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07/04/2023 | FRANCE | N°19/00547

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-3, 07 avril 2023, 19/00547


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-3



ARRÊT AU FOND



DU 07 AVRIL 2023



N° 2023/ 63



RG 19/00547

N° Portalis DBVB-V-B7D-BDTNO







[Z] [U]





C/



[F] [P]

[F] [N]

SAS MAIN SECURITE

Association CGEA DE [Localité 7]















Copie exécutoire délivrée

le 07 Avril 2023 à :



Me Sophie ROBERT, avocat au barreau de MARSEILLE



Me Juliette HUA, avocat

au barreau de MARSEILLE



Me Karine GRAVIER, avocat au barreau de MARSEILLE



Me Stéphanie BESSET-LE CESNE, avocat au barreau de MARSEILLE











Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de MARSEILLE en da...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-3

ARRÊT AU FOND

DU 07 AVRIL 2023

N° 2023/ 63

RG 19/00547

N° Portalis DBVB-V-B7D-BDTNO

[Z] [U]

C/

[F] [P]

[F] [N]

SAS MAIN SECURITE

Association CGEA DE [Localité 7]

Copie exécutoire délivrée

le 07 Avril 2023 à :

Me Sophie ROBERT, avocat au barreau de MARSEILLE

Me Juliette HUA, avocat au barreau de MARSEILLE

Me Karine GRAVIER, avocat au barreau de MARSEILLE

Me Stéphanie BESSET-LE CESNE, avocat au barreau de MARSEILLE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de MARSEILLE en date du 19 Décembre 2018 enregistré au répertoire général sous le n° 16/00790.

APPELANT

Monsieur [Z] [U]

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2019/3692 du 29/03/2019 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de AIX-EN-PROVENCE), demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Juliette HUA de l'AARPI OLLIER JEAN MICHEL & ASSOCIES, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMES

Maître [F] [P], Liquidateur judiciaire de la Société ISOPRO SECURITE PRIVEE PHOCEENNE, demeurant [Localité 6] METROPOLE - Bât. E [Adresse 4]

représenté par Me Sophie ROBERT, avocat au barreau de MARSEILLE

Maître [F] [N], Administrateur judiciaire de la Société ISOPRO SECURITE PRIVEE PHOCEENNE, demeurant [Adresse 3]

Défaillant

SAS MAIN SECURITE, demeurant [Adresse 5]

représentée par Me Karine GRAVIER, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Lucile RINGENBACH, avocat au barreau de MARSEILLE

Association CGEA DE [Localité 7], demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Stéphanie BESSET-LE CESNE de la SELARL BLCA AVOCATS, avocat au barreau de MARSEILLE substituée par Me Julie GRIMA, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 24 Janvier 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Isabelle MARTI, Président de Chambre suppléant, chargée du rapport, qui a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre

Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller faisant fonction de Président

Madame Isabelle MARTI, Président de Chambre suppléant

Greffier lors des débats : Mme Agnès BAYLE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 24 Mars 2023, délibéré prorogé en raison de la survenance d'une difficulté dans la mise en oeuvre de la décision au 07 Avril 2023.

ARRÊT

CONTRADICTOIRE

Prononcé par mise à disposition au greffe le 07 Avril 2023

Signé par Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre et Madame Florence ALLEMANN-FAGNI, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

* * *

FAITS ET PROCÉDURE

M. [Z] [U] était engagé par la société Euro Sécurité Privée à compter du 26 septembre 2006 en qualité d'agent de sécurité par contrat à durée déterminée poursuivi le 1er janvier 2007 en contrat de travail à durée indéterminée à temps plein.

Suite à plusieurs changements de prestataire sur le site de la régie des transports marseillais (dite RTM) et du transfert corrélatif du contrat de travail du salarié, la société Isopro reprenait par avenant du 28 décembre 2011 le contrat de travail du salarié en tant qu'agent de sécurité cynophile positionné agent d'exploitation niveau 3, échelon 3, coefficient 150 puis à compter du 1er janvier 2014 la société Isopro Sécurité Privée Phocéenne reprenait dans son intégralité le contrat de travail du salarié.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale des entreprises de prévention sécurité.

Le 3 juin 2015, le tribunal de commerce de Marseille prononçait l'ouverture de la liquidation judiciaire de la société Isopro Sécurité Privée Phocéenne avec la désignation de Maître [F] [P] en qualité de liquidateur.

