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13/04/2023 | FRANCE | N°19/18918

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-6, 13 avril 2023, 19/18918


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-6



ARRÊT AU FOND

DU 13 AVRIL 2023



N° 2023/168







N° RG 19/18918



N° Portalis DBVB-V-B7D-BFJFY







[D] [T]





C/



Société AXA FRANCE IARD

CPAM DES BOUCHES DU RHONE













Copie exécutoire délivrée

le :

à :



-Me Sandra MASSIMINO



-Me Béatrice DUPUY









Décision défÃ

©rée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE en date du 23 Avril 2019 enregistré (e) au répertoire général sous le n° 16/12799.





APPELANT



Monsieur [D] [T]

Immatriculé auprès de la CPAM DES BDR n° 1 69 07 993 531 62 37

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-6

ARRÊT AU FOND

DU 13 AVRIL 2023

N° 2023/168

N° RG 19/18918

N° Portalis DBVB-V-B7D-BFJFY

[D] [T]

C/

Société AXA FRANCE IARD

CPAM DES BOUCHES DU RHONE

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

-Me Sandra MASSIMINO

-Me Béatrice DUPUY

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE en date du 23 Avril 2019 enregistré (e) au répertoire général sous le n° 16/12799.

APPELANT

Monsieur [D] [T]

Immatriculé auprès de la CPAM DES BDR n° 1 69 07 993 531 62 37

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2019/8527 du 23/08/2019 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de AIX-EN-PROVENCE)

né le [Date naissance 1] 1969 à [Localité 4]

de nationalité Française,

demeurant [Adresse 3]

représenté et assisté par Me Sandra MASSIMINO, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, postulant et plaidant.

INTIMEES

Société AXA FRANCE IARD,

demeurant [Adresse 5]

représentée et assistée par Me Béatrice DUPUY, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Alexandre VIGOUROUX, avocat au barreau de MARSEILLE, postulant et plaidant.

CAISSE PRIMAIRE CENTRALE D'ASSURANCE MALADIE DES

BOUCHES DU RHONE,

Assignée le 14/01/2020 à personne habilitée.

Signification conclusions en date du 09/03/2020 à personne habilitée.

Signification de conclusions en date du 05/08/2022 à étude.

Signification en date du 05/09/2022 à personne habilitée.

Signification de conclusions en date du 24/01/2023 à personne habilitée, demeurant [Adresse 2]

Défaillante.

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 28 Février 2023 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Madame Fabienne ALLARD, Conseillère, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Monsieur Jean-Wilfrid NOEL, Président

Madame Anne VELLA, Conseillère

Madame Fabienne ALLARD, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Charlotte COMBARET.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 13 Avril 2023.

ARRÊT

Réputé contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 13 Avril 2023,

Signé par Monsieur Jean-Wilfrid NOEL, Président et Madame Charlotte COMBARET, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Exposé des faits et de la procédure

Le 17 mai 2014, alors qu'il circulait sur l'autoroute A7 au volant de son véhicule, M. [D] [T] a été victime d'un accident de la circulation impliquant un véhicule conduit par Mme [M] et assuré par la société AXA France Iard.

Par jugement du 21 août 2014, le tribunal correctionnel de Marseille a condamné Mme [M] pour blessures involontaires sous l'empire d'un état alcoolique et usage de produits stupéfiants

et, sur le plan civil, a ordonné une mesure d'expertise médicale de M. [T].

M. [N], médecin expert, a déposé son rapport le 23 décembre 2015.

Par acte du 13 octobre 2016, M. [T] a fait assigner la société AXA France Iard devant le

tribunal de grande instance de Marseille afin d'obtenir, au contradictoire de la caisse primaire

d'assurance maladie (CPAM) des Bouches du Rhône, l'indemnisation de son préjudice corporel.

Par jugement du 23 avril 2019, assorti de l'exécution provisoire, cette juridiction a :

- donné acte à la société AXA France Iard qu'elle ne conteste pas devoir indemniser M. [T] des conséquences dommageables de l'accident du 17 mai 2014 ;

- évalué le préjudice corporel de M. [T], après déduction des débours de la caisse primaire

d'assurance maladie (CPAM) des Bouches du Rhône, à la somme de 22 130,60 € ;

- condamné la société AXA France Iard à payer à M. [T], avec intérêts au taux légal à compter du jugement, la somme de 21 130,60 € en réparation de son préjudice corporel, ce, déduction faite de la provision précédemment allouée, ainsi que la somme de 1 300 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- dit que la somme de 31 204,78 € portera intérêt au double du taux légal entre le 12 juin 2016

et le 18 août 2016 ;

- déclaré le jugement commun et opposable à la CPAM des Bouches du Rhône ;

- condamné la société AXA France Iard aux entiers dépens, en ce compris les frais d'expertise

judiciaire et la somme de 31,43 € pour les dépens de l'instance pénale, avec distraction au profit

de Maître Sandra Massimino, avocat, sur son affirmation de droit.

Le tribunal a détaillé ainsi les différents chefs de dommage de la victime directe :

- dépenses de santé actuelles : 3 805,05 € revenant au tiers payeur

- frais divers : 690,40 €

- perte de gains professionnels actuels : 753,20 €

- perte de gains professionnels futurs : rejet

- incidence professionnelle : rejet

- déficit fonctionnel temporaire : 2 187 €

- souffrances endurées de 2,5/7 : 4 500 €

- déficit fonctionnel permanent : 14 000 €

- préjudice d'agrément : rejet.

Pour statuer ainsi, le tribunal a considéré que :

- la pathologie arthrosique qui a entrainé l'inaptitude au poste de travail et le licenciement de M. [T] n'est pas imputable à l'accident ;

- M. [T] ne produit aucun document attestant de la pratique, antérieure à l'accident, d'une activité sportive ou de loisir.

