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07/04/2023 | FRANCE | N°19/00160

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-3, 07 avril 2023, 19/00160


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-3



ARRÊT AU FOND



DU 07 AVRIL 2023



N° 2023/ 62



RG 19/00160

N° Portalis DBVB-V-B7D-BDSHB







SAS MAIN SECURITE





C/



[S] [K]

























Copie exécutoire délivrée

le 07 Avril 2023 à :



Me Sandrine MATHIEU, avocat au barreau de MARSEILLE



Me Sophie ROBERT, avocat au barreau de MARSEILLE






















Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de MARSEILLE en date du 29 Novembre 2018 enregistré au répertoire général sous le n° 17/00281.





APPELANTE



SAS MAIN SECURITE Prise en son Etablissement de [Loca...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-3

ARRÊT AU FOND

DU 07 AVRIL 2023

N° 2023/ 62

RG 19/00160

N° Portalis DBVB-V-B7D-BDSHB

SAS MAIN SECURITE

C/

[S] [K]

Copie exécutoire délivrée

le 07 Avril 2023 à :

Me Sandrine MATHIEU, avocat au barreau de MARSEILLE

Me Sophie ROBERT, avocat au barreau de MARSEILLE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de MARSEILLE en date du 29 Novembre 2018 enregistré au répertoire général sous le n° 17/00281.

APPELANTE

SAS MAIN SECURITE Prise en son Etablissement de [Localité 4] 1 sis [Adresse 3], demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Sandrine MATHIEU, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIME

Monsieur [S] [K], demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Sophie ROBERT, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 24 Janvier 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Isabelle MARTI, Président de Chambre suppléant, chargée du rapport, qui a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre

Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller faisant fonction de Président

Madame Isabelle MARTI, Président de Chambre suppléant

Greffier lors des débats : Mme Agnès BAYLE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 24 Mars 2023, délibéré prorogé en raison de la survenance d'une difficulté dans la mise en oeuvre de la décision au 07 Avril 2023.

ARRÊT

CONTRADICTOIRE

Prononcé par mise à disposition au greffe le 07 Avril 2023

Signé par Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre et Madame Florence ALLEMANN-FAGNI, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

* * *

FAITS ET PROCÉDURE

M. [S] [K] a été engagé par la société Main Sécurité à compter du 5 mai 2014 en qualité d'assistant d'exploitation, classification maîtrise, coefficient 185, par contrat à durée indéterminée à temps complet avec une rémunération mensuelle brute de 2 150 €.

La convention collective nationale applicable était celle des entreprises de prévention et de sécurité .

Par courrier du 25 mai 2016, le salarié était convoqué au 6 juin 2016 pour une éventuelle sanction disciplinaire pour non-respect de la législation du travail et des procédures administratives internes et pour non-respect des consignes applicables et recevait le 5 juillet 2016 une mise à pied disciplinaire de 2 jours.

M. [K] était également convoqué le 23 juin 2016 à un entretien préalable à une mesure de licenciement fixé au 11 juillet 2016 et reporté au 29 juillet 2016.

Le salarié, en arrêt de travail pour maladie à compter du 23 juin 2016, était reconnu à la même date «inapte temporaire jusqu'au 13 juillet 2016 inclus à revoir le 18 juillet 2016 ».

Il était licencié par courrier du 29 août 2016 pour cause réelle et sérieuse.

Contestant la légitimité de la mesure de licenciement prise à son encontre M. [K] saisissait le 10 février 2017 le conseil de prud'hommes de Marseille en paiement d'indemnités diverses.

Par jugement du 29 novembre 2018 le conseil de prud'hommes de Marseille en la forme de départage a statué comme suit :

« Dit que le licenciement de [K] par la société Main Sécurité est dépourvu de cause réelle et sérieuse;

Condamne la société Main Sécurité à verser à M. [K] les sommes suivantes :

- 16.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse;

- 4.300 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, outre la somme de 430 euros bruts de congés payés y afférents ;

Condamne d'office la société Main Sécurité à rembourser à Pôle Emploi les indemnités de chômage perçues par M. [K] dans la limite des trois premiers mois indemnisés;

Dit que le présent jugement sera notifié à la diligence du Greffe de cette juridiction à Pôle Emploi;

Condamne la société Main Sécurité à verser à M. [K] la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Condamne la société Main Sécurité aux entiers dépens de la présente procédure .