Par jugement du 28 octobre 2015, le tribunal de commerce homologuait un plan de cession partielle de la société Isopro Sécurité Privée Phocéenne au profit de la société Vadi Sécurité privée concernant les marchés Soléam et Caisse de prévoyance et de retraite des salariés de la SNCF et ordonnait le licenciement du personnel non repris soit 178 salariés dont 104 agents de sécurité et 39 agents cynophiles.

Le plan de sauvegarde de l'emploi était homologué par la Direccte le 10 novembre 2015.

La société Main sécurité s'étant vue attribuer le marché de prévention et de sécurité de la RTM à compter du 4 décembre 2015, le salarié recevait le 26 novembre 2015 un courrier de l'administrateur judiciaire Me [N] et du mandataire judiciaire Me [P] l'informant de ce qu'il ne remplissait pas les conditions de reprise ainsi que la notification son licenciement pour motif économique avec impossibilité de reclassement.

Contestant la légitimité de la mesure de licenciement prise à son encontre M. [U] saisissait le 31 mars 2016 le conseil de prud'hommes de Marseille.

Par jugement du 19 décembre 2018, le conseil de prud'hommes, dans sa formation de départage a statué comme suit :

« Déclare le présent jugement commun et opposable à Me [P], en sa qualité de mandataire liquidateur de la Société Isopro Sécurité Privée Phocéenne, ainsi qu'au CGEA-AGS des Bouches-du-Rhône,

Met hors de cause Me [N], administrateur judiciaire de la société Isopro Sécurité Privée Phocéenne,

Dit que le licenciement de [Z] [U] repose sur une cause réelle et sérieuse,

Constate que la société Isopro Sécurité Privée Phocéenne n'a pas versé à [Z] [U] l'intégralité de la somme due au titre de l'indemnité de licenciement

Fixe de ce chef au passif de la société Isopro Sécurite Privée Phocéenne au profit de [Z] [U] la somme de 139,80 € à titre de rappel de l'indemnité de licenciement,

Enjoint Me [P], ès qualité :

- de remettre au salarié un bulletin de salaire récapitulatif des sommes allouées, une attestationPôle Emploi, un certificat de travail et un solde de tout compte rectifié conformément à la présente procédure,

- de régulariser la situation du salarié auprès des organismes sociaux,

Dit n'y avoir lieu à assortir cette remise d'une astreinte,

Rappelle que la décision d'ouverture de la procédure collective en date du 03 juin 2015 a opéré arrêt des intérêts légaux et conventionnels,

Dit n'y avoir lieu à exécution provisoire des dispositions du présent jugement qui ne sont pas de plein droit exécutoires par provision,

Condamne la société Isopro Sécurité Privée Phocéenne à payer à [Z] [U] la somme de 500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Dit que le CGEA doit, à titre subsidiaire, sa garantie pour ces sommes dans les termes des articles L.3253~8 et suivants du code du travail, et que cet organisme ne devra faire l'avance de la somme représentant les créances garanties que sur présentation d'un relevé par le rnandataire judiciaire et justification par celui-ci de l'absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à son paiement,

Dit que le CGEA devra garantir les sommes allouées, hormis celles allouées au titre de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens, et ce dans les limites de ses plafonds de garantie et sous déduction des sommes qu'il aurait été appelé à avancer,

Rejette toute autre demande,

Dit que les dépens de l'instance sont inscrits au passif de la société Sécurité Privée Phocéenne.»

Par acte du 11 janvier 2019, le conseil de M. [U] a interjeté appel de cette décision.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Aux termes de ses dernières conclusions communiquées au greffe par voie électronique le 1er juin 2022, M.[U] demande à la cour de :

«Infirmer le jugement du Conseil de prud'hommes en ce qu'il a considéré que le licenciement de M. [Z] [U] reposait sur une cause réelle et sérieuse

À titre principal :

Dire et juger que la Société Isopro Sécurité Privée Phocéenne a manqué à ses obligations prescrites par l'accord du 5 mars 2002 modifié par l'avenant du 28 janvier 2011 en ne mettant pas son salarié en situation d'être transféré à la Société entrante, Main Sécurité;

