COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 1-1
ARRÊT AU FOND
DU 11 AVRIL 2023
N°2023/ 142
Rôle N° RG 22/07454 - N° Portalis DBVB-V-B7G-BJONV
La CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL DE PARIS ET D'ILE
C/
[E], [G] [O]
[B], [M] [T] épouse [O]
[F] [X]
Etablissement Public L'AGENCE DE GESTION ET DE RECOUVREMENT DES AVOIRS SAISIS ET CONFISQUÉS - AGRASC
S.C.P. OFFICE NOTARIAL DECAGNES-SUR-MER MER
Copie exécutoire délivrée le :
à :
Me Agnès ERMENEUX
Me Sarah BAYE
Me Paul GUEDJ
Me Philippe BRUZZO
Décision déférée à la Cour :
Ordonnance du Tribunal judiciaire de GRASSE en date du 29 Avril 2022 enregistrée au répertoire général sous le n° 20/01759.
APPELANTE
La CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL DE PARIS ET D'ILE DE FRANCE, prise en la personne de son représentant légal en exercice,
domiciliée [Adresse 8]
représentée par Me Agnès ERMENEUX de la SCP ERMENEUX-CAUCHI & ASSOCIÉS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,
assistée de Me Bernard-claude LEFEBVRE de l'ASSOCIATION LEFEBVRE HATEM-LEFEBVRE, avocat au barreau de PARIS
INTIMÉS
Monsieur [E], [G] [O]
né le [Date naissance 6] 1954 à [Localité 24] (Algérie),
demeurant [Adresse 11]
Madame [B], [M] [T] épouse [O]
née le [Date naissance 2] 1951 à [Localité 22] (Algérie),
demeurant [Adresse 11]
tous deux représentés par Me Sarah BAYE, avocat au barreau de GRASSE
Maître [F] [X]
né le [Date naissance 4] 1966 à [Localité 23],
demeurant [Adresse 9]
S.C.P. OFFICE NOTARIAL DECAGNES-SUR-MER, anciennement dénommée SCP LEPERRE-LEVY-BIGNELL-[X], prise en la personne de son représentant légal en exercice,
domiciliée [Adresse 9]
tous deux représentés par Me Paul GUEDJ, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substitué par Me Jean-philippe MONTERO, avocat au barreau de NICE ; de la SCP COHEN GUEDJ MONTERO DAVAL GUEDJ,
assisté de Me Hélène BERLINER de la SCP D'AVOCATS BERLINER-DUTERTRE-LACROUTS, substituée par Me Philippe DUTERTRE, avocat au barreau de NICE
Établissement Public AGENCE DE GESTION ET DE RECOUVREMENT DES AVOIRS SAISIS ET CONFISQUÉS - AGRASC représentant l'État Français, prise en la personne de son représentant légal en exercice
domicilié [Adresse 15]
représentée par Me Philippe BRUZZO de la SELAS BRUZZO / DUBUCQ, substitué par Me Vanille LAUNAY, avocats au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,
assisté de Me Bernard GRELON de l'AARPI LIBRA AVOCATS, avocat au barreau de PARIS et de Me Marie DUROCHAT, avocate au barreau de GRASSE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 6 Mars 2023 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Olivier BRUE, Président, et Madame Danielle DEMONT, conseillère, chargés du rapport.
Monsieur Olivier BRUE, Président, a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur Olivier BRUE, Président
Madame Danielle DEMONT, conseillère
Madame Louise DE BECHILLON, conseillère
Greffier lors des débats : Monsieur Nicolas FAVARD.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 11 Avril 2023..
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 11 Avril 2023.
Signé par Monsieur Olivier BRUE, Président et Monsieur Nicolas FAVARD, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
****
EXPOSÉ DU LITIGE
Les consorts [D] [Y] étaient propriétaires de biens immobiliers sis à [Adresse 18], [Adresse 12], [Adresse 14] [Adresse 1] et [Adresse 3] et [Adresse 5] et [Adresse 7] [Adresse 21], [Adresse 10] et [Adresse 13] et [Adresse 20] dans l'ensemble immobilier en copropriété dénommé «Les Résidences Fleuries»
soit :
- le lot n°2 du lotissement [H] ;
- le lot n°417 de la copropriété « Les Résidences Fleuries» (cave dans le bloc B) ;
- le lot n°719 de la copropriété « Les Résidences Fleuries» (appartement de deux pièces dans le bloc B).
