COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 4-5
ARRÊT AU FOND
DU 13 AVRIL 2023
N° 2023/
MS
Rôle N° RG 20/11265 - N° Portalis DBVB-V-B7E-BGQ7Z
[E] [T]
S.A.S.U. LINK APPARTEMENT VILLA HOTEL
C/
[I] [W]
S.A.S. RESIDENCE [Localité 6] VILLAGE
Copie exécutoire délivrée
le : 13/04/23
à :
- Me Nicolas HENNEQUIN de la SELARL AXE AVOCATS, avocat au barreau de GRASSE
- Me Amance PERROT, avocat au barreau de GRASSE
- Me Raoudah M'HAMDI, avocat au barreau de MARSEILLE
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CANNES en date du 25 Septembre 2020 enregistré(e) au répertoire général sous le n° F 17/00461.
APPELANTS
Monsieur [E] [T], demeurant [Adresse 3]
représenté par Me Nicolas HENNEQUIN de la SELARL AXE AVOCATS, avocat au barreau de GRASSE substituée par Me Stéphanie BAGNIS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
S.A.S.U. LINK APPARTEMENT VILLA HOTEL, demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Nicolas HENNEQUIN de la SELARL AXE AVOCATS, avocat au barreau de GRASSE substituée par Me Stéphanie BAGNIS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
INTIMEES
Madame [I] [W], demeurant [Adresse 4]
représentée par Me Amance PERROT, avocat au barreau de GRASSE
S.A.S. RESIDENCE [Localité 6] VILLAGE, demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Raoudah M'HAMDI, avocat au barreau de MARSEILLE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 31 Janvier 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Gaëlle MARTIN, Conseiller, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Michelle SALVAN, Président de Chambre
Madame Gaëlle MARTIN, Conseiller
Madame Catherine MAILHES, Conseiller
Greffier lors des débats : Mme Karen VANNUCCI.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 30 Mars 2023, prorogé au 13 avril 2023.
ARRÊT
contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 13 avril 2023.
Signé par Madame Michelle SALVAN, Président de Chambre et Mme Karen VANNUCCI, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
FAITS ET PROCÉDURE
Le 30 novembre 2017, Madame [I] [W] a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes dirigées contre la SAS Link Appartement Villa Hôtel ( ci-après la société Link) et contre son dirigeant M.[E] [T], tendant à les voir condamner in solidum au paiement de diverses sommes tant en exécution qu'au titre de la rupture abusive de son contrat de travail.
La société Link a assigné en intervention forcée la société Résidence [Localité 6] Village (ci-après la société REV)pour que soit principalement reconnue sa qualité d'employeur de Mme [W], et subsidiairement aux fins de garantie des condamnations prononcées.
Par jugement rendu le 25 septembre 2020, le conseil de prud'hommes de Cannes :
'- déclare la mise hors de cause la société Résidence [Localité 6] Village
- dit que Mme [W] est salariée de la Société Link Appartement Villa Hôtel
- déboute la Société Link Appartement Villa Hôtel de ses demandes
- accorde 1.000 euros à la charge de la Société Link Appartement Villa Hôtel in solidum avec M. [T] au titre du licenciement abusif
- dit que Mme [W] travaillait pour la Société Link Appartement Villa Hôtel et M. [T]
- dit que le contrat de travail de Mme [W] n'a pas été transféré à [Localité 6] Village suite à l'expulsion ordonnée par le tribunal de grande instance de Nice,
- condamne la Société Link Appartement Villa Hôtel in solidum avec M. [T] à payer à [Localité 6] Village la somme de 1000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile
- condamne in solidum la Société Link Appartement Villa Hôtel et M.[T] à payer à Mme [W]:
* 3.865 euros au titre des salaires du 7 août au 18 septembre 2017
* 276 euros au titre des congés payés durant cette période
* 8.283 euros au titre du préavis et 828,30 euros de congés payés y afférents
* 4.083,73 euros à titre d'indemnité de licenciement
- déboute Mme [W] de sa demande de rappel de salaires
- déboute Mme [W] de sa demande d'heures supplémentaires.
- ordonne la remise des documents sociaux rectifiés
- condamne la Société Link Appartement Villa Hôtel et Monsieur [T] à la somme de 1.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile
- condamne la Société Link Appartement Villa Hôtel et Monsieur [T].'