Dire et juger que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse dans la mesure où la Société entrante a refusé le transfert du contrat de travail de M. [Z] [U] du fait de l'attitude fautive de la société sortante

Dire et juger que la Société Isopro Sécurité Privée Phocéenne a violé son obligation de reclassement ;

Dire et juger que le salarié a subi un préjudice ;

Fixer au passif de la Société Isopro Sécurité Privée Phocéenne la somme de 37.494 € au titre de la réparation du préjudice subi par M. [Z] [U] à raison du licenciement dépourvu de toute cause réelle et sérieuse

Fixer au passif de la Société Isopro Sécurité Privée Phocéenne la somme de 278 € au titre du reliquat de l'indemnité de licenciement.

Assortir l'ensemble des condamnations prononcées de l'intérêt au taux légal ;

Condamner Maître [F] [P], ès qualité de liquidateur de la Société Isopro Sécurité Privée Phocéenne à délivrer sous astreinte de 100 euros par jour de retard dans le mois suivant la notification de la décision

L'attestation Assedic conforme au jugement à intervenir

Le certificat de travail conforme au jugement à intervenir

Le solde de tout compte conforme au jugement à intervenir

À titre subsidiaire :

Constater que M. [Z] [U] remplissait toutes les conditions posées par l'accord du 5 mars 2002 modifié par l'Avenant du 28 janvier 2011 ;

Dire et juger que la Société Main Sécurité a manqué à son obligation de reprise du contrat de travail du salarié de manière fautive ;

En conséquence,

Condamner la Société Main Sécurité au paiement de la somme de 37.494 € au titre de la réparation du préjudice subi par M. [Z] [U] du fait du prononcé de son licenciement en l'absence de transfert de son contrat de travail.

Condamner solidairement la Société Isopro Sécurité Privée Phocéenne et la Société Main Sécurité au paiement de la somme de 2.000 € au titre de l'article 700 code de procédure civile;

Condamner solidairement la Société Isopro Sécurité Privée Phocéenne et la Société Main Sécurité aux entiers dépens d'instance. »

Dans ses dernières écritures communiquées par voie électronique au greffe le 12 juin 2019, la société Main Sécurité demande à la cour de :

«Confirmer le jugement de départage rendu le 19 décembre 2018 par le Conseil de Prud'hommes de Marseille ;

Et, Statuant à nouveau :

Constater que faute pour la Société Isopro d'avoir transmis les documents du chien de M.[U] à jour, la Société Main Sécurité pouvait valablement refuser son transfert, sans qu'aucune violation conventionnelle ne puisse être retenue de sa part ;

Constater qu'en toute hypothèse, la Société Main Sécurité était dans l'impossibilité de reprendre M. [U], les documents du chien à jour étant essentiels à l'exercice des fonctions d'agent de sécurité cynophile ;

Dire et juger que la Société Main Sécurité a donc parfaitement respecté ses obligations en matière de reprise du personnel ;

Par conséquent :

Constater l'absence de lien contractuel entre la Société Main Sécurité et M. [U] et Prononcer en conséquence la Mise Hors de Cause de la Société Main Sécurité ;

Débouter M.[U] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions formulées à l'encontre de la Société Main Sécurité ;

Condamner M.[U] à verser à la Société Main Sécurité la somme de 3.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile ».

Dans ses dernières écritures communiquées par voie électronique au greffe le 5 juillet 2019, Me [P], es qualité de mandataire liquidateur de la société Isopro sécurité Privée Phocéenne demande à la cour de :

« Confirmer en ses dispositions le jugement rendu par le juge départiteur le 19 décembre 2018

Débouter M. [U] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;

Et en conséquence,

Dire et juger les demandes de condamnations solidaires de la société Isopro Sécurité Privée Phocéenne, représentée par son mandataire et son liquidateur, irrecevables,

Dire et juger les demandes au titre des intérêts au taux légal et de leur capitalisation irrecevables

Dire et juger que le licenciement de M. [U] repose sur une cause réelle et sérieuse

Constater que la DIRECCTE s'est assurée du respect de l'obligation de reclassement

Dire et juger que l'obligation de reclassement a été respectée

Dire et juger irrecevables les demandes de M. [U]

Dire et juger infondé les demandes de M. [U]

Fixer au passif de la société Isopro Sécurité Privée Phocéenne la créance relative au solde de l'indemnité de licenciement à la somme de 139,80 €

Statuer ce que de droit sur les dépens ».

