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07/04/2023 | FRANCE | N°19/01129

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-3, 07 avril 2023, 19/01129


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-3



ARRÊT AU FOND



DU 07 AVRIL 2023



N°2023/ 64



RG 19/01129

N° Portalis DBVB-V-B7D-BDU37







[P] [U]





C/



SARL SODEPORT

























Copie exécutoire délivrée

le 07 Avril 2023 à :



-Me Christian SALORD, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE





- Me Vincent BURLES, avocat au barreau d'A

IX-EN-PROVENCE















Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE en date du 21 Décembre 2018 enregistré au répertoire général sous le n° F18/01227.







APPELANT



Monsieur [P] [U], demeurant [Adresse 3]



repr...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-3

ARRÊT AU FOND

DU 07 AVRIL 2023

N°2023/ 64

RG 19/01129

N° Portalis DBVB-V-B7D-BDU37

[P] [U]

C/

SARL SODEPORT

Copie exécutoire délivrée

le 07 Avril 2023 à :

-Me Christian SALORD, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

- Me Vincent BURLES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE en date du 21 Décembre 2018 enregistré au répertoire général sous le n° F18/01227.

APPELANT

Monsieur [P] [U], demeurant [Adresse 3]

représenté par Me Christian SALORD, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

INTIMEE

SARL SODEPORT, demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Vincent BURLES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 10 Janvier 2023 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre, et Madame Isabelle MARTI, Président de Chambre suppléant, chargées du rapport.

Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre, a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre

Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller faisant fonction de Président

Madame Isabelle MARTI, Président de Chambre suppléant

Greffier lors des débats : Madame Florence ALLEMANN-FAGNI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 24 Mars 2023, délibéré prorogé en raison de la survenance d'une difficulté dans la mise en oeuvre de la décision au 07 Avril 2023.

ARRÊT

CONTRADICTOIRE,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 07 Avril 2023.

Signé par Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre et Madame Florence ALLEMANN-FAGNI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

* * * * * * * * * *

FAITS ET PROCÉDURE

M. [P] [U] a été engagé le 5 décembre 2011 par la société Sodevic, en qualité directeur de restaurant avec un statut de cadre autonome. Son contrat de travail a fait l'objet d'un transfert auprès de la société Sodeport à compter du 25 mars 2013 pour une durée indéterminée.

La convention collective nationale applicable était celle de la restauration rapide du 18 mars 1988.

Au dernier état de la relation contractuelle, le salarié percevait une rémunération mensuelle brute de 3 350 euros.

M. [U] était convoqué le 10 novembre 2015 à un entretien préalable à une mesure de licenciement fixé au 19 novembre suivant avec mise à pied conservatoire. Il était licencié par courrier du 26 novembre 2015 pour faute grave.

Contestant la légitimité de la mesure de licenciement prise à son encontre M. [U] saisissait le 15 juin 2018 le conseil de prud'hommes de Marseille.

Par jugement du 21 décembre 2018 le conseil de prud'hommes de Marseille a statué comme suit:

« Constate la validité du licenciement pour faute grave de M. [P] [U],

Constate le caractère erroné des demandes de M. [P] [U],

Par conséquent :

Déboute M. [P] [U] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

A titre reconventionnel,

Condamne M. [P] [U] à 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne M [P] [U] aux entiers dépens».

Par acte du 18 janvier 2019 le conseil de M. [U] a interjeté appel de cette décision.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Aux termes de ses dernières conclusions communiquées au greffe par voie électronique le 16 décembre 2022, M. [U] demande à la cour de :

« Infirmer le jugement dont appel et ce avec toutes ses conséquences de droit .

Condamner, en conséquence , l'employeur à verser au salarié :

Dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse 77.000 €

Dommages et intérêts pour préjudice moral 10.000 €

Indemnité compensatrice de préavis 12.820,52 €

Congés payés sur préavis 1.282,05 €

Indemnité conventionnelle de licenciement 10.188,53 €

RTT 15.620,38 €

Rappel de salaires au titre de l'annulation de la mise à pied conservatoire 1.775,11 €

Congés payés sur rappel de salaire 177,51 €

Prime de 13ème mois (au prorata) 4.273,51€

Chèques cadeaux de Noël 60 €

Ordonner la délivrance des documents sociaux rectifiés et conformes précisant comme date de fin de contrat celle incluant le préavis, et ce, sous astreinte de 100 euros par jour de retard et par document ; Condamner l'employeur aux intérêts au taux légal sur l'ensemble des condamnations à intervenir, et ce, à compter de la saisine du Conseil ;

Condamner l'employeur aux dépens, ainsi qu'à l'article 700 du code de procédure civile 2500 euros ».