L'acquisition a été effectuée au moyen d'un prêt contracté par les époux [D] [Y] auprès de la Caisse régionale de crédit agricole mutuel de Paris et d'Ile de France, d'un montant de 215 000 euros, garanti par une inscription de privilège de prêteur de deniers publiée au 1er bureau du service de la publicité foncière de [Localité 19], le 9 novembre 2010.
Les lots n°417 et 719 ont fait l'objet d'une ordonnance de saisie pénale publiée le 13 mai 2013, puis d'un jugement de confiscation rendu par le tribunal correctionnel de Bobigny, le 12 juin 2015, publié le 15 juin 2016.
L'État Français représenté par l'Agence de Recouvrement des Avoirs Saisis et Confisqués (Agrasc) a poursuivi la vente des dits biens, lesquels ont été adjugés aux époux [O] au prix de 140.000 € suivant procès-verbal d'adjudication reçu par Me [X], notaire, le 16 décembre 2017.
Le 23 janvier 2018 Me [X] a reçu la quittance du prix de 140.000 €.
Par acte extrajudiciaire en date du 26 septembre 2019, la Caisse régionale de crédit agricole mutuel de Paris et d'Ile de France, a fait délivrer une sommation à l'Etat Français représenté par l'Agrasc, ainsi qu'aux adjudicataires, les époux [O] et à la SCP Leperre Levy Bignell [X] Girard & Sentenac, d'avoir à mettre en 'uvre la procédure de distribution du prix et de purge des inscriptions hypothécaires, faisant valoir qu'elle était créancière des consorts [D] [Y] en vertu d'un acte authentique contenant prêt d'un montant de 215.000 € et titulaire d'un privilège de prêteur de deniers sur les biens adjugés.
La banque a précisé qu'à défaut elle se réservait la possibilité de mettre en 'uvre toute procédure
utile au recouvrement de sa créance en ce compris à l'égard du tiers adjudicataire.
L' Agrasc, considérant la créance de la Caisse régionale de crédit agricole mutuel de Paris et d'Ile de France prescrite, a toutefois sollicité la mainlevée de l'inscription.
Dans l'attente de l'issue du litige, Me [X] a séquestré le prix de vente dans sa comptabilité.
Par acte extrajudiciaire du 27 décembre 2019, la Caisse régionale de crédit agricole mutuel de Paris et d'Ile de France a fait délivrer aux époux [O] un commandement de payer valant saisie immobilière, leur demandant de payer la somme de 217.447,48 € dans le délai d'un mois ou de délaisser l'immeuble hypothéqué.
La Caisse régionale de crédit agricole mutuel de Paris et d'Ile de France les a ensuite assignés à I'audience d'orientation du Juge de l'exécution immobilier du Tribunal Judiciaire de Grasse par exploit du 21 avril 2020, aux fins que soit ordonnée la vente du bien par eux acquis sur la mise à prix de 50.000 €.
Les époux [O] se sont trouvés déchus du droit de mettre en 'uvre la procédure de purge des inscriptions hypothécaires. Considérant que cette situation était due à un défaut de conseil de Me [X] sur cette question, ils ont souhaité engager sa responsabilité.
Par acte du 5 mai 2020, M. [E] [O] et Mme [B] [T] épouse [O] ont fait délivrer assignation devant le tribunal judiciaire de Grasse à Me [X] et la la SCP Leperre Levy Bignell [X] Girard & Sentenac, sollicitant leur condamnation à leur payer la somme de 217.447,48 € majorée des intérêts et frais postérieurs au 31 octobre 2019 au taux contractuel de 3,45 % l'an capitalisés par année civile jusqu'à parfait paiement, précisant qu'ils pourront se libérer du paiement de ces sommes directement entre les mains de la Caisse régionale de crédit agricole mutuel de Paris et d'Ile de France, outre 40.000 € au titre de leur préjudice moral et 4.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, le tout avec exécution provisoire.