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires».

Par acte du 3 janvier 2019, le conseil de la société Main Sécurité a interjeté appel de cette décision.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Aux termes de ses dernières conclusions du communiquées par voie électronique au greffe le 29 mars 2019, la société demande à la cour de :

« Infirmer le jugement de départage du 29 novembre 2018,

En conséquence :

Dire et Juger que le licenciement de M. [K] est régulier et fondé en tout point,

Dire et Juger que M. [K] a été empli en entier de ses droits salariaux,

Débouter M. [K] de l'entier de ses demandes,

Condamner M. [K] à verser à la société Main Sécurité la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

Le Condamner aux entiers dépens ».

Dans ses dernières écritures communiquées par voie électronique au greffe le 25 juin 2019, M. [K] demande à la cour de :

« Confirmer le jugement du 29 novembre 2018 en ce qu'il a :

Constaté que le licenciement est dénué de toute cause réelle et sérieuse

Condamné la société Main Sécurité à verser à M. [K] 4 300 € au titre des indemnités de préavis

Condamné la société Main Sécurité à verser à M. [K] 430 € au titre des congés payés sur préavis

Réformer le montant de 16 000 euros alloué au titre des dommages et intérêts

En conséquence,

Condamner la société Main Sécurité à verser à M. [K] 17 000 € au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

Condamner la société Main Sécurité à verser à M. [K] 4 300 € au titre des indemnités de préavis, outre 430 € au titre des congés payés sur préavis

Condamner la société Main Sécurité à verser à M. [K] 4 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ».

Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer à leurs écritures susvisées.

MOTIFS DE LA DECISION

A titre liminaire, la cour rappelle qu'en application des dispositions de l'article 954 du code de procédure civile , elle ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et que les « dire et juger» et les «constater» ainsi que les «donner acte» ne sont pas des prétentions en ce que ces demandes ne confèrent pas de droit à la partie qui les requiert hormis les cas prévus par la loi; en conséquence, la cour ne statuera pas sur celles-ci, qui ne sont en réalité que le rappel des moyens invoqués.

Sur le licenciement

En vertu des dispositions de l'article L.1232-6 du Code du travail, la lettre de licenciement comporte l'énoncé du ou des motifs invoqués par l'employeur ; la motivation de cette lettre fixe les limites du litige.
 

En l'espèce, la lettre de licenciement était libellée dans les termes suivants :

«Par courrier recommandé en date du 23 juin 2016, nous vous avions convoqué le 11 juillet 2016 à un entretien préalable à sanction disciplinaire pouvant aller jusqu'au licenciement.

Par courrier du 12 juillet 2016, vous nous avez informés que vous aviez été placé dans l'impossibilité d'assister à cet entretien et vous nous avez demandé de fixer une nouvelle date d'entretien.

A cet égard et soucieux de recueillir vos explications, nous vous avons convoqué à un nouvel entretien fixé au 29 juillet 2016.

Vous vous étes présenté à cet entretien accompagné de Monsieur [X] [B], salarié de notre entreprise et je me suis fait assister de M. [P] [M], responsable d' exploitation. Au cours de cet entretien, nous vous avons exposé les motifs de la décision que nous envisagions de prendre à votre encontre, et vous avez pu de votre côté fournir vos explications sur les faits reprochés :

- Non-respect de la législation du travail et des procédures administratives internes

- Non-respect des consignes applicables

- Atteinte aux intéréts de l'entreprise

Vous étes employé par la SAS MAIN SECURITE, agence de [Localité 4], depuis le 05 mai 2014 ou vous occupez en dernier lieu le poste d'Assistant d'Exploitation, et vos principales missions, rappelées dans votre fiche de poste, sont entre autres :

- Participer au bon fonctionnement de l'agence;

- Assurer l'embauche du personnel;

- Suivre l'organisation des prestations sur les sites dont vous avez la charge et assurer la bonne mise en oeuvre des plannings dans le respect de la réglementation de la durée de travail.

Nous sommes au regret de devoir constater de nouveaux manquements préjudiciables dans l'accomplissement de vos missions.

