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07/04/2023 | FRANCE | N°19/18320

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-1, 07 avril 2023, 19/18320


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-1



ARRÊT AU FOND

DU 07 AVRIL 2023



N° 2023/143





Rôle N° RG 19/18320 - N° Portalis DBVB-V-B7D-BFHQS







SAS RESIDENCE [3]





C/





[U] [J]







Copie exécutoire délivrée

le :



07 AVRIL 2023



à :



Me Yves TALLENDIER de la SELARL CAPSTAN - PYTHEAS, avocat au barreau de MARSEILLE



Me Mireille JUGY, avocat au barreau de MARSEILLE<

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Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE en date du 06 Novembre 2019 enregistré au répertoire général sous le n° F17/01547.





APPELANTE



SAS RESIDE...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-1

ARRÊT AU FOND

DU 07 AVRIL 2023

N° 2023/143

Rôle N° RG 19/18320 - N° Portalis DBVB-V-B7D-BFHQS

SAS RESIDENCE [3]

C/

[U] [J]

Copie exécutoire délivrée

le :

07 AVRIL 2023

à :

Me Yves TALLENDIER de la SELARL CAPSTAN - PYTHEAS, avocat au barreau de MARSEILLE

Me Mireille JUGY, avocat au barreau de MARSEILLE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE en date du 06 Novembre 2019 enregistré au répertoire général sous le n° F17/01547.

APPELANTE

SAS RESIDENCE [3] agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux en exercice, domiciliés en cette qualité audit siège, demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Yves TALLENDIER de la SELARL CAPSTAN - PYTHEAS, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMEE

Madame [U] [J], demeurant [Adresse 4]

représentée par Me Mireille JUGY, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 15 Décembre 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Emmanuelle CASINI, Conseiller, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller faisant fonction de Président

Mme Stéphanie BOUZIGE, Conseiller

Mme Emmanuelle CASINI, Conseiller

Greffier lors des débats : Monsieur Kamel BENKHIRA

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 07 Avril 2023.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 07 Avril 2023

Signé par Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller faisant fonction de Président et Monsieur Kamel BENKHIRA, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Suivant contrat à durée déterminée du 17 décembre 2009, Madame [U] [J] a été engagée par la SAS Résidence [3], appartenant à cette époque, au groupe MEDICA.

Suivant contrat de travail à durée indéterminée en date du 15 octobre 2011, Madame [U] [J] a été embauchée par la SAS Résidence [3] en qualité d'agent de vie sociale pour un horaire mensuel de travail de 123,50 heures pour un salaire mensuel de 1.123,41 euros, avec reprise d'ancienneté.

Suivant avenant en date du 01 février 2012, le contrat de travail à temps partiel a été transformé en un contrat de travail à temps complet avec reprise d'ancienneté.

La convention collective applicable est celle de l'hospitalisation privée du 18/04/2002 et de son annexe médico-sociale du 10/12/2002.

Madame [J] a été victime d'un accident de travail le 08 mai 2012.

Elle a repris son poste en septembre 2012, puis a été placée en arrêt de travail à trois reprises, le 4 février 2013, le 14 janvier 2014, puis le 15 décembre 2015.

Elle a été à trois reprises examinée par le médecin du travail qui l'a déclarée apte à la reprise du travail mais avec des restrictions concernant le port des pensionnaires puis les nettoyages du sol.

Le 1er février 2017, elle a été mise en invalidité par la sécurité sociale et en a informé son employeur.

Elle a été examinée les 2 et 17 février 2017 par le médecin du travail qui a considéré qu'elle était inapte au poste d'auxiliaire de vie qu'elle occupait au sein de la maison de retraite.

La SAS Résidence [3] a convoqué Mme [J] à l'entretien préalable au licenciement fixé au 22 mars 2017 et lui a notifié son licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement le 27 mars 2017 (suivant lettre datée par erreur du 27 février 2017).

Contestant son solde de tout compte, elle a adressé le 16 mai 2017 un courrier recommandé demandant à son employeur de régulariser les erreurs comprises dans la lettre de licenciement et de lui régler les sommes qu'elle estimait dues, sans succès.