Dans ses dernières écritures communiquées au greffe par voie électronique le 26 juin 2019, la société Sodeport demande à la cour de :

« Dire et juger que le licenciement pour faute grave de M. [U] est régulier et justifié

Par conséquent :

Confirmer Ie jugement en ce qu'il a jugé que le licenciement pour faute grave de M. [U] est justifié et débouté M. [U] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, de sa demande d'indemnité compensatrice de préavis et de congés payés y afférents, de sa demande de rappel de salaire sur mise à pied conservatoire et de congés payés y afférents, de sa demande

d'indemnité conventionnelle de licenciement.

Dire et juger que le licenciement pour faute grave de M. [U] est régulier et justifié et que M. [U] n'a pas subi de préjudice moral

Par conséquent

Confirmer le jugement en ce qu'il a débouté M. [U] de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice moral.

Dire et juger que la demande de rappel de RTT de M [U] est infondée

Par conséquent :

Confirmer le jugement en ce qu'il a débouté M. [U] de sa demande de rappel de RTT.

Dire et juger que la demande de prime de 13% mois de M. [U] est infondée

Par conséquent:

Confirmer le jugement en ce qu'II a débouté M. [U] de sa demande de prime de 13ème mois.

Dire et juger que la demande de chèques cadeaux de Noël de M. [U] est infondée

Par conséquent

Confirmer le jugement en ce qu'il a débouté M. [U] de sa demande de chèques cadeaux de Noël.

En outre,

Rejeter l'intégralité des demandes de M. [U] ;

A titre reconventionnel,

Condamner M. [U] à 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamner M. [U] aux dépens ».

Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer à leurs écritures susvisées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

A titre liminaire, la cour rappelle qu'en application des dispositions de l'article 954 du code de procédure civile , elle ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et que les « dire et juger» et les «constater» ainsi que les «donner acte» ne sont pas des prétentions en ce que ces demandes ne confèrent pas de droit à la partie qui les requiert hormis les cas prévus par la loi; en conséquence, la cour ne statuera pas sur celles-ci, qui ne sont en réalité que le rappel des moyens invoqués.

Sur le rappel de RTT

Le salarié réclame un rappel de RTT au titre du solde des jours de repos.

La société réplique que l'appelant bénéficie d'une convention de forfait par année civile, soit approximativement un jour de RTT par mois et que l'intégralité de ces jours, soit 13 jours, a été réglée dans le cadre du solde de tout compte ainsi qu'il résulte du bulletin de salaire d'octobre 2015 et du solde de tout compte.

Les dispositions initialement prévues entre la société Sodevic et le salarié par l'avenant au contrat du 5 décembre 2011 transféré entre ce dernier et la société Sodeport, indiquent à l'article 2 «Rémunération - Durée du travail»:

« Le temps de travail est fixé forfaitairement à 210 jours de travail décompté par année civile au prorata du temps de présence sur celle-ci (en neutralisant les absences pour congés payés). Il se traduit actuellement par un nombre de jours de repos au titre de la RTT de 18 jours par année civile au prorata du temps de présence sur celles-ci, y compris les jours fériés pendant lesquelles le salarié pourrait se trouver en repos et les récupérations lorsque ceux-ci sont travaillés ».

La cour constate que le salarié réclame un montant à ce titre sans donner d'explications sur celui-ci. Par ailleurs, le bulletin de salaire du mois de novembre 2015 et le solde de tout compte du 30 novembre 2015, non dénoncé dans le délai de 6 mois, (pièces 39 et 40 intimée) font apparaître le règlement de 13 jours au titre des RTT, de sorte que la cour, par voie de confirmation, rejette cette demande.