La SAS Link Villa Appartement et M.[E] [T] ont interjeté appel de cette décision dans des formes et délais qui ne sont pas critiqués.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 19 janvier 2023.
MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Par conclusions notifiées par voie électronique le 15 février 2021 , la SAS Link Appartement Villa Hôtel et M.[E] [T] par des moyens qui seront analysés par la cour dans les motifs de sa décision, demandent:
A titre principal de :
- Juger que la société « Résidence [Localité 6] Village » est l'employeur de Madame [I] [W] ;
- Débouter intégralement la salariée, de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions portées à l'encontre de la société « Link Appartement Villa Hotel » et de Monsieur [E] [T];
- Statuer ce que de droit sur toutes demandes dirigées à l'encontre de la société «Résidence [Localité 6] Village » ;
A titre subsidiaire
- Juger que la société «Link Appartement Villa Hotel » est l'employeur de Madame [W];
- Débouter Madame [W] de ses demandes de condamnations dirigées à l'encontre de Monsieur [E] [T] ;
En conséquence :
- Condamner la société «Link Appartement Villa Hotel » à verser :
- 1.865 euros bruts au titre de son rappel de salaire outre 186 euros bruts au titre des congés payés afférents à la période ;
- 6.930 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis outre 693 euros bruts au titre des congés payés.
- Débouter Madame [W] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement abusif;
- Confirmer le jugement de 1ère instance pour le surplus ;
- Condamner toute partie succombante à verser aux appelants à une somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens d'instance.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 26 avril 20121, la société Résidence [Localité 6] Village, par des moyens qui seront analysés par la cour dans les motifs de sa décision, demande de confirmer le jugement excepté en ce qu'il a rejeté la demande tendant à voir déclarer irrecevable la demande d'intervention forcée et de dire et juger cette demande irrecevable et condamner la société Link Appartement Villa Hôtel au paiement de la somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 25 mai 2021, Mme [I] [W], par des moyens qui seront analysés par la cour dans les motifs de sa décision, demande à la cour de débouter la SAS Link Villa Appartement et M.[E] [T],
- de confirmer le jugement, et y ajoutant de condamner la Société Link Appartement Villa Hôtel et M. [T] in solidum au paiement de la somme de 2.761 euros à titre d'indemnité pour licenciement irrégulier, ainis qu'à la remise des docuemnts de fin de contrat sous astreinte,
- d'infirmer le jugement et statuant à nouveau:
de dire et juger que l'employeur a rompu le contrat de travail de manière abusive et vexatoire et de fixer l'indemnité pour licenciement abusif à 19.000 euros, et de les condamner in solidum à payer ladite somme,
de dire et juger que la SAS Link Villa Appartement et M.[E] [T] ont commis le délit de travail dissimulé par dissimultation d'emploi salarié et de les condamner à payer la somme de 16.566 euros en application de l'article D8223-1 du code du travail,
de condamner in solidum la SAS Link Villa Appartement et M.[E] [T] au paiement d'une somme de 4.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
de condamner in solidum la SAS Link Villa Appartement et M.[E] [T] aux dépens.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur le recevabilité de l'action en intervention forcée de la société Résidence [Localité 6] Village
Aux termes de l'article 331 du code de procédure civile:
Un tiers peut être mis en cause aux fins de condamnation par toute partie qui est en droit d'agir contre lui à titre principal.
Il peut également être mis en cause par la partie qui y a intérêt afin de lui rendre commun le jugement.
La société Résidence [Localité 6] Village soutient vainement qu'aucun des appelants n'est en droit d'agir directement contre elle, à titre principal, par la voie d'une assignation en intervention forcée puisqu'elle n'est pas concernée par le litige, alors que c'est elle même qui a procédé au licenciement de Mme [W] .
Il en résulte, que la demande en intervention forcée de la société REV est recevable.
Sur les demandes relatives à la conclusion du contrat de travail
Mme [W] expose être au service de M. [T] depuis le 1er décembre 2011, au travers d'un contrat à durée déterminée conclu avec la SASU La Vue des Alpes, relation qui s'est ensuite poursuivi à compter du 22 octobre 2012 par une succession de contrats à durée déterminée saisonniers conclus avec la société Le Vallon. Elle expose enfin avoir été engagée par la société Le Vallon, par contrat à durée indéterminée daté du 30 décembre 2014, avec une prise d'effet au 15 janvier 2015. En réalité, elle travaillait pour la société la SAS Link Appartement Villa Hôtel qui gérait la centrale de réservation.