Madame [J] a saisi le conseil de prud'hommes de Marseille des demandes suivantes :

' Paiement de 3 jours retenus en mars 2017 : 219.54 euros

' Paiement de la journée de solidarité retenue : 126 euros

' Rappel de l'indemnité CP sur rappel de salaires : 42.62 euros

' Rappel de l'indemnité CP : 1. 828,54 euros

' Indemnité de préavis : 2 mois : 3.369,97euros

' Congés payés sur préavis : 337,00 euros

' Indemnité légale de licenciement : 8.214.40 euros

' Remise de la lettre de licenciement corrigée

' Remise de l'attestation pôle emploi corrigée.

Suivant jugement en date du 16 novembre 2019, le conseil de prud'hommes de Marseille a jugé que le licenciement pour inaptitude de Mme [J] est d'origine non professionnelle

A condamné la SAS Résidence [3] à payer à Mme [J] :

- la somme de 1.684 euros au titre de reliquat de l'indemnité conventionnelle de licenciement,

- la somme de 600 euros à titre de dommages et intérêts,

- la somme de 1.000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile,

A ordonné à la SAS Résidence [3] à remettre à Mme [J] les documents sociaux rectifiés.

La SAS RESIDENCE [3] a interjeté appel de cette décision et demande à la Cour, suivant conclusions notifiées par voie électronique le 14 février 2020, de :

Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté Madame [J] de ses demandes de divers rappels de salaire,

Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a reconnu que l'origine de l'inaptitude de Madame [J] était non professionnelle,

Réformer le jugement entrepris pour le surplus

Par conséquent :

Prononcer la compensation entre :

- le solde de l'indemnité de licenciement (345,65 euros bruts) du par l'employeur dans le cadre de la reprise d'ancienneté 'oubliée' ;

- et l'indemnité de préavis ainsi que le double de l'indemnité de licenciement perçus de manière indue par Madame [J] (3.329,74 + 1.175,63 euros = 4.505,37 euros bruts).

Condamner Madame [J] à régler à l'employeur la somme de (4.505,37 euros bruts -345,65 euros bruts) 4.159,72 euros bruts.

Débouter Madame [J] de l'ensemble de ses autres demandes

Condamner Madame [J] à lui verser une somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du CPC, outre les entiers dépens.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 02 avril 2020, Madame [U] [J] a formé appel incident et demande à la Cour de :

Réformer le jugement du conseil des Prud'hommes de Marseille en ce qu'il a dit que l'inaptitude de Madame [J] était d'origine non professionnelle,

Dire qu'il devra faire application à Madame [J] des dispositions du code du travail relatives à l'inaptitude suite à un accident de travail ou une maladie professionnelle,

Par voie de conséquence

Constater que l'employeur a payé le préavis, le Débouter de sa demande de restitution.

Dire que le montant de l'indemnité de licenciement est de 9.787,66 euros et Condamner la SAS Résidence [3] à lui payer la somme de 6.204, 27 au titre du solde de l'indemnité de licenciement,

Réformer les dispositions du jugement déféré qui ont débouté Mme [J] de ses demandes concernant le remboursement d'une somme illégitimement retenue et :

Condamner la SAS résidence à lui payer :

-la somme de 126 euros illégitimement retenue

-la somme de 1828,54 euros au titre du solde de congés payés.

Confirmer les dispositions du jugement qui ont :

- Ordonné la remise de la lettre de licenciement et de l'attestation pôle emploi rectifiées en rajoutant une astreinte de 50 euros par jour de retard un mois après la notification de l'arrêt à intervenir,

- Condamné l'employeur à de légitimes dommages et intérêts fixés à la somme de 600 euros et à un article 700,

Y rajoutant

Condamner l'employeur à la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 en cause d'appel.

La procédure a été cloturée suivant ordonnance du 1er décembre 2022.

MOTIFS DE L'ARRET

Sur la qualification de l'inaptitude

Madame [J] soutient que les règles protectrices prévues aux articles L1226-10 et suivants du code du travail relatives à l'inaptitude d'origine professionnelle doivent lui bénéficier, dès lors que son inaptitude a pour origine l'accident du travail survenu le 8 mai 2002 (blessure au dos) et que la SAS Résidence [3] avait connaissance de ce qu'elle souffrait de graves lombalgies depuis cet accident initial sur le lieu de travail, les différents avis de reprise avec restriction émis par la médecine du travail étant en lien avec ces douleurs lombaires.