Par exploit du 11 décembre 2020, Me [X] et la SCP Leperre Levy Bignell [X] Girard & Sentenac ont appelé en intervention forcée et en garantie de la Caisse régionale de crédit agricole mutuel de Paris et d'Ile de France et l'AGRASC, afin qu'ils puissent faire valoir leurs moyens de droit quant à la validité de la créance précitée et qu'ils les relèvent et garantissent le cas échéant de toutes condanmations qui seraient mises à leur charge.
Les deux instances ont été jointes par ordonnance du juge de la mise en état du 1er mars 2021.
Le juge de l'exécution immobilier a sursis à statuer dans l'attente de l'issue de la présente procédure par jugement du 8 juillet 2021.
Mme [B] [T] épouse [O] ont saisi le juge de la mise en état d'une fin de non-recevoir tirée de la prescription de la créance de la banque.
Le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Grasse, par ordonnance rendue en date du 20 avril 2022 a :
- déclaré Mme [B] [T] épouse [O] recevables à soulever une fin de non-recevoir ;
- déclaré irrecevable l'action en paiement diligentée par la Caisse régionale de crédit agricole mutuel de Paris et d'Ile de France concernant sa créance issue du prêt souscrit par les consorts [D] [Y] le 6 octobre 2010, du fait de l'acquisition de la prescription de ladite créance;
- condamné la Caisse régionale de crédit agricole mutuel de Paris et d'Ile de France à payer la somme globale de 1.000 euros à Mme [B] [T] épouse [O] en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- déclaré la Caisse régionale de crédit agricole mutuel de Paris et d'Ile de France à payer la somme de 1.000 euros à l'Etat Français représenté par l'AGRASC en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- débouté Me [X] et l'Office notarial de [Adresse 17] de leur demande formée en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile;
- débouté la Caisse régionale de crédit agricole mutuel de Paris et d'Ile de France de sa demande formée en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné la Caisse régionale de crédit agricole mutuel de Paris et d'Ile de France aux entiers dépens de la présente procédure sur incident, qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Le juge de la mise en état a considéré que les époux [O], tiers détenteurs, étaient fondés à se prévaloir de la prescription de la créance principale, se fondant sur une jurisprudence de la cour de cassation ayant admis que le tiers détenteur pouvait opposer toutes les exceptions affectant l'obligation principale, en particulier les causes d'extinction de cette obligation.
Il a ensuite considéré que la prescription, prévue à l'article L218-2 du code de la consommation était acquise, en déduisant que le Crédit Agricole n'est plus recevable à agir en recouvrement de créance, ni à s'inscrire dans la procédure en répartition du prix entre les créanciers hypothécaires.
Il a jugé en conséquence que toute action en paiement diligentée par le Crédit Agricole sur le fondement du prêt souscrit par les consorts [D] [Y] était irrecevable.
Par déclaration en date du 23 mai 2022, la Caisse régionale de crédit agricole mutuel de Paris et d'Ile de France a interjeté appel de cette décision.
Lors de l'audience du 11 octobre 2022, la cour a renvoyé l'affaire et invité les parties à conclure sur la question de la compétence du juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Grasse pour statuer sur la prescription de la créance de la Crcam.
Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 28 février 2023, la Caisse régionale de crédit agricole mutuel de Paris et d'Ile de France demande à la cour de:
- la déclarer recevable en ses demandes, fins et conclusions;
- infirmer l'ordonnance rendue par le juge de la mise en état ;
- déclarer le juge de la mise en état incompétent pour statuer sur la prescription de l'action en paiement de la Crcam et sur la prescription de la créance de la Crcam qui sont de la compétence du juge de l'exécution du juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Grasse ;
- déclarer irrecevable la fin de non recevoir fondée sur une prétendue prescription excipée par M. Et Mme [O] en application de l'article 789 du code de procédure civile ;
- déclarer irrecevable M. [O] et Mme [T] épouse [O] à opposer la prescription de l'article L218-2 du code de la Caisse régionale de crédit agricole mutuel de Paris et d'Ile de France en application de l'article 122 du code de procédure civile;
- déclarer irrecevable l'Etat français représenté par L' AGRASC à opposer la prescription de l'article L218-2 du code de la Caisse régionale de crédit agricole mutuel de Paris et d'Ile de France en application de l'article 122 du code de procédure civile;
- déclarer M. [O] et Mme [T] épouse [O] mal fondés en leurs demandes formées contre la Caisse régionale de crédit agricole mutuel de Paris et d'Ile de France; - déclarer l'Etat français représenté par L'AGRASC mal fondé en ses demandes formées contre la Caisse régionale de crédit agricole mutuel de Paris et d'Ile de France ;
- dire et juger irrecevables et mal fondées l'ensemble des demandes formulées par Me [X] et l'Office notarial de [Localité 16] à son encontre,
- constater l'abesnce de prescription opposable à la CAISSE
- rejeter l'ensemble de demandes, fins et conclusions formulées par l'Etat français représenté par L'AGRASC, Me [X] et l'Office notarial de [Adresse 17] et les époux [O] contre la Caisse régionale de crédit agricole mutuel de Paris et d'Ile de France;
- renvoyer les parties devant le TJ de Grasse pour la poursuite de la procédure au fond ;
- condamner solidairement M. [O] et Mme [T] épouse [O], l'État français représenté par L'AGRASC, Me [X] et l'Office notarial de [Adresse 17] à payer à la Caisse régionale de crédit agricole mutuel de Paris et d'Ile de France la somme de 10.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que les entiers dépens.
La Caisse régionale de crédit agricole mutuel de Paris et d'Ile de France expose, sur la compétence du juge de la mise en état, que celui-ci ne pouvait statuer sur la prescription de sa créance à l'encontre des époux [D] [Y], alors même que la juridiction n'est pas saisie d'une action en paiement contre ceux-ci, rappelant que le tribunal n'est saisi que d'une responsabilité civile professionnelle notariale initiée par les époux [O]. Elle ajoute que le fait qu'elle se soit associée à la demande de condamnation formulée contre le notaire ne modifie pas l'objet du litige.
Sur la recevabilité de la demande, elle expose, au visa des articles 789 et 791 du code de procédure civile, que la saisine du juge de la mise en état, le 4 octobre 2021 est tardive, puisque les demandeurs avaient conclu au fond le 24 décembre 2020 et présenté cette fin de non recevoir dans ces dernières conclusions.
Quant à la prescription de l'action, la CRCAM indique que les dispositions nouvelles de l'article 2455 du code civil ne sont applicables qu'à compter du 1er janvier 2022, les dispositions de l'article L218-2 du code de la consommation prévoyant une prescription de deux ans, ne pouvant lui être opposées, dans la mesure où elle n'intente pas une action en paiement, disposant d'un titre exécutoire (acte de vente initial du 6 octobre 2010).
Elle ajoute que la cour de cassation refuse au tiers détenteur le droit d'opposer la prescription au créancier poursuivant, s'agissant d'une exception personnelle au débiteur principal.
Elle estime qu'il appartenait aux acquéreurs de mettre en oeuvre la procédure de purge, afin de se prémunir d'une procédure de saisie immobilière à tiers détenteur.
Elle ajoute que l'AGRASC est dépourvue du droit d'agir en contestation de la créance hypothécaire, celle ci s'imposant à l'Etat, et ne peut non plus bénéficier des dispositions de l'article L218-2 du code de la consommation.