Dans ses dernières écritures communiquées par voie électronique au greffe le 10 janvier 2023, l'Unédic délégation AGS/CGEA demande à la cour de :

« Donner acte au concluant de ce qu'il s'en rapporte sur le fond à l'argumentation développée par l'employeur de M.[U] représenté pas son mandataire judiciaire,

Confirmer le Jugement attaqué,

En tout état rejeter les demandes infondées et injustifiées et ramener à de plus juste proportions les indemnités susceptibles d'être allouées au salarié,

Dire et juger que la décision à intervenir ne pourra que prononcer une fixation au passif de la procédure collective en vertu de l'article L.622-21 du code de commerce, et dire et juger qu'il sera fait application des dispositions légales relatives :

- Aux plafonds de garanties (articles L 3253-17 et D 3253-5 du code du travail) qui incluent les cotisations et contributions sociales et salariales,

- À la procédure applicable aux avances faite par l'AGS (l'article L 3253-20 du code du travail),

- Aux créances garanties en fonction de la date de leurs naissances (Article L 3253-8 du code du travail) - À la position de la Cour de Cassation concernant les sommes non garanties et visées dans les motifs.

Déclarer inopposable à l'AGS CGEA les sommes allouées au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Déclare inopposable à l'AGS CGEA l'éventuelle condamnation sous astreinte,

Dire et juger que le jugement d'ouverture de la procédure collective a arrêté le cours des intérêts légaux et conventionnels. »

Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer à leurs écritures susvisées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

A titre liminaire, la cour rappelle qu'en application des dispositions de l'article 954 du code de procédure civile , elle ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et que les « dire et juger» et les «constater» ainsi que les «donner acte» ne sont pas des prétentions en ce que ces demandes ne confèrent pas de droit à la partie qui les requiert hormis les cas prévus par la loi; en conséquence, la cour ne statuera pas sur celles-ci, qui ne sont en réalité que le rappel des moyens invoqués.

Par ailleurs, la cour relève que l'appelant ne remet pas en cause le jugement en ce qu'il a mis hors de cause Me [N], administrateur judiciaire de la société Isotropro Sécurité Privée Phocéenne, cette dernière demandant la confirmation du jugement sur ce point, de sorte que la cour n'est pas saisie de ce chef.

Sur le transfert du contrat de travail

Le salarié revendique le statut d'agent de sécurité et non d'agent cynophile dans la mesure où son chien a été déclaré inapte à continuer son travail et soutient que la société Isopro Sécurité Privée Phocéenne doit être déclarée responsable puisqu'elle ne l'a pas placé en situation d'être transféré à l'entreprise entrante, ce qui a conduit à son licenciement.

Il explique que son dossier personnel ne pouvait pas contenir des papiers de vaccination d'un chien qui n'était plus en activité depuis plusieurs années et que la société Isopro Sécurité Privée Phocéenne n'a pas estimé utile d'informer la société entrante Main Sécurité du fait qu'il exerçait en qualité d'agent de sécurité.

Il précise que la prime ne saurait être considérée comme un élément permettant de prouver qu'il était toujours agent cynophile en 2015 et que la carte professionnelle n'est en aucun cas un élément suffisant pour caractériser les fonctions effectives d'agent cynophile.

Il estime que l'avis de la médecine du travail du 16 novembre 2015 fait mention de l'aptitude du salarié au poste d'agent sécurité et non d'agent cynophile et que la charge de la preuve du poste occupé ne saurait lui incomber. Il indique que la société Isopro ne s'est jamais rapprochée de lui pour obtenir des éléments.

Il prétend enfin que la société Main Sécurité qui ne l'a jamais reçu en entretien a commis une faute puisqueles dispositions de l'article 2.2 de l'avenant du 28 janvier 2011 à l'accord du 5 mars 2002 relatif à la reprise du personnel ne prévoit aucun moment l'obligation pour les agents cynopiles de fournir le carnet de vaccination de leur chien et que dans ces conditions la société entrante ne pouvait refuser le transfert du salarié pour ce seul motif.