La SAS Résidence [3] fait valoir que Madame [J], à qui la preuve incombe, ne démontre pas que son inaptitude serait d'origine professsionnelle ; qu'elle a en effet déclaré un accident du travail le 8 mai 2012 et enchainé, suite à cela, les situations d'arrêts de travail, de reprise avec aptitude et déclaration de rechutes qui, pour la totalité, et notamment par décision du 7 janvier 2016, se sont heurtées à un refus par la Caisse de sécurité sociale de prise en charge au titre de la législation des accidents professionnels. Elle ajoute que le médecin du travail l'a déclarée inapte suivant avis du 2 février 2017 en cochant la case 'accident ou maladie non professionnel'.

***

Les règles protectrices applicables aux victimes d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle s'appliquent dès lors que l'inaptitude du salarié, quel que soit le moment où elle est constatée ou invoquée, a, au moins partiellement, pour origine cet accident ou cette maladie et que l'employeur avait connaissance de cette origine professionnelle au moment du licenciement.

L'application des articles L.1226-10 et suivant du code du travail relatifs à l'inaptitude consécutive à un accident du travail ou une maladie professionnelle n'est pas subordonnée à la reconnaissance par la caisse primaire d'assurance maladie du lien de causalité entre l'accident du travail et l'inaptitude.

En l'espèce, il est constant que Madame [J] a été victime d'un accident du travail le 8 mai 2002, la déclaration d'accident du travail précisant : 'En transférant une résidente de son lit à son fauteuil roulant avec l'aide d'une collègue, Madame [J] a ressenti une douleur dans le bas du dos'.

L'avis de reprise du médecin du travail en date du 21 septembre 2012 communiqué par l'employeur indique 'Apte en favorisant le travail à deux lorsque l'organisation le permet'.

L'employeur a par lasuite reconnu que les arrêts du 04 février au 20 février 2013 et du 17 mars au 31 mars 2013 étaient des prolongations d'arrêts de travail pour cause d'accident du travail (cf courrier émanant de la Résidence [3] adressé à la CPAM des [Localité 2] le 27 mai 2013 versé aux débats par l'employeur).

De plus, l'avis de reprise du médecin du travail en date du 05 août 2013, produit par l'employeur, fait implicitement référence aux problèmes lombaires en précisant les restrictions suivantes : 'Apte à un poste n'ayant pas de malades grabataires ou impotents, avec une aide pour les transferts durant 3 mois'.

Suite à cet avis, l'employeur a adressé le 7 août 2013 à la médecine du travail une proposition de changement de poste prévoyant une affectation de Mme [J] au service 'hébergement vie sociale', indiquant qu'il lui était impossible dans le service 'soins' auquel elle était rattachée de mettre à disposition un 'lève personne mobile dans chaque chambre' et de lui 'assurer une activité sans manipulation de résidents ayant un poids inférieurs à 25kg', proposition acceptée par la médecine du travail (pièces 6 et 7 de l'employeur).

La société Résidence [3] verse aux débats l'avis de la médecine du travail, sollicité par Mme [J] le 3 octobre 2013 mentionnant : 'Apte avec aide lors des nettoyages du sol nécessaires'.

Les différents avis de reprise rédigés par la médecine du travail préconisaient ainsi d'éviter de porter des charges lourdes (transfert de résidents) ou de ne pas se baisser (aide lors des nettoyages au sol) afin de ne pas solliciter le bas du dos de la salariée.

Il ressort des pièces communiquées par l'employeur que celui-ci avait dès lors connaissance des lombalgies dont souffrait Madame [J] suite à son accident de travail initial.

La Résisence [3] fait valoir que :

-Madame [J] a déclaré une nouvelle rechute le 14 janvier 2014, que la caisse de sécurité sociale a refusé de qualifier de rechute d'accident du travail (courrier CPAM du 24 janvier 2014).

-Par courrier du 17 juillet 2014, la caisse de sécurité sociale a informé la salariée qu'un médecin expert avait estimé que les lésions de l'accident du 8 mai 2012 étaient consolidées au 19 mai 2014.

-Madame [J] a déclaré une nouvelle rechute le 15 décembre 2015, que la caisse de sécurité sociale a refusé de qualifier de rechute d'accident du travail (courrier CPAM du 07 janvier 2016).

-suivant décision de la Caisse d'assurance maladie des [Localité 2] en date du 06 janvier 2017, Madame [J] a été reconnue en invalidité catégorie 2 réduisant des 2/3 au moins sa capacité de travail,

-la médecine du travail a alors émis le 2 février 2017 un premier avis d'inaptitude en cochant la case 'accident ou maladie non professionnel', ce qui justifie l'absence de lien avec l'accident du travail initial.