En premier lieu, en votre qualité d'Assistant d'Exploitation, vous avez pour missions de réaliser les demandes de contrats et d'avenants aupres du service RH dans le respect des obligations légales.

Nous constatons une nouvelle fois que vous ne nous transmettez pas systématiquement les demandes de contrat préalablement à l'embauche des salariés conformément à nos procédures internes.

Ainsi, Monsieur [H] [Y] a travaillé pour notre société du 03 au 30 juin 2016 sans qu'aucune demande de contrat de travail n'ait été réalisée par vos soins.

Cette absence de demande de contrat a eu pour conséquence de faire travailler M. [Y] sans que nous ayons procédé au préalable à la déclaration préalable à l'embauche (DPAE) et sans que lui soit remis son contrat de travail à durée déterminée dans les 48h suivant l'embauche.

D'ailleurs, par courriel du 21juin 2016, un représentant du personnel a alerté la Direction sur le fait que M. [Y] travaillait sans contrat de travail et solliciter ainsi la requalification de son contrat de travail en contrat à durée indéterminée. Devant les manquements avérés mis en avant et afin d'éviter toute procédure prud'homale, nous avons été contraints de régulariser M. [Y] dans sa situation par la proposition d'un contrat à durée indéterminée à temps complet.

Mêrme si nous avons pu éviter un risque contentieux, il n'en demeure pas moins que l'embauche d'un CDI à temps complet est nécessairement préjudiciable pour notre établissement qui est en situation de sureffectif depuis plusieurs mois.

Vous ne pouvez ignorer conformément à la procédure en vigueur, que chaque exploitant doit établir pour chaque embauche, une demande de contrat qui doit être remise au service des Ressources Humaines de l'agence. Cette demande de contrat doit être établie suffisamment à l'avance afin de permettre au service RH d'établir le contrat de travail et surtout de procéder à la déclaration préalable à l'embauche.

De plus, en date du 20 avril 2016, vous avez établi une demande de contrat de travail à durée déterminée pour M. [R] en remplacement de salarié absent pour la périocle du 03 mai au 12 juin 2016.

Par courriel du 09 mai 2016, le service RH vous a rappelé qu'un contrat à durée déterminée ne pouvait étre conclu que pour un seul motif d'absence et vous a indiqué que votre demande de contrat ne pouvait étre prise en compte que pour la période du 03 au 12 mai 2016. Il vous était alors demandé d'établir une nouvelle demande de contrat pour couvrir le salarié pour la période après le 12 mai 2016.

Par courriel en date du 18 mai 2016, le service RH a transmis à l'ensemble des exploitants, la liste des 'fictifs ' demeurant sans contrat de travail et dont faisait partie Monsieur [G].

En l'absence de demande de contrat pour la période du 16 au 30 mai 2016, le service RH a été contraint d'ouvrir dans le logiciel de paie HR ACCESS, un contrat sur une base minimum et ce afin de permettre de clôturer la paye de M. [G]. En outre, malgré les différentes relances du service planification en date des 24, 27, 30 et 31 mai 2016 ainsi que des 1er , 02, 03 et 06 juin 2016, vous informant de l'état des 'fictifs' sur le mois de mai 2016 dont faisait partie M. [G], vous n'avez pas fait remonter dans le logiciel de planification BM Soft, l'intégralité des vacations travaillées par M. [G].

Ce dernier n'ayant pas été rémunéré pour l'intégralité des heures travaillées sur le mois de mai 2016 et n'ayant pu bénéficier de la qualification correspondante aux missions réalisées, a transmis par courriel du 16 juin 2016, une demande de régularisation sur salaire que vous avez transféré au service RH.

Par courriel du 17 juin 2016, Mme [W] [A], agissant en qualité d'Assistante Administrative RH/PAIE, vous a rappelé que le service RH n'était toujours pas en possession d'une demande de contrat pour la période du 16 au 30 mai 2016, demande de contrat qu'elle vous a demandé de lui transmettre.

Pour autant et malgré l'ultime demande de Mme [A], vous n'avez pas jugé utile d'établir la demande de contrat de M. [G] afin de permettre la régularisation de son dossier.