Sur le 13e mois et les chèques cadeaux de Noël

La société s'oppose à ces demandes dans la mesure où le salarié a quitté l'entreprise avant la date du versement de la prime du 13e mois, qu'il est prévu la condition de présence effective au 30 novembre pour en bénéficier par les accords de l'UES applicables à la société et qu'il en est de même pour les chèques cadeaux de Noël.

Le paiement de la prime au prorata temporis ne peut résulter que d'une disposition de la convention collective applicable, d'un usage de l'entreprise ou du contrat de travail dont le salarié doit rapporter la preuve.

En l'espèce, l'accord d'entreprise relatif à la mise en place d'une prime de 13e mois entre l'UES, représentée par M. [N] en qualité de gérant et les syndicats FO et CGT du 4 novembre 2013 prévoit en ses articles 1 et 2 :

« les parties s'accordent sur le principe du versement d'une prime dite de 13e mois au profit des salariés positionnés entre le niveau 1 - échelon 2 - niveau V - échelon 1 présent au 30 novembre de l'année concernée et justifiant d'au moins 24 mois d'ancienneté à cette date (...).

La prime dite de 13e mois est allouée en totalité aux employés ( niveau I.2 à III.2 inclus) et à toute la population entre les niveaux III.3 à V.1 présents à l'effectif de l'entreprise au 30 novembre, ayant acquis à cette date les conditions d'ancienneté requise à savoir au moins 24 mois d'ancienneté révolue au 30 novembre 2013 et au 30 novembre de chaque année au-delà ».

Au regard des dispositions prévues par les accords, de la date de rupture du contrat de travail au 26 novembre 2015, il y a lieu de rejeter par voie de confirmation les demandes de ces chefs.

Sur le licenciement

En vertu des dispositions de l'article L.1232-6 du Code du travail, la lettre de licenciement comporte l'énoncé du ou des motifs invoqués par l'employeur ; la motivation de cette lettre fixe les limites du litige. 

En l'espèce, la lettre de licenciement était libellée dans les termes suivants :

« Nous vous avons reçu le 19 novembre 2015 pour un entretien préalable au Iicenciement que nous envisagions de prononcer à votre encontre.

Vous vous êtes présenté à cet entretien, assisté de Madame [G] [M], salariée de l'entreprise, et nous avons donc pu vous exposer les motifs nous amenant à envisager votre licenciement, qui sont les suivants :

Vous occupez le poste de Directeur de la Société, en charge de gérer le Restaurant Mc Donald's situé [Adresse 1].

Nous vous avons remis le 29 août 2015 une délégation de pouvoir et au constat de votre non remise du document signé, nous vous avons adressé un courrier de rappel incluant une nouvelle fois la délégation de pouvoir à signer, le 23 septembre 2015.

Vous ne nous avez donc pas à ce jour remis cette délégation de pouvoir signée. Votre refus injustifié désorganise I'entreprise.

Le dimanche 8 novembre 2015 nous avons remarqué que l'alarme incendie du restaurant était en défaut. Vous avez déclaré à Mr [B], Superviseur, qui vous demandez une explication « cela peut attendre lundi».

Compte tenu du danger potentiel que représente le dysfonctionnement de l'alarme dans le restaurant, Mr [B] a fait intervenir immédiatement la société CS Maintenance qui a constaté que l'alarme ne fonctionnait pas depuis au moins trois semaines d'après l'historique de la centrale et qu'il n'y avait pas de clé de réarmement disponible.

Cette société a donc remis en service l'alarme incendie.

Vous avez donc transgressé les directives élémentaires de sécurité dont vous étiez garant, votre irresponsabilité face à l'absence de sécurité des salariés et des clients constituant un grave manquement.

La société DEKRA a élaboré un rapport de contrôle sur les installations électriques du restaurant le 22 octobre 2015 et a émis plusieurs réserves notamment sur l'état de l'armoire électrique. Vous n'avez pas tenu compte de ces réserves, vous vous êtes plutôt attaché à la forme du mail que vous adressait la société CS Maintenance qui devait intervenir pour lever les réserves (exemple le nettoyage des disjoncteurs du TGBT).