La sociétés REV ainsi que la société Link et M. [T] dénient leur lien de subordination avec la salariée.
Il résulte de l'examen des pièces produites que:
- Mme [W] a été engagée par la société Le Vallon, qui exploitait une résidence Hôtelière 'Eza Vista' à compter du 22 octobre 2012, par une série de contrats à durée déterminée saisonniers, puis par contrat à durée indéterminée, à compter du 30 octobre 2014,
- Mme [W] ne démontre de manière opérante que son premier emploi au sein d'une société La Vue des Alpes s'inscrit dans la même relation contractuelle que celle qui la lie à la société Le Vallon et à M. [T],
- les sociétés Le Vallon et Link Appartement Villa Hôtel constituées sous forme de SAS à associé unique, leur siège social est situé [Adresse 2], elles ont pour dirigeant M. [T],
-M. [E] [T] est le représentant légal de la société Le Vallon, il dirige une dizaine d'entreprises, et notamment la SAS Link Appartement Villa Hôtel, il dirige aussi la société ICH Hôtels USA LLC, société de droit étranger dont le siège est situé à qui contrôle l'ensemble des sociétés,
- un avenant au contrat à durée indéterminée liant Mme [W] à la société Le Vallon, en date du 1er juin 2016, stipule que celle-ci ' passera en catégorie cadre selon la convention collective nationale de l'immobilier et qu'elle exercera principalement ses fonctions au siège de la société',
- la société Le Vallon a été expulsée à compter du 7 août 2017, des locaux qu'elle occupait à [Localité 6], propriété de la société SAS Eza Vista Propriétaires, par jugement du tribunal de grande instance de g Grasse du 5 avril 2017,
- à cette occasion la société Le Vallon a remis au nouvel exploitant de la résidence, la société résidence Résidence [Localité 6] Village, la liste des salariés dont les contrat devaient être repris en application de l'article L1224-1 du code du travail , parmi lesquels figure celui de Mme [W],
- par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 31 octobre 2017, la société Résidence [Localité 6] Village a notifié à Mme [W] son licenciement pour faute grave en raison de son absence injustifiée et pour avoir ' à compter du 7 août 2017, poursuivi son contrat de travail pour la société Link Appartement Villa Hôtel, société concurrente ayant des liens avec l'ancien employeur de Mme [W], la Société Le Vallon,'
- la société [Adresse 7] a déposé plainte auprès du procureur de la République du tribunal de grande instance de Nice, le 28 mars 2019, contre M. [T] et la société Le Vallon ainsi qu'à l'encontre de la société ICH Hôtels USA LLC soutenant en autres que depuis le 15 janvier 2015, Mme [W] travaillait en réalité pour la société Link Appartement Villa Hôtel et non pour la société Le Vallon, et pour M. [T], et reprochant à la société Le Vallon, placée en redressement judiciaire puis en liquidation judiciaire le 22 décembre 2017, notamment, d'avoir fait facturer par une autre société et détourné les salaires et charge de Mme [W] pour la période du 15 janvier 2015 au 6 août 2017.
* sur le transfert du contrat de travail à la société REV et la qualité d'employeur de cette société
Mme [W] a refusé que son contrat soit transféré de plein droit, par application de l'article L1224-1 du code du travail, à la société REV, suite à l'expulsion de la société Le Vallon ordonnée par le tribunal de grande instance de Nice à compter du 7 août 2017. Elle a refusé de consentir à cette opération en soutenant , ce qui conforme à la réaliyté , que son lieu de travail demeurait au siège de la société à [Localité 5] et qu'elle était la salariée de la Société Link Appartement Villa Hôtel.
Cela résulte de son courrier de contestation du licenciement, en date du 14 novembre 2017, des échanges électroniques ainsi que des attestations de mesdames [S] et [H] affirmant ne l'avoir jamais vue à la résidence Eza Vista puisqu'elle travaillait à la centrale de réservation Link à [Localité 5].