Par acte du 12 décembre 2019, dont la régularité et la recevabilité ne sont pas contestées, M. [T] a interjeté appel de cette décision en ce qu'elle a condamné la société Axa à lui payer avec intérêts au taux légal à compter du présent jugement la somme de 21 130,60 € en réparation de son préjudice corporel, déduction faite de la provision précédemment allouée et la somme de 1 300 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, dit que la somme de 31 204,78 € portera intérêt au double du taux légal entre le 12 juin 2016 et le 18 août 2016, déclaré le présent jugement commun et opposable à la CPAM des Bouches du Rhône et condamné la société Axa aux entiers dépens, en ce compris les frais d'expertise judiciaire et la somme de 31,43 € pour les dépens de l'instance pénale.

Par arrêt en date du 1er avril 2021, la cour a rejeté la demande d'annulation du rapport d'expertise et avant dire droit sur les demandes, a ordonné un complément d'expertise afin d'éclairer la cour sur l'imputabilité à l'accident du 17 mai 2014 de la pathologie arthrosique, en précisant s'il s'agit d'une prédisposition pathologique jusqu'alors muette et révélée par l'accident ou si l'état de M. [T] a évolué pour son propre compte sans rapport avec l'accident du 17 mai 2014.

L'expert a déposé son rapport le 23 mai 2022.

La procédure a été clôturée par ordonnance en date du 7 février 2023.

Prétentions et moyens des parties

Dans ses dernières conclusions, régulièrement notifiées le 19 janvier 2023, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des moyens, M. [T] demande à la cour de :

' infirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société Axa à lui payer, avec intérêts au taux légal à compter du jugement, la somme de 21 130,60 € en réparation de son préjudice corporel, ce, déduction faite de la provision précédemment allouée, ainsi que la somme de 1 300 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, dit que la somme de 31 204,78 € porterait intérêt au double du taux légal entre le 12 juin 2016 et le 18 août 2016 et condamné la société Axa aux entiers dépens ;

Statuant à nouveau,

' à titre principal, condamner la société Axa à lui payer 1 760,40 € au titre des frais divers, 2 238,12 € au titre de la perte de gains professionnels actuels, 2 160 € au titre du déficit fonctionnel temporaire, 6 000 € au titre des souffrances endurées, 781 763,84 €au titre de la perte de gains professionnels futurs avant imputation de la créance de la CPAM, 40 000 € au titre de l'incidence professionnelle, 14 000 € au titre du déficit fonctionnel permanent et 2 000 € au titre du préjudice d'agrément ;

' à titre subsidiaire, condamner la société Axa à lui payer 1 760,40 € au titre des frais divers, 2 238,12 € au titre de la perte de gains professionnels actuels, 2 160 € au titre du déficit fonctionnel temporaire, 6 000 € au titre des souffrances endurées, 706 335,77 €au titre de la perte de gains professionnels futurs avant imputation de la créance de la CPAM, 115 428,07 € au titre de l'incidence professionnelle, 14 000 € au titre du déficit fonctionnel permanent et 2 000 € au titre du préjudice d'agrément ;

' à titre très subsidiaire, condamner la société Axa à lui payer 1 760,40 € au titre des frais divers, 2 238,12 € au titre de la perte de gains professionnels actuels, 2 160 € au titre du déficit fonctionnel temporaire, 6 000 € au titre des souffrances endurées, 362 399,30 €au titre de la

perte de gains professionnels futurs avant imputation de la créance de la CPAM, 115 428,07 € au titre de l'incidence professionnelle, 14 000 € au titre du déficit fonctionnel permanent et 2 000 € au titre du préjudice d'agrément ;

' condamner la société Axa à lui payer des intérêts au double du taux légal et avec capitalisation des intérêts ;

' lui donner acte de ses réserves dans le cas où son état s'aggraverait dans l'avenir ;

' juger que le recours subrogatoire de la CPAM ne peut s'exercer qu'à due concurrence du montant figurant dans son décompte définitif, soit 12 368,24 € ;

' condamner la société Axa à lui payer la somme de 5 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens, distraits au profit de son avocat.

Il ventile son préjudice corporel comme suit :

- dépenses de santé actuelles : 3 805,05 € revenant à la CPAM

- frais divers restés à charge 1 760,40 €

- perte de gains professionnels actuels : 2 238,12 € lui revenant

- perte de gains professionnels futurs : 781 763,84 € ou subsidiairement 706 335,77 € ou très subsidiairement 362 399,30 € ;

- incidence professionnelle : 40 000 € ou subsidiairement 115 428,07 €

- déficit fonctionnel temporaire (810 €/mois) : 2 160 €

- souffrances endurées 2,5/7 : 6 000 €

- déficit fonctionnel permanent 7 % : 14 000 €

- préjudice d'agrément : 2 000 €.

Au soutien de son appel et de ses prétentions, il fait valoir que :

- le docteur [R] conclut que la pathologie arthrosique était muette avant l'accident' de sorte qu'il s'agit d'une prédisposition pathologique révélée par celui-ci et, comme telle, insusceptible de réduire son indemnisation ;

- n'ayant jamais pu reprendre son activité professionnelle, la perte de gains professionnels actuels s'étend du jour de l'accident le 17 mai 2014 à la consolidation ;

- l'expert a conclu à l'imputabilité à l'accident de la pathologie arthrosique qui a conduit à son licenciement pour inaptitude, de sorte qu'il a droit à l'indemnisation totale de la perte de gains résultant de cette inaptitude ; boucher au sein de la société Casino, il percevait un revenu mensuel de 1 651,91 € ; son employeur atteste que, s'il avait travaillé en 2016, il aurait perçu, congés et gratifications comprises 21 159,43 €, soit 1 763,28 € et c'est à ce montant qu'il convient de se référer puisqu'il correspond à l'évolution du SMIC sur lequel sont indexés les salaires ; à défaut la perte doit être calculée sur le revenu pris en considération par la CPAM pour évaluer la rente ; l'indemnité à laquelle il a droit correspond à la différence entre ce qu'il aurait dû percevoir et ce qu'il a perçu de Pôle emploi et de la CPAM et, pour l'avenir, la perte annuelle doit être capitalisée selon l'indice de rente viagère issu du barème de la gazette du Palais 2022, afin d'intégrer la perte de droits à la retraite ;

- il subit également une incidence professionnelle puisqu'il a dû renoncer à sa profession, a été exclu du monde du travail et a perdu une chance de bénéficier d'une promotion professionnelle et si la cour capitalise la perte de gains professionnels futurs à échoir sans y intégrer la perte de droits à la retraite, celle-ci doit être indemnisée au titre de l'incidence professionnelle ;

- seuls les arrérages échus de la rente versée par la CPAM doivent être imputés ;

- son préjudice matériel doit être intégralement réparé ;

- l'assureur n'a formulé aucune offre d'indemnisation conforme aux dispositions de l'article L 211-9 du code des assurances.