Le salarié produit notamment les pièces suivantes :

- le certificat de la clinique vétérinaire du 15 novembre 2012 déclarant le chien de travail du salarié (le berger allemand Salto sous le numéro 2DYA250) inapte au travail, le dit certificat ayant été transmis le 16 novembre 2012 à la société Ispro Sécurité Privée. (pièce 19) ,

- le témoignage de M. [C] [W] attestant que «M. [U] a signalé à Isopro sécurité qu'il travaillait sans son chien et malgré cela Isopro sécurité a continué à lui payer le salaire d'un agent cynophile et avoir constaté à compter de 2012 jusqu'à son licenciement que ce dernier avait cessé de travailler avec son chien». (pièce 27)

- le courrier du conseil du salarié sollicitant de la commission interrégionale d'agrément et de contrôle sud, la copie du dossier rempli par ce dernier pour obtenir le renouvellement de sa carte professionnelle (pièce 23).

Le mandataire liquidateur de la société Ispro Sécurité Privée Phocéenne fait valoir que les dispositions de l'article L.1224-1 du code du travail n'ont pas vocation à s'appliquer, la situation ne constituant pas le transfert d'une entité économique autonome.

Il indique que les dispositions conventionnelles ont été respectées tant par la société que par la société Main sécurité dans la mesure où le refus de transfert tenait au fait que le passeport canin avec les vaccinations à jour ne figuraient pas dans le dossier du salarié, que ce dernier ne justifiait pas que son chien était en règle avec la législation et que la société ne pouvait pas transmettre des documents qui n'étaient pas en sa possession.

Il souligne que Me [N] n'avait pas d'autre choix au vu du dossier en sa possession et du refus manifesté par la société entrante que de le considérer comme salarié de la société Isopro et de licencier, le reclassement n'étant pas possible aux termes de la décision administrative définitive du 10 novembre 2015 de la Direccte.

Il rappelle enfin que la procédure collective interdit toute condamnation et que la fixation d'une créance au passif d'une société en procédure collective est nécessairement exclusive de toute solidarité.

Le mandataire liquidateur produit notamment les pièces suivantes :

- les jugements du tribunal de commerce de Marseille des 3 juin ,10 juin et 28 octobre 2015 (pièces 1-2-10)

- la décision d'homologation du plan de sauvegarde de l'emploi (pièce 11 )

- la lettre de licenciement du 26 novembre 2015 (pièce 12)

- l'extrait du plan de sauvegarde de l'emploi (pièce 20).

La société Main Sécurité rappelle que le transfert de salarié n'est pas de de plein droit et qu'elle a parfaitement respecté ses obligations en matière de reprise des salariés conformément à l'avenant du 28 janvier 2011.

Elle indique que si la société sortante ne défère pas à sa mise en demeure d'adresser sous 48 heures les pièces manquantes du dossier individuel du salarié, aucune reprise n'est envisageable, que le dossier de M. [U] étant incomplet à défaut de communication du passeport canin avec vaccination à jour, elle était fondée à refuser la reprise de son contrat de travail et qu'en l'absence de transfert M. [U] n'a jamais été salarié de la société et qu'elle doit être mise hors de cause.

Elle soutient également qu'il appartient au salarié de rapporter la preuve que l'absence de communication des documents du chien à jour n'est pas de nature à rendre impossible son transfert et qu'elle n'a pas à démontrer que le manquement la mettait dans l'impossibilité d'organiser la reprise effective du salarié, le seul manquement de la société sortante étant suffisant pour légitimer le refus de transfert.

Elle souligne que les documents du chien sont indiscutablement nécessaires à l'exercice de l'emploi d'agent cynophile d'autant que le chien étant considéré comme une arme par destination ainsi que l'a considéré le SNES, il est nécessaire que la réglementation applicable au chien soit respectée pour des raisons de sécurité évidente, l'absence totale de documents concernant le chien du salarié ne permettant pas à la société de savoir quel type de chien le demandeur était détenteur, une attestation d'aptitude ainsi qu'un permis de détention étant nécessaire pour toute personne détentrice d'un chien dangereux de 1ère ou 2ème catégorie.

Elle soutient que l'ensemble des éléments fait clairement ressortir le statut d'agent cynophile de l'appelant et que les éléments en possession du liquidateur judiciaire de l'entreprise Isopro ne permettaient pas de l'informer d'un statut d'agent de surveillance humaine du salarié. Elle souligne enfin que les agents cynophiles convoqués étaient ceux qui disposaient d'un dossier d'ores et déjà complet, l'objet de leur convocation étant de vérifier la correspondance de leur chien avec celui figurant sur leur carte professionnelle.