Les appelants procèdent par voie d'affirmation et non de démonstration lorsqu'ils soutiennent que l'employeur de Mme [W] est la seule société « Résidence [Localité 6] Village » selon le moyen qu'en application de l'article L1224-1 du code du travail les contrats de travail en cours, dont celui de Mme [W] ont été transférés, de plein droit,société « Résidence [Localité 6] Village » .
Il apparaît au contraire que Mme [W] n'avait aucun lien contractuel avec la société Résidence [Localité 6] Village mais qu'elle travaillait depuis le 2 octobre 2012 et jusqu'au 18 septembre 2017 sous la subordination de la société Link. Cette société a repris l'activité de réservation et de commercialisation d'appartements à laquelle la société Le Vallon avait renoncé .
Le contrat de travail et les bulletins de paie émis au nom de la société Le Vallon, ainsi que les actes de la procédure de licenciement intitiée par la société Résidence [Localité 6] Village ne suffisent pas à contredire les nombreux éléments fournis par Mme [W] qui établissent le caractère fictif de cet emploi. Le président de la société société Résidence [Localité 6] Village a lui même reconnu que Mme [W] ne travaillait pas à [Localité 6] à la résidence Eza Vista pour la société Le Vallon.
La décision entreprise sera confirmée en ce qu'elle déboute les parties de toutes leurs demandes dirigées contre la société Résidence [Localité 6] Village qui n'est pas l'employeur de Mme [W] et ne peut être tenue à garantie des condamnations prononcées.
* sur la qualité de coemployeurs de la société Link et de M. [T]
Il est démontré par la salariée au moyen des échanges électroniques qu'elle accomplissait une prestation de travail non pour le compte de la société Le Vallon ( qui est mentionnée sur les bulletins de paie et le certificat de travail) au siège de la société Link, le même que celui de la société Le Vallon. Elle traitait des demandes de réservation par le biais de la centrale de réservation 'Link' et accomplissait son travail pour le compte de la société Link et sous les ordres de M. [T] comme l'a exactement retenu le conseil de prud'hommes dont la décision est sur ce point confirmée.
En revanche, la circonstance que M. [T] était celui qui donnait des ordres et des instructions directement à Mme [W] qui lui rendait compte à l'occasion de 'reportings', ne suffit pas à caractériser un lien de subordination liant la salariée à la personne physique.
M. [T] n'est pas utilement contredit lorsqu'il affirme qu'il agissait en sa seule qualité de dirigeant de la Société Link Appartement Villa Hôtel et non à titre personnel en agissant pour son propre compte en tant qu' employeur, et qu'il n'a d'ailleurs jamais ni déclaré, ni rémunéré ni donné des instructions à Mme [W].
La décision entreprise sera confirmée en ce qu'elle retient que Mme [W] était salariée de la Société Link Appartement Villa Hôtel mais sera infirmée en ce qu'elle prononce condamnation de M. [T] au paiement in solidum avec la Société Link Appartement Villa Hôtel, seule cette dernière société étant l'employeur de la salariée et non M. [T] personnellement.
Sur les demandes relatives à l'exécution du contrat de travail
1- Sur le rappel de salaire pour la période du 7 août 2017 au 18 septembre 2017
Il appartient à l'employeur qui prétend avoir payé la totalité du salaire d'en rapporter la preuve.
La remise de bulletins de salaire ne dispense pas l'employeur de faire la preuve qu'il a effectivement payé les salaires correspondants.
Les appelants font valoir que le montant du rappel de salaire réclamé par Mme [W] et pour lequel elle a obtenu une condamnation à hauteur de 3 865 euros, outre 276 euros au titre des congés payés est erroné, la salariée ne justifiant pas de son calcul et omettant de déduire la somme de 2 000 euros déjà versée.
Mme [W] détaille le montant de son rappel de salaire à hauteur de 3 865 euros par le calcul suivant : 2 761 x 42/30 et expose que la somme de 276 euros correspond à trois jours de congés payés.
Il resulte de ce qui précède que la salariée a continué à travailler pour la société Link Appartement Villa Hôtel jusqu'au 18 septembre 2017.
Les appelants produisent le bulletin de paie du mois d'août 2017 sur lequel apparait un paiement du salaire uniquement pour la période du 1er août 2017 au 6 août 2017. Ils ne versent aucune autre pièce pour justifier du paiement des salaires pour la période du 7 août 2017 au 18 septembre 2017 et ne rapportent pas la preuve du paiement effectif de la somme de 2 000 euros qu'ils prétendent avoir versé.