Dans ses conclusions d'intimée et d'appel incident, régulièrement notifiées le 23 novembre 2022, auxquelles il convient de renvoyer pour un exposé plus exhaustif des moyens, la société Axa demande à la cour de :

' infirmer le jugement déféré et statuant de nouveau,

Au principal,

' évaluer le préjudice corporel global de M. [T] à la somme de 66 335,52 €, déduction faite de la créance de la CPAM ;

' la condamner à verser à M. [T] une somme de 44 195,92 €, déduction faite des provisions déjà versées à concurrence de 22 139,60 € au total ;

' débouter M. [T] de ses demandes plus amples et contraires ;

' subsidiairement, évaluer le préjudice corporel global de M. [T] à la somme de 78 938,08 €, déduction faite de la créance de la CPAM, outre une rente de 949,36 € par mois à compter du 1er janvier 2023 ;

' la condamner à verser à M. [T] une somme de 56 798,48 €, déduction faite des provisions déjà versées ;

' dire que la somme allouée portera intérêt au double du taux légal pour la période allant du 12 juin au 18 août 2016 ;

' débouter M. [T] de ses demandes plus amples et contraires.

Elle ventile le préjudice corporel de la façon suivante :

- frais divers :1 410,40 €

- perte de gains professionnels actuels : 2238,12 €

- perte de gains professionnels futurs : rejet et subsidiairement 52 602,56 €

- incidence professionnelle : 40 000 € et subsidiairement rejet

- déficit fonctionnel temporaire : 2 187 €

- souffrances endurées : 4 500 €

- déficit fonctionnel permanent : 14 000 €

- préjudice d'agrément : 2 000 €.

Elle fait notamment valoir que :

- les conclusions du docteur [R] ne modifient pas les conclusions du docteur [N], initialement désigné, hormis sur la question de l'incidence professionnelle ;

- la perte de véhicule ne peut être indemnisée qu'à hauteur de la valeur de remplacement du véhicule à dire d'expert ;

- si les conclusions du docteur [R] légitiment une demande au titre de l'incidence professionnelle, celle-ci ne peut être évaluée à plus de 40 000 € , somme qu'elle propose uniquement dans l'hypothèse où aucune somme ne serait allouée au titre de la perte de gains professionnels futurs, ce au titre de la nécessité d'abandonner la profession et de se reclasser, de la perte de chance d'une meilleure évolution professionnelle et de facteurs de pénibilité ;

- la perte de gains professionnels futurs revendiquée n'est pas justifiée si on considère le faible taux de déficit fonctionnel permanent et l'importance de la capacité de travail résiduelle qui atteint 93 % ; M. [T] ne justifie pas de ses démarches pour retrouver un emploi ou se former ; la perte de gains professionnels futurs ne peut découler seulement de l'inaptitude au poste précédemment occupé sans expliquer en quoi la victime est inapte à un emploi sédentaire ;

- en tout état de cause, si la cour décide d'indemniser ce poste, elle ne peut prendre en considération que le salaire antérieur et doit en outre retenir un indice de rente temporaire jusqu'à 67 ans puisque M. [T] avait déjà 49 ans lors de l'accident ;

- la victime ne peut obtenir une indemnisation totale des pertes de gains professionnels futurs et une indemnisation complémentaire au titre de l'incidence professionnelle, ni cumuler une indemnité au titre de la perte de gains professionnels futurs calculée sur un indice de rente viagère et une perte de droits à la retraite dans le cadre de l'incidence professionnelle ;

- la créance de la CPAM au titre de la pension d'invalidité doit être intégralement déduite quand bien même celle-ci a omis de reporter celle-ci sur la notification de ses débours puisque une rente invalidité a bien été attribuée à M. [T] selon une notification de la CPAM du 5 janvier 2022 ;

- elle ne s'oppose pas à la confirmation du jugement sur la question du doublement des intérêts légaux entre le 12 juin et le 18 août 2016 sur la somme allouée.

La CPAM des Bouches du Rhône, assignée par M. [T], par acte d'huissier du 9 mars 2020, délivré à personne habilitée et contenant dénonce de l'appel, n'a pas constitué avocat.

Par courrier adressé au greffe de la cour d'appel le 20 janvier 2020, elle a fait connaître le montant définitif de ses débours pour 63 665,70 €, correspondant à :

- des prestations en nature : 3 805,05 €

- des indemnités journalières versées du 18 mai 2014 au 7 mars 2017 : 57 908,32 €

- le capital représentatif de la rente de 5 % versé le 9 mars 2017 : 1 952,33 €.

******

L'arrêt sera réputé contradictoire conformément aux dispositions de l'article 474 du code de procédure civile.

Motifs de la décision

Le droit à indemnisation n'est pas remis en cause devant la cour.

Seuls sont discutés l'étendue du préjudice et son évaluation, ainsi que le doublement du taux de l'intérêt légal.

A titre liminaire, il sera rappelé que le donné acte n'est susceptible de conférer aucun droit à celui qui entend en bénéficier ni de préjudicier à celui contre lequel il est demandé. Une telle demande, qui ne consacre aucune contestation à trancher, ne peut être considérée comme une prétention au sens du code de procédure civile.

Sur le préjudice corporel

Le docteur [N], expert, indique que M. [T] a souffert au titre des lésions initiales d'un traumatisme crânien, de dermabrasions au niveau de l'occiput, de douleurs latero-dorsales au niveau de la scapula gauche et de douleurs externes de la jambe droite, auxquelles se sont ajoutés des troubles psychiques.