Cependant, si la caisse primaire d'assurance maladie n'a pas reconnu l'origine professionnelle des arrêts de travail de Mme [J] à compter du mois de janvier 2014 et a estimé que les lésions de l'accident du travail du 8 mai 2002 étaient consolidées au 19 mai 2014, il y a lieu de rappeler que la cour n'est pas liée par la décision de la caisse primaire d'assurance maladie et peut constater l'existence du lien de causalité entre l'accident du travail et l'inaptitude ayant justifié le licenciement.

A ce titre, la cour observe que le deuxième avis d'inaptitude de la médecine du travail en date du 17 février 2017, contrairement au précédent en date du 2 février 2017, ne mentionne pas qu'il s'agit d'un accident ou d'une maladie 'non professionnelle' et précise : 'Le poste de travail n'est pas en adéquation avec l'état de santé du salarié constaté ce jour. Le poste serait compatible à mi-temps maximum, sans port de charges, ni contraintes plurales répétées.Un poste sédentaire de type administratif (accueil, réception) pourrait convenir avec la formation adaptée'.

Il se déduit du constat du médecin du travail préconisant l'absence de port de charges notamment, que la problématique lombaire générée par l'accident du travail du 8 mai 2012 est toujours présente et que l'inaptitude constatée les 2 et 17 février 2017 à l'origine du licenciement de Mme [J] a, au moins partiellement, pour origine l'accident du travail du 8 mai 2002 (blessures au bas du dos).

Il est également établi, par cet avis d'inaptitude communiqué à l'employeur, que celui ci avait connaissance de son origine professionnelle au moment du licenciement. Il a d'ailleurs fait bénéficier à Mme [J] des dispositions protectrices prévues aux articles L 1226-14 du code du travail, en lui accordant une indemnité compensatrice de préavis ainsi qu'une indemnité spéciale de licenciement.

La décision du conseil de prud'hommes de Marseille doit donc être infirmée en ce qu'elle a dit que le licenciement pour inaptitude de Mme [J] est d'origine non professionnelle.

Sur l'indemnité compensatrice de préavis et l'indemnité de licenciement

Madame [J] rappelle que son contrat de travail à durée indéterminée du 15 octobre 2011 ainsi que ses bulletins de salaire mentionnent sa reprise d'ancienneté au 17 décembre 2009 ce que l'employeur a omis de prendre en compte dans le calcul de l'indemnité de licenciement.

Elle indique que l'employeur a spontanément fait application des dispositions de l'article L1226-14 du code du travail prévoyant le doublement de l'indemnité de licenciement en cas de licenciement pour inaptitude d'origine professionnelle.

La salariée sollicite la fixation du montant de son indemnité à la somme de 9.787,66 euros correspondant au double de l'indemnité conventionnelle de licenciement, calculée en application de l'article 47 de la convention collective de l'hospitalisation privée, et le versement d'une somme de 6.204,27 euros au titre du solde restant du, après les acomptes déjà versés par l'employeur. Enfin, elle reconnait que l'employeur lui a versé l'indemnité compensatrice de congés payés conformément à la convention collective applicable et demande à ce qu'il soit débouté de sa demande de compensation.

La Résidence [3] soutient que Madame [J] était, au moment du licenciement, dans une situation pathologique d'origine non professionnelle et qu'elle a perçu à tort un indemnité compensatrice de préavis (soit 3.329,74 euros) et le doublement de l'indemnité légale de licenciement (soit 1.175,63 x 2=2.351,26 euros) dont elle demande le remboursement. Elle reconnait que l'ancienneté de la salariée doit être reprise depuis le 17 décembre 2009 et demande que la cour ordonne la compensation entre les sommes dues par la salariée (soit 3.329,74 + 1175,63=4.505,37 euros bruts) et la somme de 345,65 euros qu'elle reconnait devoir au titre du rattrapage d'ancienneté.

***

La cour a retenu que l'inaptitude de Madame [J] ayant justifié son licenciement était consécutive à l'accident du travail subi le 18 mai 2012 et que les régles prévues à L1226-10 et suivants du code du travail lui étaient applicables.