Dès lors, la cour confirme le jugement en ce qu'il alloue à Mme [W] la somme de 3.865 euros à titre de rappel de salaire et la somme de 276 euros à titre de congés payés, mais l' infirme en ce qu'il a condamné in solidum les appelants au paiement de la dite somme et statuant à nouveau ne prononce de condamnation au paiement qu'à l'encontre de la société Link.
2- Sur le rappel d'heures supplémentaires
D'après l'article 954 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.
Les appelants concluent au débouté de l'intégralité des demandes de M. [W], ce qui implique sa demande au titre des heures supplémentaires.
Il ressort en effet de la partie discussion des dernières conclusions de Mme [W] qu'elle recherche la condamnation de l'employeur au paiement d'un rappel d'heures supplémentaires à hauteur de 3.320, 08 euros.
Toutefois, en l'absence de demande dans le dispositif de ses conclusionsde rappel d'heures supplémentaires, la cour n'est en vertu de l'article 954 du code de procédure civile pas saisie de ce chef.
Dès lors, la décision entreprise sera confirmée en ce qu'elle déboute Mme [W] de sa demande de ce chef.
5- Sur le travail dissimulé
Selon l'article L. 8221-5 du code du travail :
Est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur:
1° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l'embauche ;
2° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 3243-2, relatif à la délivrance d'un bulletin de paie, ou de mentionner sur ce dernier un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du
temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ;
3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l'administration fiscale en vertu des dispositions légales.
L'intention de dissimuler est caractérisée en l'espèce, la société Link ayant employé Mme [W] sans l'avoir déclarée aux organismes sociaux et fiscaux ce qui constitue une dissimulation d'emploi salarié . Au surplus, la salariée a continué à travailler sans être rémunérée ni déclarée par la société link pour la période du 7 août 2017 au 18 décembre 2017.
Le jugement sera infirmé en ce qu'il déboute Mme [W] de sa demande en reconnaissance et indemnisation d'un travail dissimulé.
Sur les demandes relatives à la rupture du contrat de travail
Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 31 octobre 2017, la SAS Résidence [Localité 6] Village a notifié à Mme [W] son licenciement pour faute grave.
Or, seul l'employeur du salarié, ou la personne habilitée par celui-ci, peut procéder à son licenciement.
Il vient d'être démontré que la SAS Résidence [Localité 6] Village n'était pas l'meployeur de Mme [W].
Il se déduit de ces motifs que la procédure de licenciement est irrégulière et que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse, ce que la décision entreprise a exactement jugé.
1- Sur l'indemnité compensatrice de préavis
Les appelants soutiennent qu'à défaut de mentionner l'article de la convention collective applicable relatif au préavis, Mme [W] ne fonde pas en droit sa demande d'indemnité compensatrice de préavis et que la salariée retient en outre un salaire erroné pour calculer cette indemnité. Ils exposent qu'à la date de rupture de son contrat de travail Mme [W] percevait un salaire de 2.310 euros.
Pour réclamer une indemnité compensatrice de préavis à hauteur de 8.283 euros soit 3 mois, Mme [W] se réfère à la convention collective nationale de l'immobilier (JO 3090) et retient un salaire de 2.761 euros.
D'après l'article 32 du chapitre IV de la convention collective susmentionnée un préavis de 3 mois est effectivement prévu pour les salariés ayant le statut cadre, quelle que soit leur ancienneté.
Mme [W] a droit à une indemnité de préavis, qui doit être fixée à la somme qu'elle aurait perçue si elle avait travaillé pendant la période de préavis de trois mois.
Lorsque le salarié perçoit un salaire fixe, c'est le dernier salaire perçu par l'intéressée qui doit être retenu pour déterminer le montant de l'indemnité compensatrice de préavis, à moins que le dernier salaire perçu ne corresponde pas au salaire habituellement perçu par l'intéressée.
Il ressort des bulletins de salaires et de l'attestation pôle emploi versés au dossier de la cour que Mme [W],qui travaillait selon un horaire hebdomadaire de 39 heures, percevait habituellement un salaire brut de base 2.310, 40 euros, auquel s'ajoutait une somme de 329, 99 euros au titre des heures supplémentaires contractuelles, soit un montant total de 2.640, 39 euros.