Il attribue les douleurs de l'épaule droite dont M. [T] a souffert dans les suites de l'accident à un état antérieur arthrosique dégénératif.

Selon cet expert, M. [T] conserve comme séquelles de ces lésions, des limitations fonctionnelles objectives ainsi qu'un état de stress post-traumatique.

Ventilant les préjudices, il conclut à :

- un arrêt de travail du 18 juillet 2014 au 17 novembre 2014 ;

- un déficit fonctionnel temporaire partiel à 25 % du 17 mai 2014 au 17 novembre 2014 ;

- un déficit fonctionnel temporaire partiel à 10 % du 18 novembre 2014 au 17 novembre 2015 ;

- une consolidation au 17 novembre 2015 ;

- des souffrances endurées de 2,5/7 ;

- un déficit fonctionnel permanent de 7 % ;

- un préjudice d'agrément pour la musculation.

Le docteur [S] [R], désigné en qualité d'expert au titre d'un complément d'expertise destiné à déterminer si la pathologie arthrosique relève d'un prédisposition pathologique révélée par l'accident et dans l'affirmative si cette pathologie est de nature à modifier les conclusions médico-légales du docteur [N], conclut que la pathologie arthrosique acromio-claviculaire de l'épaule droite correspond à une prédisposition pathologique jusqu'alors muette et révélée par l'accident de la circulation du 17 mai 2014.

Ces deux rapports constituent une base valable d'évaluation du préjudice corporel subi par M. [T], à déterminer au vu des diverses pièces justificatives produites, de l'âge de la victime, née le [Date naissance 1] 1969, de son activité de boucher et de la date de consolidation, afin d'assurer sa réparation intégrale et en tenant compte, conformément aux articles 29 et 31 de la loi du 5 juillet 1985, de ce que le recours subrogatoire des tiers payeurs s'exerce poste par poste sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu'ils ont pris en charge, à l'exclusion de ceux à caractère personnel sauf s'ils ont effectivement et préalablement versé à la victime une prestation indemnisant de manière incontestable un tel chef de dommage.

M. [T] était âgé de 44 ans au moment de l'accident et de 46 ans au moment de la consolidation. Il est à ce jour âgé de 53 ans.

Les parties ne remettent pas en cause les conclusions du docteur [N] sur la date de consolidation, le taux de déficit fonctionnel permanent et les préjudices extra-patrimoniaux.

Par ailleurs, elles contestent pas l'évaluation par le premier juge des postes suivants :

- dépenses de santé actuelles : 3 805,05 € revenant à la CPAM

- déficit fonctionnel permanent : 14 000 €.

Préjudices patrimoniaux

temporaires (avant consolidation)

- Frais divers 1 270 €

Ils sont représentés par :

- les honoraires d'assistance à expertise par le docteur [L], médecin conseil. Ces dépenses supportées par la victime, nées directement et exclusivement de l'accident, sont par là même indemnisables. M. [T] verse aux débats une facture du 11 janvier 2022 de ce médecin, qui n'est discutée par la société Axa ni dans son principe ni dans son montant, soit une somme de 720 € lui revenant.

- les frais de déplacement pour se rendre aux divers examens et consultations médicales, soit la somme de 400 € non contestée par la société Axa ;

- le remboursement de la licencie sportive, soit la somme de 150 € non contestée par la société Axa.

Les frais relatifs au véhicule relèvent du préjudice matériel et seront examinés à ce titre.

L'indemnité due au titre des frais divers s'élève à 1 270 €.

- Perte de gains professionnels actuels 60 146,44 €

Ce poste vise à compenser une incapacité temporaire spécifique concernant les répercussions du dommage sur la sphère professionnelle de la victime et doit être évalué au regard de la preuve d'une perte effective de revenus.

Il correspond, en l'espèce, au montant des indemnités journalières versées par la CPAM pour la période du 18 mai 2014 au 7 mars 2017 pour 57 908,32 €, auquel s'ajoute la somme de 2 238,12 € correspondant à la perte subie personnellement par M. [T] et sur laquelle les parties s'accordent.

L'assiette du poste s'élève ainsi à 60 146,44 €.

Préjudices patrimoniaux

permanents (après consolidation)

- Perte de gains professionnels futurs 338 084,49 €

Ce poste est destiné à indemniser la victime de la perte ou de la diminution directe de ses revenus à compter de la date de consolidation, consécutive à l'invalidité permanente à laquelle elle est désormais confrontée dans la sphère professionnelle à la suite du fait dommageable.

Avant l'accident, M. [T] exerçait la profession de boucher. Il était employé par la société Casino dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée (CDI) depuis le 3 septembre 2007.

Le docteur [N], expert initialement désigné, n'a pas retenu de pertes de gains après consolidation. Cependant, le docteur [R], désigné dans le cadre d'un complément d'expertise afin de se prononcer sur l'imputabilité à l'accident de la pathologie de l'épaule, a conclu que la pathologie arthrosique acromio-claviculaire de l'épaule droite correspondait à une prédisposition pathologique jusqu'alors muette et révélée par l'accident de la circulation du 17 mai 2014.

Le droit de la victime à obtenir l'indemnisation de son préjudice corporel ne saurait être réduit en raison d'une prédisposition pathologique lorsque l'affection qui en est résulté n'a été provoquée ou révélée que par le fait dommageable.

La société Axa ne conteste pas la pertinence des conclusions du docteur [R].

En conséquence, M. [T] a droit à l'indemnisation des pertes de gains que cette pathologie, révélée par l'accident, a entrainé.

Or, il résulte des pièces produites aux débats que M. [T] qui était salarié en CDI depuis 2009 a été licencié le 8 avril 2017 pour inaptitude par son employeur. Ce licenciement fait suite à un avis de la médecine du travail en date du 8 mars 2017 le déclarant inapte au poste de travail suite à un examen médical du 6 mars 2017, à une étude de poste et des conditions de travail le 28 février 2017 et à un échange avec l'employeur le 28 février 2017. Cet avis conclut que son état de santé fait obstacle à tout reclassement dans un emploi.

M. [T] a donc, du fait des conséquences dommageables de l'accident, perdu son emploi et les gains que celui-ci lui procurait.