Lors de l'entretien, vous avez reconnu avoir ' oublié ' d'établir la demande de contrat CDD de Monsieur [Y] pour le mois de juin 2016. En ce qui concerne le dossier [G], vous nous avez expliqué qu'il y avait une 'coquille ' dans la demande de contrat et que le contrat avait dû être refait quelques jours après mais que le salarié avait refusé de le signer au motif que nous n'étions plus dans les délais impartis.

Ces manquements ont pour conséquence d'une part de faire travailler des personnes sans contrat de travail et DPAE mais bien plus encore, l'absence de demande de contrat avant la clôture de la paye met le service des Ressources Humaines dans l'impossibilité de procéder au paiement des heures travaillées.

Dans la mesure ou les demandes de contrats ne sont pas effectuées dans les délais impartis voire pas effectuées du tout, les agents se retrouvent sur sites sans avoir au préalable signé leurs contrats, ce qui implique une multitude de régularisations de paie sur le mois suivant.

L'absence de demande de contrat nous met nécessairement dans l'impossibilité d'établir une déclaration préalable à l'embauche.

Or, nous vous rappelons que la déclaration préalable à l'embauche doit étre réalisée au plus tard juste avant l'entrée en fonction du salarié. Le non-respect de cette régle est susceptible d'étre sanctionné au titre du travail dissimulé et est également passible d'une amende administrative.

Ces retards importants sur l'établissement et la signature des contrats ne sont pas sans conséquences et ont engendré des requalifications de contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée à temps complet.

Tous ces faits sont caractéristiques de manquements professionnels graves et ne peuvent être acceptés plus longtemps sans mettre en péril l'équilibre et le bon fonctionnement de notre établissement. Notre climat social aussi bien vis-à-vis de nos salariés que de nos institutions représentatives du personnel se trouve détérioré par vos agissements, votre manque de rigueur et de professionnalisme. ll est à noter que la demande de régularisation du dossier de M.[G] a été portée à la réunion des délégués du personnel du 28 juin 2016 et débattue devant l'ensemble des élus.

L'ensemble des écarts constaté à nouveau démontre que vous perdurez dans votre comportement malgré la mise à pied disciplinaire dont vous avez fait l'objet en date du 5 juillet 2016. En effet, lors de l'entretien préalable qui s'était tenu le 06 juin 2016, nous avions pu vous rappeler toute l'importance de respecter strictement les procédures administratives internes garant du respect de la législation du travail. À la fin de cet entretien, nous vous avions mis en garde sur les conséquences plus graves et définitives sur nos relations contractuelles que pourrait avoir tout nouveau manquement en matière de gestion du personnel.

Malgré tout, nous sommes au regret de devoir constater que vous n'avez pas pris conscience de la gravité de vos agissements qui font peser sur notre société un certain nombre de risques financiers, de risques contentieux voire pénaux.

En second lieu, en votre qualité d'Assistant d'Exploitation, notre société met à votre disposition, pour les besoins stricts de votre activité professionnelle, un véhicule de service.

Ce véhicule n'étant pas affecté de facon permanente, l'employeur est en droit pour toute période d'absence, de demander au collaborateur la restitution du véhicule mis à disposition.

Or, en date du 23 juin 2016, le service de la médecine du travail nous a transmis votre fiche d'inaptitude temporaire jusqu'au 13 juillet 2016.

Dès lors, par telégramme envoyé le 23 juin 2016 à 15h48, nous vous avons demandé de restituer votre véhicule de service du fait que de manière temporaire, vous n'étiez plus en mesure d'exécuter votre prestation de travail.

Malgré le fait que vous ayez pris connaissance du message téléphonique laissé sur votre répondeur par le service Orange, vous n'avez pas jugé bon de restituer votre véhicule de service.

Lors de l'entretien, vous nous avez expliqué tout d'abord que vous n'aviez jamais reçu de télégramme n'hésitant pas ainsi à mentir délibérément à votre employeur.

En effet, le 24 juin 2016 à 16h32, vous avez adressé sur le portable personnel de Mme [F] [V], un message téléphonique pour lui demander si le télégramme venait de la société ONET, ce à quoi elle a répondu par l'affirmative.

Dès lors, vous ne pouviez ignorer la demande faite par votre hiérarchie de restituer votre véhicule.