L 1226-14 du code du travail dispose que 'la rupture du contrat de travail dans les cas prévus au deuxième alinéa de l'article L1226-12 ouvre droit, pour le salarié, à une indemnité compensatrice de préavis prévue à l'article L1234-5, ainsi qu'à une indemnité spéciale de licenciement qui, sauf dispositions conventionnelles plus favorables, est égale au double de l'indemnité prévue par l'article L1234-9".

L'article 47 de la convention collective de l'hospitalisation privée prévoit que l'indemnité de licenciement est de 1/5ème de mois par année d'ancienneté portée à 2/5èmes de mois de salaire pour les années d'ancienneté effectuées au-delà de 10 ans.

En l'espèce, en tenant compte de sa reprise d'ancienneté au 17 décembre 2009, Madame [J] disposait, au jour du licenciement (27 mars 2017) d'une ancienneté de 7 ans et 3 mois et non 11 ans et 1 mois comme allégué dans ses conclusions.

Il résulte des calculs produits par l'employeur (pièce 18 bis) sur la base de la reprise d'ancienneté au 17 décembre 2009, que l'indemnité conventionnelle de licenciement est d'un montant équivalent à l'indemnité légale de licenciement, soit égale à 1.521,28 euros.

L'indemnité spéciale de licenciement, avec reprise d'ancienneté est donc de 3.042,56 euros au lieu de la somme de 2.351,26 euros versée à ce titre par l'employeur. Il reste donc dû un rappel d'un montant de 691,30 euros.

Par ailleurs, Mme [J] reconnait dans ses conclusions en page 6 que l'indemnité compensatrice de préavis lui a été réglée par la société Résidence [3] (soit la somme de 3.329,74 euros sur le bulletin de salaire du mois de mai 2017).

Il s'ensuit que l'employeur sera condamné à verser à Mme [J] la somme de 691,30 euros à titre de rappel sur l'indemnité spéciale de licenciement et que la société Résidence [3] sera déboutée de ses demandes reconventionnelles de compensation et de condamnation.

La décision du conseil de prud'hommes sera infirmée de ce chef.

Sur les demandes relatives à l'exécution du contrat de travail

Sur la journée de solidarité

Madame [J] sollicite le paiement d'une somme de 126 euros retenue par l'employeur au titre de la journée de solidarité, alors qu'elle était en arrêt de travail.

La SAS Résidence [3] indique pour sa part que le principe de la journée de solidarité est la rétention d'une journée de salaire au profit des personnes âgées et handicapées et qu'en tout état de cause, le jour prétendument retiré à Madame [J] sur la rémunération de janvier 2017 apparait à nouveau au crédit du bulletin de paie de février 2017.

***

En l'espèce, il n'est fait aucune référence sur les bulletins de salaire des mois de janvier et février 2017 de Mme [J] à la journée de solidarité. De plus, comme l'indique l'employeur, il apparait bien qu'une somme a été retenue en janvier 2017 et recréditée en février 2017, ce que ne conteste pas la salariée.

Dès lors, faute de démontrer qu'une somme de 126 euros aurait été indument retenue au titre de la journée de solidarité, il n'y a pas lieu faire droit à la demande de Mme [J].

Il convient de confirmer la décision du conseil de prud'hommes en ce sens.

Sur le solde de l'indemnité de congés payés

Mme [J] sollicite le paiement d'une somme de 1.828,54 euros au titre du solde de l'indemnité de congés payés. Elle indique qu'au mois de mars 2017, au moment de son licenciement, elle avait acquis 64,73 + 1,02 = 65,75 jours soit : 5.613,38 euros tel qu'il apparaît du bulletin de salaire et que l'employeur ne lui a réglé qu'une somme de 3.585,28 + 200,56 soit 3.785,84 euros.

La SAS Résidence [3] conclut au débouté de cette demande. Elle expose que Mme [J] se plaint que des jours de congés ont été retirés de son salaire sans pourtant qu'elle n'en ait pris, du 21 au 28 février 2017, et rétorque qu'étant en période d'absence non rémunérée - entre la visite et la rupture du contrat - l'employeur a convenu avec la salariée que cette période serait en partie indemnisée par le paiement de jours de congés.

***

Il résulte de l'examen des bulletins de salaire produits que :

-le bulletin du mois de février 2017 mentionne un nombre de congés payés acquis de 64,73 jours (CP N-1 acquis) + 1,02 (CP N acquis), soit un solde de 65,75 jours dont l'employeur déduit 8 jours de congés pris.