Elle produit notamment les éléments suivants :

- l'annexe I.3 sur l'accord du 1er décembre 2006 relatif aux qualifications professionnelles et l'annexeI.3 sur l'accord du 26 septembre 2016 (pièce 13)

- le courrier reprises du marché RTM du 1er octobre 2015 et la réponse de l'administrateur judiciaire du 6 octobre 2015 (pièces 5 et 7)

- les courriers avec mise en demeure « complément de dossier » du 12 -16 - 23 octobre 2015 adressés à l'administrateur judiciaire Me [N] (pièces 9/10/11)

- le dossier de M. [U] comprenant sa fiche d'agent, sa fiche d'aptitudes médicale, la décision de la commission interrégionale d'agrément et de contrôle sud octroyant la carte professionnelle au salarié le 12 août 2015, les bulletins de paie du 1er novembre 2014 au 1er juillet 2015, les plannings du salarié (pièce 8)

- le formulaire de demande de renouvellement de carte professionnelle (pièce 21)

- à titre d'information :l'avis du comité de conciliation du 20 janvier 2016 (SNES)concernant le litige entre deux sociétés la société sortante BSL titulaire du marché et la société entrante Main Sécurité, nouveau titulaire du marché sur l'application de l'avenant du 28 janvier 2011 à l'accord du 5 mars 2002 relative à la reprise du personnel, (...) pour défaut de formation SST et et non justification du carnet de santé du chien à jour des vaccins « estimant que le chien est potentiellement une arme par destination et un être vivant représentant un danger susceptible de mettre en cause non seulement la responsabilité de l'agent lui-même mais aussi celle de son employeur a considéré que la justification du carnet de santé à jour des vaccins professionnellement est indispensables et que l'absence de ce carnet à jour dans le cadre des documents à produire par la société sortante(BSL) à la société entrante rendait légitime le refus de prise par Main sécurité des contrats de travail de(...) » ( pièce 14).

L'AGS CGEA s'en rapporte à la position de l'employeur et fait sienne son argumentation.

La charge de la preuve du statut revendiqué pèse sur le salarié et se détermine par les fonctions réellement exercées.

La cour constate à titre liminaire que si le salarié a déclaré l'arrêt d'activité de son chien à la société Isopro sécurité comme l'atteste le certificat vétérinaire de 2012, il n'a cependant pas signalé la situation le 1er janvier 2014 à la société Isopro Sécurité Privée Phocéenne lors de la reprise de son contrat de travail en tant qu'agent cynophile. Le témoignage de M. [C] [W] confirme seulement que la société Isopro Sécurité qui n'est pas la société concernée était informée de ce que le salarié avait cessé de travailler avec son chien.

Il résulte par ailleurs des éléments produits que le salarié continué à travailler sous le statut d'agent cynophile lors de l'exécution de son contrat de travail avec la société Isopro Sécurité Privée Phocéenne sans signaler de modification de son statut.

En effet, les plannings du salarié du 1er décembre 2014 au 31 août 2015 de la société Isopro Sécurité Privée Phocéenne le positionnent sur le site de [Localité 8] ASC la nuit de 21h30 à 1heure du matin ou l'après-midi de 13 heures à 21h30 en tant « qu'agent conducteur de chien ».

Le planning complémentaire du mois de septembre 2015 fait bien la distinction entre son travail en tant qu'agent de sécurité APS CQP sur « RTM Itinérant » et son travail en tant « qu' agent conducteur de chien » sur la station [Localité 8] , attestant que le salarié a travaillé sous ces deux qualités.

De même, le statut d'agent cynophile est mentionné sur sa fiche n°144412 avec l'accréditation RTM n°34 et certificat antirabique et la fiche d'aptitude médicale réalisée le 11 juillet 2014 mentionne « qu'il est apte au travail et apte au travail de nuit, pas de port de chaussures de sécurité » laissant présumer une activité cynophile.

Les bulletins de paie du salarié mentionnent également depuis 2014 un emploi en qualité d'agent de sécurité cynophile et visent une indemnité chien. L'argument non efficient opposé par le salarié selon lequel celui ci en aurait informé oralement son employeur et n'avait pas à s'opposer au versement de la prime ne saurait être retenu.