Infirmant la décision entreprise et statuant à nouveau, la cour condamne la seule SAS Link Appartement Villa Hôtel à payer à Mme [W] une somme de 7.921,17 euros brut à titre d'indemnité compensatrice de préavis et celle de 792, 117 euros brut au titre des congés payés afférents.
2- Sur l'indemnité de licenciement
En application de l'article L1234-9 du code du travail le salarié titulaire d'un contrat de travail à durée indéterminée, licencié alors qu'il compte 8 mois d'ancienneté ininterrompus au service du même employeur, a droit, sauf en cas de faute grave, à une indemnité de licenciement.
Les appelants concluent à titre principal au débouté de Mme [W] de l'intégralité de ses demandes portée à leur encontre, ce qui implique l'indemnité de licenciement.
La cour a retenu que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse. Il s'ensuit que Mme [W] est bien-fondée à solliciter une indemnité de licenciement.
Le calcul opéré par la salariée et le montant de 4.083, 73 euros alloué à ce titre par le jugement entrepris ne sont pas sérieusement contestés par les appelants dans leurs dernières conclusions.
Dès lors, la cour confirme le jugement en ce qu'il alloue à Mme [W] une somme de 4.083, 73 euros à titre d'indemnité de licenciement, mais l' infirme en ce qu'il a condamné in solidum les appelants au paiement de la dite somme et statuant à nouveau ne prononce de condamnation au paiement qu'à l'encontre de la société Link.
3- Sur les dommages et intérêts pour licenciement abusif
Selon l'article L.1235-3 du code du travail, dans sa version en vigueur du 24 septembre 2017 au 1er avril 2018, si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise, avec maintien de ses avantages acquis.
Si l'une ou l'autre des parties refuse cette réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant est compris entre les montants minimaux et maximaux fixés dans le tableau prévu par le texte.
Les appelants concluent au débouté de Mme [W] sur sa demande de dommages et intérêts au titre du licenciement abusif, dans la mesure où elle ne justifie pas de l'existence et de l'étendue de son préjudice.
En réplique, Mme [W] sollicitant sur ce point l'infirmation du jugement entrepris, réclame une somme de 19.000 euros de ce chef, eu égard au préjudice qu'elle a subi, notamment du fait des circonstances de la rupture et du refus de Pôle emploi de lui accorder des allocations de chômage, à défaut de remise par l'employeur de l'attestation Pôle emploi. Elle soutient qu'au moment du licenciement elle présentait une ancienneté de 5 ans et 11 mois.
De son côté, l'employeur retient une ancienneté de moins de deux ans, sans préciser davantage son propos.
Il résulte de l'article L. 1244-2 du code du travail, dans son dernier alinéa que pour calculer l'ancienneté du salarié, les durées des contrats de travail à caractère saisonnier successifs dans une même entreprise sont cumulées.
La salariée produit l'ensemble des contrats de travail à durée indéterminée saisonniers du 1er décembre 2011 au 5 janvier 2015, son contrat de travail à durée indéterminée daté du 30 octobre 2014, ainsi que les bulletins de salaires sur lesquels il apparait une date d'engagement à compter du 15 janvier 2015.
La cour a précédemment retenu que Mme [W] a exercé entre le 22 octobre 2012 ( et non le 1er décembre 2011 date de son embauche par une société distincte dénommée La Vue des Alpes) et le 18 septembre 2017 sous la subordination de la SAS Link Appartement Villa Hôtel , cette dernière ayant repris l'activité de réservation et de commercialisation d'appartements entrant dans son objet social, à laquelle la SASU Le Vallon avait renoncé à son profit.
La durée de chacun des contrats de travail à caractère saisonnier successifs dans la même entreprise, se cumule pour calculer l'ancienneté du salarié, soit en l'espèce comme suit:
- du 22 octobre 2012 au 21 avril 2013 : 6 mois
- du 1er mai 2013 au 30 octobre 2013 : 6 mois
- du 1er novembre 2013 au 31 mai 2014 : 7 mois
- du 1er juin 2014 au 5 janvier 2015 : 7 mois
- à compter du 15 janvier 2015 au 31 octobre 2017 : 2 ans et 9 mois
L'ancienneté de Mme [W] sera donc fixée à 4 ans et 11 mois.