Vous n'avez a aucun moment réagi pour faire le nécessaire et vous employer avec notre responsable maintenance Mr [I] à solutionner ces réserves en lui adressant une liste de tâches à faire.

Nous avons du faire nettoyer les disjoncteurs le jeudi 19 novembre 2015 afin d'être en conformité.

Une nouvelle fois vous n'avez pas daigné appliquer les consignes de sécurité exposant ainsi le personnel à des risques d'origine électriques.

Lors de sa visite dans votre restaurant le 15 octobre 2015, la Directrice des Ressources Humaines Mme [E], a constaté que votre Document Unique d'évaluation des risques n'était pas à jour et vous a demandé d'y remédier sans délai.

Elle vous a adressé à cet effet un courriel le 28 octobre 2015 afin que vous fassiez le nécessaire. Vous n'avez cependant pas mis à jour le document.

Vous ne respectez donc pas les obligations légales que votre fonction vous demande d'appliquer et de faire appliquer et ne faites aucun cas des directives de la DRH.

Mr [B], Superviseur, a réalise un audit sécurité alimentaire dans le cadre du plan HACCP le mercredi 28 octobre 2015 dans le restaurant. Vous aviez été prévenu oralement de ces visites. Il a constaté que les listes contrôle qualité n'étaient pas correctement remplies depuis le mois de juillet 2015 et qu'aucun suivi n'avait été fait de votre part, comme votre fonction de directeur l'exigeait. Vous avez reconnu ce jour là n'avoir fait aucun suivi, notamment sur le double test des viandes les 21, 22 et 23 octobre 2015 comme le prévoit le plan HACCP.

Nous vous avons fait parvenir les résultats le 8 novembre 2015.

Le 21 septembre 2015 Mr [B] Superviseur vous a envoyé par courriel en pièces jointes les rapports de la société SILLIKER des résultats des prélèvements effectués.

Or il est apparu lors de l'audit du 28 octobre 2015 que le classeur des prélèvements et analyses bactériologiques n'était pas mis à jour depuis le mois de juin 2015.

Vous ne contrôlez donc pas régulièrement la bonne application des règles d'hygiène et de sécurité conformément à la réglementation (arrêté du 29 septembre 1997 fixant les conditions d'hygiène applicables dans les établissements de restauration collective à caractère social) dans le restaurant comme vous devriez scrupuleusement le faire, mettant ainsi en danger la santé de nos clients et celle de nos salariés.

Lors de votre rendez vous avec Mr [B] le 21 octobre 2015 pour la remise de fin de mois du mois de septembre (rendez vous formel de présentation des résultats financiers du mois précédent) nous avons constaté qu'il manquait entre autre des ratios de gestion : par exemple le taux de rendement sur le mois de septembre 2015, vous avez donc dû le calculer avec Mr [B]. Ce résultat correspondait à un taux de l.37. Pour rappel , l'écart normatif de l'enseigne McDonald's est à 0.5.

Au vu des résultats financiers catastrophiques il est inquiétant de voir un directeur ne pas se soucier de ses ratios !

Votre ratio de gestion et votre taux de main d'oeuvre de septembre 2015 ne sont pas conformes au budget.

Lors de ce rendez vous nous avons également développé des plans d'action de gestion ensemble que vous deviez formaliser. Nous ne les avons jamais reçus.

Lors de votre envoi de résumé de fin de mois par mail le 1er novembre 2015, vos résultats n'étaient pas calculés.

Lorsque vous avez envoyé les résultats des primes managers le 26 octobre 2015 par courriel, les points correspondant aux analyses bactériologiques étaient erronés.

Vous ne maîtrisez pas la gestion de vos résultats Vous ne communiquez donc pas à votre direction des résultats fiables et selon l'échéance demandée.

Mr [S] Comptable vous a fait le 8 septembre 2015 par mail un rappel de la procédure à suivre concernant les ANCV : « il est impératif de traiter les tickets ANCV maximum tous les 15 jours. »

Or le 10 novembre 2015 Mr [B] Superviseur a trouvé une pochette dans le restaurant avec des tickets restaurant ANCV du 28 septembre au 25 octobre 2015 non expédiés.