Concernant la carte professionnelle, les dispositions de l'article R612-14 du code de la sécurité intérieure prévoient « la demande de carte professionnelle comprend les informations suivantes (...) 3° si l'activité est celle d'agent cynophile, la copie de la carte d'identification de chacun des chiens dont l'utilisation est envisagée (...) » .

Le document de demande de renouvellement de carte professionnelle précise spécifiquement «Si vous êtes agent cynophile et si vous utilisez de nouveaux chiens dont les numéros d'identification ne figurent pas sur votre carte professionnelle actuelle vous devez fournir le certificat d'identification du ou des chiens, l'attestation de formation que vous avez suivie avec chacun d'eux », le demandeur certifiant sur l'honneur que les renseignements portés sur la déclaration sont complet, exacts et sincères.

Le salarié a volontairement rempli la rubrique « agent cynophile » avec le numéro d'identification de son chien 2DYA250 malgré son arrêt de travail de 2012 , sans indiquer s'il était détenteur ou non d'un autre chien, lui permettant de poursuivre une activité cynophile sans avoir à fournir de certificat d'identification et d'attestation de formation pour un nouveau chien.

En conséquence, la cour constate que le salarié ne produit aucun élément probant démontrant qu'il occupait à titre principal le statut d'agent de sécurité, qu'il ne justifie pas avoir informé la société Isopro Sécurité Privée Phocéenne d'une modification de son statut du fait de l'arrêt de travail de son chien et qu'il n'a pas produit les documents nécessaires à la détention de son chien puisqu'il manquait dans son dossier le passeport canin avec les vaccinations à jour.

Sur ce dernier point en vertu des dispositions de l'annexe I.3 de l'accord du 26 septembre 2016 relatives aux qualifications professionnelles et à l'agent cynophile il est prévu « que l'agent de sécurité cynophile est un agent de sécurité qui doit s'attacher à constituer une véritable équipe homme chien (...) L'agent de sécurité cynophile est obligatoirement propriétaire de son chien en règle avec la législation en vigueur, (...) l'utilisation du chien pouvant être considéré comme une arme par destination (...) »

Il est donc spécifié de manière claire que le chien doit être en règle avec la législation en vigueur, le carnet de vaccination et le passeport canin étant des conditions impératives à l'exercice à l'emploi d'agent cynophile y compris pour des questions de sécurité d'autant que certaines races relatives aux animaux dangereux sont exclues du travail en vertu du dernière alinéa de l'article susvisé. Ces éléments doivent figurer dans son dossier.

La société Isopro Sécurité Privée Phocéenne ne peut être tenue pour responsable de ce manquement qui n'est pas de son fait alors que la conformité du chien avec la législation en vigueur est à l'initiative de l'agent propriétaire du chien, l'employeur n'a donc pas pu transmettre un dossier complet à la société entrante lorsque cette dernière l'a mise en demeure de lui fournir les éléments manquants.

De son côté, la société Main Sécurité établit par la production des échanges de courriers avec l'administrateur judiciaire Me [N] avoir respecté les dispositions de l'avenant du 28 janvier 2011 à l'accord du 5 mars 2002, le transfert du contrat du travail du salarié ne s'opérant pas de plein droit mais étant subordonné à l'accomplissement par la société sortante des diligences prévues par les dispositions de l'article 2.3.1.

La société Main Sécurité a réclamé à deux reprises le passeport canin avec les vaccinations à jour du chien de M. [U] mais les éléments ne lui sont pas parvenus dans le délai de 48 heures à compter de sa demande, ce qui a amené la société à refuser le transfert du contrat de travail du salarié.

En effet, en l'absence du carnet de vaccination et du passeport du chien, la société entrante a été dans l'impossibilité d'organiser dans des conditions de sécurité essentielle la reprise effective du salarié en tant qu'agent cynophile puisqu'elle ne pouvait pas contrôler que le numéro du chien autorisé figurant sur la carte professionnelle du salarié correspondait bien à celui avec lequel le salarié exerçait son activité et si le chien utilisé entrait bien dans la catégorie autorisée.