La SAS Link Appartement Villa Hôtel à qui incombe cette preuve ne justifie pas de son effectif.
En application de l'article L.1235-3 susvisé, la salariée est fondée à obtenir une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse égale à une somme comprise entre 3 mois et 5 mois de salaires.
Il ressort de l'attestation Pôle emploi versée au débats que le salaire de référence à retenir s'élève à 2 643, 55 euros.
Eu égard, à l'ancienneté de Mme [W] dans l'entreprise, au montant de sa rémunération, aux circonstances de la rupture des relations contractuelles et à ce qu'elle justifie de sa situation de demandeur d'emploi non indemnisé pendant plusieurs mois après le lienciement, la cour lui alloue une somme de 10.500 euros.
La décision entreprise sera infirmée en ce qu'elle accorde à Mme [W] la somme de 1.000 euros à la charge de la Société Link Appartement Villa Hôtel in solidum avec M. [T] au titre du licenciement abusif et statuant à nouveau, la société Link appartement villa hôtel sera condamnée à payer à Mme [W] une somme de 10.500 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
4- Sur la demande d'indemnité pour licenciement irrégulier
Selon l'article L.1235-2 du code du travail, dans sa version applicable au litige, si le licenciement d'un salarié survient sans que la procédure requise ait été observée, mais pour une cause réelle et sérieuse, le juge impose à l'employeur d'accomplir la procédure prévue et accorde au salarié, à la charge de l'employeur, une indemnité qui ne peut être supérieure à un mois de salaire.
Il résulte de cette rédaction que l'indemnité pour procédure irrégulière ne peut se cumuler avec l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
La cour ayant alloué à Mme [W] une indemnité au titre de l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement, la salariée sera donc déboutée de sa demande.
5- Sur l'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé
L'article L. 8223-1du code du travail dispose : En cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours dans les conditions de l'article L. 8221-3 ou en commettant les faits prévus à l'article L. 8221-5 a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.
La société Link sera en conséquence condamnée au paiement d'une somme de 15 861,30 euros à titre d'indemnité pour travail dissimulé.
6-Sur la remise de documents
La cour ordonne à la Société Link Appartement Villa Hôtel de remettre à Mme [W] les documents de fin de contrat rectifiés : l'attestation destinée au Pôle emploi, le certificat de travail et un bulletin de salaire conformes à la présente décision.
Il n'est pas nécessaire d'assortir cette obligation d'une astreinte.
Sur les frais du procès
En application des dispositions des articles 696 et 700 du code de procédure civile, les appalents seront condamnés aux dépens ainsi qu'au paiement au bénéfice de Mme [W] d'une indemnité de 2.500 euros.
Le surplus des demandes formées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile sera rejeté.
PAR CES MOTIFS :
La Cour, après en avoir délibéré, statuant par arrêt contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe, en matière prud'homale,
Infirme le jugement en ses dispositions soumises à la cour, et statuant à nouveau des seuls chefs infirmés,
Condamne la SAS Link Appartement Villa Hôtel à payer à Mme [I] [W] :
- 7 921,17 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 792, 117 euros de congés payés afférents
- 10.500 euros à titre d'indemnité pour licenciement abusif,
- 15 861,30 euros à titre d'indemnité pour travail dissimulé,
- 4.083,73 euros nets à titre d'indemnité de licenciement,
Déboute Mme [W] de sa demande d'indemnité pour licenciement irrégulier,
Déboute Mme [W] de ses demandes dirigées contre M. [T] et dit n'y avoir lieu à condamnation à son encontre,
Confirme le jugement en toutes ses autres dispositions non contraires et soumises à la cour,
Y ajoutant,
Ordonne à la SAS Link Appartement Villa Hôtel à Mme [W] un bulletin de salaire, le certificat de travail et l'attestation Pôle emploi rectifiés conformes au présent arrêt,
Dit n'y avoir lieu de prononcer une astreinte,
Condamne la SAS Link Appartement Villa Hôtel aux dépens de la procédure d'appel,
Condamne la SAS Link Appartement Villa Hôtel à payer à Mme [W] une somme de 2.500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Déboute la SAS Link Appartement Villa Hôtel, la SAS Résidence [Localité 6] Village et M.[E] [T] de leur demande d'indemnité de procédure en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Rejette toute autre demande.
LE GREFFIER LE PRESIDENT