Or des faits comparables s'étaient déjà produits : nous avions constaté le 8 septembre 2015 que les tickets restaurant ANCV du 8 juin 2015 au 22 août 2015 n'avaient pas été envoyés pour traitement à la banque.

Nous avons également constaté le 6 novembre 2015 que vous ne faisiez pas valider vos notes de frais restaurant (BPC) par Mr [V] Directeur des opérations avant le 20 de chaque mois comme cela vous a été plusieurs fois rappelé par Mr [S] Comptable (mail du 7 mai et 20 juillet 2015).

Vous ne garantissez donc pas le respect absolu des procédures de sécurité mises en place concernant les manipulations d'argent et autres moyens de paiement.

Le 5 novembre 2015 Mr [B] Superviseur vous adressait un mail qui constatait une erreur

de prix sur un produit nouveau. Vous avez répondu a Mr [B] par mail le même jour « qu'il vous prévienne avant pour que ce genre d'erreur n'arrive plus »

Or il se trouve que vous avez commis la négligence de ne pas lire le guide de campagne qui était à votre disposition ainsi en le lisant, vous auriez pu afficher Ie prix correct.

Non seulement vous manquez de rigueur et de professionnalisme dans la mise en place des nouveaux produits, mais votre réponse témoigne d'un total irrespect envers votre responsable hiérarchique.

De plus, des salariés se sont plaints de votre comportement, et notamment en mars, octobre et novembre 2015. Un salarie nous a notamment informé fin octobre 2015 vous avoir surpris dans le restaurant en train de visionner des images pornographiques.

Une telle attitude est intolérable.

Votre comportement irresponsable et votre insubordination, malgré nos nombreux rappels et notamment la sanction de mise à pied disciplinaire notifiée le 28 juillet 2015 par AR, ont considérablement nuit à la bonne marche de l'entreprise.

Vous avez ainsi exposé dans vos nombreux manquements maintes fois réitérés, la clientèle du restaurant et nos salariés, par conséquent, le restaurant lui-même a un risque très grave de défaut de sécurité.

Les absences de contrôle et la transgression des règles d'hygiène et de sécurité, nous ont mis en grande difficulté pour gérer le restaurant, ses produits et son personnel.

De tels manquements sont intolérables.

Cette attitude particulièrement préjudiciable à l'entreprise rend votre maintien dans cette dernière impossible. Vos arguments n'ont pas modifié notre appréciation des faits et nous avons donc pris la décision de vous licencier, pour faute grave, caractérisé par les nombreux manquements professionnels relatés ci-dessus dont vous portez l'entière responsabilité, qui ont mis en péril notre société et ont porté préjudice à notre société ».

Le salarié conteste les griefs reprochés et fait valoir concernant la délégation de pouvoir que cette dernière s'inscrivait dans le cadre d'une modification de son contrat de travail et qu'il n'avait pas refusé de la signer ayant sollicité M. [N] représentant l'employeur afin d'obtenir des explications.

Pour le dysfonctionnement de l'alarme du restaurant, il explique qu'il a envisagé de faire intervenir un prestataire le lundi matin afin de respecter les instructions consistant à minimiser les coûts et conteste l'affirmation selon laquelle le système d'alarme aurait été en défaut depuis trois semaines.

Il souligne que le rapport de contrôle du mois d'octobre 2015 ne comporte aucune mention relative au nettoyage des disjoncteurs et qu'il attendait de l'électricien qu'il l'informe préalablement de sa visite afin de s'organiser pour effectuer ensemble un contrôle.

S'agissant du document unique d'évaluation des risques, il précise que ce dernier était en cours de mise à jour, le document n'ayant pu être fourni en raison de la nécessité de préparer des documents retraçant l'activité du mois écoulé et l'organisation d'une convention par l'employeur à [Localité 4].

Concernant le double test des viandes et des analyses bactériologiques, il relève que si les fiches de contrôle n'étaient pas remplies, les contrôles étaient effectués et l'ensemble des résultats était imprimé et disponible.

Le salarié ne conteste pas les écarts de gestion estimant que les prévisions de budget n'étaient pas réalisables, ce que selon lui l'employeur a pu constater à différentes reprises Il rappelle que le restaurant était placé sous l'autorité de M. [B].