-le bulletin du mois de mars 2017 mentionne un nombre de congés payés acquis de 64,73 euros (CP N-1 acquis) + 1,02 (CP N acquis), soit un solde de 65,75 jours dont l'employeur déduit 8 jours de congés pris.

La cour observe que les congés mentionnés pris n'ont pas été payés.

Alors que Madame [J] était en arrêt maladie du 1er au 31 janvier 2017, puis dans l'attente des visites de reprise de la médecine du travail (les 2 et 17 février 2017) et qu'elle a été licenciée le 27 mars 2017, l'employeur ne démontre pas que les congés payés ont été pris par la salariée (lesquels ne pouvaient en tout état de cause être pris durant l'arrêt maladie) en accord avec cette dernière.

Il convient dès lors de faire droit à la demande formée par Madame [J] et lui accorder la somme de 1.828,54 euros au titre du rappel d'indemnité de congés payés.

La décision du conseil de prud'hommes sera infirmée de ce chef.

Sur l'inexécution fautive du contrat de travail

Madame [J] fait valoir que l'employeur a adressé une lettre de délation mensongère à la sécurité sociale et a en outre payé les indemnités de manière fractionnée, ce qui constitue une exécution fautive du contrat de travail avec intention de lui nuire.

La société Résidence [3] indique qu'elle s'est engagée à rectifier les sommes dues sans difficulté, reconnaissant son erreur sur la reprise d'ancienneté de la salariée, et que Mme [J] n'établit pas avoir subi un préjudice du fait de ces erreurs, comme un refus de prise en charge par Pôle emploi par exemple.

***

Si la société Résidence [3] a adressé à la CPAM un courrier lui précisant que la salariée était amenée à travailler pour d'autres entités du groupe lors de certains congés maladie (cf courrier du 27 mai 2013), Mme [J] n'établit pas qu'il s'agit d'allégations mensongères, ni que l'employeur ait été animé par une intention de lui nuire.

De même, alors qu'il a reconnu ses erreurs concernant la date de la lettre de licenciement et la reprise d'ancienneté, entrainant un paiement fractionné de ses indemnité, Mme [J] ne caractérise pas le préjudice qui a pu en résulter dans la prise en charge de ses droits.

En conséquence, il y a lieu d'infirmer la décision du conseil de prud'hommes et de débouter la salariée de sa demande de dommages et intérêts de ce chef.

Sur les documents de fin de contrat

Il convient d'enjoindre à la société Résidence [3] de remettre à Madame [U] [J] une lettre de licenciement rectifiée (comportant la date du 27 mars 2017) et une attestation Pôle emploi conforme à la présente décision, sans que le prononcé d'une astreinte ne soit toutefois nécessaire.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

L'équité commande de confirmer le jugement de première instance relativement aux frais irrépétibles, de faire application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel et d'allouer à ce titre la somme de 1.500 euros à Madame [U] [J].

L'employeur, qui succombe, doit être tenu aux dépens de première instance, par infirmation du jugement entrepris, et d'appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant par arrêt contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2ème alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et en matière prud'homale,

Infirme le jugement déféré, sauf en ce qu'il a débouté Mme [J] de sa demande au titre de la journée de solidarité et condamné la société Résidence [3] aux frais irrépétibles,

Statuant à nouveau des chefs infirmés :

Dit que le licenciement pour inaptitude notifié à Mme [U] [J] est d'origine professionnelle,

Constate que la société Résidence [3] s'est acquittée auprès de Mme [J] de l'indemnité compensatrice de préavis,

Condamne la société Résidence [3] à payer à Madame [U] [J] les sommes suivantes :

-691,30 euros au titre de rappel d'indemnité spéciale de licenciement,

-1.828,54 euros au titre du rappel d'indemnité de congés payés,

Déboute Madame [U] [J] de sa demande de dommages et intérêts pour exécution fautive du contrat,

Déboute la société Résidence [3] de ses demandes,

Enjoint à la société Résidence [3] de remettre à Madame [U] [J] une lettre de licenciement rectifiée (comportant la date du 27 mars 2017) et une attestation Pôle emploi conforme au présent arrêt,

Rejette la demande d'astreinte,

Condamne la société Résidence [3] à payer à Madame [U] [J] une somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société Résidence [3] aux dépens de première instance et d'appel,

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

Ghislaine POIRINE faisant fonction


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-1
Numéro d'arrêt : 19/18320
Date de la décision : 07/04/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-04-07;19.18320 ?
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