La faiblesse du taux de déficit fonctionnel permanent ne suffit pas pour écarter toute inaptitude à l'emploi. Dès lors que la victime a perdu son emploi à la suite d'une inaptitude qui est due aux séquelles de l'accident, elle est fondée à obtenir l'indemnisation des conséquences dommageables de cette inaptitude, notamment des pertes de gains professionnels que celle-ci a entrainées.

Par ailleurs, l'assureur est tenu de réparer toutes les conséquences du fait dommageable sans que l'on puisse exiger de la victime qu'elle limite son préjudice, de sorte qu'il ne peut être exigé qu'elle justifie de ses recherches d'emploi.

M. [T] a donc droit à l'indemnisation de l'intégralité des gains perdus entre la date de consolidation et le présent arrêt.

La fixation de la perte de gains professionnels futurs suppose d'évaluer les pertes annuelles par comparaison entre les revenus perçus avant et après le fait dommageable sans se référer à des revenus hypothétiques, de déterminer les pertes éprouvées entre la consolidation et la décision en multipliant les pertes annuelles par le nombre d'années écoulées, ces pertes donnant lieu à un versement en capital, puis de déterminer les pertes qui seront éprouvées à compter de la décision jusqu'à la retraite ou de manière viagère, ces pertes conduisant à multiplier les pertes annuelles de revenus par l'euro de rente d'un barème de capitalisation choisi, correspondant au sexe et à l'âge de la victime au jour de la décision et à l'âge auquel elle aurait pu prendre sa retraite ou de manière viagère.

Selon son avis d'impôt 2014, M. [T] a perçu en 2013 un revenu net de 19 524 €, ce qui représente un revenu mensuel net moyen de 1 627 €.

M. [T] demande à la cour de calculer sa perte en se référant à un salaire de 1 763,28 € correspondant à la rémunération qu'il aurait perçue s'il n'avait pas été licencié ou à tout le moins au salaire pris en considération par la CPAM pour évaluer sa pension d'invalidité, soit 1 756,37 €.

Si la victime ne peut réclamer l'indemnisation des frais qu'elle n'a pas eu à exposer pendant la période d'arrêt de travail, en revanche, elle a droit au remboursement des primes et indemnités qui font partie du salaire dont elle a été privée.

Le revenu de référence à prendre en considération inclut donc nécessairement ces primes et indemnités.

Par ailleurs, la réparation du dommage devant être intégrale, le juge doit procéder si elle est demandée à l'actualisation au jour de sa décision de l'indemnité allouée afin de tenir compte de dépréciation monétaire.

En l'espèce, il résulte d'une attestation de la société Casino que, s'il n'avait pas été arrêté, M. [T] aurait perçu entre le 1er décembre 2015 et le 1er décembre 2016 un salaire net de 21 159,43 € (17 881,88 € + 3 277,55 €).

Dès lors que l'indemnité réparant la perte de gains doit être actualisée afin de tenir compte de la dépréciation monétaire, la cour entend se référer à ce montant, plutôt qu'au salaire moyen pris en considération par la CPAM pour le calcul du montant de la pension d'invalidité qui correspond au salaire annuel moyen sur les dix meilleures années.

Entre le 17 novembre 2015 (jour de la consolidation) et le 13 avril 2023 (jour de la liquidation), M. [T] aurait dû percevoir 156 811,66 € (21 159,43 €/365 x 2 705 jours).

Il n'a perçu au cours de cette période aucun revenu professionnel, étant rappelé qu'il n'y a pas lieu de prendre en compte les sommes perçues au titre de l'allocation d'aide au retour à l'emploi.

Pour le futur, M. [T] ayant été admis au bénéfice d'une invalidité de catégorie 2, est considéré comme incapable d'exercer une quelconque activité professionnelle puisque ce taux d'invalidité correspond à une capacité de travail et de gains de tout au plus 1/3.

En conséquence, M. [T] qui a perdu son travail du fait de l'accident, a droit à l'indemnisation totale de la perte de gains professionnels futurs à échoir, sur la base du salaire perçu avant l'accident, actualisé afin de tenir compte de l'érosion monétaire.

Compte tenu de son âge à la date du présent arrêt, il n'y a pas lieu d'intégrer à l'indemnité une perte de droit à la retraite en capitalisant la perte annuelle selon un indice de rente viagère.

En effet, M. [T] justifie par un relevé de carrière de l'info retraite, qu'il a commencé à cotiser en 2007, soit à l'âge de 38 ans et qu'en 2018, il totalisait seulement 48 trimestres. Or, il ne justifie par aucune pièce de sa situation professionnelle avant 2007.

La loi garantit aux invalides le bénéfice d'une pension au taux plein et prévoit également que les périodes de perception des pensions d'invalidité donnent lieu à la validation gratuite de trimestres, qui sont assimilés à des périodes d'assurance pour le calcul de la pension vieillesse, par dérogation au principe dit de « contributivité ».

En considération de ces éléments, alors que M. [T] exerçait un métier pénible physiquement, la perte de gains professionnels sera indemnisée jusqu'à l'âge de 62 ans.

La perte de droits à la retraite sera examinée au titre de l'incidence professionnelle.

L'évaluation du dommage devant être faite au jour où la cour statue, il sera fait application du barème de capitalisation publié à la gazette du palais du 15 septembre 2020, taux d'intérêt 0,3 %, qui, eu égard aux données démographiques et économiques actuelles, est le plus adapté pour assurer les modalités de cette réparation pour le futur.

L'indemnité due pour le futur s'élève en conséquence à 181 272,83 € (21 159,43 € x 8,567 correspondant à un indice de rente temporaire jusqu'à 62 ans pour un homme âgé de 53 ans au jour de la liquidation).

Au total, l'indemnité due à M. [T] au titre de la perte de gains professionnels futurs s'élève à 338 084,49 €.

L'état des débours de la CPAM fait tout au plus état, au titre de la pension d'invalidité, du capital représentatif d'une rente de 5 %, versé le 9 mars 2017 pour 1 952,33 €.