Il indique que l'envoi en fin de mois des chèques vacances tickets restaurant ANCV était réalisé par l'assistante administrative et que cela ne lui avait jamais été reproché.

Le salarié reconnaît avoir commis une erreur dans la détermination du prix d'un produit, mais souligne que celle-ci a été corrigée immédiatement dès le 5 novembre 2015, sans que la réponse au mail de M. [B] ne présente un caractère irrespectueux.

Concernant la plainte du mois de mars 2015 d'un salarié relative à des tâches de nettoyage sur le trottoir du restaurant, il explique en avoir référé à sa direction et concernant les plaintes du mois de novembre 2015, il n'en a jamais été informé, ayant seulement travaillé trois jours au cours du mois de novembre 2015 compte tenu de l'organisation d'une convention [Localité 4] et de la mise à pied conservatoire dès le 10 novembre 2015. Il conteste fermement avoir visionné des images pornographiques.

Il produit notamment les pièces suivantes :

- le témoignage de Mme [R] attestant que M. [U] à a eu une attitude exemplaire durant les deux années où elle a appris le métier d'équipière polyvalente. (Pièce 12)

- le témoignage de Mme [M] attestant que M .[U] « restera à ses yeux un directeur hors-pair, exceptionnel (...) qui se soucie de sa société et de ses clients mais encore des gens qui travaillent pour lui (managers, secrétaires et équipiers). Il nous a donné l'autonomie et l'indépendance nécessaire pour travailler du mieux possible. (...) ». (Pièce 13).

- le témoignage de Mme [C] indiquant «[P] était un directeur proche de tous, avec lui il y avait une équipe soudée qui travaille tout en transparence. [P] n'était pas le directeur qui vous fait comprendre qu'il est le 'boss' et vous des 'petits objets' comme bon nombre de personnes qui se trouvent au-dessus de vous dans la hiérarchie (..) Il savait se rendre disponible, pas besoin d'un rendez-vous pour lui parler, toujours à l'écoute(...) ». (Pièce15)

- les témoignages de M. [X], Mme [IG], M. [Y], M. [O], Mme [J], Mme [W], Mme [L], Mme [A], Mme [XB] que M. [U] était une personne exemplaire avec ses équipiers, disponible, à l'écoute et investi dans son travail et qui a toujours pris son travail au sérieux (pièce 16 à 24).

L'employeur fait valoir que la société Soport, reprise par M. [N] le 1er avril 2015, est intégrée à une UES composée de 7 sociétés, chacune exploitant un restaurant à l'enseigne McDonald et que chaque directeur de restaurant bénéficie d'une délégation de pouvoir que le salarié a refusé de signer, ce dernier n'ayant jamais demandé d'explications complémentaires à M. [N].

Il indique que le salarié n'a pas vérifié le fonctionnement de l'alarme incendie pendant 3 semaines et que la clé de réarmement était absente, qu'il n'a pas fait réparer les installations électriques dont les disjoncteurs et l'armoire électrique et qu'elle a du faire intervenir la société CS Maintenance pour le faire, qu'il n'a pas établi le document unique d'évaluation des risques malgré une relance du service RH le 28 octobre 2015.

L'employeur précise que le salarié n'a pas veillé à l'application du plan HACCP (Hazard Analysus Control Point) permettant d'assurer l'hygiène des aliments, ni mis à jour le classeur des prélèvements et analyses bactériologiques depuis le mois de juin, ce qui peut entraîner des sanctions civiles pénales et administratives ainsi que la fermeture du restaurant, la responsabilité des dirigeants pouvant être engagée d'autant que M. [U] a refusé de régulariser sa délégation de pouvoir.

Enfin, l'employeur souligne que l'appelant n'a pas communiqué les résultats d'exploitation hebdomadaire, n'a pas traité les ANCV depuis le mois de juin 2015 et n'a pas respecté le prix des produits, ce qu'il a reconnu.

La société produit notamment les éléments suivants :

- le courrier de la société Sodeport à M. [U] concernant la délégation de pouvoir « vous exercez la fonction de directeur de restaurant au son de notre société et à ce titre, vous êtes le garant du respect de la législation sociale envers l'ensemble des salariés affectés sur le restaurant ainsi que du respect des règles hygiène et sécurité. L'annexe à votre contrat de travail du 5 décembre 2011 stipule clairement les responsabilités indissociables de votre fonction les pouvoirs dont vous disposez pour mener à bien votre mission.(..) Nous vous avons remis le 29 août 2015 et comme à tous les directeurs de restaurant une délégation de pouvoir à nous retourner signer. Nous constatons qu'à ce jour vous ne nous avez pas retourné ce document. (...) (Pièce 12)

- le témoignage du 1er mars 2017 de M. [B], superviseur attestant « le dimanche 8 novembre 2015 aux alentours de 19 heures je me suis rendu dans le restaurant du [Localité 5] dont [P] [U] était le directeur (...) lors de ce tour de restaurant j'ai été extrêmement choqué de voir que l'alarme incendie était en défaut. J'ai donc demandé à M. [U] le directeur ce qu'il en était, celui-ci m'a répondu : « ça peut attendre lundi », j'ai donc fait appel directement à la société CS Maintenance pour qu'elle vienne contrôler cette alarme car celle-ci doit nous permettre de faire évacuer l'ensemble des clients et des salariés en cas d'incendie (...) ». (pièce 36)

- une photo de l'alarme incendie et de la clé de réarmement (pièce15 et 16)

- l'attestation du 17 janvier 2017 de M. [F], manager, qui indique « vers 19 heures, le superviseur [K] [B] est venu dans le restaurant et a constaté que l'alarme incendie était en défaut. Il l'a signalé à mon directeur [P] [U] qui était présent, celui-ci a rétorqué 'ça peut attendre lundi'. M. [B] a alors immédiatement appelé la société de maintenance de l'alarme qui est intervenue dans la soirée. Embauché en août 2015, je peux attester qu'en travaillant sur les shifts du soir principalement que j'ai rarement vu M. [U] directeur au restaurant et ce jusqu'à son départ de l'entreprise ». ( pièce 17)

- le rapport d'intervention de la société CS Maintenance mentionnant l'intervention le 8 et 9 novembre 2015 « suite à la demande d'intervention pour une panne SSI réparation déclencheur manuelle OK (...) ». (pièce 18)

- l'e-mail de la société CS Maintenance gérant l'alarme « Nous vous rappelons que pendant ces trois semaines le système d'alerte incendie était HS et que les déclencheurs manuels entrée cuisine étaient inactifs durant tout ce temps, donc depuis trois semaines l'évacuation en cas de problème majeur sur ce site aurait tout simplement été impossible. Nous, CS maintenance, service SAV de McDonald, n'étions pas au courant de ce problème de sécurité jusqu'à ce jour et, de fait, nous déclinons toute responsabilité. Nous insistons sur le fait que le système d'alarme de sécurité incendie doit être contrôlé en interne au minimum une fois par jour pour éviter ce problème de sécurité grave qui nuit à la sécurité des personnes publiques du personnel dans ce restaurant (...) » (pièce14)

- le rapport de contrôle de la société DEKRA sur les installations électriques du restaurant (pièce 37)

- le rapport d'intervention de la société CS Maintenance intervenue le 19 novembre 2015 « suite à la demande d'intervention, nettoyage TGBT -OK, contrôle borne, contrôle vigie + terre essai et vérification OK » et la facture correspondante pour un montant de 312 € (pièce 19 et 20)

- l'e-mail du 28 octobre 2015 de la DRH, Mme [E] « Je te fais un retour sur ma visite du 15 octobre 2015 dans ton restaurant(...)le DUER est à mettre à jour(...) C'est une priorité ». (pièce21)

- le plan HACCP, procédure prévoyant les tests de cuisson des viandes et des Filets de poissons, l'audit sécurité alimentaire mentionnant « que le classeur n'est pas à jour depuis juin » et indiquant « le niveau de l'audit est insatisfaisant. » (pièces 22, 25 et 35 )