Vous avez ensuite expliqué que quoiqu'il en soit, vous n'étiez pas en mesure de restituer le véhicule car vous étiez en vacances au Canada.

Outre le fait que nous sommes surpris que vous puissiez partir en congés à l'étranger alors même que vous avez produit un arrêt de travail pour maladie pour la période du 23 juin au 31 juillet 2016, il n'en demeure pas moins que vous étiez rentré en France depuis le 09 juillet 2016 et que des lors, vous étiez parfaitement en mesure de restituer le véhicule.

Pour autant au jour de l'entretien préalable soit le 29 juillet 2016, vous n'aviez toujours pas restitué le véhicule de service.

Nous vous rappelons que vous vous étes engagé contractuellement à une obligation de bonne foi qui se traduit par un devoir de loyauté et de coopération.

Or, en faisant fi dans un premier temps de ne pas avoir pris connaissance du télégramme adressé par votre employeur puis dans un deuxiéme, en laissant croire que vous n'étiez pas en mesure de restituer le véhicule de service du fait de votre absence à l'étranger alors même que vous étiez rentré en France depuis le 09 juillet 2016, vous avez gravement manqué à votre obligation de bonne foi contractuelle.

Vous avez oublié vos obligations d'Assistant d'Exploitation, à savoir, l'honnêteté envers la société, l'intégrité attendue de ses collaborateurs, le respect des obligations envers l'ensemble de vos supérieurs hiérarchiques et homologues, et des procédures de la société... et négligé les différents remarques et avertissements quant à votre comportement professionnel.

La conséquence de votre attitude rend donc impossible de maintenir l'indispensable climat de confiance sans lequel une relation contractuelle ne peut exister.

Dans de telles conditions, nous sommes contraints de rompre nos relations contractuelles et de vous licencier pour cause réelle et sérieuse, qui intenviendra à la date d'envoi du présent courrier.

Votre préavis que nous vous dispensons d'effectuer débutera à la date de présentation de ce courrier et se terminera deux mois plus tard, date à laquelle vous cesserez de faire partie du personnel (...).

La société fait état des griefs de non-respect de la législation du travail et des procédures administratives internes, de non-respect de ces consignes applicables et d'atteinte aux intérêts de l'entreprise ainsi que l'absence de restitution du véhicule de service à partir de juin 2016.

Elle estime que le salarié ne démontre pas que l'employeur avait connaissance de l'ensemble des faits lors du prononcé de la première sanction, que rien ne l'empêchait d'évoquer dans la lettre de licenciement des faits déjà sanctionnés afin de souligner le contexte et qu'elle démontre avoir eu connaissance de nouveaux faits jusqu'au 4 juillet 2016, soit postérieurement à la première sanction disciplinaire, qu'elle ne pouvait invoquer des griefs non soumis au principe du contradictoire dans la notification de la mise à pied disciplinaire sous peine d'être elle-même sanctionnée.

La société indique qu'elle n'a pas exigé la restitution du véhicule ni au 23 juin au 24 juin 2016 mais « qu'elle lui a simplement demandé de le restituer » et qu'elle a attendu la restitution le 9 juillet 2016 date à laquelle le salarié avait clairement précisé qu'il ramènerait le véhicule, soit postérieurement à la notification de la mise à pied disciplinaire du 5 juillet 2016.

La société produit notamment les éléments suivants :

- un e-mail du 15 avril 2016 de Mme [A] à plusieurs assistants d'exploitation dont M. [K] réclamant les contrats de travail pour une liste de personnes.

- un e-mail du 27 avril 2016 de M. [M] adressé à M. [K] sur les tableaux de suivi d'exploitation et du 6 mai 2016 lui demandant de remplir un tableau des heures facturées.

- un e-mail du 4 juillet 2016 de Mme [V] adressé à M. [C] faisant le point sur les contrats du mois d'avril fait en mai en réponse à un mail de M.[C] concernant un tableau des salariés avec les demandes des contrats pour le mois d'avril. (Pièce 11)

- une fiche de gestion des embauches CDD (pièce 10).

Le salarié oppose le fait que la société lui reproche des griefs qui ont déjà fait l'objet d'une sanction disciplinaire en violation du principe « non bis in idem » et que compte tenu de son arrêt maladie du 23 juin 2016, il ne pouvait entre le 5 juillet 2016 date de la notification de sa sanction disciplinaire et le 29 août 2016, date de la notification du licenciement, avoir commis des faits nouveaux.