Dès lors, dans la mesure où le refus de l'entreprise entrante de transférer M. [U] est légitime et qu'il ne peut être reproché aucune faute à l'encontre de la société sortante, la cour par voie de confirmation dit que la procédure de licenciement engagée est régulière, le salarié faisant toujours partie de la société sortante et que l'ensemble des demandes du salarié à l'encontre de la société Main Sécurité doivent être rejetées.

Sur le le reclassement

Le salarié soutient que la société n'a pas loyalement recherché un poste permettant son reclassement alors qu'il disposait de compétences, ayant en plus de sa carte professionnelle un brevet de sauveteur secouriste. Il estime que la société ne verse pas le courrier adressé aux aux entreprises aux fins de reclassement se contentant de produire les courriers de réponse des entreprises toutes identiques et selon lui constituant un même groupe.

Le liquidateur indique que le reclassement était impossible et qu'il n'existe aucun lien capitalistique entre la société Isopro Sécurité Privée Phocéenne et les autres sociétés consultées.

L'appelant ne produit en cause d'appel aucun élément nouveau de nature à remettre en cause l'appréciation faite par le premier juge qui a considéré que la société Isopro Sécurité Privée Phocéenne n'a pas manqué à son obligation de reclassement au regard des pièces produites attestant de la consultation de plusieurs entreprises ayant répondu négativement et de la décision administrative de la Direccte qui s'est assurée du respect de cette obligation.

Il y a lieu d'ajouter qu'il n'est pas établi l'appartenance de l'entreprise à un groupe et qu'aucun reclassement n'était possible au sein de l'entreprise en liquidation judiciaire.

La décision déférée doit en conséquence être confirmée en ce qu'elle a dit que le licenciement économique éait fondé sur une cause réelle et sérieuse.

Sur les conséquences de la rupture

L'article R.1234-2 du code du travail dans sa version applicable au litige prévoit que l'indemnité de licenciement ne peut être inférieure à un cinquième de mois de salaire par année d'ancienneté, auquel s'ajoutent deux quinzièmes de mois par année au-delà de dix ans d'ancienneté.

Le salaire moyen mensuel de référence, non contredit par les parties, est de 2 083 €.

L'ancienneté du salarié est de 9 ans et 4 mois en tenant compte des deux mois de préavis.

Le salarié peut prétendre à la somme de:

(2 083x1/5 x9)+(2 083x1/5x4/12) = 3 888,26 euros - 3 713,15 euros déjà versés, soit un reliquat de 175,11 € qui doit être fixée au passif de la société.

La décision déférée doit donc être infirmée en ce sens avec délivrance par Me [P] d'un bulletin de salaire récapitulatif rectifié, sans astreinte.

Sur la garantie de l'AGS CGEA

La liquidation jusiciaire de la société a été prononcée par jugement du 3 juin 2015.

L'AGS CGEA de [Localité 7] doit sa garantie tant pour les sommes dues au titre de l'exécution du contrat de travail que pour celles résultant de la rupture.

Le jugement de liquidation a arrêté le cours des intérêts légaux conformément aux dispositions de l'article L.622-28 du code de commerce.

La cour confirme la décision déférée sur ce point.

Sur les frais et dépens

Les circonstances de la cause justifient de voir écarter les demandes faites sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile .

Le salarié qui succombe à titre principal doit s'acquitter des dépens.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, en matière prud'homale,

Confirme, dans ses dispositions soumises à la cour, le jugement déféré SAUF s'agissant du montant du reliquat de l'indemnité de licenciement ;

Statuant à nouveau du chef infirmé et y ajoutant,

Fixe la créance de M. [Z] [U] au passif de la liquidation judiciaire de la société Isopro Sécurité Privée Phocéenne représentée par Me [P], ès qualités de mandataire liquidateur, à la somme de 175,11 € à titre de reliquat de l'indemnité de licenciement,

Ordonne la remise par Me [P] d'un bulletin de salaire récapitulatif rectifié conforme au présent arrêt mais Dit n'y avoir lieu à astreinte;

Rappelle que l'Unédic délégation AGS CGEA de [Localité 7] est tenue à garantie dans les termes des articles L.3253-8 et suivants du code du travail, en l'absence de fonds disponibles ;

Rejette le surplus des demandes des parties ;

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne M. [U] aux dépens d'appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-3
Numéro d'arrêt : 19/00547
Date de la décision : 07/04/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-04-07;19.00547 ?
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