l'indemnité de licenciement mentionnée à l'article L. 1234-9. Cette indemnité est cumulable, le cas échéant, avec les indemnités prévues aux articles L. 1235-12, L. 1235-13 et L. 1235-15, dans la limite des montants maximaux prévus au même article.

Aux termes de l'article 10 de la convention n° 158 de l'organisation internationale du travail, si les organismes mentionnés à l'article 8 de la présente convention arrivent à la conclusion que le licenciement est injustifié, et si, compte tenu de la législation et de la pratique nationales, ils n'ont pas le pouvoir ou n'estiment pas possible dans les circonstances d'annuler le licenciement et/ou d'ordonner ou de proposer la réintégration du travailleur, ils devront être habilités à ordonner le versement d'une indemnité adéquate ou toute autre forme de réparation considérée comme appropriée.

Les dispositions des articles L. 1235-3 et L. 1235-3-1 du code du travail, qui octroient au salarié, en cas de licenciement injustifié, une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant est compris entre des montants minimaux et maximaux variant en fonction du montant du salaire mensuel et de l'ancienneté du salarié et qui prévoient que, dans les cas de licenciements nuls dans les situations ci-dessus énumérées, le barème ainsi institué n'est pas applicable, permettent raisonnablement l'indemnisation de la perte injustifiée de l'emploi.

Le caractère dissuasif des sommes mises à la charge de l'employeur est également assuré par l'application, d'office par le juge, des dispositions précitées de l'article L. 1235-4 du code du travail.

Les dispositions des articles L. 1235-3, L. 1235-3-1 et L. 1235-4 du code du travail sont ainsi de nature à permettre le versement d'une indemnité adéquate ou une réparation considérée comme appropriée au sens de l'article 10 de la Convention n° 158 de l'OIT.

Il en résulte que les dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail sont compatibles avec les stipulations de l'article 10 de la convention précitée.

Par ailleurs, contrairement à ce qu'affirme le salarié, le mécanisme du plafond ne porte pas atteinte à l'accès au juge de plein exercice et au droit à un procès équitable. En effet, le salarié licencié sans cause réelle et sérieuse, est fondé à saisir le juge pour obtenir des dommages-intérêts. De plus, les dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail sont compatibles avec les stipulations de l'article 10 de la Convention précitée.

La salariée demande encore d'écarter le barème d'indemnisation prévu par l'article L 1235-3 du code du travail, en invoquant également l'article 24 de la Charte sociale européenne du 3 mai 1996.

Aux termes de l'article L. 1235-3 du code du travail, si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise, avec maintien de ses avantages acquis.Si l'une ou l'autre des parties refuse cette réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant est compris entre des montants minimaux et maximaux.

Les dispositions de la Charte sociale européenne n'étant pas d'effet direct en droit interne dans un litige entre particuliers, l'invocation de son article 24 ne pouvait pas conduire à écarter l'application des dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail et il convient d'allouer en conséquence à la salariée une indemnité fixée à une somme comprise entre les montants minimaux et maximaux déterminés par ce texte.

En l'absence d'effet direct en droit interne de la Charte sociale Européenne, le moyen de droit soulevé par l'appelante est inopérant.

- sur le moyen subsidiaire tiré du principe de proportionnalité

La salariée, pour tenter de faire écarter l'application du barème d'indemnisation, invoque encore le fait que l'application dudit barème porte une atteinte disproportionnée au droit à réparation de son préjudice.

Cependant, compte tenu des dispositions des articles L. 1235-3 et L. 1235-3-1 du code du travail, qui octroient au salarié, en cas de licenciement injustifié, une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant est compris entre des montants minimaux et maximaux variant en fonction du montant du salaire mensuel et de l'ancienneté du salarié et qui prévoient que, dans les cas de licenciements nuls dans les situations ci-dessus énumérées, le barème ainsi institué n'est pas applicable, permettent raisonnablement l'indemnisation de la perte injustifiée de l'emploi.

Il en résulte, d'autre part, que le caractère dissuasif des sommes mises à la charge de l'employeur est également assuré par l'application, d'office par le juge, des dispositions précitées de l'article L. 1235-4 du code du travail.

Les dispositions des articles L. 1235-3, L. 1235-3-1 et L. 1235-4 du code du travail sont ainsi de nature à permettre le versement d'une indemnité adéquate ou une réparation considérée comme appropriée au sens de l'article 10 de la Convention n° 158 de l'OIT.

Le moyen ainsi opposé par la salariée est inefficace.

- sur le montant des dommages-intérêts

Les moyens soulevés par la salariée pour tenter de faire écarter l'application du barème d'indemnisation de l'article L 1235-3 du code du travail étant inefficaces, la cour déterminera en le montant des dommages-intérêts en fonction de ce barème.

Compte tenu de l'ancienneté de la salariée (2 années complètes) et des effectifs de l'employeur (qui emploie habituellement plus de 11 salariés), le barème d'indemnisation prévoit une indemnité comprise entre 3 mois de salaires bruts au minimum et 3, 5 mois de salaires bruts au maximum.

En l'espèce, la salariée ne détaille pas sérieusement sa situation financière depuis sa perte injustifiée d'emploi ni son parcours professionnel depuis lors. Elle ne verse pas de pièces pertinentes.

La cour, en retenant une rémunération de 1650 euros bruts par mois, évalue la créance de dommages-intérêts de Mme [W] [O] à 4950 euros, somme que la société ORPEA est condamnée à lui payer. Le jugement est infirmé en ce qu'il a débouté la salariée de sa demande sur ce point.

Sur les demandes accessoires

La société ORPEA est condamnée aux entiers dépens et à payer une somme de 2000 euros à Mme [W] [O] en application de l'article 700 du code de procédure civile.

La société ORPEA est déboutée de sa demande d'indemnité de procédure.

PAR CES MOTIFS

La cour, après en avoir délibéré, statuant par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe, en matière prud'homale,

- infirme le jugement entrepris dans toutes ses dispositions et statuant de nouveau :

- condamne la société ORPEA à payer à Mme [W] [O] la somme de 6.000 euros de dommages-intérêts au titre du comportement fautif de l'employeur à l'origine de l'inaptitude,

- dit que le licenciement de Mme [W] [O] est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

- condamne la société ORPEA à payer à Mme [W] [O] la somme de 4950 euros de dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- ordonne le remboursement par la société ORPEA aux organismes concernés de tout ou partie des indemnités de chômage versées à Mme [W] [O], du jour de son licenciement au jour du jugement, dans la limité de 3 d'indemnité de chômage,

y ajoutant,

- condamne la société ORPEA aux entiers dépens,

- condamne la société ORPEA à payer à Mme [W] [O] la somme de 2000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Ainsi jugé et prononcé par mise à disposition au greffe les jour, mois et an susdits.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-5
Numéro d'arrêt : 21/00005
Date de la décision : 13/04/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-04-13;21.00005 ?
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