Il précise que la charge de la preuve repose sur l'employeur et que ce dernier évoque des faits prescrits en particulier dans l'e-mail du 6 mai 2016, jamais sanctionnés et dont le caractère fautif n'est nullement démontré et de nature différente de ceux reprochés dans la lettre de licenciement.

Il estime au fond la mesure disproportionnée.

Il indique qu'il était dans l'impossibilité de restituer le véhicule 24 juin puisqu'il était au Canada au moment de l'envoi du télégramme de la société et que le 5 juillet 2016 cette dernière avait parfaitement connaissance de cette non restitution du véhicule.

Il souligne que cette sanction a eu pour conséquence d'épuiser son pouvoir disciplinaire sur l'ensemble des faits mêmes distincts commis antérieurement à la notification de la sanction.

Selon l'article L. 1235-1 du code du travail, en cas de litige, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

En application du principe 'non bis in idem', aucun fait fautif ne peut donner lieu à une double sanction. Ainsi, l'employeur qui a épuisé son pouvoir disciplinaire en appliquant immédiatement une sanction, ne peut prononcer ultérieurement un licenciement pour le même fait.

De même, en vertu de la règle de l'interdiction du cumul de sanctions l'employeur qui, bien qu'informé de plusieurs faits considérés par lui comme fautifs, choisit dans un premier temps de ne sanctionner que certains d'entre eux, ne peut plus par la suite sanctionner les autres faits.

La cour relève à titre liminaire que les pièces produites par la société concernent uniquement des faits antérieurs au 6 juin 2016 et non des faits postérieurs tels qu'exposés dans la lettre de licenciement et estime que c'est par des motifs exacts et pertinents, adoptés par la cour, que le premier juge a considéré que les griefs relatifs au non-respect des procédures administratives internes et des consignes applicables ayant donné lieu à l'entretien du 6 juin 2016 et au courrier du 5 juillet 2016 avec mise à pied disciplinaire de deux jours avec une retenue sur son salaire sont également ceux reprochés dans la lettre de licenciement du 29 août 2016.

C'est donc à juste titre que le premier juge a dit que la société avait épuisé son pouvoir de sanction disciplinaire.

Concernant le second grief de non restitution du véhicule de service, la cour constate qu'aucune pièce n'est versée au soutien de ce manquement, ce qui ne permet pas de définir les termes exacts de la restitution du véhicule et la date de remise supposée de sorte que le premier juge a légitimement estimé que ce grief ne pouvait plus être retenu à l'encontre de M. [K]. En effet, il n'est pas contesté que dès le 24 juin 2016, la société a bien réclamé le véhicule aux fins de restitution et qu'informée de ce fait considéré par elle comme fautif, la société a choisi de ne sanctionner le 5 juillet 2016 que certains autres faits.

Dès lors, la cour par voie de confirmation dit que le licenciement n'a pas de cause réelle et sérieuse.

Sur les conséquences de la rupture

Sur l'indemnité de préavis

La société ne justifie pas avoir versé l'indemnité compensatrice de préavis ainsi que les congés payés afférents au salarié qui a été dispensé d'exécuter son préavis, la cour confirme en conséquence le montant de 4 300 € bruts correspondant aux deux mois de préavis retenu par le premier juge.

Sur l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

M. [K] justifie de deux ans et quatre mois d'ancienneté avec un salaire moyen mensuel de référence d'un montant de 2 672,55 €. C'est par une juste appréciation de la cause que le premier juge qui a relevé l'absence d'éléments portant sur sa situation postérieure a retenu la somme de 16'000 euros au titre de indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur les frais et dépens

La société qui succombe doit s'acquitter des dépens, être déboutée de sa demande faite en application de l'article 700 du code de procédure civile, et à ce titre, condamnée à payer à M. [K] la somme de 2000€.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, en matière prud'homale,

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Condamne la société Main Sécurité à payer à M. [S] [K] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société Main Sécurité aux dépens d'appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-3
Numéro d'arrêt : 19/00160
Date de la décision : 07/04/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-04-07;19.00160 ?
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