Le Crédit agricole ajoute qu'aucune prescription ne lui est opposable, puisqu'elle était dans l'impossibilité juridique d'agir sur le bien grevé (article 706-145 du code de procédure pénale), qu'elle avait eu l'assurance que sa créance hypothécaire lui serait réglée par un courrier de l'AGRASC et qu'elle n'était pas tenue de mettre en oeuvre des voies d'exécution
Dans leurs dernières écritures notifiées par voie électronique le 24 février 2023, M. [E] [O] et Mme [B] [T] épouse [O] demandent à la cour de:
- les déclarer recevables et bien fondés en leurs demandes ;
- de dire que le juge de la mise en état était parfaitement compétent pour statuer sur la prescription des demandes du Crédit agricole,
- confirmer, en toutes ses dispositions, l'ordonnance rendue le 29 avril 2022 par le juge de la mise en état,
- déclarer éteinte la créance de la Caisse régionale de crédit agricole mutuel de Paris et d'Ile de France par l' effet de la prescription,
- déclarer prescrite l'action en paiement engagée par la Caisse régionale de crédit agricole mutuel de Paris et d'Ile de France en vertu du prêt immobilier consenti époux [Y] le 6 octobre 2010 faute de justifier d'un quelconque acte interruptif de prescription dans les deux années suivant l'exigibilité anticipée de la créance le 31 août 2015 ;
- débouter la Caisse régionale de crédit agricole mutuel de Paris et d'Ile de France de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
- renvoyer la demande principale devant le Juge de la mise en état afin qu'il soit statué sur le fond;
- condamner la Caisse régionale de crédit agricole mutuel de Paris et d'Ile de France à leur payer la somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts au titre d'une procédure abusive, injustifiée et vexatoire,
- condamner la Caisse régionale de crédit agricole mutuel de Paris et d'Ile de France à leur payer la somme de 15.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens d'appel distraits au profit de Me Sarah Baye.
Sur la compétence du juge de la mise en état, ils exposent que le juge de l'exécution a sursis à statuer, dans l'attente de l'issue de la présente instance, en relevant que la prescription soulevée était susceptible d'influencer la procédure de saisie immobilière. Ils ajoutent que dans ses conclusions au fond, le CRCAM demande au tribunal de juger sa créance non prescrite et que c'est la raison pour laquelle ils ont opposé ensuite la prescription de cette créance, de sorte que le juge de la mise en état était compétent pour statuer.
Ils estiment qu'ils peuvent soulever une fin de non recevoir en tout état de cause, de sorte qu'ils sont recevables à agir,
Sur la prescription, ils indiquent avoir formulé une demande en paiement sur le fondement de l'emprunt, puisqu'ils sollicitent la condamnation du notaire et de sa SCP à leur payer la somme de 217 447,48 euros qui correspond au montant sollicité par le Crédit Agricole dans le cadre de la procédure de saisie immobilière;
Ils indiquent que le tiers détenteur peut invoquer toutes les exceptions dont peut se prévaloir le débiteur principal;
Ils estiment que la procédure pénale n'a pas pu empêcher le Crédit Agricole d'agir, ne serait-ce que pour interrompre la prescription.
L'État Français représenté par l'Agence de Recouvrement des Avoirs Saisis et Confisqués (Agrasc) , dans ses conclusions sur incident signifiées par RPVA le 23 février 2023, demande à la cour de :
- confirmer l'ordonnance en toutes ses dispositions,
- dire irrecevables toutes les demandes formées par la Caisse régionale du Crédit Agricole Mutuel de Paris et d'Ile de France sur le fondement de l'emprunt consenti aux époux [Y],
- la condamner à lui régler la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Sur la compétence du juge de la mise en état, l'Agrasc estime que le CRCAM formant une demande de condamnation fondée sur la créance litigieuse, le juge de la mise en état est bien compétent pour statuer sur la fin de non recevoir tirée de la prescription de la créance alléguée par l'établissement bancaire.
Elle estime, au visa de l'article L218-2 nouveau du code de la consommation et de la jurisprudence, que l'action en paiement se prescrivant dans les deux ans à compter de la déchéance du terme et que le tiers détenteur et la caution peuvent se prévaloir de ce délai, de sorte que la créance du CRCAM est désormais prescrite.
Enfin, elle indique que l'Agrasc ne s'est jamais engagée à régler cette créance.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 11 juillet 2022, Me [F] [X] et l'Office notarial de [Localité 16], demandent à la cour de :
- confirmer l'ordonnance du juge de la mise en état dans toutes ses dispositions ;
- débouter le Crédit Agricole et toutes les parties de leurs demandes telles que dirigées à leur encontre ;
- condamner le Crédit Agricole ou tout succombant, à leur payer la somme de 4.000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens d'appel distraits au profit de la SCP Cohen-Guedj-Montero-Daval Guedj.