- les e-mails du 5 et 18 novembre 2015 de M. [B] sur les prix des nouveaux muffins : « dans le cadre de la plate-forme P'tits plaisirs de nouveaux muffins ont été lancé cette semaine (...) ses publicités communiquent sur un prix de deux euros qui a été approuvé par un vote des opérateurs les engageant à ne pas dépasser ce montant. La différence entre le prix communiqué publiquement et le prix pratiqué est illégal au titre du code de la consommation. Je te remercie par avance de faire le nécessaire pour le repositionnement des produits ». Et la réponse du salarié : « je fais faire le changement immédiatement. Mais à l'avenir merci de nous prévenir avant afin que ce genre d'erreur n'arrive plus » et la réponse de M. [B] étant « ceux ci rentre dans la gamme des petits prix, c'est une campagne nationale et obligatoire. Il te suffisait juste de lire jusqu'au bout le guide de campagne et de mettre en application les consignes comme l'ont fait la majorité des directeurs, il y a des prérogatives qui t'incombent en tant que directeur et celle-ci ,bien sûr, en fait partie (...)» (pièce 34)

- la plainte le 26 octobre 2015 du salarié M. [D] concernant le comportement du directeur à son égard et le visionnage des images pornographiques : « (pièce 24)

- l'e-mail du 8 septembre 2015 [Z] [S] adressé à [T] [H] et [P] [U] « [P], il est impératif de traiter envoyer les ANCV maximum tous les 15 jours au vu des montants et surtout de faire attention que le bordereau comporte le bon numéro de convention (...) ». pièce26)

La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise même pendant la durée du préavis.

L'employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit en rapporter la preuve.

Les dispositions contractuelles applicables aux contrats de M. [U] prévoient que « le directeur de restaurant est responsable du respect et de la bonne application de toutes les règles d'hygiène et de sécurité définies dans le manuel d'exploitation et de formation, le guide de la qualité, le plan HACCP du manuel de sécurité alimentaire. Il doit maintenir les coûts contrôlables sur chaque poste du compte de résultat dans la limite du budget, vérifier tous les rapports mensuels du restaurant pour s'assurer de leur précision et les soumettre aux conseillers. Il projette les ventes annuelles et le plan des bénéfices et gère l'inventaire des actifs. »

La cour constate que les témoignages produits par l'appelant concernent essentiellement la personnalité du directeur et ne contredisent pas les griefs invoqués par la société. De même, les arguments développés par ce dernier ne justifient pas les manquements constatés.

En effet, les pièces produites aux débats par la société établissent que le salarié, qui a refusé de signer la délégation de compétence afférente à ses attributions et qui reconnaît en grande partie les griefs reprochés, a commis des infractions et transgressions graves aux règles de sécurité et d'hygiène mettant en danger le personnel et les clients de l'établissement ainsi que des manquements aux règles de procédure et de gestion de la société.

Les fautes avérées constituaient une violation des obligations du contrat de travail d'une importance telle qu'elle rendait impossible le maintien du salarié dans l'entreprise, justifiant la mise à pied et le licenciement pour faute grave.

Le jugement entrepris doit donc être confirmé en ce qu'il a dit bien fondé le licenciement pour faute grave et rejeté les demandes subséquentes de rappel de mise à pied conservatoire, d'indemnité compensatrice de préavis et de congés payés sur préavis, d'indemnité conventionnelle de licenciement et de délivrance de documents sociaux.

Sur le préjudice moral

Le salarié soutient qu'il a mal vécu la rupture de la relation de travail prononcé en considération d'une prétendue faute grave.

Il n'est pas démontré des circonstances vexatoires ni de préjudice distinct de celui résultant de la rupture, susceptible d'indemnisation.

La demande de ce chef doit, par voie de confirmation, être rejetée.

Sur les frais et dépens

L'appelant qui succombe doit s'acquitter des dépens, être débouté de sa demande faite en application de l'article 700 du code de procédure civile, et à ce titre, condamné à payer à la société la somme supplémentaire de 1 000 euros .

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, en matière prud'homale,

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

Condamne M. [P] [U] à payer à la société Sodeport la somme de 1 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile

Condamne M. [U] aux dépens d'appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-3
Numéro d'arrêt : 19/01129
Date de la décision : 07/04/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-04-07;19.01129 ?
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