Cependant, la cour intégrant à l'indemnisation du préjudice la pathologie acromio-claviculaire de l'épaule droite qui est à l'origine de l'invalidité, la rente qui lui a été attribuée à ce titre doit être imputée sur l'indemnité réparant la perte de gains professionnels futurs puisque cette prestation ouvre droit au profit du tiers payeur à un recours subrogatoire contre la personne tenue à réparation et que l'imputation est d'ordre public.

Selon le titre de pension d'invalidité en date du 5 janvier 2022, le montant annuel de la pension s'élève à 10 538,27 €.

Les arrérages échus (entre le 14 décembre 2017 et le 13 avril 2013) s'élèvent donc à 56 213,73 € (10 538,27 /365 x 1 947 jours).

Le capital représentatif de cette rente, tel que reconstitué à partir de l'arrêté du 22 décembre 2021 modifiant l'arrêté du 27 décembre 2011 relatif à l'application des articles R.376-1 et R.454.1 du code de la sécurité sociale, s'élève à 90 471,04 € (10 538,27 € x 8,585, correspondant à l'indice de capitalisation jusqu'à 62 ans, date à laquelle la pension d'invalidité prendra fin, pour un homme âgé de 53 ans au jour de la liquidation).

L'indemnité versée au titre de la pension d'invalidité par la CPAM, qui s'impute sur l'indemnité réparant la perte de gains professionnels futurs qu'elle a vocation à réparer s'élève ainsi à 146 684,77 €.

Il revient en conséquence à M. [T], au titre de la perte de gains professionnels futurs, une indemnité de 191 399,72 €.

Pour la période future, l'indemnisation sera allouée en capital, conformément à la demande de M. [T], la société Axa ne démontrant par aucune pièce qu'il n'est pas en mesure de gérer le capital qui lui est attribué.

- Incidence professionnelle 30 000 €

Ce chef de dommage a pour objet d'indemniser, non la perte de revenus liée à l'invalidité permanente de la victime, mais les incidences périphériques du dommage touchant à la sphère professionnelle en raison, notamment, de sa dévalorisation sur le marché du travail, de la perte d'une chance professionnelle ou de l'augmentation de la pénibilité de l'emploi qu'elle occupe en raison du dommage, ou encore l'obligation de devoir abandonner la profession exercée au profit d'une autre en raison de la survenance du handicap

M. [T] réclame une indemnisation au titre de l'abandon de sa profession, d'une exclusion du monde du travail, d'une perte de chance de bénéficier d'une promotion professionnelle, ainsi que de la perte de droits à la retraite.

L'incidence professionnelle est un chef de préjudice qui ne se confond pas avec celui relatif aux pertes de gains professionnels futurs, mais qui le complète. Ces deux postes sont donc deux postes de préjudices distincts et peuvent donner lieu chacun à une indemnisation, sous réserve de ne pas indemniser deux fois le même préjudice.

Licencié pour inaptitude à son métier de boucher, M. [T] a bel et bien été contraint d'abandonner sa profession.

L'indemnité due au titre de la perte de gains professionnels après consolidation ne répare que les conséquences financières de cet abandon.

Désormais inapte au travail en raison d'une invalidité de catégorie 2, M. [T] a été exclu du monde du travail à un âge où il pouvait espérer travailler encore plus d'une dizaine d'années. Cette exclusion du monde du travail, le désoeuvrement lié à la cessation définitive de l'activité, la perte d'une certaine identité sociale, la dévalorisation de soi et même l'exclusion du corps social ne sauraient demeurer sans réparation.

En revanche, la perte de chance de promotion professionnelle n'est démontrée par aucune pièce étayant la perspective d'une quelconque évolution vers un poste de responsable boucher au sein de la société Casino qui l'employait jusqu'à son licenciement pour inaptitude.

S'agissant de la perte des droits à la retraite, M. [T] produit un relevé de carrière qui fait ressortir qu'en 2018, il totalisait 48 trimestres cotisés. Cependant, il ne justifie pas de sa situation professionnelle avant 2007, date à laquelle il était déjà âgé de 38 ans. L'assureur ne saurait être tenu d'indemniser la perte de droits pour la période antérieure à 2007.

Par ailleurs, tout en invoquant une perte de droit à la retraite, M. [T] ne produit aucune projection de ceux-ci.

Or, la loi garantit aux invalides le bénéfice d'une pension au taux plein et prévoit également que les périodes de perception des pensions d'invalidité donnent lieu à la validation gratuite de trimestres qui sont assimilés à des périodes d'assurance pour le calcul de la pension vieillesse, par dérogation au principe dit de « contributivité ».

En l'absence de démonstration par M. [T] de la perte alléguée au titre des droits à la retraite, il n'y a pas lieu de l'indemniser de ce chef.

L'évaluation du poste incidence professionnelle implique de prendre en considération la catégorie d'emploi exercée (manuel, sédentaire, fonctionnaire etc.), la nature et l'ampleur de l'incidence (interdiction de port de charge, station debout prohibée, difficultés de déplacement, pénibilité, fatigabilité etc.), les perspectives professionnelles et l'âge de la victime (durée de l'incidence professionnelle).

En l'espèce, M. [T], qui était âgé de seulement 46 ans lors de la consolidation, a été contraint d'abandonner sa profession et a été exclu du monde du travail alors qu'il lui restait encore près de seize ans à travailler.

En considération de ces éléments, l'incidence professionnelle sera réparée par une indemnité de 30 000 €.

En l'absence de reliquat de rente à imputer, l'indemnité revient en totalité à M. [T].

Préjudices extra-patrimoniaux

temporaires (avant consolidation)

- Déficit fonctionnel temporaire 2 187 €

Ce poste inclut la perte de la qualité de la vie et des joies usuelles de l'existence, le préjudice d'agrément et le préjudice sexuel pendant l'incapacité temporaire.

Il doit être réparé sur la base de 27 € par jour, soit environ 810 € par mois, eu égard à la nature des troubles et de la gêne subie soit :

- un déficit fonctionnel temporaire partiel à 25 % du 17 mai 2014 au 17 novembre 2014 : 1 248,75 €

- un déficit fonctionnel temporaire partiel à 10 % du 18 novembre 2014 au 17 novembre 2015 : 985,50 € ;

et au total la somme de 2 234,25 € qui sera ramenée à 2 187 € afin de pas méconnaître l'objet du litige.

- Souffrances endurées 6 000 €

Ce poste prend en considération les souffrances physiques et psychiques et les troubles associés supportés par la victime en raison du traumatisme initial, des douleurs qui ont persisté, des nombreux examens médicaux, des traitements et des troubles psychiques induits par la persistance des douleurs ; évalué à 2,5/7 par l'expert, il justifie l'octroi d'une indemnité de 6 000 €.

Préjudices extra-patrimoniaux

permanents (après consolidation)

- Préjudice d'agrément 2 000 €

Ce poste de dommage vise exclusivement l'impossibilité ou la difficulté pour la victime à poursuivre la pratique d'une activité spécifique sportive ou de loisir.

M. [T] produit une licence attestant qu'avant l'accident, il était inscrit dans un club de musculation. Les séquelles qui affectent notamment son épaule droite, contre-indiquent la pratique de cette activité sportive dans les conditions antérieures de cette activité.

En l'espèce, la société Axa ne conteste ni la réalité ni l'étendue du préjudice d'agrément induit par les séquelles. Les parties sont d'accord pour évaluer ce poste à la somme de 2 000 € qui revient à M. [T].

Récapitulatif :

Postes

Préjudice total

Part victime

Part tiers payeur

Dépenses de santé actuelles

3 805,05 €

-

3 805,05 €

Frais divers

1 270 €

1 270 €

-

Perte de gains professionnels actuels

60 146,44 €

2 238,12 €

57 908,32 €

Perte de gains professionnels futurs

338 084,49 €

191 399,72 €

146 684,77 €

Incidence professionnelle

30 000 €

30 000 €

-

Déficit fonctionnel temporaire

2 187 €

2 187 €

-

Souffrances endurées

6 000 €

6 000 €

-

Déficit fonctionnel permanent

14 000 €

14 000 €

-

Préjudice d'agrément

2 000 €

2 000 €

-

Total

457 492,98 €

249 094,84 €

208 398,14 €

Le préjudice corporel global subi par M. [T] s'établit ainsi à la somme de 457 492,98 € soit, après imputation des débours de la CPAM (208 398,14 €), une somme de 249 094,84 € lui revenant qui, en application de l'article 1231-7 du code civil, porte intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement, soit le 23 avril 2019 à hauteur de 21 130,60 € et du prononcé du présent arrêt soit le 13 avril 2023 pour le surplus.

Il sera également fait application des dispositions de l'article 1343-2 du code civil, de sorte que les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produiront eux-mêmes intérêt.

Préjudice matériel

M. [T] réclame à ce titre l'indemnisation de frais de fourrière à hauteur de 140,40 €. La société Axa ne conteste pas devoir indemniser ce préjudice.

Il réclame également la somme de 500 € correspondant à une perte de valeur de son véhicule automobile.

L' indemnisation d'un préjudice matériel, qui intervient en exécution d'un contrat d'assurance, est soumise aux clauses du contrat, de sorte que l'assureur est fondé à opposer à la victime la valeur de remplacement du véhicule fixée à dire d'expert. En revanche, lorsque l'indemnisation est assurée par l'assureur du tiers responsable, elle doit être intégrale et correspond alors nécessairement au préjudice réellement subi, sans que la valeur de remplacement du véhicule puisse lui être opposée puisque la victime doit être replacée dans la situation qui aurait été la sienne en l'absence de fait dommageable.

En l'espèce, M. [T] produit le rapport d'expertise de son véhicule, estimé à la somme de 2 500 € avant le sinistre. Il soutient que, nonobstant les termes de ce rapport, son véhicule avait une valeur de 3 000 €. Cependant, il ne le démontre par aucune pièce pertinente. L'attestation de son épouse qui indique que son véhicule 'valait 3 000 €', est insuffisante en l'absence de production de la facture d'achat ou d'autre élément objectif étayant cette appréciation subjective.

En conséquence, M. [T] sera débouté de sa demande à ce titre.

Le préjudice matériel subi sera donc indemnisé à hauteur de 140,40 €.

Sur le doublement du taux de l'intérêt légal

L'article L.211-9 du code des assurances impose à l'assureur de présenter à la victime qui a subi une atteinte à sa personne, une offre d'indemnité, comprenant tous les éléments indemnisables du préjudice, dans un délai maximal de huit mois à compter de l'accident, l'offre pouvant avoir un caractère provisionnel si l'assureur n'a pas, dans le délai de trois mois à compter de l'accident, été informé de la consolidation de l'état de la victime. Un nouveau délai de cinq mois, à compter de la date à laquelle l'assureur a été informé de la consolidation est ouvert pour l'offre définitive d'indemnisation.

Ce dispositif est assorti d'une sanction, qui réside dans le paiement d'intérêts au double du taux légal, prévue en ces termes par l'article L. 211-13 du code des assurances : « lorsque l'offre n'a pas été faite dans les délais impartis à l'article L. 211-9, le montant de l'indemnité offerte par l'assureur ou allouée par le juge à la victime produit intérêts de plein droit au double du taux de l'intérêt légal à compter de l'expiration du délai et jusqu'au jour de l'offre où le jugement est devenu définitif. Cette pénalité peut être réduite par le juge en raison de circonstances non imputables à l'assureur ».

L'accident a eu lieu le 17 mai 2014.

M. [T] sollicite l'infirmation du jugement en ce qu'il a condamné la société Axa à lui payer des intérêts au double du taux légal seulement entre le 12 juin 2016 et le 18 août 2016. Il demande que la sanction perdure jusqu'à l'arrêt à intervenir.

Le point de départ du doublement du taux, fixé par le premier juge au 12 juin 2016 n'est pas remis en cause par les parties.

A cette date, qui correspond à cinq mois plus vingt jours après le dépôt du rapport d'expertise du docteur [N], aucune offre portant sur tous les postes de préjudice n'avait été présentée à M. [T] par la société Axa.

Celle-ci a formulé une offre le 18 août 2016. Cette offre à hauteur de 17 993,20 €, porte sur les frais divers, le déficit fonctionnel temporaire, la perte de gains professionnels actuels, les souffrances endurées et le déficit fonctionnel permanent. Aucune offre n'est formulée au titre des dépenses de santé actuelles, du préjudice d'agrément, de la perte de gains professionnels futurs et de l'incidence professionnelle.

Or, selon l'article R 211-40 du code des assurances, l'offre d'indemnité doit indiquer, outre les mentions exigées par l'article L. 211-16, l'évaluation de chaque chef de préjudice, les créances de chaque tiers payeur et les sommes qui reviennent au bénéficiaire.

L'assureur ne peut justifier le caractère incomplet de son offre par l'ignorance du montant des prestations services par l'organisme social puisque selon l'article L 211-11 al 2 du code des assurances, le défaut de production des créances des tiers payeurs, dans un délai de quatre mois à compter de la demande émanant de l'assureur entraîne déchéance de leurs droits à l'encontre de celui-ci et de l'auteur du dommage. Il appartient donc à l'assureur de faire courir le délai de quatre mois en demandant au tiers payeur l'état de ses débours.

Cette offre est donc incomplète et comme telle, insusceptible d'arrêter le cours des intérêts au double du taux légal.

Le règlement le 5 avril 2017 d'une provision complémentaire de 15 000 € n'est pas de nature à interrompre le cours de la sanction en l'absence d'offre complète, ventilée poste par poste.

La décision du premier juge fait ressortir que la société Axa a, dans ses conclusions du 30 janvier 2018, formulé une offre hormis au titre des postes perte de gains professionnels futurs et incidence professionnelle, mais il ne précise ni les postes au titres desquelles l'assureur propose une indemnisation, ni le montant total de l'offre.

La société Axa ne produit pas ces conclusions devant la cour qui, dès lors est dans l'impossibilité d'apprécier le caractère complet et suffisant de l'offre contenue dans les conclusions du 30 janvier 2018.

Ces conclusions ne peuvent donc interrompre le cours des intérêts au double du taux légal.

Devant la cour, dans ses conclusions au fond du 23 novembre 2022, a société Axa offre à titre principal la somme de 66 335,52 € et à titre subsidiaire la somme de 78 938,08 €, outre une rente de 949,36 € par mois à compter du 1er janvier 2023. Son offre porte sur les dépenses de santé actuelles, les frais divers, la perte de gains professionnels actuels, la perte de gains professionnels futurs, l'incidence professionnelle, le déficit fonctionnel temporaire, les souffrances endurées, le déficit fonctionnel permanent et le préjudice d'agrément, soit sur tous les postes de préjudices indemnisables.

En revanche, cette offre, qui représente moins du tiers de l'indemnité allouée, est manifestement insuffisante et comme telle doit être assimilée à une absence d'offre, de sorte qu'elle est insusceptible d'arrêter le cours des intérêts au double du taux légal.

Au regard de ces éléments, l'assureur sera condamné à payer à M. [T] des intérêts au double du taux légal du 12 juin 2016 jusqu'au jour de l'arrêt devenu définitif, sur les indemnités allouées par la cour, étant rappelé que l'assiette de la pénalité s'entend avant imputation du recours des tiers payeurs et déduction des provisions allouées, soit en l'espèce la somme totale de 457 492,98 €.

Il sera également fait application des dispositions de l'article 1343-2 du code civil, de sorte que les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produiront eux-mêmes intérêt.

Sur les demandes annexes

Les dispositions du jugement relatives aux dépens et aux frais irrépétibles alloués à la victime sont confirmées.

La société Axa, qui succombe dans ses prétentions et qui est tenue à indemnisation, supportera la charge des entiers dépens d'appel.

L'équité justifie d'allouer à M. [T] une indemnité de 3 000 € au titre des frais irrépétibles exposés devant la cour.

Par ces motifs

La Cour,

Statuant dans les limites de sa saisine,

Infirme le jugement en ce qu'il a évalué le préjudice corporel de M. [T], après déduction des débours de la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) des Bouches du Rhône, à la somme de 22 130,60 €, condamné la société Axa à lui payer, avec intérêts au taux légal à compter du jugement, la somme de 21 130,60 € en réparation de son préjudice corporel, ce, déduction faite de la provision précédemment allouée, et dit que la somme de 31 204,78 € porterait intérêt au double du taux légal entre le 12 juin 2016 et le 18 août 2016 ;

Le confirme pour le surplus ;

Statuant à nouveau sur les points infirmés et y ajoutant,

Condamne la société Axa France IARD à payer à M. [D] [T], en réparation de ses préjudices, les sommes suivantes ;

- 1 270 € au titre des frais divers

- 2 238,12 € au titre de la perte de gains professionnels actuels

- 191 399,72 € au titre de la perte de gains professionnels futurs

- 30 000 € au titre de l'incidence professionnelle

- 2 187 € au titre du déficit fonctionnel temporaire

- 6 000 € au titre des souffrances endurées

- 14 000 € au titre du déficit fonctionnel permanent

- 2 000 € au titre du préjudice d'agrément

- 140,40 € au titre de son préjudice matériel,

le tout sauf à déduire les provisions versées et avec intérêts au taux légal à compter du 23 avril 2019 à hauteur de 21 130,60 € et du 13 avril 2023 pour le surplus des sommes dues ;

- une indemnité de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en appel ;

Condamne la société Axa France IARD à payer à M. [D] [T] des intérêts au double du taux légal à compter du 12 juin 2016 jusqu'au jour du présent arrêt devenu définitif sur la somme de 457 492,98 € ;

Dit que les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produiront eux-mêmes intérêt dans les conditions fixées par l'article 1343-2 du code civil ;

Condamne la société Axa France IARD aux entiers dépens d'appel et accorde aux avocats qui en ont fait la demande le bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile.

La greffière Le président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-6
Numéro d'arrêt : 19/18918
Date de la décision : 13/04/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-04-13;19.18918 ?
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