Sur la compétence du juge de la mise en état, ils exposent que le juge de l'exécution a sursis à statuer dans l'attente de l'issue de la présente instance en relevant que la prescription soulevée était susceptible d'influencer la procédure de saisie immobilière. Ils ajoutent que dans ses conclusions au fond, le CRCAM demande au tribunal de juger sa créance non prescrite et que c'est la raison pour laquelle ils ont opposé ensuite la prescription de cette créance, de sorte que le juge de la mise en état était compétent pour statuer.
Le notaire et sa société estiment qu'ils peuvent soulever une fin de non recevoir en tout état de cause, de sorte qu'ils sont recevables à agir.
Sur la prescription, ils indiquent que la demande en paiement à leur encontre est fondée sur l'emprunt, puisqu'il est sollicité leur condamnation à payer la somme de 217 447,48 euros qui correspond au montant sollicité par le crédit agricole dans le cadre de la procédure de saisie immobilière.
Ils indiquent que le tiers détenteur peut invoquer toutes les exceptions dont peut se prévaloir le débiteur principal.
Ils estiment que la procédure pénale n'a pas pu empêcher le crédit agricole d'agir, ne serait-ce que pour interrompre la prescription.
MOTIFS
Sur la compétence du juge de la mise en état
Aux termes de l'article 789 6° du code de procédure civile, lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation, le juge de la mise en état est, jusqu'à son dessaisissement, seul compétent, à l'exclusion de toute autre formation du tribunal, pour statuer sur les fins de non recevoir.
Celles-ci sont définies par les dispositions de l'article 122 du même code, en application desquelles constitue une fin de non -recevoir, tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.
La fin de non recevoir est ainsi une technique procédurale visant à faire obstacle à la demande sans que le juge ne statue sur le fond.
Au cas d'espèce, les époux [O] ont saisi le tribunal judiciaire de Grasse d'une action dirigée à l'encontre de Me [X], notaire, et de sa société civile professionnelle en responsabilité civile professionnelle lui reprochant un manquement à son devoir d'information et à son devoir de conseil en omettant de leur expliquer les conséquences qu'aurait une vente avec une consignation de deniers insuffisante pour désintéresser les créanciers hypothécaires, de leur conseiller de procéder à la purge des hypothèques et de les protéger de l'exercice de leur droit de suite attaché à la sûreté du bien vendu.
Ainsi, cette prescription soulevée par les demandeurs eux-mêmes à l'action décrite ci-avant n'a pas pour conséquence de déclarer l'adversaire des époux [O] irrecevables en leur demande, mais doit s'analyser en réalité comme un moyen visant à faire cesser la procédure de saisie immobilière, laquelle relève d'une autre instance, ou en tout état de cause, doit être comprise comme un moyen de fond.
La question de la prescription de cette créance est ainsi étrangère à la recevabilité de la présente action en ce qu'elle ne peut conduire à l'extinction de celle-ci sans examen au fond, ce qu'a d'ailleurs relevé le juge de la mise en état qui malgré la prescription retenue, a renvoyé les parties en mise en état pour conclusions récapitulatives.
Il convient donc d'infirmer l'ordonnance déférée, de déclarer incompétent le juge de la mise en état et la cour pour statuer sur cette fin de non recevoir dans le cadre de l'instance opposant principalement les époux [O] à Me [X].
Les époux [O] assumeront les dépens de l'incident, mais il ne sera pas fait application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant publiquement, par arrêt contradictoire, en matière civile et en dernier ressort,
Infirme l'ordonnance déférée ;
Statuant à nouveau,
Déclare le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Grasse incompétent dans le cadre de la présente instance pour statuer sur la fin de non recevoir soulevée ;
Condamne M. [E] [O] et Mme [B] [T] épouse [O] aux dépens de l'incident ;
Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT